CHAPITRE 2 : Formes différentielles, Intégrales curvilignes Soit Ω un ouvert du plan R2 , c’est-à-dire un ensemble qui ne contient aucun point de sa frontière, par exemple R2 entier, un disque ouvert D = {(x, y)|(x − a)2 + (y − b)2 < R2 }, un demi-plan sans sa frontière etc ... Définitions : a) On appelle forme différentielle sur Ω l’expression ω = M (x, y)dx + N (x, y)dy (1) où 2 M, N : Ω → R sont deux fonctions continues (souvent supposées différentiables). b) Soit V : Ω → R une fonction de classe C 1 . On appelle différentielle totale de V la forme différentielle ∂V ∂V ∂V ∂V dV = (x, y) dx + (x, y) dy (c’est-à-dire qu’alors M = et N = dans (1)) ∂x ∂y ∂x ∂y c) La forme ω est fermée si ∂M ∂N (x, y) = (x, y) ∀(x, y) ∈ Ω ∂y ∂x (2) d) La forme ω est exacte s’il existe V : Ω → R de classe C 1 telle que ω = dV . On dit aussi que ω est la différentielle totale de V ou que V est un potentiel pour (ou dont dérive) ω. Exemple thermodynamique : Un gaz parfait est compressé d’une certaine façon, son état est caractérisé par v le volume, t la température et p la pression. Pour de petits accroissements dt et dp de la température et de la pression, l’accroissement d’échange de chaleur est δQ = M (t, p)dt + N (t, p)dp = cdt − vdt où c est la capacité calorifique et pv = nRt (équation des gaz parfaits) qui est une forme différentielle. Exemple : Ω = R2 et ω = (y − 3x2 )dx + (x − 4y)dy ∂(y − 3x2 ) ∂(x − 4y) =1= · ∂y ∂x ∂V ∂V = y − 3x2 (1) et = x − 4y (2) • ω est exacte car ∃V : Ω → R telle que ∂x ∂y • ω est fermée car V = xy − x3 + f (y) vérifie (1) pour toute f de classe C 1 . En reportant dans (2), la fonction f doit satisfaire : ∂V = x + f 0 (y) = x − 4y ⇐⇒ f 0 (y) = −4y ⇐⇒ f (y) = −2y 2 + Cte. ∂y Finalement, avec V (x, y) = xy − x3 − 2y 2 + Cte on a dV = ω. Remarque : Le potentiel V , quand il existe, est défini à constante près. Proposition : Si ω est C 1 et exacte, elle est fermée. ∂V ∂V ∂V 1 ∂V dx + dy avec et C . D’après le théorème de Schwartz, on a : ω = dV = ∂x ∂y ∂x ∂y ∂ ∂V ∂2V ∂2V ∂V ∂V ∂M ∂N ∂V ∂V = = = soit = avec M = et N = · ∂y ∂x ∂y∂x ∂x∂y ∂x ∂y ∂y ∂x ∂x ∂y Définition : L’application X : Ω → R2 définie par X(x, y) = (M (x, y), N (x, y)) est un champ de vecteurs. Définition : Une courbe paramétrée γ : t ∈ I 7→ (x(t), y(t)) de classe C 1 est une courbe intégrale de ω = M (x, y)dx + N (x, y)dy si M (x(t), y(t))x0 (t) + N (x(t), y(t))y 0 (t) = 0 ∀t ∈ I . Cette condition revient à orthogonalité des vecteurs γ 0 (t) = (x0 (t), y 0 (t)) et X(x(t), y(t)) = (M (x(t), y(t)), N (x(t), y(t))), ∀t ∈ I. Proposition : Si ω = dV , une courbe intégrale de ω est une courbe de niveau de V . Dérivons la fonction d’une variable h(t) = V (x(t), y(t)) par rapport à t. On a h0 (t) = ∂V ∂V (x(t), y(t)) x0 (t) + (x(t), y(t)) y 0 (t) = 0. ∂x ∂y Définition : On appelle chemin allant de A à B ∈ R2 une courbe paramétrée de classe C 1 par morceaux γ : [a, b] → R2 telle que γ(a) = A (origine du chemin) et γ(b) = B (extrémité du chemin). Définition : L’intégrale curviligne de la forme ω = M (x, y)dx + N (x, y)dy le long du chemin γ est Z Z ω= γ a b M dx + N dy dt = dt Z b (M (x(t), y(t))x0 (t) + N (x(t), y(t))y 0 (t))dt = a Z b < X(x(t), y(t)), γ 0 (t) > dt a On dit aussi que le nombre trouvé est la circulation du champs de vecteurs X(x, y) le long γ. R L’intégrale curviligne γ ω ne dépend pas de la paramétrisation du chemin γ car changer de paramètre revient à faire un changement de variable pour calculer la même intégrale : vérifiez le ! 1 R Proposition : Si ω est exacte c’est-à-dire si ω = dV où V est de classe C 2 , on a γ ω = V (B) − V (A). Z b Z Z Z b h ib dV (x(t), y(t)) ∂V dx ∂V dy dt = + dt = V (x(t), y(t)) = V (B) − V (A). ω= dV = ∂x dt ∂y dt dt a a γ γ a R En particulier, si le chemin γ est fermé , c’est-à-dire si A = B, on a γ dV = 0. R Proposition (admise) : ω est exacte ⇐⇒ γ ω = 0 ∀γ chemin fermé et si ω est définie sur R2 , un disque ou un rectangle, on a : ω est fermée ⇐⇒ ω est exacte. Exemple : ω = (1 + y)dx + (2 − x)dy on veut calculer l’intégrale de ω du point A = (0, 0) au point B = (2, 4) le long des chemins suivants : i) γ1 : La droite y = 2x. ii) γ2 : La parabole y = x2 . iii) γ3 : La ligne brisée constituée des droites y = 0 et x = 2. R R2 R2 i) t = x, y = 2x on a γ1 ω = 0 (1 + 2x)dx + (2 − x)2dx = 0 5dx = 10. 2 R R2 R2 ii) t = x, y = x2 on a γ2 ω = 0 (1 + x2 )dx + (2 − x)2xdx = 0 (1 + 4x − x2 )dx = x + 2x2 − x3 /3 0 = 22/3. R R2 R4 iii) Paramétrons le premier segment par x → (x, 0) et le second par y → (0, y) on a γ3 ω = 0 dx + 0 0.dy = 2. Conclusion : L’intégrale curviligne d’une forme non exacte ω dépend vraiment du chemin allant de A à B. Exemple de forme fermée non exacte : Sur l’anneau Ω = {(x, y) ∈ R2 |R12 < x2 +y 2 < R22 } où 0 < R1 < R2 , xdy − ydx est bien définie et de classe C ∞ . la forme ω = x2 + y 2 y y 2 −x2 ∂ x ∂ a) La forme ω est fermée car ∂x x2 +y 2 = (x2 +y 2 )2 = − ∂y x2 +y 2 b) La forme ω n’est pas exacte car si on pose γ(θ) = (R cos θ, R sin θ) où R est fixé avec R1 < R < R2 , on a : Z Z 2π Z 2π 2 Z 2π x(θ)y 0 (θ) − x0 (θ)y(θ) R cos2 θ + R2 sin2 θ ω= dθ = dθ = dθ = 2π 6= 0 x2 (θ) + y 2 (θ) R2 γ 0 0 0 Définition : On dit qu’une fonction f : Ω → R∗ de classe C 1 est un facteur intégrant de la forme différentielle ω si la forme f ω est exacte. ∂f ∂ ∂ ∂M ∂N Une condition nécessaire est que f ω soit fermée soit : ∂y (f M ) = ∂x (f N ) ⇐⇒ M ∂f ∂y − N ∂x = f ∂x − ∂y . Remarque : Les courbes intégrales de ω sont alors les mêmes que celles de f ω = dV qui sont les courbes de niveau de V . Exemple thermodynamique : Le second principe énonce que l’inverse de la température 1/t est un facteur intégrant de ω = δQ et δQ t = dS où S est la fonction entropie. Théorème de Stokes : Soit ω = M (x, y)dx + N (x, y)dy uneRforme RR différentielle de classe C 1 et γ un chemin ∂M directement orienté encadrant un domaine A. On a l’égalité : γ ω = A dω où dω = ( ∂N ∂x − ∂y )dxdy. On peut ramener la démonstration au cas particulier où γ est le bord du rectangle A = [a, b] × [α, β]. Dans ce cas particulier, on vérifie le résultat par le calcul : RR ∂N RR Rβ Rb RR RR ∂M dω = A ( ∂N dxdy− A ∂M ∂x − ∂y )dxdy = ∂y dxdy = α ( a A ∂x A Ra Rα Rb R M (x, β)dx + β N (a, y)dy + a M (x, α)dx = γ ω b R b R β ∂M ∂N ∂x dx)dy− a ( α ∂y dy)dx = Rβ α N (b, y)dy+ Dans le cas général, pour chaque n entier, on recouvre au mieux le domaine A par des carrés de côté 1/n et on passe à la limite en faisant n → ∞. Exercice : Soit ω = (y 2 − x2 )dx − 2xydy définie sur Ω = R2 . 1) ω est elle fermée ? exacte ? 2) Soit les points O = (0, 0), A = (0, π). R a) Calculer I1 = γ1 ω où γ1 est le segment OA paramétré par x → (x, 0) avec 0 ≤ x ≤ π. R b) Calculer I2 = γ2 ω où γ2 est le chemin allant de O à A d’équation y = sin x avec 0 ≤ x ≤ π. c) Comparer I1 et I2 . Retrouver que ω n’est pas exacte. 1 0 2 ∗ (le plan privé de l’origine O) 3) Vérifier que f (x, y) = (x2 +y 2 )2 est un facteur intégrant de ω sur Ω = (R ) 0 c’est-à-dire trouver une fonction V (x, y) telle que f ω = dV sur Ω . 4) Décrire les courbes intégrales de ω. 2