neuro-mémo Neuro-Mémo Les équivalents migraineux et les migraines atypiques P. Chemouilli* V irtuose de la dissimulation, aussi traîtresse que Mata-Hari, changeante comme Frégoli et insaisissable comme Houdini, la migraine, au-delà de son apparente simplicité diagnostique, n’a semble-t-il, qu’un seul but : celui de tromper l’ennemi. Tables de la loi en main (en l’occurrence, la classification de l’International Headache Society), le neurologue louvoie dans bien des cas entre diagnostics répertoriés et expérience personnelle. Auras isolées ou symptômes “limites” sont surtout observés chez l’enfant. Vertiges ◆ Migraine basilaire : le vertige fait partie d’une riche aura comportant dysarthrie, acouphènes, hypoacousie, diplopie, ataxie, paresthésies, parésie, hypovigilance (au moins 2 parmi ces symptômes dans la classification de l’IHS). ◆ Vertige paroxystique bénin de l’enfance : crises de vertige rotatoire, avec souvent nystagmus et vomissements, sans perte d’audition ni trouble de la conscience. L’IHS ne l’intègre pas dans * Service long et moyen séjour neurologique, hôpital Albert-Chennevier, Créteil. Act. Méd. Int. - Neurologie (2) n° 5, mai 2001 Ce qu’il faut garder en mémoire les migraines mais en fait un syndrome périodique précurseur possible ou associé à la migraine. Effectivement, 24 % des enfants atteints développeront ultérieurement des migraines typiques. Équivalents visuels sans céphalée Scotome scintillant : la céphalée est occasionnellement absente ; il est rare qu’elle ne soit jamais présente. ◆ Métamorphopsies et syndrome d’Alice au pays des merveilles : les troubles d’appréciation des tailles et des distances, les modifications des formes, et surtout les illusions corporelles ne sont pas des symptômes répertoriés explicitement dans l’IHS, même s’ils sont classiques. ◆ Cécité corticale : elle est exceptionnelle sans céphalée dans la migraine non compliquée. ◆ Cécité monoculaire : la migraine rétinienne, répertoriée par l’IHS, est bien difficile à affirmer. La nature migraineuse ne peut être totalement certaine s’il manque la céphalée. ◆ Troubles cognitifs ◆ Ictus amnésique : sa relation avec la migraine est suspectée. ◆ Migraine stuporeuse : l’état stuporeux peut durer de 20 minutes à plusieurs heures. Des antécédents familiaux de migraine sont fréquemment retrouvés. Elle peut s’intégrer dans le cadre d’une migraine basilaire ou émailler l’évolution d’une migraine hémiplégique familiale. ◆ Migraine confusionnelle : elle n’est pas spécifiquement répertoriée par l’IHS. Pourtant, elle pourrait concerner 3 à 5 % des cas selon les études et survient essentiellement chez l’enfant. La crise débute par une agitation et une désorientation. La céphalée est inconstante. L’épisode a une durée qui varie de 10 minutes à plusieurs heures ; il se termine par un sommeil lourd et réparateur. L’imagerie cérébrale est indispensable lors du premier accès pour éliminer une hémorragie méningée, et l’é- 85 tude du LCR l’est parfois pour écarter une méningo-encéphalite. L’EEG est utile pour la différencier d’un état de mal épileptique. Syndromes abdominaux paroxystiques de l’enfant et de l’adulte ◆ Migraine abdominale : douleur sourde, périombilicale, de type colique, accompagnée de pâleur, nausées, vomissements, anorexie. L’accès dure de 1 à 6 heures, puis l’enfant s’endort. On pense au diagnostic devant la répétition des crises, mais on le porte évidemment par élimination. On rapproche de ce syndrome les vomissements ou poussées de fièvre cycliques. Chez l’adulte, elle a été (et est sans doute encore) à l’origine de nombreuses cholecystectomies. L’IHS n’en fait pas mention. Hémiplégie ◆ Hémiplégie alternante de l’enfant : des épisodes hémiplégiques régressifs surviennent d’un côté ou de l’autre chez un enfant de moins de 18 mois. Ils peuvent s’associer à des spasmes toniques, des mouvements anormaux, des troubles oculomoteurs, un nystagmus. Une arriération mentale est la règle. L’IHS discute sa relation avec la migraine ou l’épilepsie. ◆ Migraine hémiplégique familiale : l’hémiplégie ou l’hémiparésie constituent l’aura. D’autres symptômes cliniques sont possibles : confusion, coma, troubles sensitifs, aphasie, négligence visuospatiale. La céphalée peut être discrète ; des crises céphalalgiques pures sont en revanche possibles. Pour en savoir plus ● Abu Arafeh I, Russel G. Prevalence of headache and migraine in school children. Br Med J 1994 ; 309 : 765-9. ● Diamond S, Dalessio DJ. The practising physician’s approach to headache. Williams Wilkins, 1992. ● Inserm (expertise collective). La migraine. Connaissances descriptives, traitements et prévention. Les éditions Inserm, 1998. ● Shaabat A. Confusional migraine in childhood. Pediatr Neurol 1996 ; 15 : 23-5.