1 La République opportuniste (1879-1899) A partir de 1879, les Républicains contrôlent désormais la totalité du pouvoir = pour cette raison, ils vont pouvoir mettre en œuvre toute une série de réformes directement inspirées de l'esprit républicain. On pourrait même parler d'une idéologie républicaine fondée sur le positivisme (philosophie d’Auguste Comte) et qui aboutit à une négation des conceptions dogmatiques et religieuses ambiantes = la raison se substitue à la croyance, à la religion. Mais cette orientation matérialiste ne signifie pas dire pour autant que cette politique soit privée de morale ; bien au contraire = seulement à présent, l'homme détermine lui-même les frontières du bien et du mal = les républicains retrouvent ici les racines de l'idéalisme de 1789 et les valeurs qui vont diriger leur action = liberté, égalité et fraternité. Il faut dire que les républicains au pouvoir sont avant tout des intellectuels, des hommes d'idées, et leurs idées sont au service de l'action, mais là aussi une action réfléchie, une véritable méthode de gouvernement. Ce qui marque leur politique c'est leur méthode, leur maturité, leur sens pratique, leur capacité à distinguer les problèmes et à les régler au moment opportun d'où le terme d'opportunistes qu'on a accolé à ces républicains modérés. Ils sont opportunistes dans le sens où ils savent adapter leur politique aux circonstances, réformer sans heurter l'opposition, mais tout de même parvenir à leurs fins = c'est le résultat qui compte quel que soient le temps, les efforts et les détours employés pour y parvenir : Gambetta est le premier à défendre la "politique des résultats". Et les résultats seront nombreux : c'est l'époque des Grandes batailles de la République où malgré les crises ils réussissent à imposer les grandes réformes qui constituent les piliers fondamentaux de l'ordre républicain. En même temps, les succès de leur politique des résultats rendent finalement impossible un retour à la monarchie et les républicains opportunistes consolident le régime établie en 1875. C'est parce qu'ils ont ainsi consolidé leurs positions qu'ils peuvent surmonter les différentes crises qui auraient pu mettre la République en question. À cela s’ajoute un autre facteur : ceux qui traditionnellement pourraient être tentés de remettre en question la République sont considérablement amoindris : Essayons de préciser : 2 - les monarchistes très minoritaires à la chambre restent divisés. Après la mort du comte de Chambord (légitimiste) (1883) les légitimistes refusent de se ranger derrière le prétendant orléaniste (le Comte de Paris). Parallèlement, certains orléanistes s'éloignent de leur famille politique d'origine pour se rallier définitivement à un régime républicain modéré. - chez les bonapartistes, après la mort du prince impérial (fils de Napoléon III (mort en 1873) meurt en 1879, à 23 ans, tué par les Zoulous) unique successeur possible, les chances de restauration impériale s'évanouissent. Les royalistes et les bonapartistes restent bien implantés dans l'armée, la haute fonction publique, sont soutenus par l'Eglise, mais ne constituent pas politiquement une menace pour la République. Les menaces les plus sérieuses viennent de gauche et des républicains eux-mêmes. La politique des opportunistes ne satisfait pas tout le monde et il n'est pas impossible que tous les mécontents s'associent dans un complot contre la République = c'est ce qui a failli arriver, notamment avec la crise boulangiste (dont on va reparler). Mais avant cela, les premières années de la République opportunistes sont placées sous l'autorité de Jules Ferry. Jules Ferry est lorrain, issu d'une riche famille bourgeoise qui a des manufactures dans les Vosges. Il devient un brillant avocat avant de s'engager dans la politique sous le Second Empire et devient maire de Paris après la déchéance de l'Empereur. C'est un républicain modéré qui devient ministre de l'instruction dans le premier gouvernement formé en 1879 sous l'autorité du Président de la République Grévy. Il devient à son tour Président du Conseil à deux reprises en 1880-81 et 1883-85. A la chute de Ferry (1885) se succèdent à un rythme soutenu divers gouvernements républicains modérés (6 gouvernements successifs), qui ne tiennent que quelques mois, et qui poursuivent la politique de Ferry. Autrement dit, toute la période 1879-1886 est dominée par la personnalité de Ferry, qui incarne véritablement l’esprit républicain dont on parlait tout à l’heure. Pour mesurer l'importance de l'assise politique des républicains, il faut se référer aux résultats des élections législatives de 1881 : sur 545 députés la droite (monarchistes et bonapartistes) n'obtient que 88 sièges (vert et bleu), le reste (rouge, rose et jaune = 457) allant à des républicains. 3 Mais si ces républicains s'accordent sur une même forme de gouvernement ils se divisent sur la nature et l'ampleur des réformes à entreprendre. On peut distinguer 4 tendances : - les plus à droite constituent le "centre gauche" (une 40aine) = républicains très modérés presque conservateurs notamment en matière sociale. (ils ne sont pas représentés ici). - plus au centre, la "Gauche Républicaine" de Jules Ferry avec environ 170 sièges. - peu de choses la distinguent de "l'Union Républicaine" de Gambetta (environ 200 députés) = les deux veulent appliquer avec pragmatisme et méthode le programme républicain, la politique des résultats. En, fait ce qui les divise surtout c'est la personnalité de leurs dirigeants, des rivalités personnelles : tout au plus Gambetta est-il un plus fervent défenseur de la grandeur nationale que Ferry, mais ils finiront par se rejoindre même sur ce point. D'ailleurs lorsque Gambetta meurt en 1882 (très jeune = 44 ans), les deux tendances fusionnent pour former le groupe des républicains opportunistes soutenu par la bourgeoisie libérale et les classes moyennes. - à l'extrême gauche une quarantaine de "Républicains radicaux" ou "intransigeants" conduits par Clémenceau et qui sont les défenseurs de l’orthodoxie républicaine, défenseurs du programme républicain établi avant la chute du Second Empire. C'est lors du discours de Belleville en avril 1869 que Gambetta définit les grandes lignes du radicalisme (il est député de Belleville) = (suffrage universel, suppression du Sénat, libertés publiques, laïcité, réformes sociales...). Les radicaux de Clémenceau reprochent à présent aux opportunistes d'avoir oublié les principes fondamentaux du discours de Belleville, ceux d'une véritable "République démocratique et sociale" et s'en tiennent aux revendications politiques et sociales d'origine : - En matière politique ils sont partisans du monocamérisme et donc de la suppression du Sénat mais également du Président de la République. - Ils défendent la laïcité, la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la suppression des armées permanentes, la décentralisation, l'élection des juges et l'impôt sur le revenu. - En matière sociale, ils réclament la réduction du temps de travail, des caisses de retraite, la couverture des accidents du travail...). Voilà pour la composition de la Chambre. 4 Pour ce qui est de la vie politique, durant près de 6 ans de 1879 à mars 1885 (chute de Ferry liée à sa politique coloniale), les opportunistes sont largement majoritaires à la chambre. Mais cette période ne se traduit pas pour autant par une grande stabilité ministérielle, qui aurait pourtant été logique. En fait l'instabilité ministérielle est surtout la conséquence de la politique sournoise du Président de la République Grévy, qui va s'employer à écarter systématiquement de la présidence du Conseil toutes les personnalités marquantes. Durant toute cette période, il n'appelle au pouvoir que des doublures hormis Jules Ferry et s'emploie surtout à barrer la route au très ambitieux Gambetta. Pourtant aux élections de septembre 1881, c'est son parti (l'union républicaine) qui est majoritaire et il devrait logiquement être porté à la présidence du conseil. Il est écarté du pouvoir pour plusieurs raisons : - sans doute sa personnalité (son côté méridional grandiloquent = il est originaire de Cahors). - sa réputation de tombeur de ministères, - le fait d'oublier un peu son programme de Belleville ce que les radicaux continuent à lui reprocher, - le manque d'appuis politiques au moment où il en aurait eu le plus besoin qui sont les causes de sa mise à l'écart. Le "Grand ministère" Gambetta que l'Union républicaine attendait n'aura pas lieu. Seul Ferry réussit à passer à travers les mailles du filet et à constituer le "Grand ministère Ferry" (février 1883 - mars 1885) qui s'appuie sur une majorité de centre (entente entre "gauche républicaine" et "union républicaine") capable de le soutenir pendant plus de deux ans contre les extrêmes. Cette stabilité est remarquable surtout si l'on considère qu'il a déjà été pendant plus d'un an Président du conseil (septembre 1880 - novembre 1881) et pendant longtemps ministre de l'instruction publique. C'est cette grande stabilité, surtout dans le contexte de l'époque, qui permet au gouvernement de mener à terme les réformes les plus importantes des républicains opportunistes (sur lesquelles on va revenir tout à l’heure). Seulement, ces quelques années de vie parlementaire, et la politique destructrice de Grévy émaillée des scandales retentissants, vont renforcer aussi l'opposition, et notamment l'antiparlementarisme, qui sert de toile de fond à la crise boulangiste (1886-1889). La crise boulangiste prend naissance dans un contexte qui mérite d'être rappelé, parce que le boulangisme est largement tributaire des circonstances. Nous verrons ensuite quelle est la politique menée par Boulanger. 5 5 idées sont à retenir pour illustrer ce contexte : - un climat de dépression économique qui débute en 1873 et qui s'aggrave dans les années 1880 et se traduit par une certaine agitation sociale. - un certain pessimisme, une certaine déception devant la politique des opportunistes : les conceptions auxquelles ils se tiennent (égalité droits de l'homme...) semblent confuses et irréalisables ; quant à leur politique très conservatrice sur le plan social elle déçoit les masses laborieuses qui vont placer ailleurs leurs espérances. - un antiparlementarisme croissant encore accentué par l'instabilité ministérielle et par les scandales qui affectent le régime. Grévy, réélu Président de la République en 1885 se trouve impliqué dans un trafic de décorations dont est responsable le député Daniel Wilson qui n'est autre que son gendre. Après des mois d'atermoiements, Le Président de la République Grévy est contraint de démissionner en novembre 1887 et est remplacé par un homme intègre mais très effacé, Sadi Carnot qui limite ses fonctions aux inaugurations et aux dépôts de gerbes. - l'opposition politique existe : la droite conservatrice confirme sa haine contre la République. À l'opposé de l'échiquier politique, les radicaux reprochent au gouvernement ses faiblesses en matière de réforme sociale et institutionnelle. - la persistance d'un nationalisme qui n'a pas perdu l'espoir de reconquérir l'Alsace et la Lorraine = nationalisme revanchard. Voilà pour le contexte favorable à l’avènement de Boulanger. Qui est cet homme qui va pour un temps rassembler les espoirs de tous ces mécontents ? Boulanger n'est pas un homme politique. Sorti de Saint Cyr, il fait une carrière militaire fulgurante = Sous le second Empire, il se bat en Kabylie, puis durant la campagne d'Italie contre les Autrichiens, puis en Cochinchine. En 1870 il participe aux combats, et il est blessé ce qui lui permet de ne pas participer à la répression de la Commune. En 1871, à 34 ans ses états de service lui valent d'être déjà Colonel et commandeur de la légion d'honneur. En 1884, il est Général et commandant en chef des troupes françaises en Tunisie (la France y a établi un protectorat en 1881). Pour ce qui est de ses idées, il affirme bruyamment des convictions républicaines (on le dit "fervent républicain" mais au fond ce n'est qu'un arriviste, un démagogue audacieux, beau parleur, très soucieux de son apparence, mais au fond un personnage assez médiocre). 6 Néanmoins c'est sa réputation de "Général de gauche" qui assure sa promotion = il devient ministre de la guerre en janvier 1886. En qualité de ministre, il se rend populaire dans l'armée en améliorant la condition du soldat. Mais en fait, il profite surtout de sa situation pour cultiver sa propagande personnelle, sa popularité : il tisse des liens avec les milieux politiques, il établit le défilé du 14 juillet (devenu depuis peu fête nationale en 1880) = la revue du 14 juillet 1886 où il caracole à la tête de ses troupes sur un magnifique cheval noir (Tunis) lui vaut une popularité sans pareille auprès de la population parisienne. Mais un événement va surtout servir de tremplin à sa popularité = affaire Schnaebelé (avril 1887). Schnaebelé est un fonctionnaire français, un commissaire qui a été enlevé par les allemands à la frontière dans le cadre d'une sombre affaire d'espionnage. Cette affaire qui au départ n'est qu'une "bavure" va s'amplifier en raison de l'intransigeance de Boulanger. Boulanger, qui est un peu l'interprète de l'esprit revanchard du moment va se distinguer par une attitude d'une très grande fermeté vis-à-vis de l'Allemagne (au risque de provoquer une nouvelle guerre). Schnaebelé est alors libéré (30 avril 1887) et aux yeux de l'opinion publique, Boulanger devient "l'homme qui a fait reculer Bismarck". La presse s'empare de l'affaire et a tôt fait du ministre le "Général revanche". Mais la gauche qui l'a poussé au pouvoir se méfie des militaires trop populaires (on se souvient de l'attitude de Mac Mahon) et va chercher à l'éloigner du pouvoir. En mai 1887, le gouvernement dont il fait partie est renversé et lorsqu'un nouveau gouvernement est formé il ne retrouve plus son ministère = il n’est plus ministre de la guerre ; mieux, il est nommé commandant du 13e corps d'armée à Clermont-Ferrand. Boulanger est devenu suspect pour une partie de la gauche. Qu’à cela ne tienne = il prend des contacts avec diverses tendances de la droite, et profite de sa popularité pour se lancer dans la politique (n'étant plus membre du gouvernement et ayant été mis à la retraite en mars 1888, il devient éligible). Quelle va être son action ? Comment va se comporter le général en politique ? Rappelons d’abord qu’il peut ainsi compter sur des soutiens aussi nombreux qu'inattendus. Qui soutient Boulanger ? - des hommes de gauche = des républicains radicaux dégoûtés par la corruption parlementaire, et qui voient en lui l'espoir d'une république plus forte et plus pure. 7 - des nationalistes aussi bien de gauches (jacobins) que de droite (notamment des militaires, qui voient en lui le "Général Revanche". - des royalistes et des bonapartistes qui pensent qu'il pourra consoler leurs espoirs déçus. D'ailleurs le boulangisme s'apparente au bonapartisme par la recherche constante d'une légitimité plébiscitaire et charismatique. - des catholiques pensent qu'il pourra protéger l'Eglise contre les persécutions religieuses des républicains. - mais le principal soutien se trouve dans une association nationaliste, originellement très républicaine, la Ligue des patriotes, créée en 1882 par le poète nationaliste Paul Déroulède. Originellement cette association qui entend participe à l'œuvre de redressement national (redressement militaire, redressement moral de la France) a essentiellement un but éducatif = Patronnée par Jules Ferry et Victor Hugo, elle a pour objectifs l'éducation patriotique et militaire de la jeunesse. Dans les années 1885, essentiellement sous l'influence de Déroulède, cette association commence à dériver vers l'opposition au régime parlementaire = pour résumer l’idée de Déroulède = la France est malade du régime parlementaire et il faut commencer par la guérir avant de songer à une quelconque revanche. Fort de ces soutiens, et en vue de la campagne électorale, Boulanger peut formuler un programme politique aussi flou que la masse des mécontents qu'il veut attirer. Un programme racoleur "attrape-tout" qui repose sur les idées simple de l'antiparlementarisme ambiant = il dénonce la corruption des mœurs parlementaire et résume son programme dans son slogan : "dissolution, constituante, révision". Si son programme réactionnaire est somme toute assez classique, il n'en va pas de même pour sa campagne électorale qui est d'un style très nouveau : C’est une véritable campagne à l'américaine avec affiches, distributions massives de tracts, de brochures, de portraits, d'objets divers de bibelots à l'effigie du "brave général"... Cela lui permet d'accroître sa popularité alors que son programme est des plus décousu : Boulanger est un véritable caméléon politique qui s'adapte à la demande et dont la doctrine est un bric à brac d'idées hétérogènes, voire contradictoires. Malgré cela, aux élections (qui sont des élections partielles en janvier 1889) il remporte un succès triomphal (un triomphe qui est amplifié par le système des candidatures multiples. Son succès est considérable surtout à Paris). 8 Le 27 janvier 1889, à l'annonce des résultats, la foule de ses sympathisants essaie de le convaincre que le moment est venu de tenter un coup d'Etat pour s'emparer du pouvoir (on l'assure que la police et l'armée ne feront rien pour l'en empêcher : il est entrain de dîner dans un restaurant Place de la Madeleine et sous ses fenêtre les foule crie : "A l'Elysée, à l'Elysée...". Mais Boulanger hésite et finalement, le "Général coup d'Etat" laisse passer l'occasion. La réaction du gouvernement républicain est rapide et efficace. En quelques jours toutes les mesures sont prises pour éviter le dérapage. Quelles sont ces mesures ? - la ligue des patriotes est dissoute, - des poursuites sont engagées contre Boulanger, devant une Haute cour de justice, pour complot et atteinte à la sûreté de l'Etat, - les candidatures multiples sont interdites. Quant à la foule parisienne, elle commence à oublier le Général. Il faut dire que, en même temps on assiste à l'ouverture de l'exposition universelle de Paris (1889) qui commémore le centenaire de la Révolution = une manifestation qui fait figure de grande messe républicaine, et qui vient détourner l'attention de l'opinion. Quant à Boulanger, il met fin à sa trajectoire de météore politique : il s'enfuit en Belgique et en 1891, il se suicide piteusement sur la tombe de sa maîtresse. Au-delà de l'anecdote, il faut retenir que le Boulangisme a été une menace réelle pour la République, mais qu'elle a su surmonter la crise, ce qui l'a sans doute renforcée : derrière Boulanger s'étaient rassemblés tous les tenants d'une conception autoritaire du pouvoir. Son échec, c'est le succès de la démocratie et de la République = les républicains remportent largement les élections législatives de septembre octobre 1889 : face à la menace révisionniste les républicains pourtant divisés se sont regroupés, ils ont fait front face à l'ennemi commun et la République en sort consolidée. Cela est d'autant plus nécessaire que d'autres crises de nature et d'intensité variable, vont ébranler la République durant la période suivante. Les élections législatives générales de 1889 consacrent la fin du boulangisme, et inaugurent une période qualifiée généralement de République modérée (1889-1898). Lors de ces élections, puisque les républicains, toutes tendances confondues, obtiennent 366 sièges contre 210 à l'opposition parmi lesquels seulement quelques dizaines de boulangistes. 9 Avec cette nette victoire républicaine, la vie politique reprend son cours avec la même fréquence de crises ministérielles, tempérée par la permanence du personnel : "les ministères passent, les ministres restent". Et l'opinion, qui assiste à ce renouvellement permanent, a de plus en plus l'impression qu'il est superficiel, et que tous les hommes politiques se valent. Et on a tendance à croire aussi que tous les hommes politiques de quelque importance sont malhonnêtes, ce qui va être confirmé en partie par une affaire retentissante = le scandale de Panama. Nous sommes à une époque où la France est en pointe dans le domaine des grands travaux = il faut rappeler notamment, le formidable succès de l’ouverture du canal de Suez (le canal tracé par un français Ferdinand de Lesseps est inauguré en 1869). Fort de ce succès, Ferdinand de Lesseps lance en 1880 la Compagnie du canal interocéanique de Panama, financée par des souscripteurs (petits actionnaires). Les travaux débutent, mais Lesseps ayant choisi, malgré le dénivelé, de creuser un canal plat, plutôt qu'un canal à écluses, le percement de la montagne s'avère très cher. En 1885 il décide de lancer un emprunt assorti d'une loterie qui est soumis à une autorisation législative. Le risque c’est de voir les députés et le gouvernement ne pas donner cette autorisation. Pour éviter toute opposition, la compagnie va commencer à corrompre les principaux responsables politiques : elle corrompt d'abord le ministre des travaux publics, puis par l'intermédiaire de banquiers complices elle achète toute une série de députés et de sénateurs pour qu'ils acceptent d'autoriser l'emprunt. La loi autorisant l'emprunt est finalement votée mais trop tard : les travaux engagés ont été ruineux et en janvier 1889 la Compagnie fait faillite ruinant près de 85 000 petits épargnants = on estime qu'elle a dépensé près d'un quart de ses fonds pour corrompre des parlementaires. Pendant près de trois ans le scandale est étouffé par les milieux parlementaires, puis il éclate en 1892 = on découvre au domicile d'un banquier les talons des chèques portant le nom des parlementaires corrompus. L'affaire donne lieu à une formidable campagne de presse contre les "chéquards" : - certains journaux dénoncent la corruption des milieux parlementaires dans la plus pure tradition antiparlementariste, - d'autres dénoncent la collusion des milieux bancaires juifs et des milieux parlementaires = le scandale de Panama vient encore renforcer l'antisémitisme et l'antiparlementarisme. 10 En fait ce scandale salit tout le haut personnel politique = les républicains qui avaient tant dénoncé l'affairisme et la corruption de la droite sous le second Empire, n'ont pas résisté à la tentation une fois qu'ils sont parvenus au pouvoir. Les conséquences de ce scandale sont sérieuses : seulement quelques responsables sont condamnés par la justice ; en revanche, on assiste à un profond renouvellement du personnel politique républicain. Certains s'effacent temporairement (Clémenceau), d'autres disparaissent définitivement et on voit apparaître une nouvelle génération d'homme politiques républicains, prêts à prendre la relève. Mais en même temps, si le scandale de Panama a ébranlé le régime, il ne l'a pas renversé pour autant. Et la République est prête à affronter d'autres menaces, cette fois-ci sur un terrain plus politique. Politiquement, la principale menace ne vient plus de droite mais de gauche avec la progression des socialistes. Rappelons que, avec la Commune de 1871 et la répression qui l'a suivie, le socialisme français a été décapité (à cause de multiples exécutions, emprisonnements déportations). Il se reconstitue au début des années 1880 en empruntant deux aspects : il va suivre deux voies : - le syndicalisme qui cherche à obtenir une amélioration des conditions de travail des ouvriers et des salaires. - le socialisme politique qui a pour objectif de replacer l'ordre politique libéral existant par un nouvel ordre politique égalitaire et interventionniste. Quant à savoir quelle est la meilleure méthode pour parvenir à ce nouvel ordre politique, les opinions sont divergentes = deux courants = - certains refusent absolument tout compromis avec le régime existant et pensent soit qu’il faut le détruire par la violence = par violence on entend trois moyens = (grève insurrectionnelle ; les attentats terroriste ; la révolution prolétarienne. - d'autres estiment qu'on peut s'intégrer au régime établi, parvenir progressivement au pouvoir par les voies légales (élections) et réformer ensuite le régime. Ces différences dans les objectifs (syndicalisme/socialisme politique) et ces différences dans les méthodes (violence / accession au pouvoir par des voies 11 légales), sont telles que pendant vingt ans (1870-90) les socialistes ne parviendront pas à s'unir. D’ailleurs, les différents congrès socialistes nationaux témoignent toujours de la coexistence de tendances diverses. Et en France toutes les tentatives d’unification entre le courant syndicaliste et le socialisme politique échouent. Ces tentatives d'unification n'aboutissent en fait que sur le plan international, et encore assez lentement = il faut attendre le congrès international de Bruxelles de 1891 pour que triomphe le socialisme politique grâce à l'appui des marxistes. Sur le plan interne, syndicalisme et socialisme politique continuent donc à poursuivre des destins parallèles. Comment les choses vont-elles évoluer sur le plan syndical et sur le plan politique ? - Sur le plan syndical des progrès considérables sont effectués d'abord en 1886 avec la création d'un fédération nationale des syndicats, qui donnera naissance quelques années plus tard (Congrès de Limoges en 1895) à la Confédération Générale des travailleurs (CGT). Il faut signaler également la création à Paris, en 1887 de la première bourse du travail, qui sera rapidement imitée en Province = il s'agit de regrouper les travailleurs non pas verticalement c'est à dire par profession comme le font les centrales syndicales, mais horizontalement, géographiquement = pour que se rencontrent tous les acteurs économiques (ouvriers et patrons) d'une même ville. - Sur le plan politique, le climat engendré par la situation de la classe ouvrière permet à divers candidats socialistes d'être élus = ils sont 38 en 1893 tous socialistes, mais appartenant à 5 sensibilités politiques différentes (l'unité reste difficile à réaliser, les antipathies personnelles plus que les différences doctrinales divisent le mouvement). Un semblant d'unité est réalisé par l'émergence de grands dirigeants = l'avocat parisien Alexandre Millerand et surtout Jean Jaurès brillant professeur de philosophie originaire de Castres = ils réussissent à rassembler les socialistes autour de valeurs communes = Ils sont opposés au libéralisme économique et à l'individualisme libéral. Quant à l'action, ils préconisent la conquête légale du pouvoir par les élections de manière à faire évoluer le système capitaliste. En marge de ces mouvements, l'agitation est également entretenue par la violence anarchiste. Pour s’en tenir à l’essentiel, en France comme à l’étranger (l’anarchisme n’est pas spécifique à la France), les anarchistes sont hostiles à toute forme de politique = leur seul objectif est la destruction de l'Etat, du régime et de ses 12 représentants. Leur action se concrétise dans toute l'Europe par des attentats, des assassinats souvent spectaculaires. En France, la crise anarchiste culmine entre 1892 et 1894 avec diverses bombes à la dynamite posées par l'anarchiste Ravachol qui font régner à Paris pendant quelques temps une véritable psychose. Pour Venger Ravachol, une bombe lancée en décembre 1893 par Auguste Vaillant à la Chambre des députés. Puis ce sont les gares et même les commissariats de police qui explosent (attentats d'Emile Henry). En 1894 enfin, c'est le Président de la République Sadi Carnot qui tombe poignardé par un jeune anarchiste italien (Caserio) = tous les quatre sont guillotinés. La réponse de l’Etat est très sévère, la répression est rigoureuse, et finalement, la guillotine et la législation républicaine sont suffisamment efficaces pour faire cesser les attentats anarchistes. Ce courant de pensée ne se manifeste plus désormais que par l'action syndicale et une presse active et variée. Que retenir de cette période ? Au fond, malgré ces épisodes dramatiques, et les différentes crises qu'elle surmonte, la République modérée donne l'impression d'une étonnante stabilité. En plus, sur le plan diplomatique, la situation s’améliore = en 1891 par la signature du traité Franco-Russe, la France sort enfin de l'isolement diplomatique dans lequel Bismarck l'avait tenue durant 20 ans. D'autres alliances vont se succéder pour permettre à la France de s'imposer à nouveau sur la scène internationale. Mais c'est sur le plan interne que l'œuvre des opportunistes est la plus considérable : en moins de 20 ans ils établissent une œuvre législative qui constitue le fondement de l'ordre républicain. Et c’est sur cela que je voudrais insister = en évoquant l'oeuvre des opportunistes. Comment débute leur action ? Les républicains qui dominent tous les rouages du pouvoir après la démission de Mac Mahon, les républicains commencent par procéder à l'épuration de la haute administration, administration préfectorale, corps diplomatiques et armée. Et parallèlement, des républicains sont placés aux postes clés. Une fois cette épuration réalisée, le nouveau régime se lance dans une production législative destinée à asseoir définitivement la République et qui correspond schématiquement à un triple idéal : - idéal national, né de la défaite de 1870. Après le choc émotionnel provoqué par la défaite suivi de quelques années de recueillement, la République 13 s'emploie au redressement national dans le but d'affirmer à nouveau la grandeur du pays, et pour certains de reconquérir les provinces perdues. D'où le développement de l'armée et surtout d'une éducation civique et patriotique. - idéal démocratique et social qui remonte au discours de Belleville prononcé par Gambetta en 1869. Ce programme est le reflet de l'esprit républicain : une audace incontestable dans le domaine des mœurs et des institutions politiques; une attitude à la fois offensive et réservée dans le domaine économique et social. - idéal laïc qui est le véritable ciment de la République. Pourquoi ? L'Eglise a été l'arme de l'Ancien régime et a été associée depuis à tous les régimes autoritaires, toujours prête à soutenir une éventuelle restauration monarchique. La politique de la IIIe République sera laïque notamment dans le domaine sensible de l'enseignement. Elle sera même anticléricale, l'Eglise étant considérée comme une puissance extérieure aux mains du Vatican. Nous allons en retrouver une illustration dans un premier point consacré à l’œuvre sociale des Républicains. L'attitude de la IIIe République vis à vis de l'Eglise s'explique par 3 raisons essentielles : - D'abord par des considérations philosophiques : les républicains, rationalistes, positivistes refusent l'influence dogmatique de l'Eglise. Pour eux l'organisation politique et sociale ne doit pas être soumise à des vérités transcendantes, mais procéder de la raison purement humaine. - Elle s'explique également par l'attitude politique de l'Eglise catholique, très conservatrice depuis la Révolution. - Et également par la présence parmi les Républicains de nombreux protestants et francs-maçons. Les protestants sont Presque unanimement favorables à la République et ils sont très présents dans la haute administration comme dans la vie politique (un certain nombre de ministres) et nombreux à l'échelon des grandes directions de l'instruction publique. Pour ce qui est de la franc-maçonnerie elle est très puissante de 1877 jusqu'aux années 1910 et est très proche du pouvoir. 14 Les francs-maçons ne sont pas étrangers à l'anticléricalisme et à la politique scolaire de la IIIe République = ce sont les deux exemples que j’ai retenus et sur lesquels je voudrais insister : * Concernant la politique anticléricale, il faut commencer par rappeler que, bien que l'Eglise ne soit pas une force politique, elle a beaucoup pesé du côté de la droite conservatrice. Elle a soutenu le second Empire et en 1864, le Pape Pie IX, a clairement condamné « les libertés modernes » c'est-à-dire les valeurs démocratiques de la Révolution. Et depuis 1871, l’Eglise est l'un des principaux soutiens aux espoirs royalistes. Par ailleurs l'ampleur de la restauration catholique depuis 1815 et l'emprise de l'Eglise sur l'enseignement (l'Eglise est presque totalement maîtresse de l'enseignement primaire) inquiète les républicains. Depuis la Loi Falloux de 1850, les congrégations religieuses disposent d'établissements d'enseignement secondaire et reçoivent à ce titre des subventions des départements et des communes. Une loi de 1875 a même étendu ces dispositions aux établissements d'enseignement supérieur. Cela explique l’anticléricalisme des républicains. Mais l'anticléricalisme, (qui à l'origine est simplement un frein à cette ingérence de l'Eglise dans les affaires publiques) va se transformer dans les années 1880. Désormais, le "cléricalisme" contre lequel luttent les républicains ce ne sont pas seulement les débordements de l'Eglise dans la société civile. Ils vont lutter contre l'Eglise elle-même en tant qu'institution et surtout contre la foi qu'elle répand. Le dogme chrétien apparaît presque une insulte pour le positivisme et l'athéisme des républicains. Aussi, les républicains des années 1880, par pure conviction philosophique, vont essayer de lutter contre la religion et entreprendre une véritable œuvre de déchristianisation. Les moyens employés par le régime sont au nombre de 3 : - réduction de l'influence des congrégations religieuses et notamment des Jésuites, qui étaient très présents dans l'enseignement (Exclusion de l'enseignement supérieur de tout membre d'une congrégation religieuse non autorisée ; dissolution de la Compagnie de Jésus ; fermeture des établissements religieux non autorisés). - En même temps, on répand l'enseignement public laïc (cf infra) 15 - et on laïcise même divers aspects de la vie publique = on laïcise les hôpitaux, les cimetières perdent leur caractère confessionnel en 1881, la liberté des funérailles est instituée en 1887, les tribunaux, les prétoires d'où disparaissent les symboles religieux et on peut désormais travailler le dimanche. Malgré cette politique, l'Eglise souhaite discrètement un rapprochement avec la République française. Pourquoi ? - il faut dire que les catholiques ont été déçus par le soutien des royalistes au général Boulanger et de manière générale par une attitude qui ne fait qu'accentuer l'anticléricalisme des républicains. - Par ailleurs, le Pape Léon XIII n'a pas de très bonnes relations avec l'Allemagne et l'Italie et c'est lui qui désire ce rapprochement avec la France. C'est lui qui conseille aux catholiques français d'accepter le régime, parce que c'est dans la tradition de l'Eglise, qui n'est liée à aucune forme de pouvoir terrestre de respecter le pouvoir légitime. Et il leur demande de jouer le jeu politique pour faire évoluer la législation. C’est donc ainsi que l’on assiste finalement au « ralliement » des catholiques au régime. * Concernant le 2e exemple = la laïcisation de l'enseignement, il faut commencer par expliquer que sous la IIIe République, l'enseignement est conçu comme l'un des véritables fondements du régime, presque l'âme du régime républicain. Il est au cœur de toutes les préoccupations, parce qu'il est le facteur essentiel du progrès social : Quels sont les principes sur lesquels il doit reposer ? L'enseignement, tel que le conçoivent les républicains doit répondre à des principes fondamentaux qui conditionnent sa mission = l'école doit être laïque, gratuite et obligatoire : Et ces trois principes vont s’imposer progressivement : - la laïcisation de l'école débute avec l'arrivée de Ferry au ministère de l'instruction. En 1879 on prévoit l'exclusion des ecclésiastiques du conseil supérieur de l'instruction publique et de tous les jurys (jurys de licence et de doctorat). Viennent ensuite les décrets de 1880 sur les congrégations (supra) permettant l'expulsion des jésuites et les fermetures de couvents. Enfin, la loi sur la laïcité du 28 mars 1882 vient poser le principe de la neutralité confessionnelle des enseignants = chacun est libre de penser ce qu'il veut sur le plan 16 philosophique, mais aucun message religieux ne peut être véhiculé par l'enseignement. D'ailleurs le personnel est définitivement laïcisé par une loi du 30 octobre 1886 = désormais un prêtre ou une religieuse ne peuvent plus enseigner dans une école publique = c'est l'aboutissement de l'affirmation du principe de laïcité. - la gratuité prévue par le programme de Belleville, et qui était déjà en marche avant Jules Ferry, s'impose sans difficulté par une loi du 16 juin 1881 = elle doit permettre l'égalité des chances. C'est une disposition de justice sociale. - quant au caractère obligatoire, c'est le moyen essentiel de l'uniformisation sociale. Il s'impose également par une loi du 28 mars 1882 pour les enfants de 6 à 13 ans, couronné par le Certificat d'Etudes. Quels sont les objectifs poursuivis par les républicains ? Pour ce qui est des objectifs de l'enseignement, outre les objectifs classiques de l'enseignement primaire, au lendemain de la défaite de 1870, l'Ecole est également un instrument nécessaire à restaurer la confiance et renforcer le sentiment national et le patriotisme. L'école va utiliser divers moyens pour y parvenir : - le premier moyen, ce sont les enseignants eux-mêmes, les instituteurs "hussards noirs de la République" qui font office de véritables prédicateurs laïques = ils sont les artisans d'une régénérescence patriotique et républicaine = l'objectif est de forger des citoyens voire les soldats de demain. - le second moyen c'est le choix des matières enseignées = lecture écriture, calcul sont les objectifs classiques de l'enseignement primaire = une place importante est réservée à l'orthographe et à la grammaire. Mais il faut souligner également la place des leçons de morale, mais bien sûr une morale laïque = l'exemple des grands ancêtres est un moyen d'endoctrinement. - le troisième moyen, non le moindre, le choix des manuels scolaires. La réforme de l'éducation touche également les filles, puisque la loi Sée du 21 décembre 1880 prévoit la création de Lycées de jeunes filles, malgré une certaine réticence des milieux catholiques et conservateurs. Voilà pour l’enseignement. Pour terminer on peut ajouter que si l'école et le moyen de forger des citoyens, encore faut-il qu'ils puissent agir librement dans le domaine politique, d'où la nécessité d'obtenir plus de libertés, qui sont le gage d'une véritable démocratie. 17 Le programme de libertés démocratiques des opportunistes est sans doute, avec la laïcité de l'Etat et de l'école, l'aspect le plus original et le plus important de leur œuvre. Il s'agit à la fois de mettre en œuvre les grands principes de 1789, mais également de les adapter à l'esprit de l'époque et de les étendre à des domaines nouveaux = il sera question d'élargir les libertés publiques. Concernant l’élargissement des libertés, 5 exemples sont à retenir : - L'une des principales libertés publiques consacrée par les républicains opportunistes est la liberté de réunion établie la loi du 30 juin 1881. L'autorisation préalable jusque-là nécessaire pour tenir une réunion est désormais remplacée par une simple déclaration préalable faite aux autorités de police par les organisateurs qui assument ensuite la responsabilité de la réunion. - Dans le même ordre d'esprit, la loi du 29 juillet 1881 établit une totale liberté de la presse venant couronner les revendications aussi bien de la gauche que de la droite. Toutes les entraves anciennes (autorisations préalables, cautionnement, timbre...) sont supprimées et n'importe qui peut à présent fonder un journal. L'arsenal répressif a été lui aussi considérablement allégé : la liste des délits de presse est limitée et leur répression est atténuée. Ces dispositions, qui sont à cette époque les plus libérales du monde, favorisent le développement de la presse qui, à la fin du XIXe siècle, joue un rôle désormais fondamental dans la formation de l'opinion publique. De 1871 à 1914 le nombre de quotidiens vendus passe de 1,3 à 9 millions d'exemplaires. - La liberté d'association en revanche est limitée : Si la réunion est éphémère et donc autorisée, l'association, groupement durable de citoyen peut paraître dangereuse = seules sont autorisées les associations professionnelles par la loi du 21 mars 1884 (dite loi Waldeck Rousseau du nom du Ministre de l'Intérieur) = il s'agit en fait de légaliser les syndicats sans permettre aux congrégations religieuses de tirer parti de la liberté d'association. - Enfin les libertés locales sont renforcées au niveau communal, dans un esprit de décentralisation, comme elles l'avaient été au niveau départemental quelques années auparavant : Au niveau municipal, une plus grande liberté est introduite par la loi du 4 mars 1882 ("loi des maires") qui prévoit que le maire est désormais élu par le conseil municipal. Elle est consacrée par la loi municipale du 5 avril 1884 qui constitue une étape importante dans le sens de la décentralisation administrative. Elle 18 confirme le principe précédent mais prévoit surtout que le conseil municipal est issu du suffrage universel tandis que ses compétences sont considérablement étendues. Désormais les conseils municipaux deviennent les foyers d'une vie politique intense. - En matière de législation civile, il faut signaler la légalisation du divorce qui avait été supprimé en 1816 (on ne tolérait que la séparation de corps). C'est la loi Naquet du 27 juillet 1884 qui rétablit le divorce (par consentement mutuel ou pour cause d'adultère) faisant triompher la conception laïque du mariage que se font les républicains. Avec un tel programme de libertés démocratiques les républicains opportunistes ont su concrétiser l’esprit républicain et poser des bases dont nous sommes encore aujourd’hui les bénéficiaires. Et puis parallèlement, ils ont su enraciner la république, la renforcer… ce qui est d’autant plus nécessaire lorsqu’on pense aux épreuves qu’elle va devoir surmonter durant la période suivante, celle de la république radicale, dont nous parlerons la prochaine fois.