Polynômes 1 L'ensemble K[X]. 1.1 Dénition et représentation. . . 1.2 Opérations. . . . . . . . . . . . 1.2.1 Combinaisons linéaires. 1.2.2 Produit. . . . . . . . . . 1.2.3 Composition. . . . . . . 1.3 Degré. . . . . . . . . . . . . . . 1.4 Évaluation d'un polynôme. . . 1.5 Dérivation dans K[X]. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Divisibilité et division euclidienne dans K[X]. . . . . . . . Racines et divisibilité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Polynômes scindés, relations coecients-racines. . . . . . . Multiplicité d'une racine. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Décomposition en facteurs irréductibles de C[X] et R[X]. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Racines et factorisation d'un polynôme de K[X]. 2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 3 3 4 4 5 7 8 9 9 11 11 12 13 14 15 Dans tout ce cours, K désigne R ou C. Introduction : Fonctions polynomiales. Dénition 1. On appelle fonction polynomiale une fonction dénie sur R, de la forme P : x 7→ n X ak xk , k=0 où n ∈ N et a0 , a1 , . . . , an sont des réels. Cela ne nous gênerait pas beaucoup de remplacer x par une variable z complexe, et les coecients a0 , . . . , an par des nombres complexes. • Suite des coecients. Soit P : x 7→ x2 − 2x + 3. On peut lui associer son triplet de coecients (3, −2, 1). À une fonction Q : x 7→ 5 − x + 4x3 il faudrait associer le quadruplet (5, −1, 0, 4). Plutôt que de travailler avec des n-uplets, où n dépend de la fonction considérée, on va travailler avec des suites nulles à partir d'un certain rang. Par exemple, P est associé à (3, −2, 1, 0, 0, 0 . . .) et Q est associé à (5, −1, 0, 4, 0, 0 . . .) On pourra donc écrire qu'une fonction polynomiale est de la forme P : x 7→ X ak xk , k∈N 1 PCSI1 L ycée Albert S chweitzer où (ak )k∈N est une suite réelle nulle à.p.d.c.r, ce qui fait de la somme précédente une somme nie. Montrons que deux fonctions polynomiales sont associées à la même suite. Autrement dit, montrons P quek ak x si deux fonctions polynomiales sont égales, on peut "identier" leurs coecients. Soient P : x 7→ et Q : x 7→ k∈N P bk xk deux fonctions polynomiales. Les suites (ak ) et (bk ) sont nulles à.p.d.c.r. Il existe donc k∈N deux entiers p et q tels que ∀k ≥ p + 1 ak = 0 et k ≥ q + 1 bk = 0. Supposons que les fonctions P et Q sont égales. On a donc p X ∀x ∈ R k ak x = k=0 q X bk xk k=0 Notons N = max(p, q). On peut récrire N X ∀x ∈ R k ak x = k=0 N X bk x donc k ∀x ∈ R k=0 N X (ak − bk )xk = 0. k=0 Évaluons en 0 la dernière égalité. On obtient (a0 − b0 )00 + 0 = 0 On a donc N X ∀x ∈ R donc a0 = b0 . N X (ak − bk )xk−1 (ak − bk )x = x ! k = 0. k=1 k=1 En divisant par x lorsqu'il est non nul, on obtient ∀x ∈ R∗ N X (ak − bk )xk−1 = (a1 − b1 ) + (a2 − b2 )x + · · · (aN − bN )xN −1 = 0. k=1 En faisant tendre x vers 0, on obtient a1 = b1 . En itérant le procédé, on obtiendrait de même a2 = b2 ,. . .,aN = bN . Les suites (ak ) et (bk ) étant nulles au-delà du rang N , elles sont bien égales. Un peu d'abstraction : notons R(N) l'ensemble des suites nulles à partir d'un certain rang (certains disent presque nulles ). Soit Φ: R(N) → RR P , k 7→ x 7→ ak x (an )n∈N k∈N application qui à une suite nulle à.p.d.c.r, associe la fonction polynomiale "de coecients (ak )k∈N ". L'ensemble Im(Φ) n'est autre que celui des fonctions polynomiales. On a montré ci-dessus que Φ est injective. L'application Φ est donc une bijection entre R(N) , l'ensemble des suites presque nulles et l'ensemble des fonctions polynomiales. • Somme et produit de deux fonctions polynomiales. Soient deux fonctions polynomiales P : x 7→ ak xk et Q : x 7→ P k∈N P bk xk . An d'écrire des sommes k∈N nies, on peut considérer p un rang à partir duquel la suite (an ) est nulle et q un rang analogue pour (bn ). Pour x réel, on a P (x) + Q(x) = p X k=0 k ak x + q X k=0 max(p,q) k bk x = X k=0 2 max(p,q) k ak x + X k=0 max(p,q) k bk x = X k=0 (ak + bk )xk . Le nème coecient de la somme s'obtient comme somme des nèmes coecients . Voyons pour le produit ; pour x réel, on calcule P (x) × Q(x) = p X ! q p X q p+q X X X i j i+j ai x · bj x = ai bj x = ck xk . i=0 j=0 i=0 j=0 k=0 Précisons le coecient ck devant xk . Les termes " en xk " s'obtiennent comme produits de termes ai xi et bk−i xk−i , avec i ≤ k . On a donc ∀k ∈ J0, p + qK ck = k X ai bk−i . i=0 • Racines et factorisation d'un trinôme. Soit un trinôme P : x 7→ ax2 + bx + c, où a, b et c sont trois nombres réels, avec a 6= 0. On sait depuis longtemps que P possède deux racines complexes (éventuellement une racine "double") c'est à dire ∃α1 , α2 ∈ C P (α1 ) = P (α2 ) = 0, et que ces racines se retrouvent dans une forme factorisée de P : ∀x ∈ R P (x) = a(x − α1 )(x − α2 ). Ce lien entre racines et factorisation sera étendu dans ce cours. En partie 1, les polynômes seront regardés sous leur forme développée (sommes). En partie 2, on cherchera à les factoriser. 1 L'ensemble K[X]. 1.1 Dénition et représentation. Dénition 2. On appelle polynôme (nom masc.) à coecients dans K une suite d'éléments de K nulle à.p.d.c.r. 1. 2. 3. 4. La suite nulle est un polynôme. Il est appelé polynôme nul et noté 0. La suite (1, 0, 0, 0, . . .) est un polynôme. Il est appelé polynôme constant égal à 1 et noté 1. La suite (0, 1, 0, 0, . . .) est un polynôme. Il est noté X et appelé indéterminée. Soit n ∈ N. La suite dont tous les termes sont nuls sauf celui au rang n qui vaut 1 est un polynôme que l'on notera X n . On l'appelle monôme d'ordre n. On a X 1 = X et X 0 = 1. L'ensemble des polynômes à coecients dans K sera noté K[X]. 3 Proposition 3. Soit P = (an )n≥0 un polynôme. Il s'écrit comme combinaison linéaire de monômes P = X ak X k , k∈N (la somme écrite ci-dessus a un sens car elle compte un nombre ni de termes non nuls). Pour k ∈ N, le terme ak est appelé coecient d'ordre k. Par dénition, deux polynômes k∈N ak X k et coecients sont égaux deux à deux, c'est à dire P X ak X k = k∈N X P k∈N bk X bk X k ⇐⇒ k sont égaux si et seulement si leurs ∀k ∈ N ak = bk . k∈N Remarque. En écrivant les polynômes comme dans la proposition, on va oublier bien vite que ce sont des suites ! Preuve. Soit P = (an )n∈N un polynôme. Cette suite est donc nulle à partir d'un certain rang, mettons au delà de p ∈ N. En faisant des combinaisons linéaires de suites, on a P = (a0 , a1 , a2 , . . . , ap , 0, 0, 0, . . .) = a0 (1, 0, 0, 0, . . .) + a1 (0, 1, 0, 0, . . .) + a2 (0, 0, 1, 0, 0 . . .) + ··· + ap (0, 0, . . . , 0, |{z} 1 , 0, 0, . . .) rang p = = 2 a0 + a1 X + a2 X + · · · + ap X p X ak X k = k=0 X p ak X k . k∈N On peut bel et bien identier les coecients lorsque deux polynômes sont égaux puisque deux suites sont égales ssi leurs termes sont égaux deux à deux. 1.2 Opérations. 1.2.1 Combinaisons linéaires. Faire une combinaison linéaire de polynômes a un sens puisque l'on sait faire des combinaisons linéaires de suites. Rappelons que si a = (an ) et b = (bn ) sont deux suites de KN , et λ, µ deux scalaires de K, alors λu + µv est la suite λu + µv = (λun + µvn )n∈N . Proposition 4. Soient P = k∈N ak X k et Q = est un polynôme et P P k∈N bk X k deux polynômes de K[X]. Pour tous λ, µ ∈ K, λP +µQ λP + µQ = X (λak + µbk )X k . k∈N Par exemple, considérons P = X 2 + X + 3 et Q = X 3 − 2X + 4. Calculer 2Q − P (sans penser à des suites !) 4 1.2.2 Produit. Proposition-Dénition 5. Soient P = k∈N ak X n et Q = k∈N bk X k deux polynômes de K[X]. P On appelle produit de P et Q, et on note P × Q, ou encore P Q la suite (ck )k≥0 = k≥0 ck X k dénie pour tout k ∈ N par P P k X ck = ai bk−i . i=0 La suite (ck ) est nulle à partir d'un certain rang : P Q est un polynôme. Le produit de deux polynômes est commutatif, distributif par rapport à l'addition des polynômes, associatif, et se "comporte bien" relativement à la multiplication par un scalaire. Le polynôme nul et le polynôme 1 se comportent comme on l'attend d'eux. Proposition 6 (Propriétés du produit de polynômes). Pour 1. 2. 3. 4. 5. 6. tous polynômes P, Q, R de K[X] et tous scalaires λ, µ ∈ K, on a P Q = QP . P · 0K[X] = 0K[X] = 0K[X] · P . P · 1 = P = 1 · P. P (Q + R) = P Q + P R = (Q + R)P . (P Q)R = P (QR). (λP )(µQ) = (λµ)(P Q). Preuve. Soient P, Q, R de K[X] et λ, µ ∈ K. Pour ne pas avoir à introduire des coecients pour chaque polynôme ci-dessous, on convient de noter [A]k , pour k ∈ N le coecient d'ordre k d'un polynôme A. Dans toute la suite, k est un entier naturel xé. 1) Commutativité. [P Q]k = k X [P ]i [Q]k−i i=0 = j=k−i k X k X [P ]k−j [Q]j = [Q]i [P ]k−i = [QP ]k . j=0 i=0 1)Produit par 0K[X] . [0K[X] · P ]k = [P · 0K[X] ]k = k X 1) [P ]i [0K[X] ]k−i = i=0 k X [P ]i · 0 = 0. i=0 3) Produit par 1(= 1K[X] ). Rappelons la dénition du symbole de Kronecker, déni pour i et j entiers par δi,j = 1 si i = j 0 si i 6= j 5 Le polynôme constant égal à 1 a tous ses coecients nuls saufs celui d'ordre 0 qui vaut 1. Pour tout i ∈ N, on a donc [1K[X] ]i = δi,0 . On calcule alors [1K[X] · P ]k = [P · 1K[X] ]k = 1) k X [P ]i · [1K[X] ]k−i = i=0 k X [P ]i · δ0,k−i = 0 + [P ]k · 1 = [P ]k . i=0 3) Distributivité. [P (Q+R)]k = k X i=0 [P ]i [Q+R]k−i = k X [P ]i ([Q]k−i + [R]k−i ) = i=0 k X [P ]i [Q]k−i + i=0 k X [P ]i [R]k−i = [P Q]k +[P R]k . i=0 4) Associativité. En écrivant de deux façons une somme triangulaire k k i X X X [P ]j [Q]i−j [R]k−i [(P Q)R)]k = [P Q]i [R]k−i = i=0 i=0 = k X j=0 k X [P ]j [Q]i−j [R]k−i j=0 i=j k X = [P ]j k−j X j=0 l=0 l=i−j = k X ! [Q]l [R]k−l [P ]j [QR]k−j = [P (QR)]k . j=0 5) La balade du scalaire : laissé au lecteur. Remarque. Ce qui précède implique notamment la validité des identités remarquables dans K[X]. Par exemple, P 2 − Q2 = (P − Q)(P + Q). La formule du binôme pourra aussi être écrite pour deux polynômes. Proposition 7 (Cohérence de la notation X n ). La notation multiplicative X n est cohérente vis à vis de la notion de produit pour les polynômes : pour tous m, n ∈ N, X m+n = X m X n . Notamment, pour tout n ∈ N∗ , on a bien X n = |X × X × {z . . . × X} . n fois Preuve. Soient m et n deux entiers naturels. Par dénition, X n est la suite dont tous les termes sont nuls saufs celui au rang n qui vaut 1. Ceci s'écrit ∀k ∈ N [X n ]k = δk,n . 6 Fixons k et calculons le coecient d'ordre k pour X m X n : k k X X m n [X X ]k = [X ]i [X ]k−i = δi,m δk−i,n . m n i=0 i=0 Le terme δi,m δk−i,n est nul sauf si i = m et k−i = n. Ce système se récrit k = m + n et i = m. Ainsi, m n si k 6= m + n δm,m δn,n = 1 si k = m + n 0 [X X ]k = On a bien [X m X n ]k = δk,m+n = [X m+n ]k , et ce pour tout k. On a bien vérié que les polynômes X m X n et X m+n ont mêmes coecients : ils sont égaux. Xn Ceci implique notamment que X 2 = X × X . Une récurrence simple permet de montrer que l'on a bien = (X)n pour tout n ≥ 1. Cette dernière proposition est d'une grande importance pratique : les polynômes étant des combinaisons linéaires de monômes, on va pouvoir multiplier deux polynômes en se ramenant à faire des produits de monômes. Exemples. • Calcul de (X 3 + 3)(X 4 − 5X 2 + X). • Écrire une factorisation de 1 + X 4 + X 8 . Bref, on calcule avec les polynômes comme on le faisait avec les fonctions polynomiales. 1.2.3 Composition. Dénition 8. Soient deux polynômes P = P k∈N ak X k et Q. Leur composée P ◦ Q est dénie par P ◦Q= X ak Qk . k∈N La somme ci-dessus a un nombre ni de termes non nuls, la suite (ak )k∈N étant nulle à.p.d.c.r. Exemple : Calcul de P ◦ Q et Q ◦ P avec P = 1 + X 2 et Q = 2−X . Remarques. 1. On vériera que X ◦ P = P et que P ◦ X = P . Cette dernière égalité explique que l'on écrit parfois P (X) à la place de P . De la même façon, on écrira P (X 2 ) ou P (Q(X)) pour désigner respectivement les polynômes P ◦ X 2 et P ◦ Q. 2. L'écriture P (X + 1) peut alors prêter à confusion : s'agit-il de P ◦ (X + 1) ou de P × (X + 1) ? C'est la première réponse qui est la bonne : pour le second polynôme, on préfèrera l'écriture (X + 1)P . 7 1.3 Degré. Soit P = P ak X k un polynôme. S'il est non nul, on peut l'écrire sous la forme k∈N P = n X ak X k avec an 6= 0. k=0 Il sut pour cela de choisir n comme le rang du dernier coecient non nul. Formalisons. Dénition 9. Soit P = k∈N ak X k un polynôme de K[X]. On appelle degré de P , et on note deg(P ) l'élément de N ∪ {−∞} déni par P deg(P ) = −∞ si P = 0K[X] max {k ∈ N : ak 6= 0} si P 6= 0K[X] . Proposition-Dénition 10. Soit P = P k∈N ak X k un polynôme de K[X] et n ∈ N. deg(P ) = n ⇐⇒ an 6= 0 et ∀k > n ak = 0. Lorsque P est de degré n, an est appelé coecient dominant de P . Un polynôme de coecient dominant égal à 1 est dit unitaire. Dénition 11. Les polynômes de degré 0, ainsi que le polynôme nul, sont appelés polynômes constants. Ce sont les multiples scalaires du polynôme 1. Proposition 12. Soient P, Q ∈ K[X] deux polynômes. On a les résultats suivants : 1. deg(P + Q) ≤ max(deg(P ), deg(Q)), avec égalité si deg(P ) 6= deg(Q) ; 2. ∀λ ∈ K∗ deg(λP ) = deg(P ) ; 3. deg(P × Q) = deg(P ) + deg(Q) ; Remarque. Pour que la somme dans 3. ait un sens même lorsque l'un des polynômes est nul, on convient que pour d ∈ N ∪ {−∞}, on a d + (−∞) = −∞. On montrera en exercice que pour P et Q deux polynômes (avec Q 6= 0), deg(P ◦ Q) = deg(P ) × deg(Q). Remarque. Dans 1) ci-dessus, l'inégalité peut être stricte. Donner l'exemple de deux polynômes de degré 3 dont la somme est un polynôme de degré 1. 8 Proposition 13. ∀P, Q ∈ K[X] P Q = 0 =⇒ (P = 0 ou Q = 0) . Comme constaté dans la dernière remarque, l'ensemble des polynômes de degré n, pour n donné n'est pas un bon ensemble car il n'est pas stable par combinaison linéaire. On dénit ci-dessous un bon ensemble (bientôt sous-espace vectoriel ). Proposition-Dénition 14. Pour n ∈ N, on notera Kn [X] l'ensemble des polynômes à coecients dans K, de degré inférieur ou égal à n. Cet ensemble est stable par combinaison linéaire. 1.4 Évaluation d'un polynôme. Dénition 15. Soit P = nk=0 ak X k un polynôme de K[X], de degré n. Pour α ∈ K, on appelle évaluation de P en α, et on note P (α) le nombre P P (α) = n X ak αk (∈ K). k=0 On parlera de P̃ : x 7→ P (x) comme de la fonction polynomiale associée au polynôme P . Dénition 16. Soit P ∈ K[X]. Une racine de P est un scalaire α ∈ K tel que P (α) = 0. Dans la seconde partie de ce cours, la notion de racine va jouer un rôle clé dans la factorisation des polynômes. 1.5 Dérivation dans K[X]. On dénit formellement la dérivée d'un polynôme. Dénition 17. Soit P = k∈N ak X k un polynôme de K[X]. On appelle polynôme dérivé, et on note P 0 le polynôme de K[X] donné par P P0 = X kak X k−1 = k∈N X (k + 1)ak+1 X k . k∈N 9 Proposition 18 (Degré du polynôme dérivé). 0 ∀P ∈ K[X] deg(P ) = deg(P )−1 si P n'est pas constant, −∞ si P est constant. La dérivation des polynômes est une opération linéaire. Pour la dérivée d'un produit, on retrouve la formule connue pour les fonctions polynomiales. Proposition 19. Pour tous polynômes P, Q ∈ K[X], pour tous scalaires λ, µ ∈ K[X], (λP + µQ)0 = λP 0 + µQ0 Preuve Soient P = P k∈N ak X k et Q = P et k∈N bk X k (P Q)0 = P 0 Q + P Q0 . deux polynômes de K[X], et λ, µ ∈ K. • La preuve de la première égalité est de routine. Fixons un entier naturel k et comparons les coecients d'ordre k. [(λP + µQ)0 ]k = (k + 1)[λP + µQ]k+1 = (k + 1) (λak+1 + µbk+1 ) = λ[P 0 ]k+1 + µ[Q0 ]k+1 = [λP 0 + µQ0 ]k . • Pour la seconde égalité, on calcule le coecient d'ordre k du membre de gauche : [P 0 Q + P Q0 ]k = [P 0 Q]k + [P Q0 ]k = = = k X i=0 k X i=0 k+1 X [P 0 ]i [Q]k−i + k X [P ]i [Q0 ]k−i i=0 (i + 1)ai+1 bk−i + k X ai (k−i + 1)bk−i+1 i=0 jaj bk−j+1 + j=1 k X aj (k−j + 1)bk−j+1 j=0 = (k + 1)ak+1 b0 + k X première somme : j = i + 1 seconde somme : i = j (j + k− j + 1)aj bk−j+1 + (k + 1)a0 bk+1 j=1 = (k + 1) k+1 X aj bk+1−j = (k + 1)[(P Q)0 ]k+1 = [(P Q)0 ]k . j=0 Le lemme suivant donne une identité, pour la dérivée d'une composée, qui ne nous surprendra pas. On l'utilisera notamment dans la preuve de la formule de Taylor. 10 Lemme 20. Soient P, Q ∈ K[X]. 1. ∀n ∈ N (P n )0 = nP 0 P n−1 (en convenant que ceci est nul pour n = 0). 2. (P ◦ Q)0 = Q0 · P 0 ◦ Q. Preuve. 1) L'identité est vraie pour n = 0. Supposons qu'elle le soit pour un entier naturel n donné. Alors, en utilisant la formule pour la dérivée d'un produit, P n+1 0 = (P · P n )0 = P 0 P n + P (P n )0 = P 0 P n + P nP 0 P n−1 = (n + 1)P 0 P n , ce qui montre l'identité au rang n + 1. On conclut grâce au principe de récurrence. P 2) Notons P = nk=0 ak X k , où n = deg(P ). On a 0 (P ◦ Q) = n X k=0 !0 k ak Q = P.19 n X n n 0 X X ak Qk = ak kQ0 Qk−1 = Q0 kak Qk−1 = Q0 P 0 ◦ Q. k=0 k=0 k=0 On peut dénir la notion de dérivée k-eme d'un polynôme, par récurrence. Dénition 21. Soit P ∈ K[X] et k ∈ N. On dénit la dérivée k-eme de P , que l'on note P (k) , en posant P (0) = P et 0 ∀k ≥ 1 P (k) = P (k−1) . Proposition 22 (Formule de Taylor pour les polynômes). Soit P ∈ Kn [X] et a ∈ K. Alors, P = n X P (k) (a) k=0 2 k! (X − a)k . Racines et factorisation d'un polynôme de K[X]. 2.1 Divisibilité et division euclidienne dans K[X]. Dénition 23. Soit (A, B) ∈ K[X]2 . On dit que B divise A s'il existe un polynôme Q ∈ K[X] tel que A = BQ. Exemple. Pour tout n ∈ N∗ , (X − 1) divise X n − 1. 11 Proposition 24. Soit (A, B) ∈ K[X]2 . Si A est on nul et que B divise A, alors deg(B) ≤ deg(A). Théorème 25. Soit (A, B) ∈ K[X]2 , avec B 6= 0. Il existe un unique couple (Q, R) ∈ K[X]2 tel que A = BQ + R et deg(R) < deg(B). Exemple. On pose la division de A = X 5 + 3X 3 − 2X 2 + 1 par B = X 2 − 2X − 1. Une idée importante : pour détecter d'éventuelles erreurs de calcul, on peut évaluer les polynômes obtenus en certains points (par exemple, en 0, où en 1, pour lesquels les calculs se font facilement). Corollaire 26. Soit (A, B) ∈ K[X]2 , avec B 6= 0. On a que B divise A ssi le reste dans la division euclidienne de A par B est le polynôme nul. 2.2 Racines et divisibilité. On rappelle que pour P un polynôme de K[X], , on dit d'un nombre α de K que c'est une racine de P lorsque P (α) = 0. La caractérisation suivante est un pivot de ce cours : elle fait le lien entre la notion de racine d'un polynôme et celle de divisibilité par un polynôme de degré 1. Proposition 27 (Racine et divisibilité par un polynôme de degré 1). Soit P ∈ K[X] et α ∈ K. Il y a équivalence entre les deux assertions suivantes. 1. α est une racine de P . 2. X − α divise P . Corollaire 28. Soit P ∈ K[X] et α1 , α2 , . . . αp ∈ K des scalaires de K deux à deux distincts. On a α1 , α2 . . . , αp sont racines de P ⇐⇒ p Q (X − αk ) divise P . k=1 12 Proposition 29 (Degré et nombre de racines d'un polynôme). Le nombre de racines distinctes d'un polynôme P non nul est majoré par son degré. Méthode. D'après ce qui précède, un polynôme de degré inférieur à n ayant au moins n + 1 racines distinctes est fatalement le polynôme nul. Notamment, si un polynôme possède une innité de racines, alors il est nul. Ceci donne une méthode pour montrer que deux polynômes sont égaux puisque P = Q ⇐⇒ P − Q = 0. Exercice. Montrer que le polynôme nul est le seul polynôme P qui vérie XP = (X + 1)P (X + 1). Exercice. Donner une nouvelle preuve, compacte, de la proposition 19 (2). 2.3 Polynômes scindés, relations coecients-racines. Dénition 30. Un polynôme est dit scindé dans K[X] s'il s'écrit comme produit polynômes de degré 1 à coecients dans K. Exemples. • Le polynôme (X − 1)(X + 2)3 est scindé. • Le polynôme X 2 + 1 est scindé sur C mais pas sur R. 2iπ • X 2 + X + 1 = (X − j)(X − j 2 ) = (X − j)(X − j), où j = e 3 . Un cas particulier important : Proposition 31 (Cas d'un degré égal au nombre de racines). Soit P ∈ K[X] un polynôme de degré n ∈ N∗ . Si P possède n racines deux à deux distinctes α1 , . . . , αn , alors il est scindé. Plus précisément, il existe λ ∈ K∗ tel que P =λ n Y (X − αk ) , k=1 (λ étant le coecient dominant de P ). Exemple. Pour tout n ∈ N∗ , X n − 1 est scindé sur C : Xn − 1 = n−1 Y k=0 13 X −e 2ikπ n . Proposition 32 (Relations coecients-racines). Soit P un polynôme unitaire de degré n, scindé sur K : ∃α1 , . . . , αn : P = n Y (X − αk ) . k=1 Alors, on peut écrire P sous la forme P = X n − σ1 X n−1 + σ2 X n−1 − . . . + (−1)n σn , où notamment σ1 = n X αk et k=1 σn = n Y αk . k=1 Remarque. On retrouve que si P est un polynôme unitaire de degré 2 et a pour racines α et β , alors P = X 2 − sX + p où s = α + β et p = αβ. 2.4 Multiplicité d'une racine. Dénition 33. Soit P ∈ K[X] et α ∈ K une racine de P . On dit que la racine α est de multiplicité m ∈ N si (X − a)m divise P et (X − a)m+1 ne divise pas P On dira que α est de multiplicité au moins égale à m si (X − a)m divise P . Une racine de multiplicité 1 est dite simple. Une racine qui n'est pas simple est dite multiple. Exemple. Considérons P = (X + 1)(X − 1)2 (X − 5)3 . Il est facile de voir que −1 est une racine simple de P , et que 1 et 5 sont des racines multiples de P , de multiplicités respectives 1 et 3. Proposition 34. Soient P ∈ K[X], α ∈ K et m ∈ N. Il y a équivalence entre les deux assertions suivantes. 1. α est racine de P de multiplicité m. 2. ∃Q ∈ K[X] P = (X −α)m Q et Q(α) 6= 0. Lemme 35. Soient P ∈ K[X], α ∈ K et m ∈ N∗ . Si α est une racine de P de multiplicité m, alors c'est une racine de P 0 de multiplicité m − 1. 14 Proposition 36 (Caractérisation de la multiplicité). Soit P ∈ K[X], α ∈ K et m ∈ N. Il y a équivalence entre les deux propositions suivantes. 1. α est une racine de P de multiplicité m. 2. P (α) = P 0 (α) = P 00 (α) = . . . = P (m−1) (α) = 0 et P (m) (α) 6= 0. Notamment, α est une racine simple de P si et seulement si P (α) = 0 et P 0 (α) 6= 0. On a aussi l'équivalence : α est une racine de P de multiplicité au moins m ⇐⇒ P (α) = P 0 (α) = P 00 (α) = . . . = P (m−1) (α) = 0. 2.5 Décomposition en facteurs irréductibles de C[X] et R[X]. Dénition 37. Soit P ∈ K[X] un polynôme de degré n ≥ 1. Il est dit irréductible dans K[X] si ses seuls diviseurs dans K[X] sont les polynômes constants et les polynômes de la forme λP , λ ∈ K. Les polynômes irréductibles sont à K[X] ce que les entiers premiers sont à N (ou Z). Après avoir précisé qui sont les irréductibles de C[X] puis de R[X], on énonce un théorème de décomposition en facteurs premiers irréductibles. Le théorème ci-dessous est aussi appelé théorème fondamental de l'algèbre. Théorème 38 (de d'Alembert-Gauss). Tout polynôme non constant de C[X] admet au moins une racine dans C. Proposition 39. Les polynômes irréductibles de C[X] sont les polynômes de degré 1 à coecients dans C. Proposition 40. Tout polynôme non constant de C[X] est scindé dans C[X]. Plus précisément, si P ∈ C[X], il existe λ ∈ C, α1 , . . . αp ∈ C, et m1 , . . . mp ∈ N∗ tels que P =λ p Y (X − αk )mk . k=1 Cette décomposition est unique à l'ordre des facteurs près. 15 Proposition 41. Les polynômes irréductibles de R[X] sont les polynômes de degré 1 à coecients dans R et les polynômes de degré 2 à coecients réels, n'ayant pas de racines dans R. Proposition 42. Tout polynôme de R[X] s'écrit comme produit de polynômes irréductibles de R[X]. Plus précisément, si P ∈ R[X], il existe λ ∈ R, p ∈ N, α1 , . . . αp ∈ R, et m1 , . . . mp ∈ N∗ , et il existe p0 ∈ N, (β1 , γ1 ), . . . , (βp0 , γp0 ) ∈ R2 , v1 , . . . vp0 ∈ N∗ tels que P =λ p Y 0 (X − αk ) k=1 Exemple. mk p Y X 2 + βk X + γk k=1 vk avec ∀k ∈ J1, p0 K βk2 − 4γk < 0. X 4 − 1 = (X − 1)(X + 1)(X 2 + 1) et X 4 + 1 = (X 2 − 16 √ 2X + 1)(X 2 + √ 2X + 1).