Réanimation 2002 ; 11 : 231-7 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1624069302002359/SSU MISE AU POINT Traitement des médiastinites post-sternotomie J.L. Trouillet* Service de réanimation médicale, institut de cardiologie, hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP, 47, bd de l’Hôpital, 75013 Paris, France (Reçu le 21 janvier 2000 ; accepté le 21 janvier 2002) Résumé Une infection sternale profonde ou médiastinite complique approximativement 1 à 2 % des interventions réalisées par sternotomie. Son traitement urgent nécessite une double approche, chirurgicale et médicale. La mise à plat permet d’évacuer le pus et d’exciser les tissus infectés ou nécrosés. Le chirurgien choisit entre laisser le thorax ouvert ou, le plus souvent, refermer la plaie. Le premier choix impose la réalisation de pansements quotidiens. La cicatrisation se fait par granulation, mais demande beaucoup de temps. Aussi, dans la majorité des cas, une fermeture secondaire est réalisée. L’alternative consiste à refermer d’emblée le thorax soit sur un système d’irrigation drainage, soit sur plusieurs drains aspiratifs (drains de Redon), soit en recourant à une myoplastie ou une épiplooplastie. Actuellement, la technique des drains de Redon, simple et efficace, est la méthode utilisée en première intention dans la quasi-totalité des cas de médiastinite aiguë. Ce n’est qu’en cas d’échec du drainage aspiratif ou avec importante perte de substance qu’une chirurgie plastique est envisagée. Le traitement médical repose sur une antibiothérapie bactéricide initialement par voie intraveineuse. Elle doit être prolongée et une association est recommandée, si possible avec des molécules diffusant bien dans l’os. En l’absence d’orientation, elle doit être dirigée contre les staphylocoques, qui représentent 70 % des étiologies. Un état de choc, une défaillance polyviscérale ou des complications locales majeures peuvent nécessiter un séjour prolongé en réanimation. Le pronostic s’est notablement amélioré depuis vingt ans, mais la mortalité est encore élevée, de l’ordre de 20 %. Des facteurs de risque associés à une évolution défavorable ont été identifiés. Les efforts portant sur l’application stricte des mesures préventives demeurent plus que jamais une priorité. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS chirurgie cardiaque / médiastinite / nosocomiale / sternotomie Summary – Treatment of post-sternotomy mediastinitis. Mediastinitis occurs with an incidence of 1–2% in patients undergoing median sternotomy. Treatment requires prompt medical and surgical intervention. Pus evacuation and debridement of infected necrotic tissues are essential steps. The surgeon can either let the thorax open or use a closed technique. Open method requires daily dressings. Healing is obtained by granulation tissue formation but needs a long period of time. Thus, secondary closure is performed in the majority of cases. More often, mediastinal closure is performed using either continuous irrigation or vacuum drainage with Redon catheters or transposition of muscle or omental flaps. In our current practice, closed drainage using Redon catheters is the therapy of choice of acute mediastinitis because it is simple and efficient. It is only in case of closed drainage failure or in patients with extensive destruction and loss of tissue that transposition of muscle or omental flaps is used. Medical treatment is based on bactericidal systemic antibiotic therapy. Combine and prolonged antibiotic therapy is recommended, using drugs diffusing well in bone. Staphylococci are responsible for 70% of infections. Thus, antibiotics with antistaphylococcal spectrum should be considered in the absence of positive cultures. Shock, *Correspondance et tirés à part. 232 J.L. Trouillet multiorgan failure or local complications can justify a prolonged ICU stay. Prognosis has improved over the last two decades but overall mortality is still approximately 20%. Several factors were found to be associated with bad outcome. Preventive measures are essential to reduce the risk of this nosocomial infection. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS cardiac surgery / mediastinitis / nosocomial / sternotomy La chirurgie cardiaque réalisée par sternotomie se complique d’une infection de la cicatrice dans 2-5 % des cas [1, 2]. La médiastinite ou infection sternale profonde se définit comme l’infection du sternum et ou de la cavité médiastinale antérieure. L’incidence de cette complication très sévère responsable d’une prolongation de l’hospitalisation et d’une mortalité élevée est d’environ 2 % en France [3]. Cependant un diagnostic plus précoce, notamment en recourant à la ponction percutanée du médiastin, et des progrès dans la prise en charge, privilégiant les techniques dites à thorax fermé, ont permis d’en améliorer le pronostic. La gravité de cette infection nosocomiale tient à au moins trois facteurs. En premier lieu, elle peut se compliquer d’un état de choc avec ses conséquences telles un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) ou une défaillance polyviscérale. Le second facteur tient à la localisation même de l’infection avec le double risque d’affecter des structures vitales (gros vaisseaux) et des tissus ostéo-cartilagineux, sites où l’infection est très difficile à éradiquer. Le troisième tient au terrain : la fonction myocardique est très fréquemment altérée voire très altérée, il existe souvent d’autres comorbidité(s) sévère(s), ainsi qu’un âge souvent avancé qui, s’il ne constitue plus en soi un facteur faisant récuser la chirurgie cardiaque, en limite les bénéfices en cas de complications. Toutes ces raisons font que ces malades sont admis, au moins dans un premier temps, dans un service de réanimation. Le diagnostic de médiastinite impose une double approche thérapeutique, chirurgicale et médicale. Nous décrirons dans une première partie les principes des traitements chirurgicaux et médicaux et dans une deuxième partie les stratégies qui font choisir un traitement local particulier. Nous conclurons par les résultats et le pronostic actuel des médiastinites. LES PRINCIPES DU TRAITEMENT La chirurgie Le diagnostic de médiastinite demeure lié à la notion de reprise chirurgicale en urgence (dans les 24 h). Elle permet de confirmer le diagnostic, de retirer les fils d’acier, d’évacuer le pus et d’exciser les tissus infectés et nécrosés. L’os doit faire l’objet d’une attention particu- lière avec une excision la plus économe possible, en particulier si l’objectif est de refermer solidement la plaie. À l’issue de cette mise à plat, le chirurgien doit décider s’il laisse le thorax ouvert ou si, au contraire, il referme le sternum et la peau. Méthode dite à thorax ouvert Dans le premier cas de figure, le chirurgien se contente, après débridement, de combler la cavité par des compresses imprégnées de bétadine. Les pansements sont ensuite faits par les médecins ou les infirmières, au moins deux fois par 24 h. En France, ces pansements sont effectués selon un rite chirurgical avec masque, casaque, gants stériles, champs. La plaie est irriguée par du sérum salé additionné de bétadine (bétadine dermique à 10 % diluée au dixième dans du sérum salé isotonique), les berges sont grattées afin de retirer tous les tissus nécrosés et les dépôts de fibrine. À la fin de la réfection du pansement, la cavité est comblée par de la crème bétadinée ou des compresses imprégnées d’antiseptique. Nous avons aussi utilisé du sucre en poudre dont les vertus osmotiques permettent de compléter le travail de décapage en plus de l’activité antibactérienne [4]. L’avantage théorique de cette méthode est un bon contrôle de l’état septique local. Les inconvénients sont cependant nombreux. Tout d’abord, cette technique est traumatisante psychiquement pour le malade et nécessite au début le recours à une sédation lourde par voie intraveineuse. Elle est astreignante pour le personnel, consommatrice de temps et nécessite la présence d’un deuxième soignant. Enfin, elle peut se compliquer d’accident mettant immédiatement en jeu le pronostic vital sous la forme d’hémorragie par rupture de pontage, de gros vaisseaux ou même de la paroi myocardique. Ce type d’accidents survenait avec une fréquence de 10 à 13 % lorsque cette technique était utilisée de première intention [5]. La cicatrisation est obtenue par granulation, elle demande des semaines ou des mois de traitement. Aussi, une fois la plaie détergée et l’état du patient stabilisé, des plasties sont proposées. Plus récemment, le comblement de la plaie par des mousses de polyuréthane a été remis au goût du jour en les associant à un dispositif assurant une forte dépression au niveau de la mousse et l’évacuation de l’exsudat [6]. Méthodes à thorax fermé Actuellement, les techniques dites à thorax fermé sont largement privilégiées. Les modalités de re-fermeture Traitement des médiastinites sont techniquement très diverses, allant de la fermeture simple à des interventions de chirurgie plastique complexe. L’irrigation drainage est historiquement la première méthode décrite. Elle est simple et rapide en cas de succès. Elle consiste à placer derrière le sternum deux drains d’irrigation qui distillent le liquide de lavage et deux drains de plus gros diamètre mis en aspiration douce pour recueillir en continu l’effluent. Le liquide de lavage est habituellement du sérum salé isotonique en alternance avec du sérum salé additionné de bétadine. Le débit doit être abondant de l’ordre de 1 500 mL par drain d’irrigation et par 8 h, nécessitant un bilan régulier des entrées et des sorties. Le système est laissé en place huit à dix jours et retiré au lit du malade, l’effluent se négative en deux à trois jours en cas d’évolution favorable. Cette technique est malheureusement grevée d’un taux d’échec compris entre 20 et 79 % [7, 8]. Le drainage aspiratif au moyen de drains de Redon est devenu la technique de première intention dans nombre de service de chirurgie cardiaque en particulier en France [7, 9-11]. Elle consiste à disposer dans le médiastin et les tissus présternaux plusieurs drains multiperforés de faible diamètre connectés à des flacons assurant une forte dépression de l’ordre de 600 à 700 mmHg. Le suivi du traitement est clinique et bactériologique. Les flacons sont changés quotidiennement, l’effluent étant adressé régulièrement en bactériologie : dans notre pratique, les flacons sont envoyés trois fois par semaine jusqu’à l’obtention de deux prélèvements consécutifs négatifs. La négativation des cultures se fait en règle avant le dixième jour ; elle peut cependant être plus longue en particulier pour les staphylocoques résistants à la méticilline. Lorsque l’effluent est négatif et de faible volume (< à 20 mL/24 h), les drains sont progressivement tirés de quelques centimètres par jour. Une reprise chirurgicale peut s’avérer nécessaire dès les premiers jours pour des raisons techniques, tel un défaut d’étanchéité. Ce type de problème souligne la nécessité d’une fermeture très soigneuse du sternum par des fils d’acier renforcé au besoin par un laçage et de la peau en complétant le geste si nécessaire par une plastie pectorale présternale. La reprise chirurgicale peut être plus tardive, en rapport avec la persistance de l’infection authentifiée par des signes locaux (peau très inflammatoire voire désunie) associés ou non à des signes généraux telle que la fièvre et à des prélèvements bactériologiques médiastinaux positifs. Elle a lieu dans ce cas entre le quinzième et le trentième jour, les Redon initiaux pouvant être encore en place, drainant alors un liquide toujours purulent malgré l’antibiothérapie prolongée. Parfois, la reprise est encore beaucoup plus tardive (plusieurs semaines ou mois) correspondant alors à un foyer d’ostéite résiduelle qui ne nécessite 233 habituellement qu’un geste chirurgical limité (ablation d’un fil d’acier, résection d’un séquestre osseux) associé à la reprise d’une antibiothérapie . Les « superinfections » par un micro-organisme différent de l’infection initiale sont exceptionnelles avec cette technique. Quoiqu’il en soit toute reprise chirurgicale définit « l’échec local » indiqué dans les publications, son incidence est comprise entre 10 et 15 % [7, 10, 11] . Après cette reprise, l’évolution peut être favorable avec l’installation d’un nouveau système d’aspiration, mais l’état de la plaie peut aussi nécessiter un traitement à thorax ouvert. Une fermeture différée peut être programmée en utilisant l’une des techniques de chirurgie plastique. Les techniques de chirurgie plastique La fermeture peut également être réalisée en utilisant des lambeaux musculaires de rotation ou d’épiploon, immédiatement ou dans les jours suivant la mise à plat [8, 12-16]. Le muscle le plus utilisé est le grand pectoral, en présternal ou en rétrosternal. D’autres choix sont possibles : muscles abdominaux (grand droits) ou dorsaux (trapèze), voire une association de plusieurs muscles. Les résultats obtenus en utilisant l’épiploon semblent aussi bon voire supérieurs aux plasties musculaires à la condition que le chirurgien ait une bonne expérience de la chirurgie abdominale et thoracique [17-20]. En effet, l’épiplooplastie nécessite un temps opératoire plus court et a un taux de complications immédiates graves (insuffisance respiratoire, hémorragie, échec local…) inférieur à celui des plasties musculaires comme le montre l’étude de Milano et al. [20]. De notre point de vue, ces interventions doivent être des traitements de seconde intention, soit en cas d’échec primaire après quelques jours de mise à plat à thorax ouvert soit en cas d’échec secondaire de la technique de drainage aspiratif par drains de Redon. Ces plasties sont les techniques de choix lorsqu’il existe une grande perte de substance, situation devenue exceptionnelle mais qui peut se rencontrer dans les médiastinites diagnostiquées très tardivement ou multiopérées pour échecs itératifs. L’antibiothérapie Le traitement médical repose sur une antibiothérapie bactéricide associant au moins deux antibiotiques si possible à effet synergique, administrés initialement par voie intraveineuse. Elle doit être commencée avant la reprise opératoire et s’appuie sur les données épidémiologiques (figure 1) et l’examen direct de la ponction percutanée. En l’absence d’orientation elle doit être dirigée contre les staphylocoques qui constituent 70 à 80 % des germes en cause. Compte tenu des caractères de résistance actuellement rencontrés en France, une association de vancomycine, de gentamicine et d’une 234 J.L. Trouillet Les traitements adjuvants Figure 1. Distribution des micro-organismes retrouvés dans les prélèvements médiastinaux de 332 malades hospitalisés pour médiastinite aiguë dans le service de réanimation médicale de l’hôpital Bichat entre 1991 et 2000. SASM : S. aureus sensible à la méticilline ; SARM : S. aureus résistant à la méticilline ; SCN :staphylocoque coagulase négatif ; BGN : bacille à Gram négatif. céphalosporine (céfamandole ou céfotaxime) peut être proposée [21]. Le traitement est ensuite ajusté en fonction des données de l’antibiogramme. Chaque fois que cela est possible, l’aminoside est remplacé après 3 à 5 j par un ou deux antibiotiques diffusant bien dans l’os comme les quinolones et la rifampicine. Selon le caractère de résistance, une béta-lactamine (oxacilline ou céfamandole) ou la vancomycine est administrée trois semaines par voie intraveineuse. Des dosages réguliers du taux de vancomycine à la vallée sont essentiels à la fois pour éviter toute toxicité et pour assurer une concentration nettement supérieure aux concentrations minimales inhibitrices (CMI) des staphylocoques. Nous essayons de maintenir en permanence un taux proche ou supérieur à 20 µg/mL. Dans cette affection, l’administration continue n’a pas fait l’objet d’étude démontrant sa supériorité vis à vis d’une administration par perfusion d’une à deux heures en trois ou quatre fois par 24 h. Le ou les autres antibiotiques sont poursuivis 45 j au total, à l’exemple du traitement des ostéites. Le traitement antibiotique peut être parfois poursuivi encore plus longtemps, par exemple lorsque la plaie est toujours ouverte ou lorsque la négativation des prélèvements a demandé un délai inhabituel (le germe étant souvent un micro-organisme multirésistant tel un S. aureus méticilline-résistant). Une scintigraphie aux leucocytes marqués peut éventuellement aider à la prise de décision. Les quinolones et la rifampicine doivent être données dès que possible par voie orale. En cas d’infection à bacille à Gram négatif, une bithérapie est également recommandée. L’éventualité de bacilles multirésistants incite à choisir en première intention une molécule à large spectre comme l’imipénem associée à l’amikacine. Un réajustement est effectué dès la connaissance de l’antibiogramme. Les autres aspects de la prise en charge n’ont rien de spécifique. La gravité persistante de certains patients peut justifier un séjour prolongé en réanimation. Chez 15 à 20 % des patients ayant subi une chirurgie valvulaire, une endocardite peut être associée à l’infection médiastinale. La réalisation systématique d’une échocardiographie transœsophagienne est donc justifiée chez les patients à risque. En cas d’atteinte valvulaire nécessitant une chirurgie, l’idéal est de pouvoir différer l’intervention après cicatrisation du médiastin. Une atteinte mitrale est de pronostic moins catastrophique qu’une atteinte aortique car il est possible d’opérer par thoracotomie. L’état nutritionnel est probablement un facteur de cicatrisation important, mais les régimes hypercaloriques ont été abandonnés au profit d’un retour à une alimentation entérale le plus rapidement possible. Enfin, un contrôle très strict de la glycémie chez le patient diabétique fait partie des bonnes pratiques de prise en charge. Les médiastinites survenant au décours d’une greffe cardiaque relèvent des mêmes thérapeutiques mais le traitement immunosuppresseur doit être réduit sous couvert de biopsies myocardiques répétées. Stratégie thérapeutique Chaque équipe en fonction du délai de survenue par rapport à la chirurgie initiale, des dégâts locaux, de son expérience et de ses préférences détermine un schéma de prise en charge. La stratégie des équipes avec lesquelles nous travaillons s’est simplifiée au cours des dix dernières années. La quasi-totalité des médiastinites qui surviennent dans les trois semaines après la chirurgie cardiaque bénéficient de première intention d’un drainage aspiratif au moyen des drains de Redon, car l’atteinte osseuse est habituellement limitée. Ce n’est qu’en cas de délabrement osseux, de très volumineuse cavité médiastinale après détersion ou surtout après échecs itératifs que la plaie est laissée temporairement ouverte, situations représentant moins de 2 % des cas actuellement pris en charge dans le service. Dès que l’état du patient paraît stabilisé, une chirurgie de recouvrement est envisagée. Notre préférence va à la réalisation d’épiplooplastie, en raison d’un taux de complications immédiates inférieur et de facilités locales pour sa réalisation. Ce dernier élément est tout aussi important à considérer que le premier pour déterminer le choix entre les deux techniques. Parmi les 11 derniers patients traités à thorax ouvert ayant bénéficié de cette technique, neuf ont quitté le service guéris. 235 Traitement des médiastinites Tableau I. Classification des médiastinitesa (selon [22]). Classe Description Type I Médiastinite survenant dans les 2 semaines après la chirurgie en l’absence de FDRb Médiastinite survenant entre la 2e et la 6e semaines après la chirurgie en l’absence de FDR Médiastinite de type I avec un ou plusieurs FDR Médiastinite de type II avec un ou plusieurs FDR Médiastinite de type I, II, ou III après échec d’un premier traitementc Médiastinite de type I, II, ou III après plus d’un échec Médiastinite survenant plus de 6 semaines après la chirurgie cardiaque Type II Type III A Type III B Type IV A Type IV B Type V a : infection sternale avec ou sans atteinte de l’espace rétrosternal ; : FDR = facteurs de risque de médiastinite : diabète, obésité, immunosuppression ; c : échec d’un traitement chirurgical de la médiastinite. b D’autres équipes ont proposé une prise en charge différente en fonction d’une classification fondée sur de la durée d’incubation, l’existence de facteurs de risque et l’échec de traitements chirurgicaux antérieurs (tableau I) [22]. Pour les médiastinites de type I, le débridement est complété par la mise en place d’un système d’irrigation-drainage. Pour le type II (ou I), une chirurgie plastique immédiate en un temps avec stabilisation du sternum est préconisée. Pour le type III, une chirurgie plastique est également recommandée mais faite quelques jours après la mise à plat. Pour les médiastinites de type V, qui correspondent à des médiastinites chroniques avec ostéomyélite, une sternectomie avec éventuellement une excision des cartilages costaux est souvent nécessaire, la plastie n’est réalisée que dans un deuxième temps, à distance de la mise à plat. Le choix du type de plastie dépend des préférences et de l’expérience du chirurgien. Enfin le type IV est à traiter comme le type V. D’autres classifications et recommandations chirurgicales existent ; elles sont assez proches de celle décrite précédemment [13]. RÉSULTATS ET PRONOSTIC ACTUEL DES MÉDIASTINITES La mortalité a globalement diminué au cours de ces vingt dernières années, passant de 40 à 50 % à approximativement 20 % ou moins [4, 7]. Cependant, il existe toujours de très grandes disparités en fonction des populations étudiées. L’évolution d’une médiastinite aiguë chez un patient jeune avec une fonction myocardique conservée et n’ayant pas développé d’état de choc n’est pas comparable à celle d’un patient âgé, ayant une cardiopathie au stade IV de la NYHA et présentant d’emblée un état de choc avec défaillance polyviscérale. Les données les plus récentes de la littérature en fonction des techniques chirurgicales utilisées sont résu- Tableau II. Résultats des médiastinites traitées par drains de Redon [1, 7, 10]. Auteurs Calvat (n = 70) Âge, m ± sd, ans Chirurgie initiale Pontages Incubation, m±sd , j Infection bactériémique S.aureus Décès Échec du traitement initial Durée de séjour M ± sd, j 63 ± 12 56 % 14,7 ± 7,1 44 % 53 % 17 % 13 % 28 ± 20* Berg (n = 31) Kirsch (n = 72) 63,5 ± 9,9 65,9 ± 12,4 91 % 51,4 % ND ND 45 % 6,5 % 16 % 29 ± 26¥ 16,5 ± 11 62,5 % 45,8 % 23,6 % 12,5 % ND * en réanimation, ¥ durée totale d’hospitalisation après la reprise chirurgicale. mées dans les tableaux II, III et IV. L’expérience du service portant sur les dix dernières années et concernant les malades adressés pour médiastinites aiguës est résumée dans le tableau V. Plusieurs études se sont intéressées aux facteurs pronostiques des médiastinites poststernotomie. Dans l’expérience du Emory Hospital à Atlanta où les mala Tableau III. Résultats des médiastinites traitées par irrigation drainage [7, 10, 11]. Auteurs Calvat (n = 38) Berg (n = 29) Rand (n = 19) Âge, m ± sd, ans Chirurgie initiale Pontages Incubation, m ± sd, j Infection bactériémique S.aureus Décès Échec du traitement initial Durée de séjour M ± sd, j 60 ± 16 47 % 63,5 ± 9,9 97 % ND 100 % 11,3 ± 5,3 ND 26 % ND 40 % 69 % 40 % 6,9 % 53 % 52 % 30 ± 20* 42 ± 21,9¥ ND ND ND ND 79 % 21,7¥ * en réanimation, ¥ durée totale d’hospitalisation après la reprise chirurgicale. Tableau IV. Résultats des médiastinites traitées par plastie [13,17,20] Auteurs Jones Krabatsch Milano Nombre de malades 186 140 59 Période d’étude 1988–1996 1987–1994 1988–1998 Type de plastie • muscle 100 % 100 % 64,4 % • épiploon – – 35,6 % Complications locales 18,8 % 2% Muscle = 18,4% Epiploon = 4,8 % Mortalité 9,9 % 35,7 % Muscle = 10,5% Epiploon = 4,8 % 236 J.L. Trouillet Tableau V. Malades hospitalisés pour médiastinite aiguë en réanimation médicale (Pr Gibert) entre 1991 et 2000. Caractéristiques Âge, m ± sd, ans IGS 2, m ± sd Nombre de défaillances d’organe à j1, m±sd Incubation, m ± sd, jours Chirurgie initiale, % Pontages Valves Valves + pontages Greffes Autres Évolution en réanimation Type de traitement, % Redon Thorax ouvert Décès, % En fonction de la durée de ventilation > 48 h ≤ 48 h Durée de séjour en réanimation, m ± sd, jours Durée de ventilation, m ± sd, jours Délai de négativation des prélèvements, m ± sd, jours Durée du drainage, m ± sd, jours Nécessité d’une reprise chirurgicale, % Hémorragie médiastinale grave, % N = 332 61,9 ± 12,8 35,3 ± 16,3 1,9 ± 1,3 17,3 ± 25,2 59 21 12 3 5 95 5 21 52,9 2,8 27 ± 23 9,8 ± 20,9 8,6 ± 6,9 19,1 ± 5,7 12,6 2 des étaient essentiellement traités au moyen de plasties musculaires, l’analyse multivariée mettait en évidence trois facteurs pronostiques indépendants : le caractère septicémique (mortalité de 25 % versus 3 %), l’existence d’un infarctus périopératoire et la mise en place d’un ballon de contre-pulsion [13]. Pour une équipe madrilène, les facteurs associés au décès étaient une bactériémie, le recours à un ballon de contre-pulsion, l’âge avancé, et une ventilation mécanique prolongée [23]. À partir d’une cohorte de 236 malades hospitalisés dans le service pour médiastinite aiguë et traités primitivement par la technique des drains aspiratifs, nous avions déterminé par analyse multivariée quatre facteurs présents à l’admission prédictifs du décès en réanimation : un score de gravité général, l’âge, une chirurgie autre que des pontages et le nombre de défaillance d’organe à l’admission [24]. Plus intéressante était la prédiction au troisième jour postopératoire (j3). En effet, si le malade ne nécessitait plus de ventilation artificielle, le risque de décès devenait très faible (1 % dans cette série). En revanche pour les patients qui à j3 nécessitaient toujours une assistance ventilatoire, le risque de décès était de 50 %. Dans ce sous-groupe de patient, deux facteurs en analyse multivariée étaient alors associés à la survenue du décès en réanimation : une bactériémie soutenue définie par plus d’une hémoculture positive et une chirurgie autre que des pontages. Dans une étude italienne récente, les facteurs prédictifs du décès intrahospitalier en analyse multivariée étaient un séjour en réanimation supérieur à 96 h, un saignement postopératoire supérieur à 1 000 mL/24 h, un intervalle entre le début des symptômes et la reprise de la cicatrice supérieur à 20 j et des prélèvements bactériologiques positifs [25]. Ce dernier point met en évidence une des faiblesses de cette étude où seulement 48,2 % des cas avaient un prélèvement bactériologique positif. L’étude de l’hôpital Henri Mondor trouvait à partir d’un groupe de 72 malades traités par la technique des Redons trois facteurs associés au décès : l’âge, une incubation inférieure ou égale à 14 j et le caractère résistant à la méticilline de S. aureus [10]. Le caractère péjoratif lié à la résistance de S. aureus à la méticilline tient probablement à d’autres facteurs que la virulence propre à ce type de souche. Certaines populations de malades ont un pronostic très sombre. C’est le cas des malades hospitalisés en réanimation pour une défaillance d’organe après chirurgie cardiaque et qui développent secondairement une médiastinite ; l’intervalle entre la chirurgie cardiaque et cette infection sternale est alors beaucoup plus long, de l’ordre d’un mois. Dans notre expérience, la mortalité de ces patients est significativement plus élevée que celle des malades hospitalisés d’emblée pour médiastinite (63 % versus 21 %) [26]. Enfin, les malades ayant une médiastinite et une endocardite de façon concomitante ont une mortalité atteignant 70 % [26]. CONCLUSIONS En dépit d’un diagnostic plus facilement évoqué qu’autrefois et du recours préférentiel aux techniques à thorax fermé, la mortalité demeure élevée. Les efforts doivent donc porter en priorité sur les mesures préventives : abandon du rasage cutané, réduction du séjour préhospitalier, précautions appropriées en fonction des facteurs de risque du malade tel qu’un contrôle strict de la glycémie chez un patient diabétique, antibioprophylaxie respectant les recommandations des experts, techniques particulières de fermeture cutanée et sternale, ou encore évaluation de nouvelles mesures telle que l’éradication du portage nasal de S. aureus [27-29]. RÉFÉRENCES 1 L’Ecuyer PB, Murphy D, Little JR, Fraser VJ. The epidemiology of chest and leg wound infection following cardiothoracic surgery. 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