Histoire de la pensée économique E. Reus Année 2008

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Histoire de la pensée économique
Année 2008-2009, session 1
MASS, L2, semestre 3
E. Reus
Durée 1h30
La reproduction de ce document est interdite. Son usage est réservé aux étudiants de licence
MASS (L2) de Brest des promotions 2008-2009 et 2009-2010.
HISTOIRE DE LA PENSÉE ÉCONOMIQUE
I. L’ÉCOLE NÉOCLASSIQUE (5 points)
Question 1 (1 point). Indiquez trois noms d’auteurs qui comptent parmi les principaux
fondateurs de cette école et indiquez à quelle date ils écrivent.
Question 2 (4 points). Citez quelques aspects (au moins quatre) qui distinguent l’école
néoclassique de l’école classique (soit qu’il s’agisse de points sur lesquels les néoclassiques
s’opposent aux classiques, soit qu’il s’agisse d’éléments nouveaux ou qui prennent de
l’importance avec l’apparition du courant néoclassique).
II. QUESTIONS SUR UN TEXTE DE KEYNES (15 points)
Lire le texte de Keynes annexé à ce sujet d’examen. Puis répondre aux questions ci-dessous.
Question 1 (7 points). L’école classique fait partie du courant qui selon Keynes croit le
système autorégulateur. Exposez tous les éléments étudiés en cours qui vont dans le sens de
cette conviction.
Il ne suffit pas de citer telle idée de tel économiste. Il faut de plus exposer le raisonnement qui
est développé à l’appui de cette idée.
Question 2 (4 points). Keynes affirme que « si l’économie ricardienne devait s’écrouler, un
des fondements intellectuels essentiels du marxisme s’écroulerait avec elle. » Justifier cette
affirmation de façon précise, d’une manière qui montre vos connaissances sur Ricardo et sur
Marx. Quels éléments tirés de la pensée ricardienne sont décisifs pour la théorie de Marx et
pourquoi ?
Question 3 (1 point). Indiquez le titre et la date de publication d’un ouvrage de Keynes.
Question 4 (3 points). Keynes dit que la théorie orthodoxe produit des conclusions qui lui
semblent inacceptables. Quelles sont donc ces conclusions qu’il juge fausses et qui sont
contestées par la théorie keynésienne ?
On vous demande d’énoncer clairement sur quels points la théorie de Keynes conduit à des
conclusions différentes. On ne vous demande pas d’exposer le modèle ou le raisonnement par
lequel Keynes justifie ses propres conclusions.
_____________
ANNEXE : TEXTE A LIRE AVANT DE TRAITER LA PARTIE II
À l’automne 1934, Keynes participa avec d’autres intervenants à une série d’émissions
radiodiffusées intitulée « La pauvreté dans l’abondance ». On trouvera ci-dessous un extrait
de ce qu’il a dit dans l’une d’elles.
J’ai dit que nous nous répartissions en deux groupes principaux. D’où vient le clivage qui
nous divise ainsi ? Il y a d’un côté ceux qui croient que le système économique existant est,
dans le long terme, un système qui s’autorégule, même si c’est avec des grincements, des
gémissements, des secousses et des retards, sans compter les interférences extérieures et les
erreurs. […] Ces personnes ne croient pas, bien sûr, que le système s’ajuste de lui-même,
automatiquement ou immédiatement. Mais ils croient qu’il possède une tendance inhérente à
l’auto-ajustement, s’il ne subit pas des interférences ou si l’action du changement ou du
hasard n’est pas trop rapide.
De l’autre côté, il y a ceux qui rejettent l’idée selon laquelle le système existant peut-être
qualifié, en quelque sens que ce soit, d’autorégulateur. Ils pensent que si la demande effective
n’atteint pas le niveau de l’offre potentielle, alors même que, du point de vue psychologique,
elle est très loin d’être satisfaite pour grande majorité des individus, c’est pour des raisons
bien plus fondamentales. […]
Le gouffre qui sépare ces deux écoles est plus profond, je pense, que la plupart de ceux qui
se tiennent de part et d’autre ne s’en rendent compte. De quel côté réside la vérité essentielle ?
C’est la question vitale que nous avons à résoudre. C’est de ce problème majeur que ces
allocutions doivent vous faire prendre clairement conscience, si elles doivent atteindre leur
objectif. […]
La force de l’école de l’auto-ajustement repose sur le fait qu’elle a derrière elle la quasitotalité du corpus de la pensée économique et de la doctrine de ces cent dernières années.
C’est une puissance formidable. Ce corpus est le produit d’esprits aiguisés et a convaincu la
majorité des personnes intelligentes et désintéressées qui l’ont étudié. Il jouit d’un grand
prestige et exerce une influence bien plus étendue qu’il n’y paraît. Car il constitue l’arrièreplan de l’éducation et des façons de penser habituelles, non seulement des économistes, mais
des banquiers, des hommes d’affaires, des fonctionnaires et des hommes politiques de tous
bords. Ses éléments essentiels sont acceptés avec ferveur par les marxistes. De fait, le
marxisme dérive en droite ligne de l’économie ricardienne […]. A tel point que, si l’économie
ricardienne devait s’écrouler, un des fondements intellectuels essentiels du marxisme
s’écroulerait avec elle.
[…] Je suis bien obligé d’admettre qu’une grande part du corpus établi de la doctrine
économique est largement correcte. Je ne la mets pas en doute. Je ne serai donc pas satisfait
tant que je n’aurai pas mis le doigt sur la faille de cette partie du raisonnement orthodoxe
conduisant aux conclusions qui, pour différentes raisons, me paraissent inacceptables. Je
pense que je suis en train d’y parvenir. Il y a, j’en suis convaincu, une faille fatale dans la
partie du raisonnement orthodoxe traitant de ce qui détermine la demande effective et le
volume global de l’emploi […].
Histoire de la pensée économique
Année 2008-2009, session 1
MASS, L2, semestre 3
E. Reus
Durée 1h30
ÉLÉMENTS DE CORRIGÉ DE L’EXAMEN D’HPE DE JANVIER 2009
I. L’ÉCOLE NÉOCLASSIQUE
Question 1. Les « fondateurs » sont Menger (1871), Jevons (1871), Walras (1874). Avant
eux, Cournot (1838) est l’auteur le plus important.
Question 2.
=> Les néoclassiques donnent un rôle important à l’utilité dans l’explication de la valeur,
alors que la plupart des classiques avaient minimisé le rôle de la valeur d’usage dans
l’explication de la valeur d’échange.
=> Alors que les grandes figures de la pensée classique ont une formation de type « sciences
humaines », plusieurs auteurs importants du courant néoclassique ont une formation de type
scientifique. Ce sont des auteurs de ce courant qui vont introduire l’usage des mathématiques
en économie. Le modèle des sciences physiques (mécanique classique) sert de référence à
certains des économistes néoclassiques.
=> L’école néoclassique (dite aussi marginaliste) se caractérise par l’usage du raisonnement à
la marge. Celui-ci est introduit en particulier dans l’analyse du comportement du
consommateur (avec la notion d’utilité marginale décroissante avec les quantités
consommées).
=> L’analyse néoclassique part des agents individuels (le consommateur, l’entreprise) vus
comme des agents rationnels : ils cherchent à atteindre au mieux un certain but sous certaines
contraintes. Par ailleurs, tous les agents sont sont vus comme étant à la fois offreurs et
demandeurs. En ce sens, tous les acteurs ont des comportements symétriques. L’analyse
classique accorde davantage d’importance aux classes sociales (capitalistes, rentiers, salariés)
qui jouent des rôles différents dans l’économie.
=> L’analyse néo-classique s’intéresse en premier lieu à l’échange. C’est l’étude de l’échange
qui fournit le modèle de base qui ensuite s’étend à la production. Alors que dans l’approche
classique l’analyse des relations nouées lors du cycle de production est première.
=> L’école classique s’intéressait à des questions relatives à l’évolution à long terme de
l’économie (le niveau de vie des salariés va-t-il s’améliorer ? Va-t-on vers l’état
sationnaire ?). Cette dimension disparaît avec l’émergence de l’école néoclassique.
II. QUESTIONS SUR UN TEXTE DE KEYNES
Ce corrigé ne donne que des indications sur les thèmes qui devait être abordés, sans les
développer (comme cela devait être fait dans votre copie). Pour les développements et
explications : se reporter au cours.
Question 1. Les éléments suivants devaient être mentionnés et expliqués :
=> Le thème de « la main invisible » chez Smith : l’argument selon lequel les capitalistes,
bien que poussés uniquement par leur intérêt personnel, font ce qui est utile pour la société. (2
points)
=> La loi des débouchés : théorie selon laquelle il ne peut y avoir d’insuffisance globale de la
demande, puisque toute offre supplémentaire crée une demande supplémentaire. (2 points)
=> La gravitation des prix de marché autour des prix naturels. En vertu de la loi de Say les
déséquilibres ne sont que sectoriels. La loi de la gravitation indique de plus qu’ils se corrigent
spontanément. (3 points)
Question 2. Marx et Ricardo
=> L’élément le plus décisif tiré par Marx de la pensée ricardienne est la théorie de la valeur
travail (TVT) dont Ricardo a défendu la validité générale contre Smith.
=> La théorie marxiste de la valeur de la force de travail (égale à la valeur des marchandises
nécessaires à l’ouvrier pour assurer sa subsistance et celle de ses enfants) est également assez
proche de la théorie ricardienne de la détermination du salaire naturel. Marx et Ricardo
pensent tous deux qu’il existe des forces tendant à maintenir le salaire au minimum vital.
Toutefois, les raisons avancées à l’appui de cette hypothèse sont différentes chez l’un et chez
l’autre.
=> Les deux éléments précédents sont centraux dans la théorie marxiste car c’est l’écart entre
la valeur créée par l’ouvrier (selon la TVT) et la valeur de la force de travail qui définit la plus
value. Sans ces éléments d’inspiration ricardienne, Marx n’aurait pas pu construire la théorie
de l’exploitation qui est vitale pour toute son analyse du capitalisme.
=> On pouvait noter par ailleurs que Ricardo comme Marx avaient reconnu l’existence d’un
problème semblant compromettre la validité de la TVT. Ricardo ayant simplement constaté le
problème, tandis que Marx a tenté de le résoudre (d’une façon insatisfaisante).
Question 3. Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936)
Question 4.
=> Keynes conteste la loi de Say. Pour lui, il n’est pas vrai que la demande soit
nécessairement suffisante pour écouler la production à un prix jugé satisfaisant par les
entreprises. A la différence de Say, Keynes soutient qu’il peut y avoir un manque global de
débouchés.
=> La demande globale peut être trop faible pour justifier le plein-emploi. Contrairement à la
pensée « orthodoxe », Keynes soutient que l’économie peut se stabiliser dans une situation de
chômage. Il n’y a pas de force de rappel automatique permettant le retour au plein emploi.
=> En conséquence, Keynes est moins partisan que les classiques du libéralisme économique.
La politique économique est nécessaire pour réguler le niveau de la demande globale.
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