Référentiels en mécanique classique

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Frédéric Legrand
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Référentiels en mécanique classique
1.
Cinématique des référentiels
1.a. Référentiel
Dénition
Un référentiel est un système rigide utilisé comme système de référence pour l'étude
des mouvements. Un système rigide est un ensemble de points dont les distances relatives
sont constantes au cours du temps. En pratique, les référentiels sont souvent dénis par
des solides indéformables, ou dont la déformation peut être négligée. Par exemple, un
bâtiment constitue un référentiel, qui peut être assimilé au référentiel terrestre dans
la mesure où il reste immobile par rapport à la Terre. La carosserie d'une voiture en
mouvement constitue un autre référentiel.
Pour dénir la position d'un référentiel dans l'espace, il sut de dénir 3 points non
alignés qui lui sont liés. Par exemple, 3 points non alignés de la carosserie susent à
dénir complètement la position de la voiture dans le référentiel terrestre. Pour certains
référentiels, on ne dispose pas de solide au sens matériel du terme et on doit alors le
dénir par 3 points non alignés. Par exemple, le référentiel de Copernic est déni par le
centre de masse du système solaire et par deux étoiles, qui doivent être assez lointaines
pour que leur distance au Soleil et leur distance relative puissent être considérées comme
xes pendant l'intervalle de temps considéré.
Les instruments d'observation, par exemple les caméras ou les détecteurs de position
ou de vitesse, doivent être liés au référentiel. En pratique, il sut de xer l'appareil sur
le solide qui constitue le référentiel.
Le temps en cinématique classique
Le temps (la durée entre deux évènements) est mesuré par une horloge. Le fonctionnement des horloges modernes repose sur l'utilisation d'un système oscillant (pendule
mécanique, quartz, horloge atomique) dont la fréquence d'oscillation est plus ou moins
stable.
L'horloge doit en principe être liée au référentiel. Cependant, la cinématique classique
repose sur l'hypothèse d'invariance des durées par changement de référentiel : on suppose que la durée mesurée par une horloge entre deux évènements est indépendante du
référentiel auquel l'horloge est liée. Depuis le développement de la théorie de la relativité
restreinte, on sait que cela n'est vrai qu'approximativement, si les référentiels ont une
vitesse relative faible devant celle de la lumière. Pour résumer, le temps en cinématique
classique est un paramètre absolu, indépendant du référentiel.
Repère
Un repère lié au référentiel doit être déni pour donner la position d'un point dans
un référentiel. Le repère le plus utilisé est le repère cartésien, constitué d'un centre O et
de trois axes (Ox, Oy, Oz) orthogonaux et formant un trièdre orienté dans le sens direct.
Les coordonnées d'un point dans ce repère sont (x, y, z). On voit qu'il existe une innité
de repères liés à un référentiel. La donnée d'un repère dans l'espace dénit un référentiel.
−
−
−
Pour les calculs vectoriels, on utilise aussi la base orthonormée (→
ux , →
uy , →
uy ) liée au repère.
Dans certains cas, on utilise un base orthonormée non liée au référentiel, par exemple
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la base locale des coordonnées cylindriques ou sphériques.
Cinématique du point
On considère un point matériel M dont le mouvement est étudié dans un référentiel
trajectoire du point dans le référentiel est l'ensemble des points liés au référentiel
occupés par le point M au cours du temps. Autrement dit, c'est la trace laissée par le
point matériel sur le solide de référence. Par exemple, lorsqu'on observe un mouvement
avec une caméra liée au référentiel, on obtient la projection de la trajectoire (projection
centrale) sur le plan image. On combinant plusieurs projections, on peut ainsi reconstituer
la trajectoire complète dans le référentiel.
En associant à chaque point de la trajectoire l'instant t où le point matériel coïncide
avec lui, on obtient une description complète du mouvement.
Considérons la position P (t) du point M à l'instant t, c'est-à-dire le point lié au
référentiel R avec lequel le point matériel coïncide à l'instant t. Soit P (t+∆t) sa position
à l'instant t + ∆t. Le vecteur vitesse à l'instant t dans le référentiel R est dénie comme
la limite suivante :
R. La
−−−−−−−−−−→
−−→
dOM
P (t)P (t + ∆t)
→
−
=
v M/R = lim
∆t→0
∆t
dt
(1)
Dans cette expression, l'intervalle de temps au dénominateur est indépendant du référentiel. En revanche, le déplacement élémentaire du numérateur dépend du référentiel.
−−→
On dira donc que le vecteur OM est dérivé par rapport au temps dans le référentiel R.
Si un repère cartésien lié au référentiel est utilisé, le mouvement dans le référentiel
est donné par la courbe paramétrée (x(t), y(t), z(t)). Si O est l'origine des coordonnées,
le vecteur position s'écrit :
−−→
−
−
−
OM (t) = x(t)→
ux + y(t)→
uy + z(t)→
uz
(2)
Dans cette expression, on remarque que les coordonnées du point dépendent en général
du temps, alors que les vecteurs unitaires sont constants puisqu'ils sont liés au référentiel.
La vitesse, c'est-à-dire le vecteur vitesse, du point M dans le référentiel R est par
dénition la dérivée par rapport au temps du vecteur position dans le référentiel R :
−−→
dx →
dy −
dz −
d OM
→
−
−
v M/R =
=
ux + →
uy + →
uz
dt
dt
dt
dt
(3)
Le vecteur vitesse est toujours tangent à la trajectoire, orienté dans le sens du mouvement.
L'accélération est la dérivée par rapport au temps de la vitesse :
−
d→
v M/R
d2 x −
d2 y −
d2 z −
→
−
a M/R =
= 2→
ux + 2 →
uy + 2 →
uz
dt
dt
dt
dt
(4)
L'accélération comporte en général une composante tangente à la trajectoire et une
composante normale, orientée vers le centre de courbure.
Voyons l'exemple d'un mouvement circulaire uniforme. Le cercle, de centre O et de
rayon r, est décrit à la vitesse angulaire constante ω . Il est contenu dans le plan Oxy .
On projection sur la base liée au référentiel, le vecteur position s'écrit :
−−→
−
−
OM = r cos(ω t)→
ux + r sin(ω t)→
uy
(5)
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On peut obtenir la vitesse et l'accélération en dérivant cette expression par rapport au
temps. Néanmoins, il est plus commode d'utiliser la base locale des coordonnées polaires
−
−
(→
ur , →
uθ ) (base non liée au référentiel) :
−−→
−
OM = r→
ur
→
−
−
v = rω →
uθ
→
−
−
a = −rω 2 →
ur
(6)
(7)
(8)
On voit ainsi que l'accélération est purement normale, dirigée vers le centre du cercle.
1.b. Mouvement de translation
Dénition
Soit un premier référentiel R, que l'on appelera référentiel absolu. Soit un second
référentiel R0 , appelé référentiel relatif, en mouvement par rapport au premier. On peut
imaginer comme exemple le référentiel déni par un véhicule, en mouvement par rapport
au référentiel terrestre.
On s'intéresse ici au cas du mouvement de translation, déni de la manière suivante :
à tout instant, les points liés au référentiel R0 ont la même vitesse dans le référentiel R.
Soit O0 un point lié à R0 , qui pourra servir d'origine pour un repère lié à R0 . La vitesse
d'un point P quelconque lié à R0 est identique à celle du point O0 :
→
−
−
v P/R (t) = →
v O0 /R (t)
(9)
R'
P
O'
Référentiel R
Si A et B sont deux points liés à R0 , on vérie aisément que :
−→
dAB →
−
= 0
dt
(10)
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Autrement dit, tout vecteur lié au référentiel R0 est xe dans R. En particulier, les
vecteurs d'une base orthonormée liée à R0 vérient :
d−
u→
→
−
x0
= 0
dt
(11)
Si la trajectoire du point O0 dans R est une droite, on parle de mouvement de translation
rectiligne. Sa vitesse garde alors une direction xe. Si de plus cette vitesse est constante,
il s'agit d'un mouvement de translation rectiligne uniforme. Un exemple de mouvement
de translation rectiligne est celui d'une voiture se déplaçant sur une route droite et sans
aspérités, considérée par rapport à la terre.
Le référentiel déni par une cabine de téléphérique est en mouvement de translation
par rapport à la terre, même si le cable présente une courbure.
Lorsque le point O0 a un mouvement circulaire dans le référentiel R, on parle de
mouvement de translation circulaire. Un exemple de ce type de mouvement est celui des
nacelles d'une grande roue, comme le London Eye. Chaque nacelle reste horizontale au
cours de son mouvement de révolution, et constitue donc un référentiel en translation
par rapport à la terre.
Le référentiel géocentrique est un référentiel en mouvement de translation par rapport
au référentiel héliocentrique, dans lequel le centre de la Terre est xe. Dans la mesure où
l'orbite terrestre est assimilée à un cercle, il s'agit d'une translation circulaire. La vitesse
de la Terre dans le référentiel héliocentrique est d'environ 30 km/s. Cette vitesse est
10000 fois plus petite que celle de la lumière, ce qui permet d'appliquer la cinématique
classique (non relativiste).
Composition des vitesses et des accélérations
Considérons un point matériel M . Son mouvement pour un observateur lié à R est
en général diérent de celui observé depuis R0 . Par exemple, si M est xe dans R, il est
en mouvement dans R0 .
On s'intéresse tout d'abord à la relation (à l'instant t) entre la vitesse du point dans
R et celle dans R0 . On considère pour cela la relation :
→
−−→ −−→0 −−
OM = OO + O0 M
(12)
où O est un point xe de R et O0 un point xe de R0 . On dérive par rapport au temps, qui
en cinématique classique est indépendant du référentiel. La variation des vecteurs doit
−−→
être considérée dans le référentiel R. Pour dériver le vecteur O0 M dans R, on eectue
une décomposition sur la base liée à R0 :
−−→
d 0 −
dO0 M
−
→
−
→
0
0
=
(x (t)u→
x0 + y (t)uy 0 + z (t)uz 0 )
dt
dt
dx0 (t) −
dy 0 (t) −
dz 0 (t) −
=
u→
u→
u→
x0 +
y0 +
z0
dt
dt
dt
(13)
(14)
Il s'agit de la vitesse que l'on obtient en dérivant le vecteur dans R0 , c'est-à-dire la vitesse
du point M dans R0 . On obtient donc :
→
−
−
−
v M/R = →
v O0 /R + →
v M/R0
(15)
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Ce résultat constitue la composition des vitesses : la vitesse absolue est égale à la vitesse
d'un point lié au référentiel relatif plus la vitesse relative. Rappelons que tous les points
liés au référentiel relatif R0 ont la même vitesse.
La vitesse du point O0 est appelé vitesse d'entraînement par le référentiel R0 . C'est
la vitesse dans R du point P lié à R0 et coïcidant avec le point M à l'instant t considéré.
On écrira donc :
→
−
−
−
v M/R = →
ve+→
v M/R0
(16)
En dérivant une seconde fois par rapport au temps, on obtient la composition des accélérations :
→
−
−
−
a M/R = →
a O0 /R + →
a M/R0
(17)
L'accélération du point O0 est l'accélération d'entraînement, c'est-à-dire l'accélération
dans R du point lié à R0 coïncidant avec M à l'instant t.
On sait aujourd'hui que la vitesse de la lumière dans le vide est égale à une constante
c, indépendante du référentiel dans lequel elle est mesurée. Cela constitue le principe
fondateur de la théorie de la relativité restreinte, et a été vérié expérimentalement (la
première fois par Michelson et Morley). L'invariance de la vitesse de la lumière est en
contradiction avec la formule classique de composition des vitesses, qui en eet ne peut
s'appliquer pour des vitesses proches de celle de la lumière.
Transformation de Galilée
Lorsque le référentiel R0 est en mouvement de translation rectiligne uniforme par
rapport à R, on peut par convention poser
→
−
−
v O0 /R = v →
ux
(18)
On peut aussi dénir un repère (O0 x0 y 0 z) lié à R0 qui coïncide à l'instant t = 0 avec
le repère (Oxyz) lié à R. La relation entre les coordonnées d'un point dans les deux
référentiels s'écrit alors :
x0 = x − vt
y0 = y
z0 = z
t0 = t
(19)
La dernière ligne a été ajoutée pour bien noter l'invariance du temps par changement de
référentiel.
Cette relation constitue la transformation de Galilée, valable lorsque v est très petit
devant la vitesse de la lumière. Dans le cas contraire, elle doit être remplacée par la
transformation de Lorentz (hors programme) :
x0 = √ x−vt2
1−v /c2
0
y =y
z0 = z
2
t0 = √t−vx/c
2 2
1−v /c
(20)
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1.c. Mouvement de rotation uniforme
Dénition
On considère un référentiel R0 en rotation uniforme autour d'un axe xe dans R, avec
une vitesse angulaire constante ω . On peut par convention utiliser un repère (Oxyz) lié
à R, l'axe Oz étant l'axe de rotation. Soit P un point quelconque lié au référentiel R0 ,
situé à une distance r de l'axe de rotation. Il décrit un cercle de rayon r à la vitesse
angulaire ω . Sa vitesse s'écrit donc :
→
−
−
v P/R = rω →
uθ
(21)
Cette vitesse est proportionnelle à la distance à l'axe, et les points de l'axe ont bien sûr
une vitesse nulle.
z
axe
H
P
R'
O
Référentiel R
Un exemple de référentiel en rotation uniforme est le référentiel terrestre, en rotation
uniforme par rapport au référentiel géocentrique.
Vecteur vitesse angulaire
Soit H le projeté orthogonal du point P sur l'axe de rotation, centre du cercle décrit
par P . La vitesse peut s'écrire :
−−→
→
−
−
v P/R = ω →
uz ∧ HP
(22)
On dénit alors le vecteur vitesse angulaire (ou vecteur rotation) par :
→
−
−
Ω = ω→
uz
(23)
Ce vecteur est colinéaire à l'axe de rotation, sa norme est égale à la valeur absolue de la
vitesse angulaire, et sa direction dépend du sens de rotation. Si R0 tourne dans le sens
trigonométrique autour de l'axe Oz , alors le vecteur vitesse angulaire est orienté dans le
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−
sens de →
uz . Cela signie que le référentiel R0 tourne dans le sens direct autour du vecteur
→
−
Ω.
On obtient donc la relation :
→
− −−→
→
−
v P/R = Ω ∧ HP
(24)
qui a l'avantage de ne pas faire intervenir la base. Soit O un point xe appartenant à
l'axe de rotation. On a aussi :
→
− −→
→
−
v P/R = Ω ∧ OP
(25)
Si A et B sont deux points liés au référentiel R0 , on déduit de la relation précédente la
−→
dérivée du vecteur AB dans le référentiel R :
−−−→
− −→
d AB →
= Ω ∧ AB
dt
En particulier, pour les vecteurs d'une base liée à R0 on a :
→
−
d−
u→
x0
= Ω ∧−
u→
x0
dt
(26)
(27)
Composition des vitesses
Soit (Ox0 y 0 z 0 ) un repère lié à R0 . L'origine O est un point de l'axe de rotation, xe à
la fois dans R et dans R0 . −−→
Pour dériver le vecteur OM dans R, on utilise une base orthonormée liée à R0 :
−−→
dOM
d
→
−
−
→
−
→
0
0
v M/R =
= (x0 (t)−
u→
x0 + y (t)uy 0 + z (t)uz 0 )
dt
dt
dx0 (t) −
dy 0 (t) −
dz 0 (t) −
→
→
0
0
=
ux +
uy +
u→
z0
dt
dt
dt
→
−
→
− −
→
− −
→
→
0
0
+ x0 (t) Ω ∧ −
u→
x0 + y (t) Ω ∧ uy 0 + z (t) Ω ∧ uz 0
→
− −−→
−
0 + Ω ∧ OM
=→
v
M/R
(28)
(29)
(30)
(31)
On obtient ainsi :
→
− −−→ −
→
−
v M/R = Ω ∧ OM + →
v M/R0
(32)
Soit P le point lié à R0 et coïncidant avec M à l'instant t. Sa vitesse dans R est :
→
− −→ →
− −−→
→
−
v P/R = Ω ∧ OP = Ω ∧ OM
(33)
C'est la vitesse d'entraînement du point matériel M par le référentiel R0 . La relation de
composition des vitesses s'écrit nalement (comme pour la translation) :
→
−
−
−
v M/R = →
v e (M ) + →
v M/R0
(34)
La vitesse d'entraînement dépend de la position du point M . Pour la calculer, il sut de
remarquer que c'est la vitesse du point coïncidant, qui décrit un cercle de rayon r = HM
à la vitesse angulaire ω .
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En utilisant les coordonnées cylindriques autour de l'axe de rotation, la vitesse d'entraînement s'écrit :
→
−
−
v e (M ) = rω →
uθ
(35)
La vitesse d'entraînement est donc proportionnelle à la distance à l'axe.
Composition des accélérations
Dérivons la relation (32) par rapport au temps, dans le référentiel R, en remarquant
que le vecteur vitesse angulaire est constant :
−
d→
v M/R0
→
− →
→
−
−
a M/R = Ω ∧ v M/R +
(36)
dt
−
Pour dériver le vecteur →
v M/R0 dans le référentiel R, on utilise la même méthode que
ci-dessus avec le vecteur position, consistant à le décomposer sur la base liée à R0 :
−
d→
v M/R0 d x0 (t) −
dy 0 (t) −
z 0 (t) −
→
→
→
=
u x0 +
uy0 +
uz0
dt
dt
dt
dt
dt
2 0
2 0
d2 x0 (t) −
→0 + d y (t) −
→0 + d z (t) −
u
u
u→
=
x
y
z0
dt2
dt2
dt2
− −
− −
− −
x0 (t) →
dy 0 (t) →
z 0 (t) →
+
Ω ∧ u→
Ω ∧ u→
Ω ∧ u→
x0 +
y0 +
z0
dt
dt
dt
→
− −
−
=→
a M/R0 + Ω ∧ →
v M/R0
(37)
(38)
(39)
(40)
En utilisant la composition des vitesses, on obtient nalement :
→
− −
→
− −
→
−
−
a M/R = Ω ∧ →
v e (M ) + 2 Ω ∧ →
v M/R0 + →
a M/R0
(41)
Le premier terme peut être explicité en utilisant les coordonnées cylindriques :
→
− →
−
Ω ∧−
v e (M ) = −rω 2 →
ur
(42)
Il s'agit donc de l'accélération dans R du point lié à R0 et coïcidant avec M à l'instant
considéré. C'est l'accélération d'entraînement.
Le deuxième terme fait intervenir la vitesse relative ; c'est l'accélération de Coriolis :
→
− −
→
−
ac (M ) = 2 Ω ∧ →
v M/R0
(43)
Finalement, la relation de composition des accélérations s'écrit :
→
−
−
−
−
a M/R = →
a e (M ) + →
ac (M ) + →
a M/R0
(44)
L'accélération absolue est la somme de l'accélération d'entraînement, de l'accélération
de Coriolis, et de l'accélération relative.
On retiendra l'expression de l'accélération de Coriolis. L'accélération d'entraînement
se calcule aisément sachant que c'est l'accélération du point coïncidant. Remarque :
l'accélération d'entraînement n'est pas la dérivée de la vitesse d'entraînement. En eet,
il faut dériver l'expression (35) à r constant, alors qu'en général r(t) dépend du temps.
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Dynamique dans un référentiel
2.a. Principe d'inertie et référentiels galiléens
Le principe d'inertie (ou première loi de Newton) postule l'existence d'un référentiel
dans lequel tout point matériel isolé de toute action extérieure est soit au repos, soit
en mouvement rectiligne uniforme. Un tel référentiel est appelé référentiel inertiel, ou
référentiel galiléen.
On connait aujourd'hui quatre types de forces : force électromagnétique, interaction
forte, interaction faible et force de gravité. Il est possible de concevoir un point matériel
assez loin d'autres objets pour que les trois premières soient négligeables. En revanche, la
force de gravité est omniprésente dans l'univers et il parait donc impossible de concevoir
un point non soumis à la gravité. Nous verrons néanmoins que dans certains référentiels
les corps peuvent être en impesanteur, c'est-à-dire non soumis à la gravité.
D'après le principe d'inertie, un point matériel isolé a une accélération nulle dans un
référentiel galiléen. Pour que ce point ait une accélération nulle dans un autre référentiel,
il faut que le mouvement de celui-ci conduisent systématiquement à une accélération
d'entraînement et une accélération de Coriolis nulles. Cela n'est possible que si ce référentiel est en mouvement de translation rectiligne et uniforme par rapport au premier.
On en déduit que les référentiels galiléens sont en théorie en translation rectiligne et
uniforme les uns par rapport aux autres.
À première vue, cette condition semble restreindre considérablement les chances d'observer un référentiel galiléen. Si on considère par exemple le référentiel de Copernic, on
sait aujourd'hui qu'il n'occupe pas du tout de place privilégiée dans l'univers (on pouvait le croire à l'époque de Newton). Pourquoi ce référentiel serait-il galiléen, ou même
en translation rectiligne uniforme par rapport à un référentiel galiléen ? Ce référentiel
vérient pourtant le principe d'inertie avec une très bonne précision puisque l'application des lois de la mécanique permet de prévoir les mouvements des planètes du système
solaire. La raison de ce succès tient au fait que, dans ce réferentiel, on est en impesanteur par rapport aux forces de gravité exercées par les autres masses de l'univers. Nous
expliquerons cette propriété plus loin. Cet exemple montre que les référentiels d'inertie
rencontrés en pratique ne se réduisent pas à des référentiels en translation rectilignes et
uniformes les uns par rapport aux autres.
2.b. Équation du mouvement d'un point matériel
Seconde loi de Newton
Cette loi permet d'exprimer l'accélération d'un point matériel soumis à des forces
dans un référentiel galiléen :
−
→ −
→
−
m→
a M/R = F1 + F2 + · · ·
(45)
Les forces causées par diérents corps s'ajoutent comme des vecteurs. La masse m est la
masse d'inertie. Pour une force totale donnée, l'accélération est d'autant plus faible que
la masse est grande.
Lorsque les forces peuvent être explicitées en fonction de la position et de la vitesse
du point M dans le réferentiel, on obtient une équation diérentielle du second ordre
appelée équation du mouvement :
−−→
−
→ −
→
d2 OM
m
=
F
+
F
1
2 + ···
dt2
(46)
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10
Lorsque les force sont connues, la solution de cette équation diérentielle est déterminée
par la donnée de la position du point et de sa vitesse à un instant quelconque (souvent l'instant zéro par convention). Pour cette raison, la mécanique classique est dite
déterministe.
Principe de relativité de Galilée
Galilée a imaginé l'expérience suivante : dans la soute d'un navire en mouvement rectiligne sur une mer parfaitement calme, une expérience de mécanique conduite dans les
mêmes conditions que sur la terre ferme (par exemple le lancer d'un boulet) conduit exactement aux mêmes résultats. Cela signie que l'observateur situé dans la soute ne peut
déceler le mouvement du navire par rapport à la terre par une expérience de mécanique.
La formulation moderne de cette idée est le principe de relativité de Galilée : l'équation diérentielle du mouvement d'un point matériel est invariante par changement de
référentiel galiléen, c'est-à-dire lorsqu'on passe d'un référentiel R à un référentiel R0 en
translation rectiligne uniforme par rapport à R.
L'accélération d'un point matériel est invariante par changement de référentiel galiléen. Il en est de même de la masse et du temps. On en déduit que les forces doivent aussi
posséder cette invariance. D'une manière générale, la force entre deux points matériels
(ou entre deux corps) dépend de leur position relative et de leur vitesse relative. Ainsi
la force exercée par le point Mi sur le point Mj s'écrit :
→
− − →
→
−
−
−
F i→j = f (→
rj − −
ri , →
vj − →
vi )
(47)
La position relative et la vitesse relative sont invariantes par changement de référentiel
galiléen, donc si la force ne dépend que de ces deux vecteurs, elle est elle-même invariante.
Toutes les forces utilisées en mécanique (force de gravité, force électromagnétique, forces
de frottement, etc) vérient cette propriété.
2.c. Forces de gravité
Force de gravité centrale
Comme nous allons le voir, les forces de gravité jouent un rôle central dans certains
problèmes de changement de référentiel. Le champ de gravité créé par une masse sphérique centrée au point O s'exprime en coordonnées sphériques :
Gm0 −
→
−
ur
(48)
g =− 2 →
r
La constante universelle de gravitation est G = 6.67 10−11 m3 kg −1 s−2 . m0 est la masse
du corps sphérique. Cette expression s'applique par exemple à la Terre, qui est approximativement sphérique.
La force de gravité s'exercant sur un point matériel situé à une distance r du centre
est :
→
−
−
F = mg →
g
(49)
La masse mg est la masse gravitationnelle. C'est une grandeur extensive (proportionnelle
à la quantité de matière), toujours positive car la force est toujours attractive.
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11
Champ de gravité uniforme
On dit qu'un champ vectoriel est uniforme lorsque le vecteur a la même direction et la
même norme en tout point de l'espace. Considéré globalement, le champ gravitationnel
d'un corps sphérique n'est pas du tout uniforme. Considéré localement, c'est-à-dire dans
une région de l'espace assez petite, le champ est approximativement uniforme. Si l'on se
place à une distance r du centre attracteur, il sut de considérer une région (disons une
sphère) dont le diamètre d vérie :
dr
(50)
Par exemple à la surface de la Terre, de rayon environ 6000 km, une zone de 1 km de
large vérie très bien cette condition. Bien sûr, il s'agit d'une approximation et la taille
maximale de la zone dépend de la précision de l'expérience réalisée.
Équivalence des masses inertielle et gravitationnelle
L'équation du mouvement d'une masse ponctuelle soumise seulement à un champ
gravitationnel s'écrit (dans un référentiel galiléen) :
−
−
m→
a M/R = mg →
g
(51)
m est la masse inertielle et mg la masse gravitationnelle. On sait que l'accélération d'un
corps soumis uniquement à la gravité ne dépend pas de sa masse. Par exemple, une
plume et un boulet lâchés simultanément dans un tube vide d'air arrivent sur le sol en
même temps. Cela montre que le rapport des deux masses est une constante universelle,
qui est choisie égale à 1 par convention. En d'autres termes la masse inertielle et la
masse gravitationnelle sont égales. Cette propriété a été vériée expérimentalement avec
une précision de 10−11 . Elle est considérée aujourd'hui comme un principe physique
fondamental (principe d'équivalence).
2.d. Force d'inertie dans un référentiel en translation
Force d'inertie d'entraînement
Soit R un référentiel galiléen et R0 un référentiel dont le mouvement par rapport à
R n'est pas un mouvement rectiligne uniforme. Le référentiel R0 n'est pas galiléen. On
cherche à établir une méthode permettant d'écrire l'équation du mouvement d'un point
matériel directement dans le référentiel R0 . Cette situation est très courante. Par exemple,
le référentiel de Copernic étant une excellente réalisation d'un référentiel galiléen, on
peut être amené à se placer dans le référentiel géocentrique, en translation par rapport
au premier, pour étudier par exemple le mouvement des satellites articiels.
On commence par écrire l'équation du mouvement dans le référentiel galiléen, en
utilisant la composition des accélérations :
→
−
−
−
m(→
ae+→
a M/R0 ) = F
(52)
L'accélération d'entraînement ae est indépendante de la position du point matériel :
c'est l'accélération d'un point quelconque lié au référentiel R0 . Par exemple dans le cas
du référentiel géocentrique, c'est l'accélération du centre de la Terre dans le référentiel
de Copernic.
Le produit de la masse par l'accélération dans R0 s'écrit donc :
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12
→
−
−
−
m→
a M/R0 = F − m→
ae
(53)
Pour écrire l'équation du mouvement dans le référentiel non galiléen en translation, il
sut donc d'ajouter une force appelée force d'inertie d'entraînement :
→
−
−
f ie = −m→
ae
(54)
Comme l'accélération d'entraînement est indépendante de la position du point M , la force
−
−
d'inertie est similaire à une force de gravité dans un champ →
ge = −→
a e (en raison de
0
l'équivalence des masses). Pour un observateur liée à R , la force d'inertie a extactement
les propriétés d'une force de gravitation dans un champ uniforme.
Considérons comme exemple une voiture de déplaçant en ligne droite par rapport
au référentiel terrestre. Le référentiel terrestre est supposé galiléen (on verra plus loin
la validité de cette approximation). L'accélération d'entraînement est simplement l'accélération du véhicule. Par exemple si le véhicule est en freinage, il y a une accélération
d'entraînement dirigée vers l'arrière, qui conduit à une force d'inertie dirigée vers l'avant.
C'est cette force d'inertie que l'on ressent dans un véhicule en cours de freinage. En cas
de freinage très fort, la ceinture de sécurité est là pour compenser cette force. Physiquement, il s'agit d'une conséquence du principe d'inertie : le passager doit se voir appliquer
une force vers l'arrière (par la ceinture) pour être freiné comme le véhicule.
Les forces d'inertie sont des pseudo-forces car elles ne sont pas invariantes par changement de référentiel, contrairement aux autres forces.
Principe de l'accéléromètre
Considérons une masse ponctuelle dans le référentiel du véhicule et isolons la force
de pesanteur (champ uniforme). On considère de plus le cas d'une masse à l'équilibre :
→
−
→
−
−
−
0 = f + m(→
g −→
a e)
(55)
Dans le référentiel du véhicule, il y donc un champ de pesanteur apparent :
→
−0 →
−
g =−
g −→
ae
(56)
L'accéléromètre est un disposif permettant de mesurer ce champ. Il mesure en fait la
composante selon un axe lié au référentiel R0 . Soit O0 x0 un tel axe. L'accéléromètre est
constitué d'un élément élastique qui se déforme dans la direction x0 . Il peut être modélisé
par une masse m retenue par un ressort et se déplaçant le long de cet axe.
Référentiel accéléré
m
Référentiel galiléen
x'
a
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Si K est le coecient de raideur du ressort, la condition d'équilibre s'écrit :
−
−
−
0 = −KX 0 + m(→
g −→
a e) · →
u x0
(57)
La mesure de la déformation X 0 du ressort permet donc d'accéder à la composante sur
cet axe du champ de pesanteur apparent.
Pour étudier le fonctionnement de l'accéléromètre lorsque l'accélération varie au cours
du temps, il faut considérer l'équation diérentielle du mouvement de la masse. L'animation accéléromètre à ressort permet de faire varier l'accélération et de voir l'eet de
la période propre du pendule et du frottement. On peut voir que l'accéléromètre ne peut
indiquer instantanément la valeur de l'accélération : il a un temps de réponse qui dépend
de la masse et du coecient de frottement.
En disposant trois accéléromètres sur trois axes perpendiculaires, on peut obtenir les
trois composantes de ce champ. Il faut noter que l'accéléromètre ne permet pas d'accéder
directement à l'accélération du véhicule, contrairement à ce que son nom suggère (il s'agit
en fait d'un gravitomètre). Les accéléromètres embarqués dans les téléphones portables
sont en fait utilisés pour déterminer la direction du champ de pesanteur terrestre par
rapport à l'appareil (l'accélération d'entraînement est la plupart du temps négligeable).
Référentiel en chute libre : impesanteur
Considérons l'expérience de pensée suivante, qui a été imaginée par Einstein pour
expliquer le principe de relativité générale. Une cabine d'ascenseur dont les câbles sont
coupés tombe sous l'eet du champ de pesanteur terrestre. On suppose que les frottements de l'air sur la cabine sont négligeables. La cabine constitue un référentiel en
mouvement de translation par rapport au référentiel terrestre (galiléen), avec une accélération :
→
−
−
ae =→
g
(58)
Pour un observateur situé dans l'ascenseur, l'équation du mouvement d'un point matériel
s'écrit donc :
→
− −
→
−
−
−
m→
a M/R0 = f − →
ae+→
g = f
→
−
(59)
Le vecteur f comporte toutes les forces autres que gravitationnelle. Cela signie que la
pesanteur n'existe pas pour l'observateur de l'ascenseur. Le champ de pesanteur terrestre
est exactement compensé par la force d'inertie. On dit qu'il y a dans ce référentiel un
état d'impesanteur.
En principe, le référentiel de l'ascenseur n'est pas galiléen, puisqu'il est accéléré par
rapport au référentiel galiléen terrestre. C'est du moins ce que peut armer un observateur situé hors de l'ascenseur. Plaçons-nous néanmoins du point de vue de l'observateur
situé dans l'ascenseur. Pour lui, tout se passe comme s'il se trouvait dans un référentiel
d'inertie en l'absence de champ de gravité. Pour cet observateur, un corps non soumis à
→
−
→
−
une force ( f = 0 ) est soit au repos, soit en mouvement rectiligne uniforme. Le point
important de cette expérience de pensée est l'impossibilité pour cet observateur de voir
à l'extérieur de la cabine, et donc de voir le mouvement de la cabine par rapport à la
Terre. Le principe de relativité générale introduit par Einstein postule que ce type de
référentiel (en chute libre dans un champ uniforme) est parfaitement équivalent à un
référentiel inertiel.
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L'état d'impesanteur est obtenu dans l'avion ZeroG, qui eectue un vol comportant
des phases paraboliques. Pendant une phase parabolique, la seule force qui agit sur
l'avion est son poids (la portance est nulle et la poussée des réacteurs compense la
traînée). Dans le référentiel du centre de masse, en translation par rapport au référentiel
terrestre, le poids d'un objet est compensé par la force d'inertie, ce qui permet d'obtenir
un état d'impesanteur. À l'intérieur de l'avion, cette impesanteur n'est pas parfaite car
il eectue aussi une rotation pendant la phase parabolique.
Référentiel en mouvement gravitationnel
Nous allons raisonner sur le cas particulier du référentiel géocentrique R0 qui est en
mouvement gravitationnel sous l'eet du champ solaire (on simplie l'étude en négligeant
l'inuence des autres planètes et de la Lune). Il est en mouvement de translation par
rapport au référentiel de Copernic R, lequel est galiléen. L'équation du mouvement du
centre T de la Terre s'écrit :
→
−
−
a T /R = →
g (T )
(60)
Son accélération est égale au champ de gravité solaire au centre de la Terre. L'accélération
d'entraînement dans le référentiel géocentrique est donc :
→
−
−
ae =→
g (T )
(61)
Considérons alors un point matériel M de masse m, du point de vue du référentiel
géocentrique. Son équation du mouvement s'écrit :
→
−
−
−
−
m→
a M/R0 = f + m(→
g (M ) − →
g (T ))
(62)
La force f inclut toutes les forces autres que la gravité solaire. Le champ de pesanteur
apparent dans ce référentiel est donc :
→
−
−
−
g a (M ) = →
g (M ) − →
g (T )
(63)
C'est le champ de gravité solaire au point M auquel on retranche celui au centre de la
Terre. La gure suivante montre ces vecteurs au point M .
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-g(T)
M
T
g(M)
Référentiel géocentrique
g(T)
S
Référentiel de Copernic
À grande échelle, le champ de gravité solaire est sphérique. Cependant, si le point M
est assez proche du centre de la Terre, les deux champs sont presque égaux et le champ
apparent est très faible. La distance Terre-Soleil étant d'environ 150 millions de km, une
zone située autour de la Terre de plusieurs dizaines de milliers de km permet d'obtenir
un champ apparent très faible. Cela signie que si la force de gravité solaire est ignorée, le réfentiel géocentrique se comporte comme un référentiel galiléen. Dans ce cas, le
caractère galiléen est local, car il n'est valable que dans une région limitée de l'espace,
mais néanmoins assez grande pour traiter les problèmes de satellites articiels avec une
très bonne précision (cela est beaucoup moins vrai pour la Lune). C'est la raison pour
laquelle le référentiel géocentrique est une très bonne réalisation d'un référentiel galiléen,
même sur une durée de plusieurs années, bien qu'il ne soit pas du tout en translation
rectiligne uniforme par rapport au référentiel de Copernic. Pour obtenir cela, il faut toutefois penser à ne pas tenir compte de la force de gravité solaire, qui est compensée par
la force d'inertie, et il ne faut pas oublier que cette propriété n'est vraie que localement.
Le champ apparent n'est toutefois pas tout à fait nul et constitue ce qu'on appelle une
force de marée. Cette force est responsable sur Terre des marée océaniques, avec la force
de marée lunaire dont l'explication est analogue.
Le même raisonnement peut être fait à propos du référentiel de Copernic, déni avec
le centre de masse du système solaire (très voisin du centre du soleil) et deux étoiles
lointaines. Ce référentiel est lui même en mouvement de gravitation dans la galaxie, sous
l'inuence des masses, lointaines mais gigantesques, que celle-ci contient. Si on considère
le référentiel de Copernic en translation par rapport à un hypothétique référentiel galiléen, il sut d'ignorer le champ de gravité galactique pour obtenir un référentiel inertiel.
Cette propriété est valable localement, c'est-à-dire à l'échelle du système solaire. Compte
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tenu de la taille du système solaire (environ 10000 millions de km), inme comparée à
celle de la galaxie (environ 100000 années lumière), le champ de gravité galactique est
tout à fait uniforme à l'échelle du système solaire, et le référentiel de Copernic est une
réalisation parfaite d'un référentiel galiléen (comme l'est l'ascenseur en chute libre). C'est
pour cela que les lois de Newton permettent de prévoir les mouvements planétaires avec
une très bonne précision.
La station orbitale internationale est en mouvement de gravitation autour de la Terre.
Son orientation dans l'espace est stabilisée pour que le référentiel qu'elle constitue soit
en mouvement de translation par rapport au référentiel géocentrique. À l'échelle de la
station, le champ de gravité terrestre est uniforme. On se trouve donc à l'intérieur de
la station dans un référentiel galiléen, à condition d'ignorer la force de gravité terrestre.
On peut aussi dire que l'on est dans un référentiel non galiléen dans lequel la force de
gravité est compensée par la force d'inertie. Il est important de remarquer que le caractère
inertiel du référentiel de la station est localisé dans l'espace mais pas dans le temps. Des
expériences sans pesanteur sont conduites dans la station alors qu'elle eectue plusieurs
fois le tour de la Terre.
2.e. Forces d'inertie dans un référentiel en rotation uniforme
Force d'inertie d'entraînement centrifuge
Le référentiel R étant galiléen, on se place dans un référentiel R0 en rotation uniforme
autour d'un axe xe. La composition des accélérations permet d'exprimer l'équation du
mouvement d'un point matériel dans R0 :
→
−
−
−
−
m→
a M/R0 = F − m→
a e (M ) − m→
ac
(64)
Comme dans le cas de la translation, la force d'inertie d'entraînement est :
→
−
−
f ie = −m→
a e (M )
(65)
Contrairement au cas de la translation, l'accélération d'entraînement ne constitue pas
un champ uniforme : elle dépend de la distance à l'axe du point M . Plus précisément :
→
−
−
f ie = mrω 2 →
ur
(66)
−
où r est la distance entre le point matériel et l'axe de rotation, et →
ur le vecteur unitaire
radial (cooordonnées cylindriques).
La force d'inertie d'entraînement est une force centrifuge, qui pousse le point matériel
vers l'extérieur.
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ω
Trajectoire du point coïncidant
Centre de rotation
r
M
fie
Force centrifuge
Axe de rotation
L'accélération d'entraînement est l'accélération du point coïncidant avec M et lié au
référentiel tournant. Ce point décrit un cercle de rayon r dont le centre est le projeté
orthogonal de M sur l'axe de rotation. Ce cercle est contenu dans un plan perpendiculaire
à l'axe de rotation.
Considérons par exemple un plateau tournant dans le référentiel terrestre, avec un
axe de rotation vertical. La pesanteur apparente en un point à la distance r de l'axe est :
→
−
−
−
ur
g a (r) = −g →
uz + rω 2 →
(67)
Plus on s'éloigne de l'axe, plus le champ de pesanteur apparent s'éloigne de la direction
verticale. Ce phénomène est facilement observable si l'on place un pendule (une bille
accrochée au bout d'une celle) sur un plateau tournant. Dans sa position d'équilibre, le
l prend la direction du champ de pesanteur apparent ressentie par la bille.
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18
Pendule
Centre de rotation
2
rω
Plateau tournant
g
ga
ω
Moteur
Une application est la centrifugeuse, dans laquelle des forces centrifuges très importantes
peuvent être obtenues. Le tambour d'une machine à laver en situation d'essorage est un
exemple de centrifugeuse. Si le tambour a un rayon r = 20 cm et tourne à 1200 tours par
minutes, la force par unité de masse est 3000 m/s2 , soit 300 fois le champ de pesanteur
terrestre. L'eau contenue dans le linge est rapidement expulsée hors du tambour sous
l'eet de cette force.
Un autre exemple est la centifugeuse utilisée pour entraîner les astronautes aux fortes
accélérations rencontrées dans les vols spatiaux. La cabine dans lequel l'astronaute est
assis est xée au bout d'un bras de plusieurs mètres de long qui tourne autour d'un axe.
Des variantes sont aussi utilisées dans les fêtes foraines.
Le référentiel terrestre est en rotation uniforme par rapport au référentiel géocentrique. Sachant qu'une rotation se fait en 23h56min, on obtient sa vitesse angulaire
ω = 7.310−5 rad/s. La force centrifuge sur la surface de la Terre (r = 6400 km) est
maximale à l'équateur : la force par unité de masse est 0.03 m/s2 , ce qui est faible
comparé au champ de gravité terrestre. Lorsque le champ de pesanteur est mesuré à la
surface de la Terre, c'est bien sûr le champ apparent (gravité plus centrifuge) qui est
obtenu. C'est ce champ qui dénit la verticale du lieu.
Force d'inertie de Coriolis
La seconde force d'inertie présente dans l'équation (64) est la force d'inertie de Coriolis :
→
−
→
− −
f ic = −2m Ω ∧ →
v M/R0
(68)
Contrairement à la force d'entraînement, cette force n'aecte que les objets en mouvement dans le référentiel non galiléen, puisqu'elle est proportionnelle à la vitesse dans ce
référentiel.
La force de Coriolis ne travaille pas puisqu'elle est perpendiculaire à la vitesse. Elle
ne peut donc modier l'énergie cinétique d'une particule. Elle peut en revanche modier
la direction de la vitesse.
Dans le référentiel terrestre en rotation par rapport au référentiel géocentrique galiléen, la force de Coriolis a un eet très important sur les mouvements de l'air à grande
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19
échelle. Pour une vitesse de l'air de 10 m/s (vent modéré), la force par unité de masse
est 1.510−3 m/s2 , ce qui est très faible comparé au champ de pesanteur. Cette force a
néanmoins un eet très important à grande échelle. Elle est responsable de la rotation
de l'air autour des zones de basse ou de haute pression (le sens de rotation dépend de
l'hémisphère).
L'eet de la force de Coriolis se manifeste dans l'expérience du pendule de Foucault,
installé en 1851 au Panthéon pour mettre en évidence la rotation de la Terre. Un pendule
de très grande taille (sphère de 28 kg accrochée au bout d'un câble de 67 m) est accroché
par une liaison rotule. Il est lâché avec une vitesse initiale nulle par rapport à la Terre.
Il oscille pratiquement dans un plan, mais on observe une lente rotation du plan d'oscillation. La vitesse angulaire de rotation du plan est égale à ω multipliée par le sinus de la
latitude. Si le pendule est disposé au pôle, le plan décrit une rotation complète en 23 h
56 min. Cette rotation peut être expliquée par la rotation de la Terre. Dans le référentiel
terrestre, on l'attribue à la force de Coriolis.
Pour comprendre la rotation du pendule, considérons l'expérience de laboratoire suivante, réalisée dans le référentiel terrestre. Un plateau horizontal est mis en rotation au
moyen d'un moteur, à une vitesse angulaire ω constante. Un pendule est relié au support par une liaison rotule parfaite (dicile à réaliser) xée juste sur l'axe de rotation.
En première approximation, le référentiel terrestre est galiléen. Si le pendule est lâché
avec une vitesse nulle par rapport à la terre, il oscille dans un plan xe par rapport à
la terre, c'est-à-dire un plan tournant à la vitesse angulaire −ω dans le référentiel du
plateau. Dans ce référentiel, la rotation du plan est expliquée par la force de Coriolis.
Qualitativement, on peut représenter cette force lorsque le pendule se déplace dans un
certain sens.
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Rotule
g
ω
Plateau fixe
ω
v
Fc
v
Fc
Plan d'oscillation
La force de Coriolis dévie très légèrement le plan d'oscillation, toujours vers la droite si
l'on regarde dans le sens du mouvement. Cela conduit à une rotation du plan d'oscillation
par rapport au plateau, dans le sens opposé à la rotation du plateau par rapport à la
terre, ce qui fait qu'il ne tourne pas dans le référentiel terrestre.
On peut conduire une analyse simpliée du pendule de Foucault dans le référentiel
terrestre. Comme le mouvement de la masse est pratiquement horizontal, seule la composante verticale du vecteur vitesse angulaire de la Terre intervient dans la force de
Coriolis ; elle s'exprime en fonction de la latitude du lieu par :
ωz = ω sin φ
(69)
Dans l'hémisphère nord, cette composante est ascendante. Si on observe le pendule par
dessus (en regardant dans la direction de z décroissant), la force de Coriolis est orientée
vers la droite si on regarde dans le sens de la vitesse. Elle conduit donc à une rotation
du plan d'oscillation dans le sens horaire (c'est l'inverse dans l'hémisphère sud).
La plupart des expériences de mécanique eectuées sur terre ont une durée assez
courte pour que les eets de la force de Coriolis puissent être négligés. On a vu plus
haut que la force d'entraînement est automatiquement prise en compte dans le champ
de pesanteur local. On en déduit que le référentiel terrestre est localement galiléen (localement au sens spatial et temporel) pour ces applications. On peut donc l'utiliser en
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tant que référentiel galiléen pour des mouvements de petite échelle et ne durant pas trop
longtemps.
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