Quelles sont ces insuffisances mitrales importantes et symptomatiques récusées pour la chirurgie ? RÉFÉRENCE Mirabel M, Iung B, Baron G et al. What are the characteristics of patients with severe, symptomatic, mitral regurgitation who are denied surgery? Eur Heart J 2007; 28:1358-65. LE FOND Dans Euro Heart Survey, concernant la prise en charge des valvulopathies, 396 patients avaient une régurgitation mitrale (IM) symptomatique (classe NYHA ≥ II) et sévère (grade 3 ou 4 en échocardiographie-Doppler). Si leur âge moyen était de 66 ans, 137 patients avaient entre 70 et 80 ans, et 40 patients plus de 80 ans. L’étiologie la plus fréquente de l’IM était dégénérative (53 %). Un facteur au moins de comorbidité était présent dans 40 % des cas, avec un index moyen de Charlson à 1,24. Une coronaropathie était présente pour 100 des 228 patients coronarographiés. Une intervention mitrale a été proposée pour 203 patients (51 %), les 193 autres patients étant initialement traités médicalement. Parmi les 135 patients opérés dans les centres participant à Euro Heart Survey, 79 ont eu un remplacement valvulaire et 56 une plastie mitrale. Un geste associé de pontage aorto-coronaire a concerné 39 patients. Cinq patients (3,7 %) sont décédés pendant la période postopératoire. Aucun décès n’est survenu en cas de plastie mitrale isolée. En analyse multivariée, les cinq critères associés à l’abstention chirurgicale sont : une fraction d’éjection basse, une étiologie non ischémique, un âge avancé, un index de comorbidité élevé et une IM de grade 3. Les raisons le plus souvent invoquées par les praticiens pour motiver leurs réticences à l’égard de la chirurgie ont été : la résolution des symptômes sous traitement médical, la La Lettre du Cardiologue - n° 412 - février 2008 LC412-ok.indd 33 présence de comorbidités, l’âge avancé, le refus du patient et une insuffisance cardiaque terminale. Le suivi à un an a pu être analysé pour 392 patients (99 %). La survie à un an est inférieure en cas de décision d’abstention chirurgicale : 89,5 % contre 96 % ; p = 0,02. L’âge et la comorbidité sont les facteurs prédictifs de cette évolution plus péjorative. Parmi les 193 patients non retenus initialement pour la chirurgie, 19 (10 %) seront finalement adressés pour intervention dans l’année suivant leur inclusion. COMMENTAIRES Cette analyse de Euro Heart Survey nous apprend que près de la moitié des patients ayant une IM importante et symptomatique ne sont pas dirigés initialement vers la chirurgie en Europe, souvent à l’encontre des recommandations actuelles. Considérant les facteurs déterminant le choix thérapeutique, peu de patients étaient concernés par une fraction d’éjection inférieure à 30 % (15 % des patients non opérés) ou par un âge supérieur à 80 ans (10 % de la population totale), facteurs susceptibles d’expliquer des réticences fondées à l’intervention. Si les IM ischémiques furent plus souvent opérées, il est probable que l’indication chirurgicale reposait alors en priorité sur une proposition de pontage aorto-coronaire associé (réalisé dans 83 % des cas). Les IM de grade 3 sont moins souvent considérées comme chirurgicales alors que leur caractère symptomatique aurait dû conduire à la même attitude thérapeutique qu’en cas de grade 4. La résolution des symptômes sous traitement médical apparaît comme un mauvais prétexte à l’abstention chirurgicale, l’apparition de symptômes étant en soi un puissant facteur prédictif de mortalité. Reste l’impact certain des comorbidités (index ≥ 3 pour 20 % des patients non opérés). À l’instar d’une première publication concernant les rétrécissements aortiques (Eur Heart J 2005;26:2714-20), où l’âge avancé et la dysfonction ventriculaire gauche influaient négativement sur la décision chirurgicale, on ne peut qu’insister pour une vigilance accrue quant à l’application dans la pratique courante des recommandations en vigueur. Les réticences à la chirurgie d’une IM importante et symptomatique restent plus compréhensibles en cas de fraction d’éjection inférieure à 30 %, d’autant qu’une plastie paraît difficile, en cas d’âge supérieur à 80 ans, et selon l’importance des comorbidités associées (prise en compte de l’EuroScore). En une référence... E n une référence... BIBLIOGRAPHIE À la suite de cet article, on pourra lire les dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie sur la prise en charge des valvulopathies (Eur Heart J 2007;28:230-68). Un éditorial est associé à l’article (Law A, Chan KL. Surgical referral in symptomatic mitral regurgitation: greater compliance with guidelines is needed. Eur Heart J 2007; 28:1281-2), et une publication canadienne évoque les mêmes difficultés “à faire passer le message” outre-Atlantique (Toledano K et al. Can J Cardiol 2007;23:209-14). MOTS-CLÉS Insuffisance mitrale sévère symptomatique – Chirurgie valvulaire – Plastie mitrale – Recommandations. TIRÉS À PART E-mail : [email protected] C. Adams, service de cardiologie, CH Argenteuil. 33 25/02/08 11:06:32