chapitre g1

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CHAPITRE H2
LA REPUBLIQUE FRANCAISE FACE AUX ENJEUX DU XXème SIECLE
Introduction
Si la République est devenue un cadre de vie pour les Français (on la confond systématiquement
avec la démocratie…), ce n’était pas une évidence car la République avait plutôt mauvaise réputation au
moment de sa proclamation en 1870 (assimilée au désordre, à la violence, à la guerre). Or, même si
plusieurs systèmes républicains se sont succédé depuis 1870, il apparaît qu’une culture républicaine
particulière s’est imposée en France. Quelle est son essence ? Comment s’est-elle adaptée face aux
grands problèmes politiques, socio-économiques et internationaux d’un siècle difficile ?
République : Dans son sens générique, la république se définit comme le régime dans lequel la fonction
de chef de l’État ne se transmet pas héréditairement. La conception courante en France du terme en fait
un synonyme d’Etat démocratique.
I – La République, trois républiques – Quelle est l’essence de la République en France ?
A) Comment la République s’est-elle enracinée en France à la fin du XIXème siècle ?
Proclamée à la chute du Second Empire, la Troisième République est un régime qui s’installe difficilement du fait du
contrôle de l’Etat par les monarchistes. Lorsque, entre 1876 et 1879, les Républicains prennent progressivement le contrôle
des institutions adoptées en 1875, il leur faut rassurer et avancer prudemment (raison pour laquelle on qualifiera ces
Républicains d’ « opportunistes »). La République sait se faire tolérante mais impose peu à peu les principes de liberté et
d’égalité civique rattachés aux Lumières et à la Révolution française (de nombreux symboles confirment cette relation). A
l’école comme à l’armée, dans les grandes manifestations nationales, la République devient le cadre politique des Français et
s’ancre dans leur culture politique. Les crises politiques connues entre la fin des années 1880 et 1900 renforcent la République
dont les principes triomphent. Au début du XXème siècle, la République fait consensus en France à l’exception des
mouvements extrémistes (socialistes à gauche, monarchistes à droite).
1) une République difficile à installer (1870-1880)
Le 2 septembre 1870, l'empereur Napoléon III a dû capituler à Sedan devant l'encerclement de
son armée par les Prussiens. Le 4 septembre, lorsque la nouvelle parvient à Paris, la République est
proclamée. Un gouvernement provisoire est mis en place et poursuit dans un premier temps la lutte
contre la Prusse. Mais, après la défaite finale, les élections qui doivent désigner les députés chargés
d'établir une nouvelle constitution donnent une majorité monarchiste (les campagnes votant
majoritairement pour les candidats monarchistes qui apparaissent de meilleurs garants de l’ordre).
La France est donc à partir de février 1871 dans une situation paradoxale (il en sortira
notamment la Commune de Paris, tentative de type révolutionnaire qui voit de mars à mai 1871,
s’installer un deuxième gouvernement à Paris tandis que le gouvernement légal est à Versailles). Pour
ceux qui la dirigent, la République n'est qu'une étape, une solution provisoire en attendant de rétablir
un souverain sur le trône de France. Celui-ci devrait être le comte de Chambord mais ses positions sans
concession par rapport aux libertés individuelles et collectives (le principal symbole de ses idées étant
l’attachement au drapeau blanc de la monarchie française contre le drapeau tricolore) empêchent la
restauration attendue de s'effectuer. C'est pour donner une structure provisoire à cette République qui
dure que des lois constitutionnelles sont adoptées en 1875 (l’amendement Wallon de janvier 1875, voté
à une voix de majorité, décide de la création d’un président de la République).
Les institutions de la IIIème République ont été conçues aussi bien pour une République que pour
une monarchie limitée "à l'anglaise". Le chef d'Etat, élu pour 7 ans, a assez peu de pouvoir (hormis celui
de dissoudre la Chambre des députés et le fait de présider le gouvernement). Le gouvernement est
responsable devant les deux assemblées (Chambre des députés et Sénat) ; il est formé en fonction de la
majorité qui se dégage à la Chambre des députés (la seule élue au suffrage universel (masculin) direct).
Les assemblées ont le pouvoir législatif. Le Sénat, chambre haute, comprend au départ des sénateurs
inamovibles (ce qui est en fait une sorte de chambre des pairs comme sous la monarchie
constitutionnelle de la période 1814-1848). Dans ce régime parlementaire, le rôle des assemblées est
essentiel ; ce sont elles qui font et défont les gouvernements. Le chef de l’Etat doit donc former le
gouvernement en fonction de la majorité sortie des urnes.
Les nouvelles institutions permettent au maréchal de Mac Mahon d'exercer la fonction de
président de la République, mais sans que l'espoir d'une restauration soit écarté ("Je garde la place" ditil en sous-entendant qu’il s’effacera en cas de restauration monarchique). A la fin de l’année 1875,
l’Assemblée élue en 1871 se retire après avoir donné des lois constitutionnelles au pays. Les élections de
1876 amène une majorité de républicains à la Chambre des députés ; Mac Mahon doit, à contrecœur,
appeler un d’entre eux à diriger le gouvernement. Cependant, le 16 mai 1877, le président décide
d’effectuer un coup de force en prononçant la dissolution de la Chambre et en appelant à de nouvelles
élections (il espère ainsi que, face à cette crise, l’électorat basculera du côté des monarchistes). Les
Républicains se mobilisent autour de leurs chefs de file (dont Léon Gambetta) et les nouvelles élections
amènent à nouveau une majorité républicaine. Le pouvoir présidentiel se trouve dès lors
considérablement affaibli. En 1879, Mac Mahon est contraint à la démission et un Républicain, Jules
Grévy, devient président. Les Républicains ont pris le contrôle de la République... Les conséquences de
cette crise sont multiples : l’utilisation du droit de dissolution par le président tombe en désuétude (il
est assimilé à un coup de force antirépublicain) ; les sénateurs inamovibles sont supprimés (on n’en
nomme plus de nouveaux et on attend que ceux en poste meurent) et certains (comme Clemenceau)
réclament même la suppression du Sénat. L’idée du parlementarisme, ainsi que de la suprématie du
pouvoir législatif, s’en trouve renforcée. Surtout, bien qu'il ne soit pas évoqué dans les lois
constitutionnelles, un personnage prend le rôle essentiel dans le pouvoir exécutif, le président du
Conseil. c'est lui qui forme le gouvernement, le préside et réduit encore ainsi le rôle du président.
2) l’enracinement de la République (1880-1900)
Dans les 20 ans qui vont de la prise en main des postes de l’Etat par les Républicains au début du
XXème siècle, une véritable culture politique républicaine s’instaure en France. Quels en sont les
éléments ?
Culture politique : Ensemble de références, de représentations, de pratiques, formalisées au sein d’un
parti, d’une famille politique et qui leur confèrent une identité propre
La culture politique républicaine se pose en héritière des principes de la Révolution, eux-mêmes
inspirés de la philosophie des Lumières : libertés individuelles et collectives reconnues, adoption des
symboles nationaux (fête nationale, drapeau tricolore, Marseillaise, Marianne...). La République exalte
la nation et ses grands hommes ; à la mort de Victor Hugo (1885), le Panthéon est rendu à son rôle de
sépultures des grands hommes (rôle créé sous la Révolution et supprimé à la Restauration). Cependant
les Républicains ont cherché à gommer tout ce qui avait causé l’échec des Républiques précédentes
(intransigeance absolue envers les non-républicains, idée qu’il faut « convertir » de force à la
République les populations). Dans les vingt dernières années du XIXème siècle, en dépit d'un contexte
économique qui n'est pas forcément très favorable (longue dépression depuis 1873), la République
parvient à fonctionner sans à-coups violents. Les idées républicaines s’imposent progressivement avec
un groupe de Républicains modérés (les Républicains « opportunistes ») qui dominent les majorités
élues. Une grande partie de l'opinion (dans les campagnes notamment) prend alors conscience que la
République n'est pas synonyme d'anarchie et d'insécurité (la République cherche d’ailleurs à se concilier
les paysans français en les protégeant des aléas économiques comme c’est le cas en 1892 avec le vote
des lois Méline qui ferment les frontières aux produits agricoles étrangers). A partir de 1880, des lois
successives garantissent les libertés et renforcent l’égalité (lois sur la liberté de réunion et sur la liberté
de la presse en 1881, lois sur les syndicats et sur le divorce en 1884). Ce temps qui passe permet au
système républicain de s'imposer. Durant cette période, les Français effectuent l'apprentissage de la
citoyenneté (élections régulières aussi bien à l’échelon national qu’à l’échelon communal, organisation
de partis...).
Cependant, la conversion de l'opinion à la République doit beaucoup à ceux qu'on a appelé les
"Hussards noirs de la République", les instituteurs. C'est en effet dans les écoles (l'instruction est
obligatoire, gratuite et laïque depuis les lois de Jules Ferry en 1881-1882) que se forge l'unité nationale,
l'Etat-nation français. Cette unité va reposer sur une culture commune (langue, Histoire...), sur un
patriotisme revanchard (récupérer l'Alsace et la Lorraine) mais aussi sur l'adhésion à la République
(participation des enfants aux cérémonies républicaines...). L'apprentissage d'une langue commune, liée
à la diffusion plus rapide des informations et à la naissance de journaux à prix peu élevés, débouche sur
une culture de masse. L’armée joue également un rôle dans le renforcement de la République. Outre
qu’elle exalte le régime par ses réussites dans les conquêtes coloniales, elle est un creuset où se
retrouvent des personnes issues de milieux différents.
Les crises que traversent la République (car tout ne fut pas facile...) sont aussi des moments qui,
parce qu'elle en triomphe, renforcent l'idée républicaine en France. L'existence d'une culture de masse
naissante (journaux) fait de chaque Français un témoin sinon un acteur de ces moments difficiles.
Le boulangisme dans les années 1880 (le général Boulanger incarne l'idée de revanche et le rejet
d'une République jugée trop molle pour reprendre l'Alsace et la Lorraine), le scandale de Panama (on
découvre que des députés ont été achetés pour voter une loi favorisant la création d'un canal
transocéanique au Panama) semblent être des répétitions avant la grande crise de l'Affaire Dreyfus au
tournant du siècle. Après des années de flottement, la fermeté du gouvernement républicain finit par
ramener le calme, faisant prévaloir le droit (Dreyfus innocenté) sur le nationalisme antiparlementaire et
antisémite (Dreyfus, même s'il est innocent, doit rester en prison parce qu'il est juif, donc suspect, et
que l'honneur de l'armée ne doit pas être bafoué).
Cette dernière crise montre la résistance de la République et la suprématie des idéaux
républicains et démocratiques sur les idées nationalistes, xénophobes et antisémites. Elle fait cependant
évoluer la République vers une autre époque : les Républicains modérés perdent le contrôle du pouvoir
au profit des républicains radicaux dont les idées sont plus avancées notamment dans deux domaines :
la laïcité (vote de la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905) et l'égalité (vote de la loi créant
l'impôt sur le revenu en 1914). La République demeure cependant contestée par les extrêmes : une
extrême-droite monarchiste, une extrême-gauche socialiste (même si celle-ci est seulement hostile au
caractère « bourgeois » de la République).
En savoir plus :
BOULANGISME
Le Boulangisme n’est pas à proprement parler une idéologie mais davantage un mouvement
formé autour d’un homme, le général Georges Boulanger. Celui-ci jouit du fait d’être un général
républicain dans une armée où les officiers sont plutôt monarchistes. Soutenu par Clemenceau, magnifié
par son apparence martiale lors de la célébration du 14 juillet 1886, le général devient ministre de a
Guerre et incarne la Revanche contre l’Allemagne (celle qui devrait permettre de récupérer « l’AlsaceLorraine »). Boulanger échappe alors à Clemenceau pour devenir la figure de proue des opposants
nationalistes à la République. Ecarté du gouvernement, envoyé commander à Clermont-Ferrand, mis
aux arrêts puis à la retraite, Boulanger peut devenir enfin éligible. Partout où il se présente, il est élu et
démissionne ensuite pour se représenter ailleurs. La République se trouve dès lors confronté à une sorte
de mouvement plébiscitaire pouvant conduire à un coup d’Etat mettant Boulanger au pouvoir. En 1889,
Boulanger, pressé par ses amis, refuse pourtant de marcher sur l’Elysée ; les risques d’une arrestation le
conduisent à s’enfuir en Belgique peu après. Il se suicide en 1891à Bruxelles… sur la tombe de sa
maîtresse morte peu avant ce qui fera beaucoup pour le ridiculiser post-mortem.
SCANDALE DE PANAMA
C’est un scandale politique et financier qui ébranle la Troisième République. Il est lié à la
découverte de la corruption exercée par les dirigeants de la compagnie du canal de Panama (dirigée par
Ferdinand de Lesseps qui avait déjà fait creuser le canal de Suez) pour cacher leurs difficultés
financières. Le scandale éclate en septembre 1892 dans la presse et "mouille" banquiers, industriels
(Gustave Eiffel) et hommes politiques (Clémenceau, Floquet…). Il débouche sur un procès (février 1893)
qui condamne les dirigeants de la compagnie mais aussi sur des réactions antiparlementaires, les
« chéquards » (ceux ayant reçu les chèques de la compagnie) étant présentés non comme des
exceptions mais comme l’incarnation d’une République pourrie).
AFFAIRE DREYFUS
Affaire judiciaire et politique, l’Affaire Dreyfus peut être tenu pour un moment fondateur de la
République en France puisqu’elle a vu triompher le droit sur la raison d’Etat. A la base pourtant, l’affaire
ne prête pas à polémique. Suite à la découverte d’un document manuscrit, le capitaine Alfred Dreyfus
est arrêté pour avoir livré des informations secrètes aux Allemands. Il est jugé par un tribunal militaire,
condamné, dégradé et envoyé en Guyane au bagne de Cayenne (1894). A ce moment-là, toute la France
applaudit à la sanction frappant le traître. Cependant, la famille de Dreyfus refuse d’accepter la
sentence et parvient à attirer l’attention de l’opinion sur le fait que le jugement a été effectué de
manière non conforme aux règles du droit (la preuve principale n’ayant pas été produite) ; dans le
même temps, au sein de l’armée, le colonel Picquart mène sa propre enquête et découvre l’identité du
véritable coupable, le commandant Esterhazy. Mais les autorités militaires refusent de revenir sur la
chose jugée. C’est alors qu’entrent dans l’Affaire ceux qu’on va qualifier plus tard d’intellectuels, des
écrivains, des scientifiques, des hommes politiques qui vont mettre leur renommée au service de la
cause de Dreyfus. Emile Zola, par sa lettre ouverte au Président de la République (« J’accuse ») publiée
dans le journal L’Aurore de Georges Clemenceau en janvier 1898, met l’Affaire sur la place publique.
L’opposition entre ceux qui estiment que Dreyfus étant innocent doit être libéré et ceux qui défendent
l’honneur de l’armée et soulignent la judaïté de Dreyfus devient alors violente et menace la République
(Zola se retrouve ainsi condamné à un an de prison ferme à cause de son article). D’un côté, les
intellectuels, les Républicains (« dreyfusards »), de l’autre les nationalistes, les antisémites, les partisans
de l’armée et beaucoup de catholiques (« antidreyfusards »). L’agitation menace tellement la
République qu’un gouvernement de « défense républicaine » se constitue autour de Pierre WaldeckRousseau et prend des mesures pour rétablir l’ordre. En 1899, à Rennes, s’ouvre un nouveau procès. Il
condamne à nouveau Dreyfus en dépit de l’absence de preuves mais avec « des circonstances
atténuantes ». Quelques jours plus tard, le président de la République Emile Loubet gracie Dreyfus. Il
faudra encore six ans pour que celui-ci soit réhabilité totalement, réintégré dans l’armée (1906).
L’Affaire a donc marqué durablement la culture politique française au point qu’encore aujourd’hui
certains courants extrémistes pensent que Dreyfus était coupable...
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