
Que dire dans ces conditions de ceux qui empruntent à différents courants et que les spécialistes actuels de
l'histoire de la pensée qualifient d'auteurs "hétérodoxes". Il paraît souvent naturel de les considérer comme des
dissidents, mais eux-mêmes affirment parfois être au contraire soucieux du respect de la pensée d'origine des
grands auteurs.
La prudence s'impose donc dans la détermination des étiquettes politiques pouvant être associées à tel ou tel
courant de la pensée économique. C'est pour cette raison qu'il faut dans un premier temps tracer un tableau assez
large des éléments communs aux auteurs qui se réclament (ou sont rangés) de (dans) chacun de ces paradigmes.
Cette présentation ne se substitue pas à l’étude indispensable de l’histoire de la pensée économique, elle a
simplement pour objectif d’établir un cadrage méthodologique à partir des remarques suivantes.
Une théorie se développe dans un environnement historique qui doit être éclairé d'un triple point de vue.
Les caractéristiques socio-économiques de la période, parce que la révolution industrielle et la crise de 1929
ne conduisent pas aux mêmes préoccupations.
Le climat culturel et le mouvement général des idées, parce que les auteurs ne sont pas insensibles aux débats
des autres sciences ou à la réflexion philosophique.
Les objectifs spécifiques des auteurs dans leur propre domaine : critiquer les idées économiques dominantes du
moment soit pour les réfuter, soit pour les conforter à partir d'une nouvelle argumentation, traiter des questions
laissées jusque-là sans réponse.
Ces trois approches permettront de faire apparaître l'objet, la méthode et les résultats des analyses successives en
les inscrivant dans le temps.
A. La pensée économique libérale
La tradition respecte habituellement la distinction entre deux grands courants à l'intérieur de la pensée libérale :
des fondements posés par les classiques, et leur aménagement méthodologique réalisé par les néoclassiques.
Toutefois cette tradition est rejetée par certains auteurs, par exemple Keynes
[1] choisira de désigner comme
"classiques" tous les économistes « successeurs de Ricardo, c'est-à-dire les économistes qui ont adopté et
amélioré sa théorie y compris notamment Stuart Mill, Marshall, Edgeworth, et le professeur Pigou ».
1. Les économistes classiques
a) Le cadre historique de l'émergence de la pensée classique (1775-1850).
Le premier des auteurs classiques, l'écossais Adam Smith (1723-1790 écrit son livre le plus célèbre "Recherches
sur la nature et les causes de la richesse des nations" en 1776, et le dernier des grands économistes classiques,
[1] ) “Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie” (1936) Payot 1968 pour la
traduction française (page 29). Des commentateurs récents de Keynes proposent d’utiliser
l’expression “klassiques” pour désigner les économistes cités par Keynes pour éviter les
confusions, puisque Marshall (1842-1924), Edgeworth (1845-1926) et Pigou (1877-1959)
sont habituellement rangés dans l’école néoclassique. Il y a en effet des différences
importantes entre Ricardo qui écrit les “Principes de l’économie politique et de l’impôt” en
1817 et les trois auteurs cités qui sont des contemporains de Keynes (1883-1946)