Les institutions de la IIIème République ont été conçues aussi bien pour une République que pour
une monarchie limitée "à l'anglaise". Le chef d'Etat, élu pour 7 ans, a assez peu de pouvoir (hormis celui
de dissoudre la Chambre des députés et le fait de présider le gouvernement). Le gouvernement est
responsable devant les deux assemblées (Chambre des députés et Sénat) ; il est formé en fonction de la
majorité qui se dégage à la Chambre des députés (la seule élue au suffrage universel (masculin) direct).
Les assemblées ont le pouvoir législatif. Le Sénat, chambre haute, comprend au départ des sénateurs
inamovibles (ce qui est en fait une sorte de chambre des pairs comme sous la monarchie
constitutionnelle de la période 1814-1848). Dans ce régime parlementaire, le rôle des assemblées est
essentiel ; ce sont elles qui font et défont les gouvernements. Le chef de l’Etat doit donc former le
gouvernement en fonction de la majorité sortie des urnes.
Les nouvelles institutions permettent au maréchal de Mac Mahon d'exercer la fonction de
président de la République, mais sans que l'espoir d'une restauration soit écarté ("Je garde la place" dit-
il en sous-entendant qu’il s’effacera en cas de restauration monarchique). A la fin de l’année 1875,
l’Assemblée élue en 1871 se retire après avoir donné des lois constitutionnelles au pays. Les élections de
1876 amène une majorité de républicains à la Chambre des députés ; Mac Mahon doit, à contrecœur,
appeler un d’entre eux à diriger le gouvernement. Cependant, le 16 mai 1877, le président décide
d’effectuer un coup de force en prononçant la dissolution de la Chambre et en appelant à de nouvelles
élections (il espère ainsi que, face à cette crise, l’électorat basculera du côté des monarchistes). Les
Républicains se mobilisent autour de leurs chefs de file (dont Léon Gambetta) et les nouvelles élections
amènent à nouveau une majorité républicaine. Le pouvoir présidentiel se trouve dès lors
considérablement affaibli. En 1879, Mac Mahon est contraint à la démission et un Républicain, Jules
Grévy, devient président. Les Républicains ont pris le contrôle de la République... Les conséquences de
cette crise sont multiples : l’utilisation du droit de dissolution par le président tombe en désuétude (il
est assimilé à un coup de force antirépublicain) ; les sénateurs inamovibles sont supprimés (on n’en
nomme plus de nouveaux et on attend que ceux en poste meurent) et certains (comme Clemenceau)
réclament même la suppression du Sénat. L’idée du parlementarisme, ainsi que de la suprématie du
pouvoir législatif, s’en trouve renforcée. Surtout, bien qu'il ne soit pas évoqué dans les lois
constitutionnelles, un personnage prend le rôle essentiel dans le pouvoir exécutif, le président du
Conseil. c'est lui qui forme le gouvernement, le préside et réduit encore ainsi le rôle du président.
2) l’enracinement de la République (1880-1900)
Dans les 20 ans qui vont de la prise en main des postes de l’Etat par les Républicains au début du
XXème siècle, une véritable culture politique républicaine s’instaure en France. Quels en sont les
éléments ?
Culture politique : Ensemble de références, de représentations, de pratiques, formalisées au sein d’un
parti, d’une famille politique et qui leur confèrent une identité propre
La culture politique républicaine se pose en héritière des principes de la Révolution, eux-mêmes
inspirés de la philosophie des Lumières : libertés individuelles et collectives reconnues, adoption des
symboles nationaux (fête nationale, drapeau tricolore, Marseillaise, Marianne...). La République exalte
la nation et ses grands hommes ; à la mort de Victor Hugo (1885), le Panthéon est rendu à son rôle de
sépultures des grands hommes (rôle créé sous la Révolution et supprimé à la Restauration). Cependant
les Républicains ont cherché à gommer tout ce qui avait causé l’échec des Républiques précédentes
(intransigeance absolue envers les non-républicains, idée qu’il faut « convertir » de force à la
République les populations). Dans les vingt dernières années du XIXème siècle, en dépit d'un contexte
économique qui n'est pas forcément très favorable (longue dépression depuis 1873), la République
parvient à fonctionner sans à-coups violents. Les idées républicaines s’imposent progressivement avec
un groupe de Républicains modérés (les Républicains « opportunistes ») qui dominent les majorités