La République de 1880 à 1945 I/ La fondation du modèle républicain 1) La prise de pouvoir des républicains Au début des années 1870, lorsque la République est instaurée (IIIème République) celle-ci doit faire face à de nombreux ennemis politiques qui refusent ce modèle : les royalistes qui souhaitent un retour de la monarchie et les bonapartistes qui soutiennent le rétablissement de l'empire. Au cours de cette décennie, ceux-ci tentent de reconquérir le pouvoir, mais sans succès. Le premier parlement élu de la IIIème République est majoritairement monarchiste, ce qui inquiète les républicains et fait naître le mouvement de la Commune de Paris. Ce mouvement sera écrasé par Adolphe Thiers, le premier président de cette République, et les monarchistes tenteront de récupérer le pouvoir en soutenant la présidence du maréchal de Mac Mahon (1873-1879). Cependant celui-ci ne parvient pas à rétablir la monarchie : en 1876 les républicains obtiennent la majorité chez les députés, et en 1879 le sénat est également conquis par les républicains. De plus, en 1875, une série de lois constitutionnelles sont votées. Celles-ci affirment le caractère républicain du régime français, fermant ainsi un peu plus la porte aux monarchistes et à leur projet de retour à l'ancien régime. Enfin les campagnes, qui abritent la majeure partie de la population, sont conquises par les idées républicaines, qui sont désormais associées à la stabilité et à la garantie des libertés publiques. Le système parlementaire est donc en place et à l’épreuve de la durée. 2) Les lois fondatrices de la République Dans les années qui suivent l’établissement de la République, d'importantes lois fondatrices sont votées, parmi lesquelles les lois constitutionnelles. Ces lois ont pour but d'assurer les libertés fondamentales des citoyens et de ce fait d'enraciner l'esprit républicain dans l'esprit du peuple. En 1881 sont votées les lois qui rétablissent la liberté de la presse et la liberté de réunion publique. En 1884 la création de syndicats est autorisée, ce qui améliore la protection des salariés, et en 1901, la loi relative à la liberté d'association est votée, ce qui entraîne la création officielle des partis politiques. Outre ces lois sur les libertés fondamentales, une série de lois égalitaires sont également promulguées pendant la même période : en 1881-1882 l’école est rendue laïque, gratuite et obligatoire pour tous (Jules Ferry), et en 1905 le service militaire est rendu obligatoire pour tous. Ces lois sont débattues et votées à l’Assemblée, ou de très grandes figures politiques de l’époque s'affrontent avec acharnement : Léon Gambetta et Jules Ferry pour les républicains modérés (centre), Clemenceau pour les radicaux (gauche) ou encore Jean Jaurès pour les socialistes (extrême gauche). II/ La construction d'un État-nation 1) Nation et territoire national Le concept de nation renvoie à l’idée d'une culture commune partagée par un groupe d'individus. C'est une communauté de valeurs et d’intérêts. Cette idée s'appuie toujours sur une symbolique forte : en France, plusieurs symboles ont été choisis pour représenter notre nation (bustes de Marianne, drapeau tricolore, Marseillaise, etc...). Ces symboles font également l'objet d'une ritualisation : le 14 juillet, institué comme fête nationale en 1880, est l'occasion de glorifier la nation. En parallèle de la construction de l’idée nationale, le territoire est également unifié (création d'un État-nation). Le développement des transports et des voies de communication participent à l'unification du territoire (intégration de zones enclavées). Les langues régionales sont peu à peu abandonnées au profit du français, et le sentiment patriotique est cultivé dans les esprits. Cette valeur fondamentale est liée à l’idée de défense du territoire national. Tout bon citoyen doit donc participer au service militaire et répondre présent en cas de mobilisation en vue d'une guerre. Enfin la construction nationale passe par la création d'un passé commun (histoire commune). Des héros nationaux sont choisis (Jeanne d'Arc, Vercingétorix), et ceux-ci représentent dans l'inconscient collectif notre glorieux passé commun. Dans ce cadre, le droit du sol est voté en 1889 : chaque personne née en France et résidant sur le territoire au moment de sa majorité est de fait considérée comme étant française. 2) L’élargissement de la nation Au cours de l'histoire de la IIIème République, la France a poursuivi son expansion coloniale, surtout en direction de l'Afrique. Ce processus de colonisation est lié à plusieurs facteurs : économiquement parlant, les colonies sont une source de revenus extrêmement intéressante (matières premières à bas coût, nouveaux débouchés pour la production française). C'est également un atout stratégique majeur, qui permet à la France d’être présente militairement aux quatre coins du monde. La volonté de colonisation est également liée à une volonté d'apporter la civilisation. Selon la logique de l’époque, les européens disposent d'une civilisation plus évoluée, et ils se font donc un devoir de la diffuser à travers le monde à des peuples qui leur semblent sous-développés. On cherche donc à inculquer les principes de démocratie, de liberté et de progrès aux peuples colonisés, et les républicains défendent l’idée d'assimilation de ces peuples. Dans les faits, la colonisation a eu des effets mitigés sur ces peuples. L’accès aux soins, à l’éducation et à de meilleures conditions sanitaires s’améliore sensiblement dans les pays colonisés, et certaines infrastructures bénéficient réellement à la population locale (routes, hôpitaux). Mais la culture européenne écrase les cultures traditionnelles, et les indigènes sont souvent maltraités et n'ont aucun droit face au colonisateur. III/ La laïcisation de la société 1) École et laïcité Depuis l’établissement de la nouvelle République, l’école a été érigée en pilier du système républicain. C'est en effet le lieu ou la culture républicaine est inculquée aux enfants dès leur plus jeune age afin d'en faire des citoyens, de les faire adhérer au système et de leur apprendre leurs droits. L'objectif des républicains est donc de faire du système scolaire un passage obligatoire pour tous. C'est dans ce but que sont promulguées les lois Ferry en 1881 et 1882 : l’école devient laïque, gratuite et obligatoire pour tous de 6 à 13 ans. Les parents peuvent toujours scolariser leurs enfants dans des écoles privées ou un enseignement religieux leur est dispensé. A partir de 1886, grâce à la loi Goblet, les religieux ont interdiction d'enseigner dans le public. Dans le même temps, l'espace public se laïcise : en 1884 les prières publiques sont interdites et les signes religieux sont peu à peu enlevés des lieux publics (tribunaux, écoles, hôpitaux). La même année, une loi autorise le divorce (condamné par la religion). Les républicains font parfois preuve d'un anticléricalisme féroce, ce qui provoque la colère de la population catholique. 2) La séparation des Églises et de l’État En 1905, la loi de séparation des Églises et de l’État est votée. Cette loi vise à séparer entièrement le pouvoir politique de la religion. A partir de cette date, les cultes ne sont plus financés par l’État. La religion devient une affaire strictement privée. Cette loi met fin au Concordat de 1801, une loi napoléonienne qui garantissait la liberté de culte tout en conservant la religion catholique comme religion d’État. Les Églises et les fidèles acceptent mal cette loi car elle prévoit la mise en place d'inventaires afin de recenser les biens des églises. Le pape condamne cette loi, et on assiste à des mouvements de résistance. Cependant les inventaires ont bien lieu, et les fidèles finissent par accepter cette loi. Toutefois cette loi ne s'applique pas aux colonies ni à l'Alsace-Lorraine, sous domination allemande à l’époque. IV/ La République menacée 1) Les crises politiques Au cours des années 1880-1890, la jeune République traverse plusieurs crises politiques graves qui la mettent en danger. Ces crises voient l'apparition d'un fort courant antiparlementaire, qui critique la classe politique et condamne ses abus. La première de ces crises est la crise boulangiste : entre 1886 et 1889, le général Boulanger devient ministre de la guerre. Il est favorable à un pouvoir exécutif fort, voire même autoritaire, et prône une guerre de revanche contre l'Allemagne. Certains de ses partisans voient en lui le successeur de Napoléon, mais celui-ci refuse finalement de prendre le pouvoir par un coup d’État, il est écarté de la sphère politique, et la crise se termine. En 1892 éclate le scandale de Panama. Lors de la construction du canal, plusieurs hommes politiques corrompus incitent leurs électeurs à acheter des actions pour soutenir la compagnie chargée du chantier, alors en grande difficulté. La faillite de celle-ci ruine des milliers d'investisseurs, et l'affaire est rendue publique dans le journal La Libre Parole. Suite à ces révélations, les anarchistes menacent la République. Ceux-ci commettent un attentat à la Chambre des députés en 1893 et assassinent le Président de la République Sadi Carnot en 1894. 2) Affaire Dreyfus et contestations sociales : un peuple divisé Le monde ouvrier connaît une importante agitation à partir de la fin des années 1890. Les travailleurs protestent contre des conditions de travail extrêmement dures : absence de sécurité au travail et de sécurité sociale, durée des journées de travail, absence de congés. Les contestations aboutissent à de grandes grèves au début des années 1900, en partie organisées par les premières organisations syndicales (Confédération Générale du Travail depuis 1895, Section Française de l'Internationale Ouvrière depuis 1905). Ces mouvements sont sévèrement réprimés, et l'acquisition des droits sociaux est lente : le repos hebdomadaire n'est accordé qu'en 1906, la retraite en 1910, et la journée de 8h en 1919. Une autre grande division du peuple français est révélée par une crise extrêmement grave : l'affaire Dreyfus. Celle-ci met en lumière l’antisémitisme d'une importante partie de la population. En 1894, une affaire d'espionnage est révélée, affaire lors de laquelle des informations stratégiques sont vendues à l'Allemagne. Le capitaine Dreyfus est alors accusé et condamné. Mais sa famille sait qu'il est innocent, et celle-ci va faire entrer cette affaire dans le débat public. De grands intellectuels tels qu'Émile Zola s'y intéressent à partir de 1898, et la société française se divise progressivement en deux camps : les dreyfusards et les anti-dreyfusards. Après une longue enquête, le vrai coupable est finalement identifié, mais Dreyfus ne retrouve son grade qu'en 1906. Cette crise révèle d'une part un fort sentiment antisémite au sein de la population, mais également l'existence d'un nationalisme d'exclusion très agressif. V/ L’épreuve de la 1ère guerre mondiale 1) L’entrée en guerre Début août 1914, la France, attaquée par l'Allemagne, entre en guerre, malgré les mises en garde des pacifistes de gauche. Ce courant minoritaire, dirigé par Jean Jaurès, échoue dans sa tentative d’éviter cette guerre, et Jaurès est assassiné fin juillet par un nationaliste extrémiste. Se forme alors une union sacrée qui laisse de côté les clivages politiques, religieux et sociaux afin d'encourager l'unification de la nation face à l'ennemi. La classe politique met entre parenthèse ses divisions, des socialistes entrent au gouvernement, et Raymond Poincaré, le président de la République, proclame l'union sacrée. Lors des premières années de la guerre, cette union sacrée fonctionne à merveille, et le pays tout entier participe à l'effort de guerre dans le but de remporter la victoire. Cette guerre, souvent vue comme imposée aux Français par l'Allemagne, voit la mobilisation des poilus sur le front mais également de la population à l’arrière, et notamment des femmes, qui travaillent pour remplacer les hommes partis combattre. Les colonies sont également sollicitées pour fournir des hommes et des ressources. La population a le sentiment que c'est la République elle-même qui est attaquée par une puissance étrangère autoritaire (le Reich allemand). Toutefois l'union sacrée s'effrite à mesure qu'avance la guerre. Celle-ci est en effet très longue, d'une durée encore jamais vue, et la lassitude gagne les troupes du front à partir de 1917. Les soldats expriment leur rejet de la guerre et se mutinent à plusieurs endroits. Ils entonnent des chants de rébellion, comme la chanson de Craonne, afin de protester contre leur hiérarchie, qui les mène souvent au suicide lors d’opérations sanglantes et inutiles. Le sentiment pacifiste progresse dans tout le pays. 2) La République fragilisée En 1917, les Russes en pleine révolution décident de quitter le camp des alliés et de signer la paix avec l'Allemagne. Ceux-ci sont rapidement remplacés par les Américains, et la victoire est arrachée en 1918 après une dernière grande offensive. L'armistice est signé le 11 novembre, et le traité de Versailles met définitivement fin à la guerre en 1919. L'Alsace-Lorraine, qui avait été perdue en 1871, est rendue à la France, et l'Allemagne se voit imposer de très sévères réparations à verser aux vainqueurs. Mais cette victoire a un goût amer pour la France : 1,3 million d'hommes sont morts au front, et un million d'autres reviennent mutilés. De plus, certaines zones du nord de la France sont complètement dévastées, et le pays s'est endetté pour financer l'effort de guerre. La classe politique apparaît très divisée dans la société d’après-guerre. En effet, certains courants se sont scindés, notamment le parti socialiste (SFIO), qui, suite à l'inspiration provoquée par la révolution bolchévique, a vu une partie de ses membres se détacher et fonder le parti communiste français (PCF) en 1920. Une partie de la population, et notamment les vétérans de la guerre, commencent à mépriser cette classe politique. Enfin les femmes, malgré leur participation active durant la guerre, n'obtiennent toujours pas le droit de vote, alors que d'autres pays européens leur accordent ce droit.