Traitement des médiastinites post-sternotomie

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Réanimation 2002 ; 11 : 231-7
© 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés
S1624069302002359/SSU
MISE AU POINT
Traitement des médiastinites post-sternotomie
J.L. Trouillet*
Service de réanimation médicale, institut de cardiologie, hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP, 47, bd de l’Hôpital,
75013 Paris, France
(Reçu le 21 janvier 2000 ; accepté le 21 janvier 2002)
Résumé
Une infection sternale profonde ou médiastinite complique approximativement 1 à 2 % des interventions réalisées par
sternotomie. Son traitement urgent nécessite une double approche, chirurgicale et médicale. La mise à plat permet
d’évacuer le pus et d’exciser les tissus infectés ou nécrosés. Le chirurgien choisit entre laisser le thorax ouvert ou, le
plus souvent, refermer la plaie. Le premier choix impose la réalisation de pansements quotidiens. La cicatrisation se fait
par granulation, mais demande beaucoup de temps. Aussi, dans la majorité des cas, une fermeture secondaire est
réalisée. L’alternative consiste à refermer d’emblée le thorax soit sur un système d’irrigation drainage, soit sur plusieurs
drains aspiratifs (drains de Redon), soit en recourant à une myoplastie ou une épiplooplastie. Actuellement, la technique
des drains de Redon, simple et efficace, est la méthode utilisée en première intention dans la quasi-totalité des cas de
médiastinite aiguë. Ce n’est qu’en cas d’échec du drainage aspiratif ou avec importante perte de substance qu’une
chirurgie plastique est envisagée. Le traitement médical repose sur une antibiothérapie bactéricide initialement par voie
intraveineuse. Elle doit être prolongée et une association est recommandée, si possible avec des molécules diffusant
bien dans l’os. En l’absence d’orientation, elle doit être dirigée contre les staphylocoques, qui représentent 70 % des
étiologies. Un état de choc, une défaillance polyviscérale ou des complications locales majeures peuvent nécessiter un
séjour prolongé en réanimation. Le pronostic s’est notablement amélioré depuis vingt ans, mais la mortalité est encore
élevée, de l’ordre de 20 %. Des facteurs de risque associés à une évolution défavorable ont été identifiés. Les efforts
portant sur l’application stricte des mesures préventives demeurent plus que jamais une priorité. © 2002 Éditions
scientifiques et médicales Elsevier SAS
chirurgie cardiaque / médiastinite / nosocomiale / sternotomie
Summary – Treatment of post-sternotomy mediastinitis.
Mediastinitis occurs with an incidence of 1–2% in patients undergoing median sternotomy. Treatment requires prompt
medical and surgical intervention. Pus evacuation and debridement of infected necrotic tissues are essential steps. The
surgeon can either let the thorax open or use a closed technique. Open method requires daily dressings. Healing is
obtained by granulation tissue formation but needs a long period of time. Thus, secondary closure is performed in the
majority of cases. More often, mediastinal closure is performed using either continuous irrigation or vacuum drainage
with Redon catheters or transposition of muscle or omental flaps. In our current practice, closed drainage using Redon
catheters is the therapy of choice of acute mediastinitis because it is simple and efficient. It is only in case of closed
drainage failure or in patients with extensive destruction and loss of tissue that transposition of muscle or omental flaps
is used. Medical treatment is based on bactericidal systemic antibiotic therapy. Combine and prolonged antibiotic
therapy is recommended, using drugs diffusing well in bone. Staphylococci are responsible for 70% of infections. Thus,
antibiotics with antistaphylococcal spectrum should be considered in the absence of positive cultures. Shock,
*Correspondance et tirés à part.
232
J.L. Trouillet
multiorgan failure or local complications can justify a prolonged ICU stay. Prognosis has improved over the last two
decades but overall mortality is still approximately 20%. Several factors were found to be associated with bad outcome.
Preventive measures are essential to reduce the risk of this nosocomial infection. © 2002 Éditions scientifiques et
médicales Elsevier SAS
cardiac surgery / mediastinitis / nosocomial / sternotomy
La chirurgie cardiaque réalisée par sternotomie se complique d’une infection de la cicatrice dans 2-5 % des cas
[1, 2]. La médiastinite ou infection sternale profonde se
définit comme l’infection du sternum et ou de la cavité
médiastinale antérieure. L’incidence de cette complication très sévère responsable d’une prolongation de l’hospitalisation et d’une mortalité élevée est d’environ 2 %
en France [3].
Cependant un diagnostic plus précoce, notamment
en recourant à la ponction percutanée du médiastin, et
des progrès dans la prise en charge, privilégiant les
techniques dites à thorax fermé, ont permis d’en améliorer le pronostic.
La gravité de cette infection nosocomiale tient à au
moins trois facteurs. En premier lieu, elle peut se compliquer d’un état de choc avec ses conséquences telles
un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) ou
une défaillance polyviscérale. Le second facteur tient à
la localisation même de l’infection avec le double risque
d’affecter des structures vitales (gros vaisseaux) et des
tissus ostéo-cartilagineux, sites où l’infection est très
difficile à éradiquer. Le troisième tient au terrain : la
fonction myocardique est très fréquemment altérée
voire très altérée, il existe souvent d’autres comorbidité(s) sévère(s), ainsi qu’un âge souvent avancé qui, s’il
ne constitue plus en soi un facteur faisant récuser la
chirurgie cardiaque, en limite les bénéfices en cas de
complications. Toutes ces raisons font que ces malades
sont admis, au moins dans un premier temps, dans un
service de réanimation.
Le diagnostic de médiastinite impose une double
approche thérapeutique, chirurgicale et médicale. Nous
décrirons dans une première partie les principes des
traitements chirurgicaux et médicaux et dans une
deuxième partie les stratégies qui font choisir un traitement local particulier. Nous conclurons par les résultats
et le pronostic actuel des médiastinites.
LES PRINCIPES DU TRAITEMENT
La chirurgie
Le diagnostic de médiastinite demeure lié à la notion de
reprise chirurgicale en urgence (dans les 24 h). Elle
permet de confirmer le diagnostic, de retirer les fils
d’acier, d’évacuer le pus et d’exciser les tissus infectés et
nécrosés. L’os doit faire l’objet d’une attention particu-
lière avec une excision la plus économe possible, en
particulier si l’objectif est de refermer solidement la
plaie. À l’issue de cette mise à plat, le chirurgien doit
décider s’il laisse le thorax ouvert ou si, au contraire, il
referme le sternum et la peau.
Méthode dite à thorax ouvert
Dans le premier cas de figure, le chirurgien se contente,
après débridement, de combler la cavité par des compresses imprégnées de bétadine. Les pansements sont
ensuite faits par les médecins ou les infirmières, au
moins deux fois par 24 h. En France, ces pansements
sont effectués selon un rite chirurgical avec masque,
casaque, gants stériles, champs. La plaie est irriguée par
du sérum salé additionné de bétadine (bétadine dermique à 10 % diluée au dixième dans du sérum salé
isotonique), les berges sont grattées afin de retirer tous
les tissus nécrosés et les dépôts de fibrine. À la fin de la
réfection du pansement, la cavité est comblée par de la
crème bétadinée ou des compresses imprégnées d’antiseptique. Nous avons aussi utilisé du sucre en poudre
dont les vertus osmotiques permettent de compléter le
travail de décapage en plus de l’activité antibactérienne
[4]. L’avantage théorique de cette méthode est un bon
contrôle de l’état septique local. Les inconvénients sont
cependant nombreux. Tout d’abord, cette technique
est traumatisante psychiquement pour le malade et
nécessite au début le recours à une sédation lourde par
voie intraveineuse. Elle est astreignante pour le personnel, consommatrice de temps et nécessite la présence
d’un deuxième soignant. Enfin, elle peut se compliquer
d’accident mettant immédiatement en jeu le pronostic
vital sous la forme d’hémorragie par rupture de pontage, de gros vaisseaux ou même de la paroi myocardique. Ce type d’accidents survenait avec une fréquence
de 10 à 13 % lorsque cette technique était utilisée de
première intention [5]. La cicatrisation est obtenue par
granulation, elle demande des semaines ou des mois de
traitement. Aussi, une fois la plaie détergée et l’état du
patient stabilisé, des plasties sont proposées. Plus récemment, le comblement de la plaie par des mousses de
polyuréthane a été remis au goût du jour en les associant
à un dispositif assurant une forte dépression au niveau
de la mousse et l’évacuation de l’exsudat [6].
Méthodes à thorax fermé
Actuellement, les techniques dites à thorax fermé sont
largement privilégiées. Les modalités de re-fermeture
Traitement des médiastinites
sont techniquement très diverses, allant de la fermeture
simple à des interventions de chirurgie plastique complexe.
L’irrigation drainage est historiquement la première
méthode décrite. Elle est simple et rapide en cas de
succès. Elle consiste à placer derrière le sternum deux
drains d’irrigation qui distillent le liquide de lavage et
deux drains de plus gros diamètre mis en aspiration
douce pour recueillir en continu l’effluent. Le liquide de
lavage est habituellement du sérum salé isotonique en
alternance avec du sérum salé additionné de bétadine.
Le débit doit être abondant de l’ordre de 1 500 mL par
drain d’irrigation et par 8 h, nécessitant un bilan régulier des entrées et des sorties. Le système est laissé en
place huit à dix jours et retiré au lit du malade, l’effluent
se négative en deux à trois jours en cas d’évolution
favorable. Cette technique est malheureusement grevée
d’un taux d’échec compris entre 20 et 79 % [7, 8].
Le drainage aspiratif au moyen de drains de Redon est
devenu la technique de première intention dans nombre de service de chirurgie cardiaque en particulier en
France [7, 9-11]. Elle consiste à disposer dans le médiastin et les tissus présternaux plusieurs drains multiperforés de faible diamètre connectés à des flacons assurant
une forte dépression de l’ordre de 600 à 700 mmHg.
Le suivi du traitement est clinique et bactériologique.
Les flacons sont changés quotidiennement, l’effluent
étant adressé régulièrement en bactériologie : dans notre
pratique, les flacons sont envoyés trois fois par semaine
jusqu’à l’obtention de deux prélèvements consécutifs
négatifs. La négativation des cultures se fait en règle
avant le dixième jour ; elle peut cependant être plus
longue en particulier pour les staphylocoques résistants
à la méticilline. Lorsque l’effluent est négatif et de faible
volume (< à 20 mL/24 h), les drains sont progressivement tirés de quelques centimètres par jour. Une reprise
chirurgicale peut s’avérer nécessaire dès les premiers
jours pour des raisons techniques, tel un défaut d’étanchéité. Ce type de problème souligne la nécessité d’une
fermeture très soigneuse du sternum par des fils d’acier
renforcé au besoin par un laçage et de la peau en
complétant le geste si nécessaire par une plastie pectorale présternale. La reprise chirurgicale peut être plus
tardive, en rapport avec la persistance de l’infection
authentifiée par des signes locaux (peau très inflammatoire voire désunie) associés ou non à des signes généraux telle que la fièvre et à des prélèvements
bactériologiques médiastinaux positifs. Elle a lieu dans
ce cas entre le quinzième et le trentième jour, les Redon
initiaux pouvant être encore en place, drainant alors un
liquide toujours purulent malgré l’antibiothérapie prolongée. Parfois, la reprise est encore beaucoup plus
tardive (plusieurs semaines ou mois) correspondant
alors à un foyer d’ostéite résiduelle qui ne nécessite
233
habituellement qu’un geste chirurgical limité (ablation
d’un fil d’acier, résection d’un séquestre osseux) associé
à la reprise d’une antibiothérapie . Les « superinfections » par un micro-organisme différent de l’infection
initiale sont exceptionnelles avec cette technique.
Quoiqu’il en soit toute reprise chirurgicale définit
« l’échec local » indiqué dans les publications, son incidence est comprise entre 10 et 15 % [7, 10, 11] . Après
cette reprise, l’évolution peut être favorable avec l’installation d’un nouveau système d’aspiration, mais l’état
de la plaie peut aussi nécessiter un traitement à thorax
ouvert. Une fermeture différée peut être programmée
en utilisant l’une des techniques de chirurgie plastique.
Les techniques de chirurgie plastique
La fermeture peut également être réalisée en utilisant
des lambeaux musculaires de rotation ou d’épiploon,
immédiatement ou dans les jours suivant la mise à plat
[8, 12-16]. Le muscle le plus utilisé est le grand pectoral, en présternal ou en rétrosternal. D’autres choix sont
possibles : muscles abdominaux (grand droits) ou dorsaux (trapèze), voire une association de plusieurs muscles. Les résultats obtenus en utilisant l’épiploon
semblent aussi bon voire supérieurs aux plasties musculaires à la condition que le chirurgien ait une bonne
expérience de la chirurgie abdominale et thoracique
[17-20]. En effet, l’épiplooplastie nécessite un temps
opératoire plus court et a un taux de complications
immédiates graves (insuffisance respiratoire, hémorragie, échec local…) inférieur à celui des plasties musculaires comme le montre l’étude de Milano et al. [20].
De notre point de vue, ces interventions doivent être
des traitements de seconde intention, soit en cas d’échec
primaire après quelques jours de mise à plat à thorax
ouvert soit en cas d’échec secondaire de la technique de
drainage aspiratif par drains de Redon. Ces plasties sont
les techniques de choix lorsqu’il existe une grande perte
de substance, situation devenue exceptionnelle mais
qui peut se rencontrer dans les médiastinites diagnostiquées très tardivement ou multiopérées pour échecs
itératifs.
L’antibiothérapie
Le traitement médical repose sur une antibiothérapie
bactéricide associant au moins deux antibiotiques si
possible à effet synergique, administrés initialement par
voie intraveineuse. Elle doit être commencée avant la
reprise opératoire et s’appuie sur les données épidémiologiques (figure 1) et l’examen direct de la ponction
percutanée. En l’absence d’orientation elle doit être
dirigée contre les staphylocoques qui constituent 70 à
80 % des germes en cause. Compte tenu des caractères
de résistance actuellement rencontrés en France, une
association de vancomycine, de gentamicine et d’une
234
J.L. Trouillet
Les traitements adjuvants
Figure 1. Distribution des micro-organismes retrouvés dans les
prélèvements médiastinaux de 332 malades hospitalisés pour
médiastinite aiguë dans le service de réanimation médicale de l’hôpital Bichat entre 1991 et 2000.
SASM : S. aureus sensible à la méticilline ; SARM : S. aureus résistant à la méticilline ; SCN :staphylocoque coagulase négatif ; BGN :
bacille à Gram négatif.
céphalosporine (céfamandole ou céfotaxime) peut être
proposée [21]. Le traitement est ensuite ajusté en fonction des données de l’antibiogramme. Chaque fois que
cela est possible, l’aminoside est remplacé après 3 à 5 j
par un ou deux antibiotiques diffusant bien dans l’os
comme les quinolones et la rifampicine. Selon le caractère de résistance, une béta-lactamine (oxacilline ou
céfamandole) ou la vancomycine est administrée trois
semaines par voie intraveineuse. Des dosages réguliers
du taux de vancomycine à la vallée sont essentiels à la
fois pour éviter toute toxicité et pour assurer une concentration nettement supérieure aux concentrations minimales inhibitrices (CMI) des staphylocoques. Nous
essayons de maintenir en permanence un taux proche
ou supérieur à 20 µg/mL. Dans cette affection, l’administration continue n’a pas fait l’objet d’étude démontrant sa supériorité vis à vis d’une administration par
perfusion d’une à deux heures en trois ou quatre fois par
24 h. Le ou les autres antibiotiques sont poursuivis 45 j
au total, à l’exemple du traitement des ostéites. Le
traitement antibiotique peut être parfois poursuivi
encore plus longtemps, par exemple lorsque la plaie est
toujours ouverte ou lorsque la négativation des prélèvements a demandé un délai inhabituel (le germe étant
souvent un micro-organisme multirésistant tel un S.
aureus méticilline-résistant). Une scintigraphie aux leucocytes marqués peut éventuellement aider à la prise de
décision. Les quinolones et la rifampicine doivent être
données dès que possible par voie orale. En cas d’infection à bacille à Gram négatif, une bithérapie est également recommandée. L’éventualité de bacilles
multirésistants incite à choisir en première intention
une molécule à large spectre comme l’imipénem associée à l’amikacine. Un réajustement est effectué dès la
connaissance de l’antibiogramme.
Les autres aspects de la prise en charge n’ont rien de
spécifique. La gravité persistante de certains patients
peut justifier un séjour prolongé en réanimation. Chez
15 à 20 % des patients ayant subi une chirurgie valvulaire, une endocardite peut être associée à l’infection
médiastinale. La réalisation systématique d’une échocardiographie transœsophagienne est donc justifiée chez
les patients à risque. En cas d’atteinte valvulaire nécessitant une chirurgie, l’idéal est de pouvoir différer l’intervention après cicatrisation du médiastin. Une atteinte
mitrale est de pronostic moins catastrophique qu’une
atteinte aortique car il est possible d’opérer par thoracotomie.
L’état nutritionnel est probablement un facteur de
cicatrisation important, mais les régimes hypercaloriques ont été abandonnés au profit d’un retour à une
alimentation entérale le plus rapidement possible.
Enfin, un contrôle très strict de la glycémie chez le
patient diabétique fait partie des bonnes pratiques de
prise en charge.
Les médiastinites survenant au décours d’une greffe
cardiaque relèvent des mêmes thérapeutiques mais le
traitement immunosuppresseur doit être réduit sous
couvert de biopsies myocardiques répétées.
Stratégie thérapeutique
Chaque équipe en fonction du délai de survenue par
rapport à la chirurgie initiale, des dégâts locaux, de son
expérience et de ses préférences détermine un schéma
de prise en charge.
La stratégie des équipes avec lesquelles nous travaillons s’est simplifiée au cours des dix dernières années.
La quasi-totalité des médiastinites qui surviennent dans
les trois semaines après la chirurgie cardiaque bénéficient de première intention d’un drainage aspiratif au
moyen des drains de Redon, car l’atteinte osseuse est
habituellement limitée. Ce n’est qu’en cas de délabrement osseux, de très volumineuse cavité médiastinale
après détersion ou surtout après échecs itératifs que la
plaie est laissée temporairement ouverte, situations
représentant moins de 2 % des cas actuellement pris en
charge dans le service. Dès que l’état du patient paraît
stabilisé, une chirurgie de recouvrement est envisagée.
Notre préférence va à la réalisation d’épiplooplastie, en
raison d’un taux de complications immédiates inférieur
et de facilités locales pour sa réalisation. Ce dernier
élément est tout aussi important à considérer que le
premier pour déterminer le choix entre les deux techniques. Parmi les 11 derniers patients traités à thorax
ouvert ayant bénéficié de cette technique, neuf ont
quitté le service guéris.
235
Traitement des médiastinites
Tableau I. Classification des médiastinitesa (selon [22]).
Classe
Description
Type I
Médiastinite survenant dans les 2 semaines après la
chirurgie en l’absence de FDRb
Médiastinite survenant entre la 2e et la 6e semaines
après la chirurgie en l’absence de FDR
Médiastinite de type I avec un ou plusieurs FDR
Médiastinite de type II avec un ou plusieurs FDR
Médiastinite de type I, II, ou III après échec d’un
premier traitementc
Médiastinite de type I, II, ou III après plus d’un échec
Médiastinite survenant plus de 6 semaines après la
chirurgie cardiaque
Type II
Type III A
Type III B
Type IV A
Type IV B
Type V
a
: infection sternale avec ou sans atteinte de l’espace rétrosternal ;
: FDR = facteurs de risque de médiastinite : diabète, obésité,
immunosuppression ;
c
: échec d’un traitement chirurgical de la médiastinite.
b
D’autres équipes ont proposé une prise en charge
différente en fonction d’une classification fondée sur de
la durée d’incubation, l’existence de facteurs de risque
et l’échec de traitements chirurgicaux antérieurs (tableau
I) [22]. Pour les médiastinites de type I, le débridement
est complété par la mise en place d’un système
d’irrigation-drainage. Pour le type II (ou I), une chirurgie plastique immédiate en un temps avec stabilisation
du sternum est préconisée. Pour le type III, une chirurgie plastique est également recommandée mais faite
quelques jours après la mise à plat. Pour les médiastinites de type V, qui correspondent à des médiastinites
chroniques avec ostéomyélite, une sternectomie avec
éventuellement une excision des cartilages costaux est
souvent nécessaire, la plastie n’est réalisée que dans un
deuxième temps, à distance de la mise à plat. Le choix
du type de plastie dépend des préférences et de l’expérience du chirurgien. Enfin le type IV est à traiter
comme le type V. D’autres classifications et recommandations chirurgicales existent ; elles sont assez proches
de celle décrite précédemment [13].
RÉSULTATS ET PRONOSTIC ACTUEL
DES MÉDIASTINITES
La mortalité a globalement diminué au cours de ces
vingt dernières années, passant de 40 à 50 % à approximativement 20 % ou moins [4, 7]. Cependant, il existe
toujours de très grandes disparités en fonction des
populations étudiées. L’évolution d’une médiastinite
aiguë chez un patient jeune avec une fonction myocardique conservée et n’ayant pas développé d’état de choc
n’est pas comparable à celle d’un patient âgé, ayant une
cardiopathie au stade IV de la NYHA et présentant
d’emblée un état de choc avec défaillance polyviscérale.
Les données les plus récentes de la littérature en
fonction des techniques chirurgicales utilisées sont résu-
Tableau II. Résultats des médiastinites traitées par drains de Redon
[1, 7, 10].
Auteurs
Calvat
(n = 70)
Âge, m ± sd, ans
Chirurgie initiale
Pontages
Incubation, m±sd , j
Infection bactériémique
S.aureus
Décès
Échec du traitement initial
Durée de séjour
M ± sd, j
63 ± 12
56 %
14,7 ± 7,1
44 %
53 %
17 %
13 %
28 ± 20*
Berg (n
= 31)
Kirsch (n
= 72)
63,5 ± 9,9 65,9 ± 12,4
91 %
51,4 %
ND
ND
45 %
6,5 %
16 %
29 ± 26¥
16,5 ± 11
62,5 %
45,8 %
23,6 %
12,5 %
ND
* en réanimation,
¥
durée totale d’hospitalisation après la reprise chirurgicale.
mées dans les tableaux II, III et IV. L’expérience du
service portant sur les dix dernières années et concernant les malades adressés pour médiastinites aiguës est
résumée dans le tableau V.
Plusieurs études se sont intéressées aux facteurs pronostiques des médiastinites poststernotomie. Dans
l’expérience du Emory Hospital à Atlanta où les mala
Tableau III. Résultats des médiastinites traitées par irrigation drainage [7, 10, 11].
Auteurs
Calvat
(n = 38)
Berg
(n = 29)
Rand
(n = 19)
Âge, m ± sd, ans
Chirurgie initiale
Pontages
Incubation, m ± sd, j
Infection bactériémique
S.aureus
Décès
Échec du traitement initial
Durée de séjour
M ± sd, j
60 ± 16
47 %
63,5 ± 9,9
97 %
ND
100 %
11,3 ± 5,3
ND
26 %
ND
40 %
69 %
40 %
6,9 %
53 %
52 %
30 ± 20* 42 ± 21,9¥
ND
ND
ND
ND
79 %
21,7¥
* en réanimation,
¥
durée totale d’hospitalisation après la reprise chirurgicale.
Tableau IV. Résultats des médiastinites traitées par plastie
[13,17,20]
Auteurs
Jones
Krabatsch
Milano
Nombre de malades
186
140
59
Période d’étude
1988–1996 1987–1994 1988–1998
Type de plastie
• muscle
100 %
100 %
64,4 %
• épiploon
–
–
35,6 %
Complications locales 18,8 %
2%
Muscle = 18,4%
Epiploon = 4,8 %
Mortalité
9,9 %
35,7 % Muscle = 10,5%
Epiploon = 4,8 %
236
J.L. Trouillet
Tableau V. Malades hospitalisés pour médiastinite aiguë en réanimation médicale (Pr Gibert) entre 1991 et 2000.
Caractéristiques
Âge, m ± sd, ans
IGS 2, m ± sd
Nombre de défaillances d’organe à j1, m±sd
Incubation, m ± sd, jours
Chirurgie initiale, %
Pontages
Valves
Valves + pontages
Greffes
Autres
Évolution en réanimation
Type de traitement, %
Redon
Thorax ouvert
Décès, %
En fonction de la durée de ventilation
> 48 h
≤ 48 h
Durée de séjour en réanimation, m ± sd, jours
Durée de ventilation, m ± sd, jours
Délai de négativation des prélèvements, m ± sd, jours
Durée du drainage, m ± sd, jours
Nécessité d’une reprise chirurgicale, %
Hémorragie médiastinale grave, %
N = 332
61,9 ± 12,8
35,3 ± 16,3
1,9 ± 1,3
17,3 ± 25,2
59
21
12
3
5
95
5
21
52,9
2,8
27 ± 23
9,8 ± 20,9
8,6 ± 6,9
19,1 ± 5,7
12,6
2
des étaient essentiellement traités au moyen de plasties
musculaires, l’analyse multivariée mettait en évidence
trois facteurs pronostiques indépendants : le caractère
septicémique (mortalité de 25 % versus 3 %), l’existence d’un infarctus périopératoire et la mise en place
d’un ballon de contre-pulsion [13]. Pour une équipe
madrilène, les facteurs associés au décès étaient une
bactériémie, le recours à un ballon de contre-pulsion,
l’âge avancé, et une ventilation mécanique prolongée
[23]. À partir d’une cohorte de 236 malades hospitalisés
dans le service pour médiastinite aiguë et traités primitivement par la technique des drains aspiratifs, nous
avions déterminé par analyse multivariée quatre facteurs présents à l’admission prédictifs du décès en réanimation : un score de gravité général, l’âge, une
chirurgie autre que des pontages et le nombre de
défaillance d’organe à l’admission [24]. Plus intéressante était la prédiction au troisième jour postopératoire (j3). En effet, si le malade ne nécessitait plus de
ventilation artificielle, le risque de décès devenait très
faible (1 % dans cette série). En revanche pour les
patients qui à j3 nécessitaient toujours une assistance
ventilatoire, le risque de décès était de 50 %. Dans ce
sous-groupe de patient, deux facteurs en analyse multivariée étaient alors associés à la survenue du décès en
réanimation : une bactériémie soutenue définie par plus
d’une hémoculture positive et une chirurgie autre que
des pontages.
Dans une étude italienne récente, les facteurs prédictifs du décès intrahospitalier en analyse multivariée
étaient un séjour en réanimation supérieur à 96 h, un
saignement postopératoire supérieur à 1 000 mL/24 h,
un intervalle entre le début des symptômes et la reprise
de la cicatrice supérieur à 20 j et des prélèvements
bactériologiques positifs [25]. Ce dernier point met en
évidence une des faiblesses de cette étude où seulement
48,2 % des cas avaient un prélèvement bactériologique
positif. L’étude de l’hôpital Henri Mondor trouvait à
partir d’un groupe de 72 malades traités par la technique des Redons trois facteurs associés au décès : l’âge,
une incubation inférieure ou égale à 14 j et le caractère
résistant à la méticilline de S. aureus [10]. Le caractère
péjoratif lié à la résistance de S. aureus à la méticilline
tient probablement à d’autres facteurs que la virulence
propre à ce type de souche. Certaines populations de
malades ont un pronostic très sombre. C’est le cas des
malades hospitalisés en réanimation pour une
défaillance d’organe après chirurgie cardiaque et qui
développent secondairement une médiastinite ; l’intervalle entre la chirurgie cardiaque et cette infection
sternale est alors beaucoup plus long, de l’ordre d’un
mois. Dans notre expérience, la mortalité de ces patients
est significativement plus élevée que celle des malades
hospitalisés d’emblée pour médiastinite (63 % versus
21 %) [26]. Enfin, les malades ayant une médiastinite
et une endocardite de façon concomitante ont une
mortalité atteignant 70 % [26].
CONCLUSIONS
En dépit d’un diagnostic plus facilement évoqué
qu’autrefois et du recours préférentiel aux techniques à
thorax fermé, la mortalité demeure élevée. Les efforts
doivent donc porter en priorité sur les mesures préventives : abandon du rasage cutané, réduction du séjour
préhospitalier, précautions appropriées en fonction des
facteurs de risque du malade tel qu’un contrôle strict de
la glycémie chez un patient diabétique, antibioprophylaxie respectant les recommandations des experts, techniques particulières de fermeture cutanée et sternale, ou
encore évaluation de nouvelles mesures telle que l’éradication du portage nasal de S. aureus [27-29].
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