Faut-il biopsier un patient souffrant de dyspepsie

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M ini-revue
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Faut-il biopsier un patient
souffrant de dyspepsie ?
Que faire en cas de
découverte d’une
métaplasie intestinale ?
Should biopsies be
performed in dyspeptic
patients? Management of
intestinal metaplasia
Michel Robaszkiewicz
CHU de la Cavale Blanche,
Service d’H
epato-Gastroenterologie,
29609 Brest cedex,
France
e-mail : <[email protected]>
sume
Re
La strat
egie du traitement empirique de la dyspepsie est la plus utilis
ee. Soit en
commençant par un anti-acide puis un anti-H2 et finalement un IPP selon la
r
eponse symptomatique, soit en utilisant un IPP d’embl
ee. En cas de non-r
eponse
ou de r
eponse partielle au traitement, l’endoscopie est justifi
ee. L’endoscopie
doit rechercher une infection a H. pylori et des l
esions induites par cette infection.
Tous les patients chez qui une infection a H. pylori est d
etect
ee doivent recevoir
un traitement d’
eradication afin de pr
evenir l’apparition de l
esions de dysplasie et
d’un cancer. Les l
esions pr
ecanc
ereuses planes sont difficiles a d
etecter.
L’utilisation des vid
eoendoscopes haute d
efinition am
eliore la caract
erisation des
l
esions planes, avec l’aide des techniques de grossissement, des proc
ed
es
electroniques de traitement de l’image et par la chromoscopie qui permettent
une description plus pr
ecise du relief muqueux de l’architecture des cryptes et du
r
eseau capillaire. Les recommandations europ
eennes MAPS indiquent que les
patients qui ont une atrophie s
ev
ere ou une m
etaplasie intestinale du corps
gastrique ou etendue a tout l’estomac doivent ^
etre surveill
es tous les 3 ans en
endoscopie, en l’absence de dysplasie. En cas de dysplasie, si l’endoscopie ne met
e
evaluation endoscopique avec biopsies
pas en evidence de lesion visible, une r
multiples doit ^
etre r
ealis
ee imm
ediatement puis selon un rythme semestriel voire
annuel en cas de dysplasie de haut grade et annuel en cas de dysplasie de bas
grade. En cas de dysplasie de haut grade ou de cancer au sein d’une l
esion
endoscopique visible, une r
esection endoscopique doit ^
etre envisag
ee en
premi
ere intention afin de r
ealiser un staging pr
ecis de l’extension pari
etale de la
n
eoplasie.
s : dyspepsie, H. pylori, gastrite, cancer gastrique
n Mots cle
y
HEPATO GASTRO
et Oncologie digestive
Tir
es a part : M. Robaszkiewicz
10
Pour citer cet article : Robaszkiewicz M. Faut-il biopsier un patient souffrant de dyspepsie ?
Que faire en cas de decouverte d’une metaplasie intestinale ? Hepato Gastro 2013 ; 20 :
10-16. doi : 10.1684/hpg.2012.0812
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 suppl
ement 1, janvier 2013
doi: 10.1684/hpg.2012.0812
Abstract
The strategy of empirical treatment of dyspepsia is most commonly used either
by starting with an antacid and anti-H2 and then eventually a PPI or by using PPI
in first line . In case of no response or partial response to treatment, endoscopy is
required. Endoscopy should detect H. pylori infection and lesions induced by this
infection. All patients infected with H. pylori should receive eradication therapy
to prevent the development of dysplasia and cancer. Precancerous lesions are
difficult to detect if they are flat. The use of high definition video endoscopes
improved the characterization of these lesions, with the aid of magnification
techniques, methods of electronic image processing and chromoscopy which
Faut-il biopsier un patient souffrant de dyspepsie ?
allow a more accurate description of the mucosal architecture crypts and the
capillary network. MAPS European recommendations suggest that patients who
have severe atrophy or intestinal metaplasia of the gastric body or extended
throughout the stomach should be monitored every 3 years in endoscopy, in the
absence of dysplasia. In case of dysplasia, if endoscopy does not show visible
lesions, endoscopic re-evaluation with multiple biopsies should be performed
immediately and then every year in case of low grade dysplasia. In case of highgrade dysplasia or cancer within a lesion endoscopically visible, endoscopic
resection should be considered first in order to grade the parietal extension of the
neoplasia.
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n Key words: dyspepsia, H. pylori, gastritis, gastric cancer
a prise en charge d’un patient dyspeptique est
difficile ; elle comporte des enjeux m
edico
economiques en raison de la pr
evalence et de la chronicit
e
^mes. La place de l’endoscopie dans la strat
des sympto
egie
d’exploration d’un patient dyspeptique est actuellement
bien definie, l’un des enjeux etant de ne pas m
econnaı̂tre
une lesion organique en proposant un traitement
empirique de premi
ere intention. La conduite a tenir
en cas de decouverte d’une l
esion pr
ecanc
ereuse de
l’estomac a egalement fait l’objet de recommandations
r
ecentes.
Ainsi seront successivement envisag
ees dans cette partie
les questions suivantes :
L
a) Dans quelles circonstances faut-il r
ealiser une endoscopie digestive chez un sujet qui pr
esente des troubles
dyspeptiques ?
b) Que doit-on rechercher lors de l’endoscopie ?
c) Faut-il faire des biopsies ? Pourquoi ? Combien de
biopsies et a quel endroit ?
d) Comment interpr
eter le r
esultat de l’examen anatomopathologique des biopsies ?
e) Quelles sont les l
esions de GCA et de MI a risque de
cancer ?
f) Quand faut-il proposer une surveillance endoscopique ?
Dans quelles circonstances faut-il
réaliser une endoscopie digestive chez
un sujet présentant des troubles
dyspeptiques ?
Lors de la prise en charge initiale d’un patient souffrant de
dyspepsie, il est necessaire de s’assurer de l’absence d’une
pathologie organique. Le premier niveau de d
ecision
dans la demarche diagnostique est fond
e sur l’^
age et/ou
^mes d’alarme. Compte tenu de
la presence de sympto
l’accroissement du risque de l
esion n
eoplasique digestive
haute a partir de 50-55 ans, la plupart des soci
et
es savantes
recommandent l’endoscopie en premi
ere intention au-del
a
de cet ^
age. Dans les pays a forte incidence du cancer
gastrique, ce seuil est plus bas. De m^
eme, la pr
esence de
^mes d’alarme (perte de poids non intentionnelle,
sympto
dysphagie, h
emorragie digestive haute, an
emie ferriprive,
vomissements, masse epigastrique) fait logiquement
pratiquer une endoscopie premi
ere, bien qu’une m
etaanalyse ait montr
e une faible valeur pr
edictive positive de
^mes [1].
ces sympto
Dans les autres situations, les strat
egies restent discut
ees.
Plusieurs etudes ont evalue et compar
e differentes
strat
egies appel
ees « test and treat », « test and scope »
ou « traitement antis
ecr
etoire empirique ». Les strategies
fond
ees sur le « test » initial, signifient que l’on recherche
en premier lieu une infection a H. pylori par une methode
non invasive et que l’on propose une endoscopie « scope »
ou un traitement « treat » uniquement aux sujets H. pylori
positifs.
La strat
egie « test and treat » est recommand
ee par la
conf
erence de Maastricht IV [2] chez les patients de moins
de 50 ans sans signe d’alarme qui ont un faible risque de
cancer gastrique ; elle est pr
ef
erable au traitement
empirique lorsque la pr
evalence de l’infection a H. pylori
est sup
erieure a 20 %. Le b
en
efice de cette strat
egie est
controvers
e dans les pays a faible pr
evalence de l’infection
a H. pylori. C’est une des raisons pour lesquelles elle n’est
pas recommand
ee en France chez les sujets jeunes. La
strat
egie du traitement empirique est la plus utilis
ee ; des
etudes ont montr
e qu’elle etait equivalente a la strat
egie
« test and treat » en termes de soulagement des symp^mes et de cou
^t. C’est une strat
^re » car le risque
to
egie « su
de tumeur est faible chez les sujets jeunes sans signe
d’alarme ou facteurs de risque. L’
etude DIAMOND a
egie croissante en commençant par un
montr
e que la strat
antiacide puis un anti-H2 et finalement un IPP selon la
r
eponse symptomatique etait equivalente et l
eg
erement
^teuse que la strat
moins cou
egie descendante utilisant un
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 suppl
ement 1, janvier 2013
11
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IPP d’emblee et essayant de trouver la classe th
erapeutique
^le symptomatique
minimale assurant le maintien du contro
[3]. En pratique, le gastroent
erologue est donc le plus
souvent amene a voir ces patients en cas de non-r
eponse
ou de reponse partielle au traitement. L’endoscopie est
alors justifiee.
Le risque de cancer gastrique est multipli
e par 2 a 3 chez les
apparentes au premier degr
e de patients ayant un cancer
gastrique ; s’il existe deux cas de cancer gastrique dans la
m^eme famille, ce risque est multipli
e par 10. En cas
d’antecedent familial de cancer gastrique, la strat
egie
« test and treat » doit ^
etre propos
ee aux apparent
es au
premier degre ^
ag
es de moins de 40 ans m^eme en
l’absence de troubles dyspeptiques ; l’objectif du traite^mes lorsqu’ils
ment est double : soulager les sympto
existent et prevenir le cancer gastrique. La strat
egie
« scope and treat » doit ^
etre propos
ee aux apparent
es
^
ages de plus 40 ans et avant 40 ans si le cas index etait ^
ag
e
de moins de 50 ans au moment du diagnostic de cancer.
L’objectif de l’endoscopie est de rechercher des l
esions
precancereuses qui peuvent n
ecessiter une surveillance
endoscopique.
Que doit-on rechercher lors
de l’endoscopie ?
H. pylori et
L’endoscopie doit rechercher une infection a
des lesions induites par cette infection, en particulier celles
qui sont susceptibles d’
evoluer avec le temps vers un
cancer de l’estomac. H. pylori a et
e reconnu comme
facteur etiologique du cancer de l’estomac en 1994 par
l’OMS qui l’a class
e parmi les carcinog
enes de type 1. Pr
es
de 80 % des cancers de l’estomac sont li
es a la bact
erie. Le
processus de transformation maligne s’
etale sur plusieurs
dizaines d’annees ; la premi
ere etape est la gastrite
chronique induite par l’infection. Pour le cancer de type
intestinal, la gastrite chronique va progressivement
evoluer vers l’atrophie puis vers l’apparition de foyers
de metaplasie intestinale et de l
esions de dysplasie. La
gastrite atrophique et la m
etaplasie intestinale d
ebutent le
plus souvent dans la r
egion angulaire puis s’etendent
progressivement vers l’estomac proximal. Les traitements
prolonges par inhibiteurs de la pompe a protons (IPP)
favorisent l’extension de la gastrite atrophique et de la
metaplasie intestinale vers l’estomac proximal. Le cancer
de type diffus survient lui aussi sur une gastrite chronique
inflammatoire liee a H. pylori mais il n’est pas associ
e aux
lesions precancereuses d’atrophie et de metaplasie
intestinale. Environ 1 % des patients infect
es par H. pylori
developpent un cancer de l’estomac. L’infection a H. pylori
ecoce de la canc
erogenese n’est
qui intervient a un stade pr
donc pas suffisante a elle seule pour induire un cancer ;
12
s a
d’autres facteurs de risque, environnementaux ou lie
^te, sont n
l’ho
ecessaires.
La gastrite chronique provoqu
ee par l’infection a H. pylori
ne s’accompagne habituellement d’aucune modification
macroscopique de la muqueuse en endoscopie. La
topographie de la gastrite est li
ee aux modifications de
la s
ecr
etion acide induites par l’infection. La gastrite antrale
s’accompagne d’une s
ecr
etion acide normale ou
augment
ee et est associ
ee a l’ulc
ere duod
enal alors que
la pangastrite ou l‘atteinte fundique pr
edominante
s’accompagne d’une diminution de la s
ecr
etion acide et
est associ
ee a l’ulc
ere gastrique et au cancer.
Il existe une grande variabilit
e inter-observateurs dans
l’
evaluation endoscopique de l
esions pr
ecanc
ereuses et
une faible corr
elation avec les r
esultats histologiques. Le
diagnostic endoscopique d’une l
esion pr
ecanc
ereuse
comporte deux etapes qui sont la d
etection d’une zone
suspecte, suivie de sa caract
erisation. La premi
ere etape de
d
etection est habituellement r
ealis
ee en lumi
ere blanche,
sans recourir au traitement de l’image ni aux colorations.
Alors que les anomalies de relief telles que les l
esions
polypoı̈des ou les l
esions ulc
er
ees sont facilement rep
er
ees,
les l
esions planes sont le plus souvent m
econnues. L’
etape
de caract
erisation d’une zone suspecte consiste a
en analyser la morphologie et les limites. M^
eme si
l’utilisation des vid
eoendoscopes haute d
efinition am
eliore
la caract
erisation des l
esions planes, cette etape est facilit
ee
par les techniques de grossissement, les proc
ed
es
electroniques de traitement de l’image et par la chromoscopie qui permettent une description plus pr
ecise du relief
muqueux de l’architecture des cryptes et du r
eseau
capillaire.
La m
etaplasie intestinale peut ^
etre visualis
ee en endoscopie
notamment gr^
ace a l’apport de colorations vitales et de la
chromoscopie virtuelle. L’imagerie en bande spectrale
etroite (NBI) semble une approche prometteuse pour le
diagnostic de la m
etaplasie intestinale et de la dysplasie ;
c’est la technique la plus etudi
ee au niveau de l’estomac.
Plusieurs equipes asiatiques ont montr
e que la metaplasie
eris
ee par un relief muqueux
intestinale etait caract
particulier en endoscopie grossissante coupl
ee au NBI : il
s’agit de l’aspect de cr^
etes bleut
ees (light blue crest). Ces
etudes ont montr
e que la sensibilit
e et la VPP de l’aspect
des cr^
etes bleut
ees pour le diagnostic de metaplasie
intestinale etaient voisines de 90 % [4]. En Europe, l’
equipe
de Kuipers a montr
e que m^
eme sans grossissement le NBI
est utile pour la d
etection des l
esions de metaplasie
intestinale ou de dysplasie [5] : dans cette etude, les
performances diagnostiques du NBI etaient sup
erieures a
celles de l’endoscopie en lumiere blanche surtout en
termes de sensibilit
e (71 %), mais toutefois inf
erieures aux
r
esultats des etudes japonaises. Les recommandations
europ
eennes MAPS sur les l
esions pr
ecanc
ereuses de
l’estomac soulignent que le NBI am
eliore la d
etection des
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 suppl
ement 1, janvier 2013
Faut-il biopsier un patient souffrant de dyspepsie ?
l
esions precancereuses gastriques et qu’il devrait ^
etre mis
en œuvre dans les programmes de surveillance pour les
patients a risque elev
e de cancer gastrique.
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Faut-il faire des biopsies ? Pourquoi ?
Combien de biopsies et à quel endroit ?
Malgre l’amelioration des techniques de d
etection des
l
esions precancereuses en endoscopie, le gold standard pour
le diagnostic d’atrophie gastrique et de la m
etaplasie
intestinale reste l’histologie. La topographie des l
esions de
gastrite atrophique ou de m
etaplasie intestinale est variable
selon les sujets ; ces l
esions ont une distribution h
et
erog
ene
et multifocale au niveau de l’estomac et leur diagnostic est
donc soumis a l’
echantillonnage biopsique. L’erreur
d’
echantillonnage d
epend du niveau de risque de cancer :
plus ce risque est faible et plus les l
esions pr
ecancereuses
sont eparses au sein de l’estomac, ce qui a pour effet
d’augmenter inevitablement ce risque d’erreur.
Les recommandations europ
eennes MAPS indiquent qu’il
convient de realiser au minimum 4 biopsies non cibl
ees et
des biopsies ciblees sur des l
esions visibles en endoscopie ;
les biopsies non cibl
ees doivent ^
etre r
ealis
ees sur la petite et
la grande courbure gastrique au niveau de l’estomac
proximal et de l’estomac distal, et ^
etre plac
ees dans deux
flacons separes [6]. Ces recommandations sont a rapprocher de celles propos
ees pour le classement des l
esions de
ee
gastrite selon le syst
eme de Sydney dans sa version r
evis
[7]. Ce systeme a et
e elabor
e afin d’uniformiser la
description histologique des l
esions de gastrite, d’en
preciser la topographie et l’
etiopathog
enie. La r
evision
de la classification recommande de r
ealiser 5 biopsies, 2 de
l’antre sur la petite et la grande courbure gastrique, 2 au
niveau du corps gastrique et une biopsie au niveau de la
petite courbure angulaire, l’argument en faveur de ce site
de biopsie supplementaire etant la plus grande fr
equence
des lesions de gastrite atrophique et de m
etaplasie
intestinale au niveau de l’angulus. Bien que ce protocole
permette de diagnostiquer la gastrite chronique et d’
etablir
correctement le statut H. pylori, le nombre de biopsies
n
ecessaires pour evaluer ou d
etecter les l
esions
precancereuses demeure d
ebattu. Il a et
e montr
e que le
protocole recommand
e par le syst
eme de Sydney sousestime la presence de la m
etaplasie intestinale dans plus de
50 % des cas [8]. La valeur ajout
ee de la biopsie de la petite
courbure angulaire est egalement d
ebattue. Cette zone est
consideree comme la zone d’extension de la gastrite
atrophique et d’apparition de la m
etaplasie. En utilisant un
protocole normalis
e de biopsies, de Vries et al. ont montr
e
ees de la petite courbure angulaire
que les biopsies non cibl
avaient un rendement diagnostique plus elev
e que celles de
la grande courbure gastrique [9]. Une autre etude a montr
e
que l’apport des biopsies de l’angulus etait limit
e [10].
matiquement re
aliser un
En conclusion, il faut syste
minimum de 4 biopsies a vis
ee histologique m^
eme lorsque
l’endoscopie ne montre pas de l
esion muqueuse : 2
biopsies au niveau de l’antre, 2 au niveau du corps
de l’estomac. Bien que son int
er^
et ne soit pas clairement
etabli dans la litterature, la r
ealisation d’une biopsie
suppl
ementaire au niveau de l’angle de la petite courbure
est utile. Les biopsies doivent ^
etre plac
ees dans deux
flacons diff
erents correctement etiquet
es ; les 2 biopsies
antrales et celle de l’angulus doivent ^
etre regroup
ees dans
le m^
eme flacon. S’il existe des l
esions focales visibles en
endoscopie, des biopsies cibl
ees doivent ^
etre r
ealisees sur
ces l
esions focales et les biopsies non cibl
ees doivent ^
etre
multipli
ees afin de rechercher des l
esions pr
ecancereuses
sans traduction endoscopique en pr
ecisant la topographie
des sites de pr
el
evement sur les flacons biopsiques, eu
egard aux cons
equences th
erapeutiques qui d
ependent de
l’extension et de la topographie de ces l
esions.
Quelles sont les lésions de gastrite
atrophique et de métaplasie intestinale à
risque de cancer ? Comment interpréter
le résultat de l’examen anatomopathologique des biopsies ?
Le risque de cancer gastrique est accru en cas de gastrite
atrophique et de m
etaplasie intestinale lorsque ces l
esions
pr
edominent sur le corps gastrique [11]. La pr
esence d’une
gastrite atrophique dans le corps de l’estomac induit une
hypochlorhydrie qui favorise l’apparition de l
esions multifocales de m
etaplasie intestinale qui conduisent au cancer
de type intestinal. Bien que le syst
eme de Sydney
ait contribu
e a uniformiser la description des l
esions
pr
ecanc
ereuses gastriques, il ne fournit pas d’informations
pr
edictives directes sur le risque de cancer gastrique. La
classification de Sydney est semi-quantitative ; elle evalue
s
epar
ement l’atrophie sur le fundus et l’antre, mais ne
permet pas d’
etablir un score global d’atrophie.
Des scores histologiques ont et
e propos
es afin de stratifier
le niveau de risque de cancer en fonction de la s
everit
e et
de la topographie des l
esions de gastrite chronique
atrophique et de m
etaplasie intestinale. La classification
OLGA (Operative Link for Gastritis Assessment) tient
compte de la s
ev
erit
e et de la localisation de l’atrophie
dans l’antre et le corps gastrique (figure 1). Elle permet de
d
efinir 4 stades selon les scores d’atrophie au niveau de
l’antre et du corps de l’estomac ; les stades III et IV etant
consid
er
es comme des scores pr
edictifs de la survenue de
dysplasie et de cancer. Deux etudes ont montr
e une bonne
esions
corr
elation entre les stades III et IV et la presence de l
dysplasiques ou de cancer superficiel [12, 13]. Dans une
cohorte de 93 patients avec des l
esions pr
ecancereuses
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 suppl
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13
Corps gastrique
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Score d’atrophie
Absence
d’atrophie
(score 0)
Atrophie
légère
(score 1)
Atrophie
modérée
(score 2)
Atrophie
sévère
(score 3)
Absence d’atrophie
(score 0)
Stade 0
Stade I
Stade II
Stade II
Antre gastrique
Région angulaire
incluse
Atrophie légère
(score 1)
Stade I
Stade I
Stade II
Stade III
Atrophie modérée
(score 2)
Stade II
Stade II
Stade III
Stade IV
Atrophie sévère
(score 3)
Stade III
Stade III
Stade IV
Stade IV
Figure 1. Score OLGA (operative link on gastritis assessment).
suivis pendant 12 ans, Rugge et al. [14] ont montr
e
que le stade OLGA lors de l’endoscopie initiale etait
predictif du stade ult
erieur et de la survenue d’un cancer ;
dans cette etude, le cancer n’apparaissait que chez les
patients ayant une atrophie s
ev
ere (stades III et IV) avec un
risque relatif de 18,5.
L’utilisation de la s
ev
erit
e de la gastrite atrophique comme
critere principal d’
evaluation du risque est critiquable, en
raison de la reproductibilit
e limit
ee du diagnostic histologique. Le diagnostic de m
etaplasie intestinale est moins
sujet aux variations d’interpr
etations inter-observateurs.
Pour cette raison, Capelle et al. [15] ont propos
e une
classification modifi
ee qui prend en compte la s
everit
e et la
topographie de la m
etaplasie intestinale en lieu et place de
la gastrite atrophique (figure 2). Ces auteurs ont montr
e
que la reproductibilit
e de cette classification appel
ee
OLGIM (operative link on gastric intestinal metaplasia
assessment) etait excellente avec un coefficient kappa de
0,9 et que 86 % des patients avec une dysplasie avaient un
stade OLGIM III ou IV.
Au total, ces nouvelles classifications OLGA et OLGIM
semblent performantes pour s
electionner les malades
qui doivent ^
etre surveill
es par endoscopie ; elles doivent
toutefois ^
etre valid
ees par d’autres etudes dans des
contextes epidemiologiques diff
erents.
Quand faut-il proposer une surveillance
endoscopique ?
pend du stade au
Le pronostic du cancer de l’estomac de
diagnostic. Les taux de survie apr
es traitement de lesions de
Corps gastrique
Score de métaplasie intestinale (MI)
Absence
de MI
(score 0)
MI
légère
(score 1)
MI
modérée
(score 2)
MI
sévère
(score 3)
Antre gastrique
Absence de MI
(score 0)
Stade 0
Stade I
Stade II
Stade II
Région angulaire
incluse
MI légère
(score 1)
Stade I
Stade I
Stade II
Stade III
MI modérée
(score 2)
Stade II
Stade II
Stade III
Stade IV
MI sévère
(score 3)
Stade III
Stade III
Stade IV
Stade IV
Figure 2. Score OLGIM (operative link on gastric intestinal metaplasia assessment).
14
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 suppl
ement 1, janvier 2013
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Faut-il biopsier un patient souffrant de dyspepsie ?
dysplasie severe ou de cancer superficiel sont elev
es, et les
traitements endoscopiques par mucosectomie ou dissection sous-muqueuse sont d
esormais propos
es en premi
ere
intention car ils ont une mortalit
e et une morbidit
e plus
faibles que les traitements chirurgicaux. La surveillance de
certaines conditions et l
esions pr
ecanc
ereuses permet de
proposer un traitement de ces l
esions en temps utile.
Le depistage de masse du cancer de l’estomac n’est pas
^t-efficace dans les pays occidentaux, ce qui impose de
cou
s
electionner les patients a haut risque de cancer gastrique
et de surveiller ceux qui ont des l
esions pr
ecanc
ereuses. En
Occident, le risque de cancer gastrique est trop faible pour
justifier la surveillance endoscopique de tous les patients
qui ont une gastrite atrophique ou de la m
etaplasie
intestinale. Les donn
ees du registre n
eerlandais PALGA
permettent d’avoir une evaluation de l’
epid
emiologie des
l
esions precancereuses de l’estomac en Europe [16]. Ce
registre a recens
e toutes les l
esions pr
ecancereuses
diagnostiquees aux Pays-Bas entre 1991 et 2004 et a
recueilli les donnees de suivi d’environ 90 000 patients
parmi lesquels 1 470 avaient evolu
e vers un cancer ; les
facteurs de risque de cancer etaient la pr
esence de l
esions
ere avec un OR
de dysplasie et en particulier de dysplasie sev
de 40, l’^age et le sexe masculin. Cette etude a montr
e que
la proportion de patients qui evoluent vers un cancer
d
epend de la sev
erit
e des l
esions initiales. Au bout de
10 ans, le taux de progression vers un cancer gastrique
etait faible en cas de gastrite atrophique (0,8 %) ou de
m
etaplasie intestinale (1,8 %). En cas de dysplasie l
eg
ere
ou moderee, ce taux etait de 3,9 % et de 33 % en cas de
dysplasie severe. Ces observations indiquent qu’il convient
de surveiller tous les patients qui ont des l
esions de
dysplasie et qu’en cas de gastrite chronique atrophique ou
de metaplasie intestinale il est n
ecessaire de s
electionner
les patients qui presentent un risque elev
e de progression
vers le cancer.
Les recommandations europ
eennes MAPS indiquent que
les patients qui ont une atrophie s
ev
ere ou une m
etaplasie
intestinale du corps gastrique ou etendue a tout l’estomac,
doivent ^etre surveill
es en endoscopie. Ceci correspond
globalement aux stades III et IV des classifications OLGA et
^le doit ^
OLGIM. En l’absence de dysplasie, le contro
etre
realise apres 3 ans. Les patients qui ont des lesions l
eg
eres
ou moderees d’atrophie et ou de m
etaplasie intestinale ne
requierent pas de suivi ; il s’agit toutefois d’une recommandation de grade D reposant sur un niveau de preuve
faible [6]. Tous les patients chez qui une infection a H. pylori
est detectee doivent recevoir un traitement d’
eradication
afin de prevenir l’apparition de l
esions de dysplasie et d’un
cancer. Ce traitement d’
eradication est justifi
e quel que soit
le stade OLGA ou OLGIM ; en cas de stades OLGA ou
OLGIM III et IV, l’effet pr
eventif de l’
eradication est plus
incertain ce qui renforce la n
ecessit
e d’une surveillance
endoscopique.
En cas de dysplasie, si l’endoscopie ne met pas en evidence
de l
esion visible, une r
e
evaluation endoscopique avec
biopsies multiples doit ^
etre r
ealis
ee imm
ediatement puis
selon un rythme semestriel voire annuel en cas de dysplasie
de haut grade et annuel en cas de dysplasie de bas grade. En
cas de dysplasie de haut grade ou de cancer au sein d’une
l
esion endoscopique visible, une r
esection endoscopique
doit ^
etre envisag
ee en premi
ere intention afin de r
ealiser un
staging pr
ecis de l’extension pari
etale de la n
eoplasie.
T ake home messages
& L’endoscopie est justifi
ee :
– en cas de troubles dyspeptiques chez les sujets de plus
de 50 ans et en cas de signes d’alarme avant 50 ans ;
– chez les sujets avec ant
ec
edent familial au premier
degr
e d’ad
enocarcinome gastrique, a partir de 40 ans
(avant 40 ans si l’apparent
e est ^
ag
e de moins de 50 ans
au moment du diagnostic).
liore la
& La chromoscopie et en particulier le NBI ame
tection et la caract
de
erisation des l
esions pr
ecancereuses de l’estomac.
& Au cours de l’endoscopie, il faut r
ealiser 5 biopsies au
minimum (2 au niveau de l’antre, 2 au niveau du corps et
1 au niveau de l’angle de la PC). Les biopsies doivent ^
etre
plac
ees dans deux flacons diff
erents correctement
etiquet
es.
sions focales visibles en endoscopie,
& S’il existe des le
des biopsies cibl
ees doivent ^
etre r
ealis
ees et les biopsies
non cibl
ees doivent ^
etre multipli
ees afin de rechercher
des l
esions pr
ecanc
ereuses sans traduction endoscopique.
& Les nouvelles classifications OLGA et OLGIM permettent de d
eterminer diff
erents niveaux de risque de
cancer en fonction de la topographie de l’atrophie
gastrique et de la m
etaplasie intestinale ; elles semblent
performantes pour s
electionner les malades qui doivent
^
etre surveill
es par endoscopie mais doivent ^
etre valid
ees.
& En cas d’infection a H. pylori, un traitement
d’
eradication doit ^
etre entrepris.
v
& Les patients qui ont une atrophie se
ere ou une
taplasie intestinale du corps gastrique ou me
etendue a
tout l’estomac doivent ^
etre surveill
es en endoscopie.
^le doit ^
En l’absence de dysplasie, le contro
etre realis
e
apr
es 3 ans.
re
^ ts : Interventions ponctuelles pour Mayoly
Conflits d’inte
Spindler
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 suppl
ement 1, janvier 2013
&
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Les r
ef
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