Février 2004 - À vos soins

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à vos SOINS
Texte rédigé par
Peter Dvorak,
B. Pharm., D.P.C.
(Pharmacie Jean
Coutu, Saint-Janvier)
Prévenir les maux de tête
Présentation de cas
T.B., une femme de 62 ans, vient à la pharmacie pour renouveler son ZomigMD. En consultant son
dossier, vous remarquez qu’elle le renouvelle beaucoup plus souvent qu’à l’habitude. Après discussion, vous apprenez que, pendant les trois derniers mois, elle a souffert d’au moins une
migraine sévère par semaine. Au questionnaire, vous n’identifiez aucun facteur causal de cette
recrudescence des céphalées.
Discussion
Tout patient souffrant de migraine devrait être évalué afin de déterminer s’il est un candidat pour un
traitement prophylactique. Les indications généralement acceptées pour débuter une telle thérapie
sont les suivantes : deux épisodes ou plus par mois
produisant une incapacité fonctionnelle d’au moins
trois jours ou plus par mois; contre-indication ou
échec des traitements abortifs classiques; utilisation
de traitements abortifs plus de deux fois par semaine ; présence de conditions peu communes, incluant une aura prolongée, de l’hémiplégie ou un
infarctus migraineux(1). Ajoutons que la prophylaxie
est inefficace chez les patients souffrant de céphalées d’origine médicamenteuse(2).
Le but de la prophylaxie est de prévenir l’apparition des crises de migraine. On obtient une réponse
positive, soit une diminution de 50 % de jours avec
migraine, chez environ 70 % des patients. Les
agents prophylactiques sont généralement utilisés
en monothérapie et peuvent prendre de deux à trois
mois avant de faire effet(1, 2). On devrait débuter à
faible dose et l’augmenter graduellement afin de
limiter les effets indésirables. Après 9 à 12 mois, le
traitement préventif devrait être cessé afin de réévaluer l’état du patient(2, 3).
Plusieurs médicaments ont été utilisés pour la
prévention des céphalées, mais peu d’entre eux ont
démontré une réelle efficacité. Dans la classe des
bêtabloquants, le propranolol (IndéralMD), à une
dose de 80 à 240 mg par jour, et le timolol
(BlocadrenMD), à une dose de 20 à 30 mg par jour,
se sont montrés efficaces(1). L’aténolol, le métoprolol et le nadolol auraient une efficacité plutôt miti-
Révision :
Mireille Nadeau,
B. Pharm.
gée, alors que l’acébutolol, l’oxprénolol et le pindolol semblent être inefficaces(1). Pour ce qui est des
antidépresseurs, l’amitriptylline (ElavilMD), à une
dose de 30 à 150 mg par jour, est le seul dont l’efficacité a été prouvée(1). La fluoxétine (ProzacMD), à
20 ou 40 mg par jour, pourrait avoir un effet modéré, alors que les autres antidépresseurs semblent
inefficaces(1). Les bêtabloquants, chez les patients
avec migraine seule, ont une meilleure efficacité
que l’amitriptylline, qui semble plus appropriée
pour les personnes souffrant de céphalées de tension et de migraines mixtes(1, 2). Concernant les anticonvulsivants, l’acide valproïque et le divalproex
(EpivalMD) se sont montré efficaces, mais ils présentent beaucoup d’effets indésirables ainsi qu’un
potentiel tératogène(1, 4). Ils semblent particulièrement utiles chez les patients migraineux avec aura
atypique ou prolongée(1). La gabapentine (NeurontinMD) semble avoir une efficacité modérée, et la
carbamazépine est inefficace(1). Parmi les agents sérotoninergiques, il y a de fortes évidences d’efficacité du méthysergide (SansertMD). Par contre, ce
dernier constitue un dernier choix car il peut causer
de la fibrose rétropéritonéale ou rétropleurale à long
terme. Le fabricant recommande que la thérapie
soit cessée pendant trois à quatre semaines à chaque
six mois de traitement(1, 2). Les études semblent aussi
démontrer une certaine efficacité du pizotifène
(SandomigranMD). Par contre, ce dernier est souvent
associé à de la somnolence et à un gain de poids(1, 4).
Les mêmes effets indésirables limitent l’utilisation
de la flunarizine (SibeliumMD), le seul bloquant des
canaux calciques dont les études ont démontré une
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à vos SOINS
efficacité(1, 4, 5). La flunarizine peut aussi causer une
dépression et des effets extrapyramidaux, particulièrement chez les patients âgées(1, 2).
Selon la plupart des lignes directrices, les agents
de première ligne sont le propranolol, le timolol,
S
l’amitriptyline et l’acide valproïque. Le pizotifène,
la flunarizine et la méthysergide sont des solutions
de rechange, leur utilisation étant limitée par leurs
effets indésirables importants.
T.B. dit souffrir d’au moins une migraine sévère par semaine depuis les trois derniers mois.
O
Patiente de 62 ans, non-fumeuse et qui ne consomme pas d’alcool. Diagnostic de migraines établi depuis plusieurs
années.
Allergies : PondocillinMD.
Médicaments actifs au dossier-patient : Œstrogènes conjugués (PremarinMD) 0,625 mg, 1 comprimé une fois par jour,
depuis 2000; Lévothyroxine (SynthroidMD) 0,1 mg, 1 comprimé une fois par jour; Calcium et vitamine D (CarbocalMD D
400), 1 comprimé deux fois par jour; Pantoprazole (PantolocMD) 40 mg, 1 comprimé une fois par jour, depuis 2002;
Zolmitriptan (ZomigMD) 2,5mg, 1 comprimé stat et répétable dans 2 h prn, depuis 2001
A
T.B. ne reçoit pas de thérapie prophylactique pour ses migraines. Ce traitement est pourtant indiqué puisqu’elle présente
plus de deux épisodes de migraine par mois. Comme thérapie initiale, le propranolol semble le meilleur choix, les bêtabloquants étant les plus indiqués dans le cas de migraines classiques. Le propranolol a l’avantage d’offrir une formulation à
libération prolongée permettant une seule prise par jour, comparativement au timolol qui se donne en deux prises.
Dans le cas d’une contre-indication, d’un échec thérapeutique ou d’une mauvaise tolérance des bêtabloquants,
l’amitriptylline serait une solution de rechange possible.
P
Suggérer au médecin d’ajouter du propranolol comme thérapie prophylactique des migraines chez T.B, à débuter avec
une dose de 60 mg à libération prolongée, puis à augmenter graduellement, selon la tolérance, jusqu’à efficacité.
Informer T.B. sur la façon de prendre son médicament et les effets indésirables à surveiller.
Suivi : vérifier l’efficacité thérapeutique, soit la diminution de la fréquence, de la durée et de la sévérité des migraines,
après trois mois de traitement.
Actes
pharmaceutiques
facturables
Opinion
pharmaceutique :
ajouter une médication
complémentaire
(DIN de facturation :
00999636).
Opinion pharmaceutique
Docteur,
Après discussion avec Mme T.B., une de vos patientes, j’ai constaté qu’elle souffrait d’une migraine incapacitante au moins une fois par semaine depuis les trois à quatre derniers mois. Je crois donc qu’il serait
indiqué d’instaurer un traitement préventif. S’il n’existe pas de cause identifiable de cette recrudescence
des crises chez Mme T.B., je suggèrerais l’ajout de propranolol, à débuter avec une dose de 60 mg à libération prolongée, puis à augmenter graduellement, selon la tolérance, jusqu’à efficacité. L’amitriptyline
serait une bonne solution de rechange s’il y a contre-indication à un bêtabloquant.
Bien à vous,
Peter Dvorak, pharmacien
Références
1. Snow V, Weiss K, Wall EM, et al. Pharmacologic management of acute attacks of
migraine and prevention of migraine headache.
Ann Intern Med 2002 ; 137 : 840-9.
2. Anon. A lot of ammunition but does migraine
prophylaxis hit the target. Drugs & Therapy
Perspectives 1999 ; 13(11) : 5-8.
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3. Diener H-C, Kaube H, Limmroth V. A practical guide to the management and prevention of
migraine. Drugs 1998 ; 56(5) : 811-24.
4. Association des pharmaciens du Canada.
Compendium des médicaments et spécialités
pharmaceutiques. 37e éd. Ottawa : Association
des pharmaciens du Canada, 2002 : 2218 p.
5. Reveiz-Herault L, Cardona AF, Ospina EG, et
al. Effectiveness of flunarizine in the prophylaxis
of migraine: a meta-analytical review of the literature. Rev Neurol 2003 ; 36(10) : 907-12.
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