l’absence de symptôme, le diamètre télésystolique (DTS)
va lui aussi augmenter avec conservation, dans un premier
temps, d’une FE normale, masquant l’installation d’une
dysfonction ventriculaire gauche silencieuse [14], avant
laquelle il faudrait envisager l’indication de chirurgie
mitrale. La fraction d’éjection ventriculaire gauche est
surestimée à cause de la diminution de la post-charge, et
une valeur de 60 % témoigne en fait déjà d’une altération
de la contractilité.
Histoire naturelle
Ling et al. [15]
,
dans une série incluant 71 % de patients
a- ou paucisymptomatiques, soulignent le pronostic péjora-
tif de ces IM (figure 4) avec une mortalité annuelle de 6,3 %,
une incidence d’insuffisance cardiaque de 63 % et de
fibrillation auriculaire (FA) de 30 %. L’incidence annuelle
de mort subite atteint 1,8 % dans la série de Grigioni et al.
[16]
, dont 0.8 % chez les patients a- ou paucisymptoma-
tiques (stade NYHA I-II) avec IM par rupture de cordage
suivis médicalement. Dans la cohorte de 833 patients
d’Aviérinos et al. [17] un sous-groupe de 153 patients
ayant une IM au moins modérée et/ou une FE inférieure à
50 % a une survie à 10 ans ne dépassant pas 55 %.
La FA associée aggrave le risque évolutif [18]
.
Dix ans
après le diagnostic, 48 % des patients initialement en
rythme sinusal auront développé un premier accès de
fibrillation auriculaire (taux linéaire de 5 % par an). Elle
constitue un facteur de risque de mortalité et d’insuffisance
cardiaque, indépendamment des symptômes. Elle est plus
fréquente chez les sujets de plus de 65 ans et en cas de
dilatation auriculaire gauche (diamètre supérieur à 50 mm).
Stratégies thérapeutiques
Deux travaux portant sur les patients asymptomatiques
avec IM sévère font date actuellement et semblent donner
des résultats contradictoires.
Les travaux menés à la Mayo Clinic ont souligné le
pronostic spontané défavorable de l’IM organique sévère
et l’intérêt d’un traitement chirurgical précoce avant
même tout retentissement sur le VG [15, 16, 18-20]. Alors
que, récemment, l’équipe de Vienne [21] a montré le bien
fondé d’une surveillance armée des patients porteurs
d’une IM dégénérative sévère asymptomatique avec chi-
rurgie qu’en dernier recours.
Ces résultats contradictoires ont conduit à des recom-
mandations américaines et européennes qui diffèrent pour
les patients asymptomatiques [1, 6]. La chirurgie de l’IM
asymptomatique est classée en IIa (opinion des experts en
faveur) par l’American College of Cardiology/American
Heart Association (ACC/AHA) alors qu’elle n’est classée
qu’en IIb (utilité et efficacité moins bien établies) par
l’European Society of Cardiology (ESC).
L’équipe de Vienne de Rosenhek [21] a montré le bien
fondé d’une surveillance armée des patients asymptoma-
tiques en étudiant de manière prospective 132 patients
consécutifs, âgés de 55 ans, asymptomatiques, atteints
d’une IM dégénérative sévère, suivis cliniquement et
échocardiographiquement, pendant 69,2 mois. La chirur-
gie n’était indiquée chez ces patients qu’en cas d’appari-
tion de symptômes, d’une augmentation des diamètres
ventriculaires gauches (DTSVG ≥45 mm ou 26 mm/m
2
),
d’une dysfonction VG (fraction de raccourcisse-
ment < 32 % ou FEVG < 60 %), d’une hypertension arté-
rielle pulmonaire (PAPs > 50 mmHg), ou d’une fibrillation
auriculaire. La survie totale du groupe (incluant la morta-
lité opératoire) a atteint 99 % à 12 ans et 91 % à 8 ans,
survie non statistiquement différente de la survie attendue
(figure 5). La survie libre d’indication chirurgicale a atteint
92 % à 2 ans, 65 % à 6 ans, et 55 % à 8 ans. Les auteurs
plaident ainsi pour cette surveillance armée des IM dégé-
nératives, volumineuses, chroniques, asymptomatiques,
avec indication chirurgicale en cas d’apparition de symp-
tômes, d’une augmentation échographique des diamètres
VG, d’une dysfonction VG, d’une HTAP ou d’une FA.
Cependant, ils insistent sur la nécessité impérative d’une
surveillance rigoureuse, clinique et échocardiographique
régulière entre des mains entraînées. D’après cette étude,
l’IM sévère par prolapsus apparaît comme une maladie
qui ne justifie pas de chirurgie précoce chez les patients
asymptomatiques en rythme sinusal sans dysfonction ven-
triculaire gauche ni HTAP.
Ces conclusions ne vont pas dans le sens du travail
prospectif publié par l’équipe d’Enriquez-Sarano de la
Mayo Clinic [20] incluant 456 patients, âgés de 63 ans,
atteints d’une IM organique asymptomatique sévère. Le
taux de décès à 5 ans, toutes causes confondues, était de
22 %, le taux de décès cardiaques était de 14 % et le taux
d’événements cardiaques de 33 %. Les patients avec une
SOR ≥40 mm
2
avaient un taux de survie à 5 ans inférieur
au taux attendu pour l’âge de la population (58 versus
78 %, p = 0,03). Les patients avec une SOR ≥40 mm
2
Années
Survie (%)
Attendue
Observée
100
80
60
40
20
0
012345678910
P
=
0,016
Figure 4. Courbes de survie sous traitement médical d’une série
d’insuffisances mitrales dystrophiques. La survie des patients por-
teurs d’une insuffisance mitrale est significativement diminuée par
rapport à la survie attendue. D’après Ling et al.N Engl J Med
1996 ; 335 (19) : 1417-23.
Revue
mt, vol. 14, n° 1, janvier-février 2008
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