Revue Insuffisance mitrale organique : physiopathologie, histoire naturelle et stratégies thérapeutiques Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Catherine Szymanski1,2, Emmanuel Messas1 , Christophe Tribouilloy2 1 Hôpital européen Georges Pompidou, Pôle cardiovasculaire, 20 rue Leblanc, 75015 Paris <[email protected]> 2 CHU Amiens Sud, Département de cardiologie, Avenue René Laënnec, 80054 Amiens Cedex 1 L’insuffisance mitrale (IM) se caractérise par un reflux systolique anormal du sang du ventricule gauche dans l’oreillette gauche, secondaire à la perte d’étanchéité de la valve. Son principal risque est l’évolution vers une dysfonction ventriculaire gauche avec insuffisance cardiaque responsable du pronostic péjoratif à long terme de cette valvulopathie. Sa présentation clinique peut être aiguë ou chronique évoluant sur plusieurs années pendant lesquelles le patient est longtemps asymptomatique. Si l’indication opératoire doit être rapidement portée chez les patients symptomatiques, la prise en charge d’une IM asymptomatique reste encore l’objet de controverse dans la littérature. Deux attitudes peuvent être proposées chez le patient asymptomatique, en rythme sinusal sans signe de dysfonction ventriculaire gauche : surveillance clinique et échocardiographique régulière avec chirurgie programmée dès l’apparition d’une symptomatologie fonctionnelle ou de signes de mauvaise tolérance clinique (trouble du rythme supraventriculaire, hypertension artérielle pulmonaire systolique ou signes de dysfonction ventriculaire gauche) ; ou chirurgie réparatrice d’emblée chez des patients encore asymptomatiques présentant une IM sévère (surface de l’orifice régurgitant (SOR) > 40 mm2) associé à un mécanisme simple de la fuite, accessible à un geste de réparation mitrale. La présence d’une fuite mitrale organique importante aggrave le pronostic spontané de ces patients. Le moment de l’intervention est encore discuté dans la littérature. En pratique clinique, ce sont l’étiologie, la sévérité de l’IM, le mécanisme, l’expérience de l’équipe chirurgicale et l’absence de comorbidité qui pousseront à la réparation mitrale précoce. Mots clés : insuffisance mitrale, échocardiographie, plastie mitrale doi: 10.1684/met.2008.0146 L’ mt Tirés à part : E. Messas insuffisance mitrale (IM) est, avec le rétrécissement aortique, la valvulopathie la plus fréquente dans les pays occidentaux [1] et sa prévalence augmente avec l’âge [2, 3]. On distingue les fuites mitrales organiques des fuites mitrales fonctionnelles sur valve saine, secondaires à une cardiomyopathie. Cet article se consacrera aux fuites mitrales organiques avec atteinte des feuillets valvulaires. mt, vol. 14, n° 1, janvier-février 2008 Les IM organiques sont définies par la perte de l’étanchéité de la valve mitrale, lors de la systole ventriculaire, entraînant le reflux de sang du ventricule gauche vers l’oreillette gauche. Cette fuite est secondaire à la présence de lésions anatomiques de l’appareil valvulaire et/ou sous valvulaire mitral (figure 1). Depuis le traitement précoce des angines à streptocoques et la disparition du rhumatisme articulaire aigu secon- 3 Revue AP Ao OG V. pulmonaire V. aortique OD Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Fuite mitrale V. mitrale V. tricuspide VG VD Figure 1. Topographie des flux sanguins intracardiaques. Gauche : direction des flux sanguins intracardiaques. AP = artère pulmonaire, V. pulmonaire = valve pulmonaire, OD = oreillette droite, V. tricuspide = valve tricuspide, VD = ventricule droit, Ao = aorte, OG = oreillette gauche, V. aortique = valve aortique, V. mitrale = valve mitrale, VG = ventricule gauche. Droite : visualisation des flux de régurgitation mitrale. daire dans les pays développés, sa cause la plus fréquente est dégénérative (fibroélastique et myxoïde) ou infectieuse (endocardite) [4, 5]. Les principes de la prise en charge de l’IM répondent à ceux de toute valvulopathie organique. L’intervention chirurgicale n’est envisagée qu’en cas de fuite sévère (grade IV, tableau 1) et elle est formelle en cas de fuite symptomatique c’est-à-dire en cas de classe NYHA II à IV. Le problème actuel est de définir le temps chirurgical pour les patients a- ou paucisymptomatiques avec fuite mitrale sévère. Les recommandations européennes [1] et américaines [6] définissent les IM sévères selon des critères échocardiographiques identiques utilisant la largeur de la vena contracta (correspondant au diamètre du jet à l’origine) ≥ 7 mm, la présence d’un reflux systolique de la fuite dans les veines pulmonaires, une surface de l’orifice régurgitant ≥ 40 mm2, une fraction de régurgitation (qui correspond à la fraction du volume d’éjection systolique régurgitant dans l’oreillette gauche) ≥ 50 % et un volume régurgitant ≥ 60 ml/battement (figure 2). IM organique d’origine rhumatismale Pour l’IM organique d’origine rhumatismale qui est maintenant rare dans les pays occidentaux, la question de la chirurgie précoce chez les patients asymptomatiques ne se pose pas. En effet, les résultats de la plastie mitrale ne donnent pas des résultats assez satisfaisants à long terme permettant de prendre le risque d’une intervention chez des patients asymptomatiques ayant un pronostic spontané tout à fait acceptable. Ces résultats variables s’expliquent par la rigidité de l’orifice (figé en diastole et en systole), les lésions valvulaires avec épaississement mar- PISA Ao Flux régurgité OG VG V max de l’IM Tableau 1. Grades et sévérités SOR Grade I II III IV 4 Sévérité minime modérée moyenne sévère Figure 2. Evaluation de la fuite mitrale par la métode PISA (Proximal Isovelocity Surface Area). SOR = surface de l’orifice régurgitant, Vmax = vélocité maximale de l’IM en doppler continu, OG = oreillette gauche, VG = ventricule gauche, Ao = aorte. mt, vol. 14, n° 1, janvier-février 2008 FE ≥ 60 % 100 80 Survie (%) 79 ± 6 60 49 ± 5 40 P = 0,0003 20 NYHA I-II NYHA III-IV 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Années FE < 60 % 100 IM organique symptomatique d’origine dystrophique 80 75 ± 6 Les recommandations françaises [10], européennes [1] et américaines [6] sont unanimes et en faveur d’une intervention chirurgicale rapide. Chez les patients symptomatiques (stade II-III ou IV de la NYHA) avec fonction VG conservée ou moyennement altérée (FEVG ≥ 30 % et diamètre télésystolique < 55 mm) l’intervention chirurgicale doit être rapidement envisagée, si possible par plastie, sinon par remplacement valvulaire mitral (indication de classe Ib, d’après les recommandations). En cas de dysfonction VG sévère (FEVG < 30 % et/ou DTSVG > 55 mm), l’indication opératoire sera portée si l’IM est sévère, symptomatique, avec haute probabilité de plastie mitrale et faible risque opératoire (indication de classe IIbC). Les symptômes préopératoires sont un élément déterminant de la mortalité opératoire. Ceci est vrai même pour les patients présentant une FE > 60 %, car il existe une surmortalité tardive pour les patients opérés en classe NYHA III ou IV préopératoire comparativement à ceux en classe I ou II [11] (figure 3, en haut). La chirurgie conservatrice mitrale a fait d’immenses progrès ces dernières années. Elle permet de corriger durablement la majorité des fuites avec morbi-mortalité minimes (moins 1 % de mortalité chez les sujets de moins de 75 ans asymptomatiques dans les centres spécialisés) [12]. De tels arguments ont incité à proposer une chirurgie réparatrice chez les patients asymptomatiques. Survie (%) Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. qué, les calcifications extensives de l’anneau, rendant la réparation mitrale plus risquée. La survie des patients présentant une IM rhumatismale modérée est excellente [7]. La survenue d’une fuite sévère a un pronostic semblable à celui des IM dystrophiques, avec toutefois, une progression annuelle du degré de régurgitation plus importante dans ces lésions rhumatismales [8]. Les IM rhumatismales se prêtent beaucoup moins bien à la chirurgie conservatrice notamment les formes fibreuses et calcifiées mais des résultats acceptables à long terme ont été publiés [9]. La plastie mitrale donne des résultats favorables si les valves sont souples avec peu de calcifications, et en l’absence d’épaississement trop important des cordages valvulaires. Dans les formes sclérorétractiles avec valves déformées, calcifiées et rigides, inaccessibles à une réparation chirurgicale correcte, on envisage le remplacement valvulaire mitral (RVM) en cas d’apparition des symptômes et/ou d’une dysfonction VG. Ce RVM se fera préférentiellement avec préservation de l’appareil sous valvulaire [6] qui permet la conservation de la fonction VG en post-opératoire et par prothèse mécanique chez les patients jeunes (< 70 ans) nécessitant une anticoagulation au long cours. 60 40 41 ± 5 P = 0,0001 20 0 0 1 2 3 4 5 6 Années 7 8 9 10 Figure 3. Courbes de survie postopératoires chez les patients avec IM sévère dystrophique insuffisances mitrales en classe NYHA I-II et en classe NYHA III-IV. En haut : avec FEVG préopératoire ≥ 60 %. En bas : avec FEVG préopératoire < 60 %. D’après Tribouilloy et al. Circulation 1999 ; 99 (3) : 400-5. IM organique asymptomatique Physiopathologie Les IM chroniques, peuvent être longtemps bien tolérées et asymptomatiques pendant plusieurs années. L’adaptation et le remodelage ventriculaire gauche se fait par une dilatation cavitaire avec augmentation du diamètre télédiastolique (DTD) [13]. Progressivement et en mt, vol. 14, n° 1, janvier-février 2008 5 Revue 100 Attendue Survie (%) 80 60 Observée 40 20 P = 0,016 0 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 0 1 2 3 4 5 6 Années 7 8 9 10 Figure 4. Courbes de survie sous traitement médical d’une série d’insuffisances mitrales dystrophiques. La survie des patients porteurs d’une insuffisance mitrale est significativement diminuée par rapport à la survie attendue. D’après Ling et al. N Engl J Med 1996 ; 335 (19) : 1417-23. l’absence de symptôme, le diamètre télésystolique (DTS) va lui aussi augmenter avec conservation, dans un premier temps, d’une FE normale, masquant l’installation d’une dysfonction ventriculaire gauche silencieuse [14], avant laquelle il faudrait envisager l’indication de chirurgie mitrale. La fraction d’éjection ventriculaire gauche est surestimée à cause de la diminution de la post-charge, et une valeur de 60 % témoigne en fait déjà d’une altération de la contractilité. Histoire naturelle Ling et al. [15], dans une série incluant 71 % de patients a- ou paucisymptomatiques, soulignent le pronostic péjoratif de ces IM (figure 4) avec une mortalité annuelle de 6,3 %, une incidence d’insuffisance cardiaque de 63 % et de fibrillation auriculaire (FA) de 30 %. L’incidence annuelle de mort subite atteint 1,8 % dans la série de Grigioni et al. [16], dont 0.8 % chez les patients a- ou paucisymptomatiques (stade NYHA I-II) avec IM par rupture de cordage suivis médicalement. Dans la cohorte de 833 patients d’Aviérinos et al. [17] un sous-groupe de 153 patients ayant une IM au moins modérée et/ou une FE inférieure à 50 % a une survie à 10 ans ne dépassant pas 55 %. La FA associée aggrave le risque évolutif [18]. Dix ans après le diagnostic, 48 % des patients initialement en rythme sinusal auront développé un premier accès de fibrillation auriculaire (taux linéaire de 5 % par an). Elle constitue un facteur de risque de mortalité et d’insuffisance cardiaque, indépendamment des symptômes. Elle est plus fréquente chez les sujets de plus de 65 ans et en cas de dilatation auriculaire gauche (diamètre supérieur à 50 mm). Stratégies thérapeutiques Deux travaux portant sur les patients asymptomatiques avec IM sévère font date actuellement et semblent donner des résultats contradictoires. 6 Les travaux menés à la Mayo Clinic ont souligné le pronostic spontané défavorable de l’IM organique sévère et l’intérêt d’un traitement chirurgical précoce avant même tout retentissement sur le VG [15, 16, 18-20]. Alors que, récemment, l’équipe de Vienne [21] a montré le bien fondé d’une surveillance armée des patients porteurs d’une IM dégénérative sévère asymptomatique avec chirurgie qu’en dernier recours. Ces résultats contradictoires ont conduit à des recommandations américaines et européennes qui diffèrent pour les patients asymptomatiques [1, 6]. La chirurgie de l’IM asymptomatique est classée en IIa (opinion des experts en faveur) par l’American College of Cardiology/American Heart Association (ACC/AHA) alors qu’elle n’est classée qu’en IIb (utilité et efficacité moins bien établies) par l’European Society of Cardiology (ESC). L’équipe de Vienne de Rosenhek [21] a montré le bien fondé d’une surveillance armée des patients asymptomatiques en étudiant de manière prospective 132 patients consécutifs, âgés de 55 ans, asymptomatiques, atteints d’une IM dégénérative sévère, suivis cliniquement et échocardiographiquement, pendant 69,2 mois. La chirurgie n’était indiquée chez ces patients qu’en cas d’apparition de symptômes, d’une augmentation des diamètres ventriculaires gauches (DTSVG ≥ 45 mm ou 26 mm/m2), d’une dysfonction VG (fraction de raccourcissement < 32 % ou FEVG < 60 %), d’une hypertension artérielle pulmonaire (PAPs > 50 mmHg), ou d’une fibrillation auriculaire. La survie totale du groupe (incluant la mortalité opératoire) a atteint 99 % à 12 ans et 91 % à 8 ans, survie non statistiquement différente de la survie attendue (figure 5). La survie libre d’indication chirurgicale a atteint 92 % à 2 ans, 65 % à 6 ans, et 55 % à 8 ans. Les auteurs plaident ainsi pour cette surveillance armée des IM dégénératives, volumineuses, chroniques, asymptomatiques, avec indication chirurgicale en cas d’apparition de symptômes, d’une augmentation échographique des diamètres VG, d’une dysfonction VG, d’une HTAP ou d’une FA. Cependant, ils insistent sur la nécessité impérative d’une surveillance rigoureuse, clinique et échocardiographique régulière entre des mains entraînées. D’après cette étude, l’IM sévère par prolapsus apparaît comme une maladie qui ne justifie pas de chirurgie précoce chez les patients asymptomatiques en rythme sinusal sans dysfonction ventriculaire gauche ni HTAP. Ces conclusions ne vont pas dans le sens du travail prospectif publié par l’équipe d’Enriquez-Sarano de la Mayo Clinic [20] incluant 456 patients, âgés de 63 ans, atteints d’une IM organique asymptomatique sévère. Le taux de décès à 5 ans, toutes causes confondues, était de 22 %, le taux de décès cardiaques était de 14 % et le taux d’événements cardiaques de 33 %. Les patients avec une SOR ≥ 40 mm2 avaient un taux de survie à 5 ans inférieur au taux attendu pour l’âge de la population (58 versus 78 %, p = 0,03). Les patients avec une SOR ≥ 40 mm2 mt, vol. 14, n° 1, janvier-février 2008 100 90 80 Survie (%) 70 60 50 40 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 30 20 Globale Prolapsus Attendue 10 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 Figure 5. Courbes de survie sous traitement médical dans la série de Rosenhek et al. La survie totale des patients porteurs d’une insuffisance mitrale est non statistiquement différente de celle attendue. D’après Rosenhek et al. Circulation 2006 ; 113 (18) : 2238-44. avaient une augmentation du risque de décès de toutes causes, de décès cardiaques et d’événements cardiaques. Le moment de la chirurgie dans les IM sévères chroniques asymptomatiques reste donc controversé. Dans cette série D’Enriquez-Sarano [20], seuls 232 patients ont été opérés et l’intervention chirurgicale est apparue comme un facteur indépendant d’une amélioration de la survie (rapport de risque ajusté : 0.28 ; intervalle de confiance à 95 % : 0.14-0.55 ; p<0.01). La chirurgie précoce était associée à une diminution de l’incidence de décès cardiovasculaires, d’insuffisance cardiaque et de survenue de nouvel épisode de FA. Les auteurs plaident ainsi, pour une intervention chirurgicale précoce chez les patients ayant une IM organique volumineuse asymptomatique dont la SOR quantifiée à l’échocardiographie est ≥ 40 mm2 sans dilatation ou dysfonction VG associée. Ces résultats sont confortés par certains arguments cliniques : – Les patients opérés en classe NYHA III-IV [11, 15] ou avec une FEVG < 60 % [15, 19] (figure 3) ou en FA ont un moins bon pronostic que ceux opérés en classe I-II, avec une FE normale et en rythme sinusal. Ces patients (en classe NYHA I-II et avec une FE > 60 % et en rythme sinusal) ont, après la chirurgie, une espérance de vie semblable à celle de la population générale. – Les patients avec une IM sévère présentent, sous traitement médical, une surmortalité et une augmentation du nombre d’événements cardiovasculaires. La chirurgie réduit la mortalité et les événements cardiovasculaires [22]. – Les résultats de la plastie mitrale sont excellents en terme de mortalité opératoire (moins de 1 % de mortalité chez les sujets de moins de 75 ans asymptomatiques dans les centres spécialisés) [12] et de correction de la fuite quand les conditions anatomiques sont favorables. Ils sont aussi très favorables en termes de conservation de la fonction VG permettant aux patients opérés précocement de bénéficier d’une espérance de vie comparable à celle d’une population de même âge [22]. La prévention de la dysfonction ventriculaire gauche tardive doit être mise en balance avec l’espérance de vie du patient et le risque opératoire [23]. Une chirurgie préventive ne peut se concevoir que si le risque opératoire est très faible et que si l’intervention n’entraîne pas un surcroît de risque ultérieur, notamment avec une prothèse valvulaire. La faisabilité de la chirurgie valvulaire mitrale [12, 24] est donc un élément essentiel dans la décision d’intervenir précocement [25]. Le risque opératoire doit être estimé en fonction des caractéristiques du patient à l’aide de scores validés, comme l’Euroscore [26]. Les indications opératoires au stade asymptomatique ne sont donc généralement pas envisagées après 75 ans ou en cas de comorbidités importantes. Par ailleurs, il est essentiel d’évaluer la faisabilité de la plastie mitrale par échocardiographie lors d’une confrontation médicochirurgicale prenant en compte l’analyse échocardiographique détaillée de l’étiologie et du mécanisme de la régurgitation. La chirurgie précoce proposée par Enriquez-Sarano [20] est raisonnable mais l’attitude basée sur une surveillance médicale clinique et échocardiographique attentive de Rosenhek [21] est aussi envisageable. De ces dernières études dérivent les dernières recommandations sur l’IM sévère asymptomatique. Recommandations La place de la chirurgie prophylactique dans l’IM asymptomatique, par prolapsus, chez un patient en rythme sinusal, avec fonction ventriculaire gauche préservée (FEVG > 60 %, DTSVG < 40 mm) avec haute probabilité (> 90 %) de réaliser une plastie mitrale sans fuite résiduelle, est encore discutée. Cette chirurgie est classée IIa par l’ACC/AHA [6] avec un niveau de preuve B ; et pour les Européens [1], cette chirurgie est classée IIb, avec un niveau de preuve B. En revanche, les auteurs [1, 6] ne recommandent pas la chirurgie, dans ce contexte, (classe III) s’il y a un doute quant à la faisabilité d’une plastie mitrale (niveau de preuve C). En conclusion, à partir de ces données, nous avons proposé un algorithme décisionnel dans la prise en charge d’un patient avec IM asymptomatique. mt, vol. 14, n° 1, janvier-février 2008 7 Revue Tableau 2. Attitudes thérapeutiques en cas d’IM organique importante asymptomatique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Surveillance médicale clinique et échocardiographique - Pas de dysfonction VG * FEVG > 60 % * DTSVG < 40 mm -Rythme sinusal - SOR < 40 mm2 Chirurgie - IM grade 4 * SOR > 40 mm2 * VR > 60 ml - et FEVG ~ 60 %, DTSVG ~ 40-45 mm - et Quasi-certitude de plastie mitrale (feston P2) - et Age < 75 ans - et Faible risque opératoire (euroscore < 2 %) - et Faibles comorbidités - et Equipe chirurgicale entraînée Chez un patient asymptomatique porteur d’une IM volumineuse par prolapsus, on peut, à notre avis, proposer aujourd’hui les 2 attitudes suivantes (tableau 2) : – Le traitement chirurgical en cas de : * Dysfonction ventriculaire gauche : FE < 60 % ou DTSVG > 45 mm [6, 10], même en cas de haute probabilité de RVM [1, 6, 10] (indication de classe I d’après les recommandations). * Dysfonction VG sévère : FEVG < 30 % et/ou DTSVG > 55 mm, réfractaire à un traitement médical, avec haute probabilité de plastie mitrale et faible taux de comorbidités [1, 6, 10] (indication de classe IIa d’après les recommandations) [1, 6]. * Apparition de FA paroxystique ou permanente et fonction ventriculaire gauche préservée (FEVG > 60 % et DTSVG < 45 mm) [6, 10] (indication de classe IIa d’après les recommandations) [1, 6, 10]. * HTAP avec pression artérielle pulmonaire systolique > 50 mmHg au repos [1, 6, 10] (indication de classe IIa d’après les recommandations) [1, 6, 10]. – Une surveillance médicale clinique et échocardiographique rapprochée chez la majorité des patients sans dysfonction ventriculaire gauche (FE > 60 %, DTSVG < 40 mm) en rythme sinusal avec une SOR < 40 mm2 est raisonnable. Néanmoins, l’attitude sera plutôt d’entrée chirurgicale quand l’IM est de grade 4 (SOR > 40 mm2, volume régurgité > 60 ml), que la FEVG se rapproche de 60 %, et que le DTSVG se rapproche de 40-45 mm, à condition qu’une plastie mitrale soit possible de manière quasi certaine (prolapsus de la valve postérieure touchant le feston P2). Dans tous les cas, cette chirurgie « précoce » ne peut donc être envisagée que s’il existe une quasi certitude de réalisation de plastie mitrale avec une équipe chirurgicale entraînée à cette technique, en l’absence de comorbidité, et si le risque opératoire est faible (< 2 %). Conclusion La surveillance médicale dans l’IM organique sévère par prolapsus est associée à une morbi-mortalité élevée. 8 La chirurgie doit être envisagée chez les patients symptomatiques. Deux attitudes peuvent être proposées chez le patient asymptomatique, en rythme sinusal sans signe de dysfonction ventriculaire gauche : surveillance clinique et échocardiographique attentive et régulière avec chirurgie programmée dès l’apparition d’une symptomatologie fonctionnelle, de trouble du rythme supraventriculaire, d’une pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs) > 50 mmHg, de signes de dysfonction ventriculaire gauche (FEVG < 60 %, diamètre télésystolique ventriculaire gauche (DTSVG) > 45 mm) ou chirurgie d’emblée si l’IM est particulièrement sévère (surface de l’orifice régurgitant (SOR) > 40 mm2) et s’il existe une quasi-certitude de pouvoir réaliser une plastie mitrale. Le traitement chirurgical de l’IM, qui est presque inévitable à moyen terme, est une technique qui donne de bons résultats en terme de survie et d’événement cardiovasculaire. Ces considérations sont en faveur d’une chirurgie valvulaire précoce. 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