1 LES GRANDS COURANTS DE L’ANALYSE ÉCONOMIQUE Au cours du XIXe siècle et au début du XXe siècle, la science économique évolue en intégrant des mathématiques, toujours dans une optique libérale. Cependant, la crise des années 1930 oblige les économistes à un profond renouvellement, comme celle des années 1970, avec un retour vers le libéralisme. LES CLASSIQUES ET LES NÉOCLASSIQUES Les auteurs de ces courants peuvent être rassemblés selon leurs hypothèses de travail, mais aussi dans une certaine mesure, par une croyance partagée en la suprématie du marché, comme moyen d’information pour la prise de décision. q Les auteurs classiques À l’exception de J. S. Mill et de S. de Sismondi, la plupart des auteurs classiques sont plutôt des libéraux. En revanche, tous partagent la conviction que la valeur des biens est fixée grâce à la quantité de travail que ceux-ci incorporent. En développant souvent une approche littéraire des phénomènes économiques, ils fondent une discipline nouvelle, l’économie politique. C’est ce courant classique qui développe les bases de l’économie que sont la « main invisible du marché » et la diviLes hétérodoxes sion du travail (A. Smith), la loi des renLes trois grands courants de pensée dements décroissants et l’avantage exposés forment des orthodoxies, avec comparatif (D. Ricardo), la loi des débouleurs cohortes de thuriféraires et de chés (J.-B. Say) ou la substitution capicontradicteurs. En marge, on trouve tal/travail (S. de Sismondi). aussi des auteurs qu’on ne peut clas- q Le courant néoclassique ser ensemble que par leur opposition aux méthodes académiques et leur recours aux autres sciences humaines comme l’histoire ou la sociologie. Ainsi, J. A. Schumpeter analyse les origines de l’innovation et ses effets sur la croissance ; F. Perroux construit une analyse atypique du sous-développement ou l’école française de la régulation s’intéresse aux transformations structurelles, sans négliger l’outil mathématique. Éclaté entre des écoles française, anglaise et autrichienne, ce courant de l’analyse économique rassemble des auteurs aux méthodes diverses : de l’appro che historique de l’école autrichienne au raisonnement à la marge développé avec un outillage mathématique conséquent par les Français et les Anglais. Un des points partagés est l’introduction du concept d’utilité qui permet de mesurer la satisfaction des agents économiques. À partir de l’utilité, vont se développer des théories du consommateur, de l’entreprise, de l’État, avec une approche microéconomique. Le passage au niveau macroéconomique s’effectue par généralisation des résultats microéconomiques, comme dans la loi de l’équilibre général de L. Walras. 10 LA THÉORIE ÉCONOMIQUE MARXISTE K. Marx est parfois considéré comme le dernier des classiques, car il est le dernier à estimer que la valeur des biens est déterminée par la quantité de travail qu’ils incorporent (travail vivant ou mort – celui des travailleurs ayant produit les biens en amont). Les forces productives (ressources naturelles, humaines et techniques de production) se combinent avec les rapports de production pour déterminer des modes de production, dont le capitalisme n’est qu’un cas particulier. Les capitalistes qui se sont accaparés les moyens de production, rémunèrent les travailleurs en dessous de la valeur des biens créés; ils leur extorquent ainsi une plus value à l’origine du profit. Pour accroître la productivité du capital, les capitalistes accumulent toujours plus de capital, et peuvent réduire le nombre de travailleurs occupés, contractant d’autant leurs débouchés, entraînant une crise de surproduction. Crise après crise, le capitalisme finit par succomber, victime de ses propres contradictions. KEYNES ET LES KEYNÉSIENS La revanche libérale Pendant la crise des années trente, marquée par une forte contraction de la Après une période de vaches maigres, la production et un chômage de masse, les crise des années soixante-dix va permettre aux économistes libéraux de mesures prises sur la base des préceptes retrouver le devant de la scène théode la microéconomie se révèlent incarique. En effet, les politiques d’inspirapables de faire face à la situation. L’écontion keynésienne vont se révéler omiste anglais J. M. Keynes propose en incapables de faire redémarrer la crois1936 une nouvelle approche, celle de la sance. Les gouvernements conservateurs s’imposent dans de nombreux macroéconomie. Considérant l’économie pays développés à partir de la fin des dans son ensemble, il est amené à expliannées soixante-dix et mettent en œuvre quer la dépression par une insuffisance des politiques néolibérales inspirées par de la demande globale anticipée l’économie de l’offre (A. Laffer), le moné(demande effective). Il n’y a alors aucune tarisme (M. Friedman), la nouvelle macroéconomie classique (R. Lucas) ou raison que l’économie sorte de cet équil’école du Public choice (J. Buchanan). libre de sous-emploi si les anticipations des agents ne se modifient pas. Pour Keynes, le seul agent économique susceptible de faire redémarrer l’économie est l’État, qui doit alors stimuler la demande en augmentant la dépense publique, en particulier avec une politique de grands travaux. Après la Seconde Guerre mondiale, la doctrine keynésienne s’impose dans les pays développés, prospérant dans un contexte favorable : la reconstruction favorise le dirigisme économique; les gouvernements recherchent un socle théorique permettant de mieux établir les politiques sociales qu’ils souhaitent mettre en place. Certains économistes vont tenter une synthèse entre les approches néoclassique et keynésienne, en dotant la macroéconomie de bases microéconomiques, le tout avec un recours important aux mathématiques, notamment avec le modèle IS-LM (Investissments and Savings-Liquidity preference and Money supply) qui permet de choisir entre plusieurs politiques économiques en simulant leurs effets. 11