Produits tensoriels

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Université des Sciences et Technologies de Lille
Master 2, “Mathématiques pures” (2004-05)
Catégories modèles et algèbre homologique
Problèmes, Feuille 2
§2. Le produit tensoriel
1. Problème : propriétés fondamentales du produit tensoriel
Soit R un anneau. On rappelle que le produit tensoriel de deux R-modules M et N est le
R-module M ⊗R N muni d’une application R-bilinéaire : M × N → M ⊗R N et caractérisé par la
propriété universelle suivante : pour toute application R-bilinéaire φ : M × N → T , à valeurs dans
un R-module T , il existe une unique application R-linéaire φ : M ⊗R N → T telle que φ = φ · .
De façon équivalente, il existe une unique application R-linéaire φ : M ⊗R N → T telle que le
diagramme
/ M ⊗R N
M ×N
GG
v
GG
v
GG
v
φ GGG
v φ
# zv
T
commute. Si l’anneau de base R est fixé, alors on pourra l’omettre dans la notation du produit
tensoriel. On rappelle que l’image d’un couple (x, y) ∈ M × N par le morphisme universelle
: M × N → M ⊗ N se note x ⊗ y ∈ M ⊗ N .
On rappelle que le produit tensoriel définit un bifoncteur − ⊗ − : R Mod ×R Mod → R Mod.
Explicitement, l’application f ⊗ g : M ⊗ N → M 0 ⊗ N 0 induite par des morphismes de Rmodules f : M → M 0 et g : N → N 0 applique un élément x ⊗ y ∈ M ⊗ N sur le tenseur
f (x) ⊗ g(y) ∈ M 0 ⊗ N 0 .
On voudrait déduire des propriétés fondamentales du produit tensoriel de sa définition abstraite.
1.1) On suppose que M et N sont des R-modules libres. On note (ei )i∈I et (fj )j∈J des bases
respectives de M et de N . Prouver que M ⊗R N est librement engendré par les tenseurs (fi ⊗R
fj )(i,j)∈I×J .
L
1.2) On suppose plus généralement que M est une somme directe de R-modules
M = i∈I Mi .
L
L
Montrer que l’on a un isomorphisme naturel i∈I (Mi ⊗R N ) →
i∈I Mi ⊗R N et prouver que
ce morphisme naturel est un isomorphisme.
1.3) On se donne une suite exacte courte de R-modules
M2
f2
/ M1
f2
/ M0
/ 0.
Prouver que la suite
M2 ⊗R N
f2 ⊗R 1N
/ M1 ⊗R N f1 ⊗R 1N/ M0 ⊗R N
/0
est exacte.
1.4) On suppose que M , respectivement
N , est engendré par desPéléments (ei )i∈I , respectivement
P
(fj )j∈J , avec les relations ( i aki ei = 0)k∈K , respectivement ( j blj fj = 0)l∈L . Expliciter une
présentation par générateurs et relations de M ⊗R N .
BF, Courriel: [email protected]
1
2. Problème : extension de structure
Soit φ : R → S un morphisme d’anneaux. Tout S-module N est muni d’une action de R par
restriction et possède ainsi une structure de R-module.
Soit M un R-module. On considère le produit tensoriel S ⊗R M . Observer que S ⊗R M
possède une structure de S-module naturelle, que l’on a une application R-linéaire naturelle η :
M → S ⊗R M , et que ce module est caractérisé par la propriété universelle suivante : pour toute
application R-linéaire φ : M → N à valeurs dans un S-module N , il existe une et une seule
application S-linéaire φ : S ⊗R M → N telle que φ = φ · η.
Dans les problèmes qui suivent, on utilise cette propriété universelle pour déterminer des
produits tensoriels de la forme S ⊗R M .
3. Problème : produits tensoriels, quotients et localisation
On se donne un anneau commutatif R et un R-module M .
3.1) Soit I un idéal de R. On rappelle que M/IM d’ésigne le quotient de M par le sous-module
engendré par les éléments de la forme αx, avec α ∈ I, x ∈ M . Prouver la relation R/I ⊗R M =
M/IM .
3.2) Soit S ⊂ R un système multiplicatif. On rappelle que M [S −1 ] d’ésigne le R[S −1 ]-module
engendré par les fractions x/s, x ∈ M , s ∈ S, avec la relation x/s ≡ y/t quand il existe u ∈ S tel
que u(xt − ys) = 0 dans M . Prouver la relation R[S −1 ] ⊗R M = M [S −1 ].
3.3) Utiliser les résultats précédents pour déterminer les produits tensoriels Q ⊗Z Q, Z[u−1 ] ⊗Z
Z[v −1 ], Z(p) ⊗Z Z(q) , Q ⊗Z Z/nZ, Z[u−1 ] ⊗Z Z/pZ, Z(p) ⊗Z Z/qZ, Z/pZ ⊗Z Z/qZ, les lettres p, q
désignant des nombres premiers (éventuellement égaux), les lettres u, v désignant des entiers nonnuls.
3.4) Si M est un Z-module de type fini et dont tout les éléments sont de torsion, alors que peut-on
conclure quant Q
au produit tensoriel Q ⊗Z M ?
3.5) Soit M = n∈N Z/n. Prouver que le tenseur 1⊗(1̄)n∈N définit un élément non-nul de Q⊗Z M .
4. Quiz
Soit f : M → M 0 un morphisme de R-modules. L’application induite f ⊗R 1N : M ⊗R N →
0
M ⊗R N est-elle injective en général?
5. Problème : produits tensoriels et produits cartésiens
Q
On suppose que M est un produit cartésien infini de R-modules M = i∈I Mi . Montrer que
Q
Q
l’on a un morphisme naturel
i∈I Mi ⊗R N →
i∈I (Mi ⊗R N ). Prouver que ce morphisme
naturel n’est ni injectif ni surjectif en général, mais que c’est un isomorphisme si N est un R-module
de type fini.
Références :
1. N. Bourbaki, Éléments de mathématiques. Algèbre, chapitres I-III, Masson, 1970. Chapitre
II.
2. N. Jacobson, Basic algebra II, seconde édition, W. H. Freeman and Company, 1980. Chapitre
3.
6. Problème : équivalences de Morita
On travaille sur une anneau de base commutatif fixé R. On se donne une R-algèbre A associative mais pas nécessairement commutative.
Soit M un A-module à droite. Soit N un A-module à gauche. On note M ⊗A N le coégaliseur
des applications d0 , d1 : M ⊗R A⊗R N → M ⊗R N telles que d0 (x⊗a⊗y) = xa⊗y et d0 (x⊗a⊗y) =
x⊗ay. Ainsi, si on note : M ⊗R N → M ⊗A N l’application quotient, alors M ⊗A N est caractérisé
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par la propriété universelle suivante : pour toute application R-linéaire φ : M ⊗R N → T à valeurs
dans un R-module T telle que φ(xa, y) = φ(x, ay), pour tout x ∈ M , a ∈ A, y ∈ N , il existe une
unique application R-linéaire φ : M ⊗A N → T telle que φ = φ · . De façon équivalente, il existe
une unique application R-linéaire φ : M ⊗A N → T telle que le diagramme
M ⊗R HN
HH
HH
H
φ HHH
$
T
zv
v
v
/ M ⊗A N
v
v
φ
commute.
6.1) Soit R une algèbre associative. On note Mnm (R) le R-bimodule constitué des matrices à n
lignes et m colonnes à coefficients dans R. Montrer que l’on a un morphisme naturel
'
Mqn (R) ⊗Mnn (R) Mnp (R) −−→ Mqp (R)
induit par le produit des matrices et prouver que ce morphisme est un isomorphisme.
6.2) Si A est une algèbre, alors on note A Mod et Mod A les catégories de modules à gauche et à
droite, respectivement, associées à A.
Prouver que les catégories de modules à gauche A Mod et B Mod associées à des algèbres de
matrices A = Mmm (R) et B = Mnn (R) sont équivalentes. Prouver de même que les catégories de
modules à droite Mod A et Mod B sont équivalentes. Indication : On construira des équivalences
inverses φ : A Mod → B Mod et ψ : B Mod → A Mod en utilisant le résultat de la question
précédente.
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