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d’excellentes choses dans ses méthodes d’élaboration. En particulier, c’était un lieu et une occasion
pour que les décideurs économiques, le gouvernement, les partenaires sociaux se retrouvent
autour d’un débat sur « où on va » en matière économique. Cela fait partie des aspects
intéressants que l’on pourrait faire revivre, en en actualisant évidemment les modalités.
Quant au contenu même de la stratégie, l’idée est assez simple. Des stratégies économiques
nationales, on en fait dix par an ! Une fois définie dans programme présidentiel et précisée dans le
discours de politique générale du premier ministre, elle est en effet déclinée et actualisée par
chaque projet de loi de finances, y compris rectificative et chaque projet de loi de financement de la
sécurité sociale puis rappelée dans les éléments transmis à Bruxelles dans le cadre de la
surveillance budgétaire et des équilibres macro-économiques. Bref, cette stratégie économique
nationale, en réalité, existe déjà de manière diffuse. Ce ne serait pas si compliqué ni si
révolutionnaire de définir un moment pour se mettre autour d’une table, avec les parties prenantes,
et de la formuler de manière claire, afin qu’une fois adoptée, elle constitue un document de
référence.
La rédaction : Comme vous le relevez, le « sentiment dominant » est que l’action
économique des personnes publiques n’a plus d’espace de liberté, du fait notamment de
l’intégration européenne. En quoi cette perception est-elle, comme vous l’affirmez, «
très excessive»?
Charles Touboul : Il y a effectivement deux sentiments un peu défaitistes auxquels on espère
répondre. Celui de l’opinion publique est que les leviers économiques essentiels – monétaire et
budgétaire – ne sont plus à Paris. C’est vrai pour le levier monétaire, moins pour le levier
budgétaire. Mais, en tout état de cause, cela n’empêche pas d’avoir une politique économique
nationale authentique et même ambitieuse.
Le second sentiment défaitiste, qui est plus propre à l’administration, est que le droit, surtout celui
de l’Union, empêche d’agir ou crée au moins une forte insécurité pour l’action économique. Ce
sentiment est ressorti de presque une audition sur deux. Il ne correspond pas à la réalité et l’étude
essaye d’en convaincre les acteurs publics. Les traités ne sont plus écrits comme avant ; ils sont
beaucoup plus équilibrés dans les grands principes. Le droit dérivé est plus ouvert, comme pour les
marchés publics. La politique menée par la Commission, notamment en matière d’aides d’État, est
aujourd’hui recentrée sur l’essentiel et permet un grand nombre d’initiatives nationales. Il faut
essayer d’en tirer parti. Pour cela, il faut « se mettre » au droit de l’Union et penser les initiatives
publiques ab initio dans le cadre de cette grille ; les administrations le font mais il y a encore des
marges de progression. Et il faut discuter avec la Commission. Le droit de l’Union est un droit
interprété par les administrations à Bruxelles avant de l’être par le juge. Il faut jouer cette carte et
nouer le dialogue avec elles aussi souvent que nécessaire.
La rédaction : En dépit du « foisonnement » de textes relatifs à l’action économique, le
Conseil d’État ne recommande pas une codification. Pourquoi ? Et comment, alors, en
faciliter l’accès et la compréhension ?
Charles Touboul : On s’est posé la question : faut-il un code de l’action économique des
personnes publiques ? Mais on s’est vite rendu compte qu’il n’y aurait pas une plus-value
considérable par rapport aux codes existants. L’action économique étant très diffuse, on trouve des
éléments pertinents dans le code général de la propriété des personnes publiques, dans le code de
commerce, dans le code des marchés publics ou dans le code général des collectivités territoriales ;
il n’y aurait aucun intérêt à les dépecer… Il reste néanmoins une multitude de textes qui traitent de
l’action économique et qui ne sont pas toujours très lisibles ou accessibles, y compris pour les
personnes publiques elles-mêmes. Ainsi, le droit des sociétés publiques était extrêmement éclaté il
y a encore un an. Et puis on a demandé au législateur une habilitation non pas pour codifier ce
droit, mais pour le regrouper et le clarifier. Cela a abouti à l’ordonnance d’août 2014 qui nous a
semblé un exemple tout à fait pertinent.
La matière restera nécessairement éclatée, dans des codes qu’on ne va pas refaire et dans des lois
qui garderont leur autonomie. Mais, en définitive, ce qui manque, c’est une présentation didactique
du cadre général dans lequel les personnes publiques doivent s’inscrire lorsqu’elles entendent
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