UNIVERSITE MOHAMMED V- SOUISSI FACULTE DE MEDECINE ET DE PHARMACIE -RABAT- ANNEE: 200 THESE N°: 120 Malad ie thromb oembolique veineuse Expérience du service de cardiologie de l’hôpital militaire Moulay Ismail de Meknès étude rétrospective a propos de 100 cas THESE Présentée et soutenue publiquement le :……………………….. PAR Mme. Karima BOUKILI Née le 12 Novembre 1978 à El hajeb Pour l'Obtention du Doctorat en Médecine MOTS CLES Maladie thromboembolique veineuse Ŕ Embolie pulmonaire Ŕ Thrombose veineuse profonde. JURY Mr. EL. M. ZBIR Professeur de Cardiologie Mr. M. NAZZI Professeur de Cardiologie Mr. M. IDRISSI RGUIBI Professeur de Pneumo-phtisiologie Mr. A. TARIB Professeur Agrégé de Pharmacie Clinique Mr. M. CHANI Professeur Agrégé d’Anesthésie et Réanimation PRESIDENT RAPPORTEUR JUGES Dédicaces Toutes les lettres ne sauront trouver les mots qu’il faut …... Tous les mots ne sauraient exprimer la gratitude, l’amour, le respect, la reconnaissance. Aussi, c’est tout simplement que : Je dédie Ce travail……. A ma très chère mère, Pour ton soutien, ton courage, ton sacrifice, et tout l’amour par lequel tu m’as entourée durant toutes ces années. Pour ton encouragement et ta confiance en moi. Tu as toujours été là pour moi, tu m'as donnée un magnifique modèle de labeur et de persévérance. C'est pour ta grandeur d'âme et ta dévotion, désintéressée. Je te dédie ce travail avec l’expression de ma reconnaissance et de mon grand amour. Puisse ALLAH vous accorde santé et longue vie pour que je puisse vous combler a mon tour. Je t’aime A la mémoire de mon père Les souvenirs de ta bonté, ta bravoure, ta sagesse, ton amour incommensurable pour nous, restent à jamais gravés dans nos mémoires. Tu m'as appris d'attacher un but à mes actes et d'en assumer la responsabilité. Papa Tu me manque terriblement que Dieu te borde de jouissance et bonnes récompenses A mon cher oncle « Yousfi Youssef» Dont le rêve était toujours de me voir réussir. Qu’il sait que sa place dans mon cœur et ma pensée, reste et demeure immense. A travers ce modeste travail, je vous remercie et prie Dieu le tout puissant qu’il vous garde en bonne santé et vous procure une longue vie que je puisse vous combler à mon tour A mes très chères sœurs « Souad et Nora Boukili » Qui en plus d’être mes sœurs, vous avez toujours été pour moi des amies et des confidentes. Aucun mot ne pourra témoigner ce que vous présentez pour moi. Je vous souhaite une vie pleine de succès et de bonheur. A mes sœurs et frères Boukili Je vous dédie ce modeste travail, je vous souhaite une vie pleine de bonheur et de sérénité. A ma sœur et mon frère : Rachida et Kamal Yousfi En témoignage de toute l’affection et des profonds sentiments fraternels que je vous porte et de l’attachement qui nous unit. A toute ma famille, grands et petits, Que ces modestes lignes leur servent de témoignage à mon attachement indéfectible au lien sacré de la famille A mon petit ange, Rayhane A la senteur d’amour et la graine de bonheur qui s’est épanouie dans ma vie. J’espère que tu trouveras dans ce travail l’expression de mon amour ; qui n’est pas un simple amour de mama karima ! A mon très cher mari Dr ABI Rachid, Toujours présent, toujours encourageant et intéressé de me voir acquérir plus de sciences et de connaissance. Offrant un soutien permanant et amour. Tu m’as entouré d’amour, de tendresse et d’un feeling unique. Tu m’as épaulé dans les moments les plus étouffants et les plus difficiles. Aucune dédicace ne pourra témoigner l’estime, l’admiration et l’amour que je voue envers vous. Puisse Dieu vous protège et vous donne une bonne santé et longue vie. A toute la famille ABI Que dieu vous préserve et vous accorde santé et prospérité A mes amies intimes : Inass, Farah, Hanane, Inass, Nisrine, Bouchra, Asma, Amal. Nous avons partagé des souvenirs agréables et vous avez toujours fait preuve d’une vraie amitié et d’un amour propre Que dieu préserve notre amitié pour qu’elle ne se dénoue jamais. Et à tous ceux que j’ai oubliés. Remerciements A notre Maître, Président de thèse Monsieur El. M. ZBIR Professeur de cardiologie Nous sommes très sensibles à l'honneur que vous nous faites en acceptant la présidence de notre jury de thèse. Veuillez trouver en ce travail l’expression de notre gratitude. Notre reconnaissance n’a d’égal que notre admiration pour vos qualités intellectuelles et humaines. Nous vous prions, cher Professeur, de recevoir nos remerciements renouvelés ainsi que les assurances de notre très haute considération et grande estime. A notre Maître, Rapporteur de thèse Monsieur M. NAZZI Professeur de cardiologie Nous vous remercions vivement de nous avoir fait l’honneur de diriger ce travail. Sans votre clairvoyance, vos corrections méticuleuses, ce travail n’aurait pu être préparé et dirigé dans des conditions favorables. Votre culture scientifique, votre compétence et vos qualités humaines ont suscité en nous une grande admiration, et sont pour vos étudiants un exemple à suivre. Veuillez cher Maître, trouvez dans ce travail l’expression de notre grande estime et notre profond respect. A notre Maître, Juge de thèse Monsieur M. IDRISSI RGUIBI Professeur de pneumo-phtisiologie Nous sommes très heureux de l’honneur que vous nous avez fait en acceptant de siéger parmi ce respectable jury. Par votre simplicité et votre modestie, vous nous avez montré la signification morale de notre profession. Qu’il nous soit permis, cher Maître, de vous exprimer toute notre gratitude et notre profonde admiration. A notre Maître, Juge de thèse Monsieur A. TARIB Professeur agrégé de pharmacie clinique Vous nous faites un grand honneur en acceptant de juger notre travail. Vous nous avez reçu avec beaucoup d'amabilité, nous en avons été très touché. Veuillez trouver ici, cher Maître, l'expression de notre reconnaissance et de nos sincères remerciements. A notre Maître, Juge de thèse Monsieur M. CHANI Professeur agrégé d’anesthésie et réanimation Nous vous remercions d'avoir voulu répondre à notre souhait et de vous voir siéger parmi nos membres de jury. En acceptant de juger notre travail, vous nous accordez un très grand honneur. Veuillez accepter l'expression de nos considérations les plus distinguées. Sommaire Introduction ......................................................................................................................... 1 Première partie: la maladie thromboembolique veineuse I. Définition ............................................................................................................................ 6 II. Epidémiologie .................................................................................................................. 7 III. Rappel anatomique ........................................................................................................ 9 IV. Anatomie pathologique ................................................................................................ 19 V. Physiopathologie ............................................................................................................ 21 V.1. Siège des thromboses ............................................................................................. 21 V.2. Point de départ de la thrombose ........................................................................... 22 V.3. Histoire naturelle de la thrombose veineuse profonde .................................... 22 V.3.1. stase veineuse ................................................................................................. 25 V.3.2. lésion endothéliale .......................................................................................... 26 V.3.3. anomalies de la coagulation .......................................................................... 28 V.4. Progression du thrombus initial ............................................................................ 30 VI. Facteurs de risque ..................................................................................................... 34 VI.1. FDR acquis ........................................................................................................... 34 VI.1.1. FDR persistants.............................................................................................. 37 VI.1.2. FDR réversibles ............................................................................................. 40 VI.2. FDR génétiques -thrombophilies constitutionnelles- ................................. 47 VII. Diagnostic de la MTEV ............................................................................................. 53 VII.1. Diagnostic clinique de la MTEV .................................................................... 53 VII.1.1. Diagnostic clinique de TVP .................................................................. 53 VII.1.1.1. Type de description : TVP des membres inférieurs ........................ 53 VII.1.1.2. Formes cliniques .............................................................................. 57 VII.1.2. Diagnostic clinique des embolies pulmonaires ..................................... 60 VII.2. Diagnostic paraclinique de la MTEV ........................................................... 63 VII.2.1. Explorations veineuses ................................................................................ 63 VII.2.1.1. Echodoppler veineux ............................................................................. 63 VII.2.1.2. La phlébographie ................................................................................... 66 VII.2.2. Scanner spiralé (angio-scanner) thoracique .............................................. 66 VII.2.3. Scintigraphie pulmonaire de perfusion et de ventilation ....................... 67 VII.2.4. Angiographie pulmonaire .......................................................................... 68 VII.2.5. Echographie cardiaque .............................................................................. 70 VII.2.6. IRM ............................................................................................................... 71 VII.2.7. Biologie ......................................................................................................... 71 VII.2.8. Autres Examens paracliniques .................................................................. 72 VII.2.8.1. Radiographie pulmonaire ..................................................................... 72 VII.2.8.2. Electrocardiogramme (ECG) ............................................................... 73 VII.2.8.3. Gaz du sang..................................................................................... 73 VII.3. Elaboration de stratégies diagnostiques ....................................................... 75 VII.3.1. Devant une suspicion de TVP .................................................................... 75 VII.3.2. Devant une suspicion d'embolie pulmonaire ............................................ 75 VIII. Diagnostic étiologique devant une MTEV .......................................................... 79 VIII.1. Recherche d’un ou plusieurs facteurs de risque ....................................... 80 VIII.2. Recherche d’un cancer ................................................................................. 80 VIII.3. Recherche de thrombophilie.......................................................................... 81 VIII.4. Recherche d’une maladie de système ......................................................... 82 IX. Evolution ........................................................................................................................ 84 IX.1. Spontanée .............................................................................................................. 84 IX.2. Sous traitement .................................................................................................... 84 X. Traitement de la METV ................................................................................................ 86 X.1. But du traitement .................................................................................................. 86 X.2. Les moyens thérapeutiques ................................................................................ 86 X.3. Indications et recommandations thérapeutiques .......................................... 100 X.3.1. Le traitement initial à la phase aiguë .........................................................100 X.3.2. Le traitement au long cours ........................................................................100 X.3.3. Cas particuliers ............................................................................................102 X.3.4. Traitement des complications.....................................................................103 X.4. Les complications du traitement ....................................................................... 104 XI. Prévention de la MTEV ............................................................................................... 106 Deuxième partie: étude pratique de la maladie thromboembolique veineuse I. Objectif ............................................................................................................................... 108 II. Matériel et méthodes ...................................................................................................... 108 II.1. Patients ........................................................................................................................ 108 II.2. Définitions des constantes ...................................................................................... 109 II.3. Analyse statistique .................................................................................................. 109 III. Résultats ........................................................................................................................... 110 III.1. Données épidémiologiques ................................................................................... 110 III.2. Données cliniques ................................................................................................... 116 III.3. Données paracliniques ........................................................................................... 122 III.4. Données thérapeutiques ......................................................................................... 135 III.5. Evolution et complications ................................................................................... 137 IV. Discussion ....................................................................................................................... 138 Conclusion ............................................................................................................................ 149 Résumés ................................................................................................................................. 151 Bibliographie ...................................................................................................................... 159 Introduction La maladie thromboembolique veineuse La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) est une entité nosologique regroupant deux présentations cliniques : la thrombose veineuse profonde (TVP) et l’embolie pulmonaire (EP). Ainsi, 50% à 80% des patients avec TVP symptomatique présentent une EP symptomatique ou non. Inversement dans les EP symptomatiques, une TVP asymptomatique est retrouvée dans 80% des cas [1]. C’est une pathologie fréquente dont l’incidence est estimée entre 5 et 20 cas pour 10.000 habitants/ an en population générale [2]. La MTEV est reconnue sur le plan international pour être un problème sérieux de santé. Ainsi en Australie la recherche a prouvé que l’incidence de la MTEV est 135 fois plus grande chez les patients hospitalisés par rapport à la population générale. L’Institut National Australien pour les Etudes Cliniques a identifié l’utilisation de mesures préventives devant une MTEV comme une priorité clinique [3]. Les conditions responsables de la thrombogenèse veineuse sont connues depuis la célèbre triade de Virchow Ŕ depuis l’année 1860Ŕ associant la stase sanguine, la lésion de la paroi endothéliale et l’altération de l’équilibre hémostatique [4]. En fait, l’accident résulte de l’intrication complexe de facteurs génétiques, retrouvés chez près de la moitié des patients avec des facteurs environnementaux (chirurgie, cancer, grossesse…) et/ou acquis (syndrome des antiphospholipides) transitoires ou persistants [4]. Ainsi, devant cette pathologie multifactorielle, une meilleure stratification du risque de la maladie et de ses récidives est nécessaire pour chaque patient, afin d’adapter une prise en charge rigoureuse sur le plan diagnostic et thérapeutique. La maladie thromboembolique veineuse Le diagnostic de la MTEV est un diagnostic difficile qui doit prendre en compte les signes cliniques mais également le contexte clinique et la présence de FDR éventuellement réversibles. Le diagnostic clinique doit ensuite être confirmé par des examens paracliniques dont essentiellement l’échodoppler veineux et l’angioscanner thoracique. Le dosage des D-Dimères selon la méthode ELISA (Enzyme-Linked Immunosorbent Assay) peut constituer une aide diagnostique quand ils sont négatifs. Le bilan étiologique ne doit pas être négligé tout en évitant les excès. Il doit être complet à la recherche d’une thrombophilie ou d’un cancer en cas d’antécédents personnels ou familiaux de thrombose ou en cas de récidive précoce après l’arrêt du traitement, voire, à fortiori, sous traitement anticoagulant bien conduit [5]. La MTEV est une pathologie potentiellement létale associée à 25.000 décès/an en Angleterre [3, 6]. Ce chiffre représente plus que le total combiné de mortalité par cancer du sein, le SIDA et les accidents de la route [3]. En France, la MTEV serait responsable d’une mortalité déclarée de 7,2 pour 100.000 habitants. La mortalité liée à la MTEV reste un problème majeur de santé publique et sa réduction figure parmi les objectifs définis dans la Loi Politique de Santé Publique Française du 9 Août 2004 [7, 8]. C’est aussi une pathologie grevée de complications chroniques invalidantes : maladie post-thrombotique dans 40% des cas et hypertension artérielle pulmonaire dans 4% responsables d’une détérioration de la qualité de vie des patients [7, 9]. La maladie thromboembolique veineuse La gestion du traitement antithrombotique implique l’initiation du traitement thrombolytique par un anticoagulant parentéral comme l’héparine non fractionnée (HNF) ou l’héparine de bas poids moléculaire (HBPM) qui est devenue préférable à l’HNF dans la gestion de la MTEV en raison de sa facilité d’administration, de l’absence de surveillance biologique en dehors du chiffre plaquettaire et de la réduction de la thrombopénie induite par l’héparine [10,11]. En général, ce traitement parentéral est continué au moins 5 jours comme un pont pour le traitement à long terme à base d’antivitamines k (AVK). La durée ultérieure du traitement par AVK est dépendante de l’évaluation clinique des patients, du risque de récidive et des complications hémorragiques [10]. La prévention des complications passe par un traitement adapté et précoce. Il est actuellement évident que l’association de thromboprophylaxie mécanique (contention élastique) et pharmacologique dans certaines situations peut réduire le taux de morbidité et de mortalité et augmenter l’efficacité thérapeutique sans augmenter le risque hémorragique [3]. De même la MTEV est en grande partie évitable chez un grand nombre de patients hospitalisés par la mise en œuvre d’une thromboprophylaxie pendant le séjour à l’hôpital. L’objectif de notre travail est de contribuer à l’étude des aspects cliniques et la prise en charge thérapeutique de la maladie thromboembolique veineuse sous ces deux aspects embolie pulmonaire et/ou thrombose veineuse profonde en milieu cardiologique de l’Hôpital Militaire Moulay Ismaïl de Meknès. Et ceci grâce à une enquête rétrospective monocentrique portant sur 100 dossiers durant 10 ans (1997 2007). Première partie : La maladie thromboembolique veineuse La maladie thromboembolique veineuse I. DEFINITION : La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) se manifeste habituellement par une thrombose veineuse profonde des membres inférieurs ou une embolie pulmonaire, plus rarement par des thromboses veineuses cérébrales, des thromboses des membres supérieurs ou mésentériques. La définition du terme « phlébite » a évolué au fil des années. Elle a été définie pour la première fois en 1818 par l’anatomiste français Gilbert Breschet comme étant l’inflammation d’une veine. En 1941 Oschsner et Bakey désignent par le terme thrombophlébite une variété de thrombose veineuse caractérisée par une large et solide adhérence du caillot, ou thrombus, à la paroi de la veine qui est totalement obstruée, enflammée et spasmée [12]. Des documents plus récents définissent la thrombose veineuse profonde (TVP) par la constitution, le développement, la fixation d’un caillot sanguin cruorique dans une ou plusieurs veines, et/ou éventuellement sa migration embolique. La TVP est indissociable de sa complication immédiate et redoutée qu’est l’embolie pulmonaire (EP). Cette dernière se définit comme l’oblitération brusque, totale ou partielle, du tronc ou d’une branche de l’artère pulmonaire, généralement par un thrombus fibrino-cruorique (EP cruorique), rarement par des cellules tumorales. Ce thrombus a le plus souvent migré à partir d’une TVP des membres inférieurs (75% à 80% des cas), beaucoup plus rarement à partir d’une thrombose pelvienne, des cavités cardiaques droites ou des veines des membres supérieurs [13, 14, 15]. Actuellement le concept de MTEV est unanimement admis par les auteurs pour se référer à la TVP qui se complique souvent d’EP infraclinique ou d’EP associée souvent à une TVP cachée. La maladie thromboembolique veineuse II. EPIDÉMIOLOGIE : La MTEV est une pathologie fréquente à laquelle est confronté le médecin quel que soit son type d’exercice. Selon les estimations retenues lors de la conférence de consensus de 1997 sur la prévention des accidents thromboemboliques veineux, l’incidence annuelle des TVP était de 160/100.000, celle des EP symptomatiques (non mortelles) de 20/100.000, et celle des EP mortelles (diagnostiquées en postmortem) de 50/100.000. L’étude d’Anderson et al fournit des taux d’incidence annuelle de 48/100.000 et 23/100.000 respectivement pour les TVP et EP. Les mêmes auteurs, considérant la part des MTEV non hospitalisées, ont convenu que, dans la population générale des Etats-Unis, l’incidence annuelle des TVP devait plutôt se situer autour de 245/100.000, estimation assez proche de l’étude canadienne mais plus élevée que celle des études américaines et suédoises [8]. En France l’étude de Oger (EPI-GETBO), réalisée en population générale a estimé l’incidence annuelle globale de la MTEV à 180/100.000 (120/100.000 de TVP et 60/100.000 d’EP). Dans l’étude de Dhote et al, réalisée chez des patients hospitalisés en médecine, la prévalence des TVP a été estimée à 1,4% et celle des EP à 0,17% [8]. Au Maroc, nous ne disposons pas de statistiques exactes, mais les cas rapportés sont en faveur d’une fréquence assez élevée. L’âge moyen de la maladie est de 60 ans, mais l’incidence augmente de façon importante avec l’âge, aussi bien pour les femmes que les hommes. Après l’âge de 75 ans l’incidence annuelle de la maladie atteint 1%. Elle augmente chez les femmes en âge de procréer, alors qu’après l’âge de 45 ans elle est supérieure chez les hommes [16]. Une revue de neuf études faites aux Etats- La maladie thromboembolique veineuse Unis et en Suède a montré que l’incidence augmente dramatiquement avec l’âge d’environ 2 à 3 pour 10.000 personne-année à l’âge de 30-49 ans à 20 pour 10.000 personne-année à l’âge de 70-79 ans [17]. La mortalité spécifique est loin d’être négligeable, car, même si le nombre officiel de décès répertoriés consécutifs à une EP semble faible (4223 en 1999 soit un taux de mortalité imputable à l’EP de 7,2/100.000 selon l’INSERM) il est certainement largement sous estimé [8]. Une étude autopsique réalisée entre 1957 et 1997 a montré qu’un tiers des patients avait soit une EP soit une TVP sans diminution de cette prévalence au cours des années [18]. Plus récemment la fiche d’information statistique de l’American Heart Association 2007 rapporte que sur les 200.000 nouveaux cas/an de MTEV 30% meurent dans 30 jours, 1/5 subissent une mort brutale par EP et environ 30% développent une MTEV récidivante sur 10 ans [17]. Ces données épidémiologiques sont importantes à considérer dans une perspective de santé publique. En raison du vieillissement de la population, le nombre absolu des maladies thromboemboliques veineuses augmentera probablement au cours des prochaines années. La MTEV s’inscrit le plus souvent en comorbidité, c’est-à-dire qu’elle vient compliquer l’évolution d’une pathologie ou d’un geste chirurgical. Aujourd’hui il faut la considérer comme une véritable entité et non plus comme une complication de pathologies chez des patients hospitalisés. La maladie thromboembolique veineuse III. RAPPEL ANATOMIQUE : Le terrain d’exploration de la MTEV est grand ; puisque cette pathologie touche les artères pulmonaires, le cœur et le système veineux périphérique. Les veines ramènent le sang de la périphérie vers le cœur, elles sont très dilatables et peuvent servir de réservoir sanguin. La plupart des veines suivent les trajets des artères et se trouvent souvent incluses dans une même gaine de protection. Elles portent le même nom que les artères auxquelles elles sont satellites sauf les gros troncs (veines caves, veine porte) et les veines saphènes. Des veines dites perforantes relient les veines superficielles aux veines profondes. Au niveau de la cavité crânienne les grosses veines portent le nom de sinus. Tous les vaisseaux sauf les capillaires comprennent 3 couches : (figure 1) L’intima, un tissu très actif sur le plan métabolique, et favorise des interactions permanentes avec le sang avec lequel il est en contact permanent. La média constitue la charpente musculo-élastique des vaisseaux. Les veines comportent moins de fibres élastiques que les artères. L’adventice est une zone d’innervation et de vascularisation importante. Elle permet la motricité nerveuse et l’apport nutritif aux vaisseaux [19]. Anatomie topographique : Se rapporter à la liste des principales veines du corps et aux figures correspondantes. a) Les principales veines du corps sont schématisées sur la figure 2. La maladie thromboembolique veineuse Figure 1 : dessin schématique d’une veine et d’une artère montrant l’épaisseur comparable des trois enveloppes : l’enveloppe externe (tunique adventitielle), l’enveloppe musculaire (média), et le revêtement d’endothélium (tunique interne). A noter que les enveloppes musculaire et externe des veines sont beaucoup plus minces que celles des artères et que les veines sont munis de valvules. [20] La maladie thromboembolique veineuse Figure 2 : les principales veines du corps [20] La maladie thromboembolique veineuse b) Le réseau veineux des membres inférieurs : (figure 3) Le système veineux des membres inférieurs comporte deux réseaux séparés par une aponévrose, un réseau veineux profond intra musculaire et un réseau veineux superficiel sous cutanée. Réseau profond : Il est souvent le siège des thromboses veineuses profondes. Schématiquement, le réseau veineux profond est satellite des axes artériels au sein des loges musculaires. Il va ensuite s’unir aux veines du petit bassin pour se collecter dans la veine cave inférieure. Ainsi, au niveau jambier, le système veineux profond s’organise autour du trépied artériel jambier. Pour une artère, il existe habituellement deux veines profondes: deux veines tibiales postérieures, deux veines péronières, deux veines tibiales antérieures. Les veines tibiales postérieures et les veines péronières s’unissent pour former le tronc tibiopéronier. Il existe également des veines jumelles internes et externes qui drainent le sang des muscles jumeaux, et les veines soléaires. Au niveau du creux poplité, la veine poplitée débute par l’union du tronc veineux tibiopéronier et des veines tibiales antérieures. Elle reçoit dans 60 % des cas la veine petite saphène et de nombreuses branches musculaires dont les veines jumelles. La veine poplitée se poursuit par la veine fémorale superficielle. À 6 cm de l’arcade crurale, la veine fémorale superficielle donne, en s’abouchant avec la veine fémorale profonde, la veine fémorale commune. Au niveau de l’arcade crurale, elle devient la veine iliaque externe puis primitive avant de se jeter dans la veine cave inférieure. La maladie thromboembolique veineuse Réseau superficiel : Il est le siège de la maladie variqueuse. Les veines superficielles situées dans le tissu sous-cutané se collectent dans deux troncs veineux principaux : la veine saphène interne ou grande saphène, et la veine saphène externe ou petite saphène. Habituellement, ces troncs collecteurs vont se jeter, pour la veine grande saphène, dans la veine fémorale commune, pour la petite saphène, dans la veine poplitée. De nombreuses collatérales s’abouchent dans les veines saphènes; citons les principales : Ŕ au niveau de la cuisse, la saphène accessoire antérieure qui va s’aboucher à un niveau variable dans la veine grande saphène, et la saphène accessoire postérieure qui, lorsqu’elle communique également avec la veine petite saphène, porte le nom de veine de Giacomini. Ŕ au niveau de la jambe, la veine grande saphène reçoit deux branches accessoires, une branche saphénienne antérieure de jambe et une branche postérieure de jambe ou veine de Léonard. Il existe enfin des veines qui relient système profond et système superficiel, les veines perforantes, ainsi nommées car elles perforent l’aponévrose superficielle. On a identifié plus de 140 perforantes. Sur le territoire de la grande saphène, on distingue principalement les perforantes de Dodd au niveau du canal de Hunter, les perforantes de Boyd en dessous du genou, et les perforantes de Cockett au tiers inférieur de jambe. Il en existe également sur le territoire de la petite saphène, de moins grande importance [21]. La maladie thromboembolique veineuse Figure 3 : les principales veines du membre inférieur. La maladie thromboembolique veineuse c) Les veines des membres supérieurs : (figure 4) Les veines profondes : Arcade veineuse palmaire (aussi veine superficielle) Veines radiales (partiellement profondes, partiellement superficielles) Veines cubitales (partiellement profonde, partiellement superficielles) Veine humérale Veine axillaire (prolongement de la veine humérale). Veine sous-clavière. Les veines superficielles : Les veines de la main à partir des arcades veineuses dorsale et palmaire, lesquelles rejoignent un réseau compliqué de veines superficielles de l’avantbras, déversent finalement leur sang dans deux grosses veines; les veines céphalique et basilique; ces deux veines se déversent dans la veine axillaire profonde. La maladie thromboembolique veineuse Figure 4 : les principales veines superficielles du membre supérieur [20]. La maladie thromboembolique veineuse d) Les veines des organes abdominaux : - Spermatiques (ou ovariennes) - Rénales - Hépatiques S‘écoulent dans la veine cave inférieure - Surrénales - Les veines spermatique gauche et surrénale gauche drainent dans la veine rénale gauche plutôt que dans la veine cave inférieure. - La veine porte qui draine le sang de la rate, de l’estomac, du pancréas, de la vésicule biliaire et des intestins ne déverse pas le sang directement dans la veine cave inférieure. e) Les veines des organes thoraciques : Plusieurs petites veines, telles que les veines bronchiques, œsophagiennes, péricardiques, etc. retournent le sang en provenance des organes thoraciques (sauf celui des poumons) directement dans la veine cave supérieure ou dans la veine azygos. f) Les veines de la tête et du cou : Les veines profondes : Sinus longitudinal supérieur (dans la cavité crânienne) Sinus longitudinal inférieur et sinus droit Nombreux petits sinus Sinus latéraux droit et gauche La maladie thromboembolique veineuse Veines jugulaires internes droite et gauche (dans le cou); prolongement des sinus latéraux Tronc brachio-céphalique (veines innominées droite et gauche) formé par l’union de la veine jugulaire interne et de la veine sous-clavière [20]. g) les cavités cardiaques droites comportent: L’oreillette droite où s’abouchent respectivement la veine cave inférieure (VCI) et la veine cave supérieure (VCS) à l’extrémité inférieure et supérieure. Le ventricule droit. h) le système artériel pulmonaire : L’arbre artériel pulmonaire s’étend des valves pulmonaires aux capillaires. L’artère pulmonaire comprend deux segments : extrapulmonaire et intrapulmonaire. Les artères proximales jusqu’aux branches extraluminales de 1mm de diamètre contiennent des fibres élastiques dans leur paroi. Progressivement, le taux de fibres élastiques diminue alors qu’apparaissent les fibres musculaires : c’est la zone transitionnelle de la cinquième à la dixième génération. Au-delà, pour les vaisseaux de moins de 100µm de diamètre, la paroi ne contient que des fibres musculaires comprises entre la limitante élastique interne et externe. La systématisation pulmonaire artérielle et bronchique est dichotomique non proportionnelle jusqu’au niveau segmentaire correspondant à la zone centrale du poumon, plus proportionnelle en périphérie correspondant aux cortex pulmonaire. La maladie thromboembolique veineuse IV. ANATOMIE PATHOLOGIQUE : [22] IV.1. Définition : Le thrombus est un processus pathologique qui aboutit à la coagulation du sang dans un secteur du système cardio-vasculaire (veine, artère, cœur, capillaire) chez un sujet vivant. Le caillot formé s’appelle un thrombus. Ainsi on exclut par définition : - les caillots sanguins formés en post-mortem ou cadavériques. - Une collection de sang coagulée hors d’une cavité vasculaire (hématome). IV.2. Aspects morphologiques des thrombi : IV.2.1. Aspects macroscopiques : Le thrombus formé in vivo est adhérant à la paroi vasculaire, cassant et de surface rugueuse. Le thrombus constitué est formé de 3 parties : 1. une tête à type de thrombus blanc. 2. un corps de type mixte caractérisé par l’alternance de stries rouges et grisâtes et 3. une queue fibrino-cruorique à type de thrombus rouge aisément détachable et mobilisable. La maladie thromboembolique veineuse IV.2.2. Aspects histologiques : Le thrombus blanc est essentiellement formé de plaquettes et de fibrines. Le thrombus rouge est constitué de fibrines en réseau et d’hématies. Le thrombus mixte est formé par l’alternance de zones rouges fibrino-cruoriques et de zones blancŔgrisâtres essentiellement thrombocytaires. IV.3. Constitution du thrombus : 1ème temps : la lésion provoque l’adhérence des plaquettes et l’activation des facteurs plasmatiques de la coagulation. Les plaquettes commencent à libérer localement le contenu de leur granulation. Il y’a ensuite agrégation des plaquettes et formation d’un thrombus plaquettaire mêlé de fibrine. C’est le thrombus blanc. 2ème temps : coagulation progressive de la fibrine qui enserre dans ses mailles les éléments figurés du sang. La coagulation se fera sous forme de stries alternées blanche (plus riche en fibrine) et rouge (plus riche en hématies). Ce sont les stries de Zahn qui caractérisent les thrombi mixtes. 3ème temps : le thrombus mixte oblitère plus ou moins le vaisseau. Le sang coagule en masse en aval de l’obstacle; ainsi se forme le thrombus rouge constitué de fibrines en réseau contenant les éléments figurés du sang. La constitution d’un thrombus complet demande plusieurs heures. La maladie thromboembolique veineuse V. PHYSIOPATHOLOGIE : C’est au milieu du 19éme siècle que les mécanismes de la thrombose veineuse ont commencé à être appréhendés. En 1843 Hunter décrit la phlébothrombose où il favorise le rôle de l’inflammation de la paroi interne de la veine dans sa survenue. C’est néanmoins au pathologiste berlinois Rudolph Virchow (1821-1902) que revient le mérite d’avoir décrit les principaux mécanismes impliqués dans la survenue des thromboses dans une triade qui porte désormais son nom et qui reste d’actualité : ralentissement de l’écoulement sanguin (stase sanguine) altération de la paroi vasculaire (lésion endothéliale) modification de l’hémostase (trouble de coagulation: hypercoagulabilité / thrombophilie). Des avances significatives ont été réalisées dans la compréhension des facteurs humoraux d’hypercoagulabilité, cependant les mécanismes des interactions entre l’endothélium, les plaquettes sanguines et les leucocytes ont été moins bien étudiés [23, 24]. V.1. Siège des thromboses : Toutes les veines de l’organisme peuvent être le siège de thromboses. Classiquement, les veines des membres inférieurs sont les plus touchées, avant les veines pelviennes (dont la prévalence est probablement sous estimée en raison de la difficulté du diagnostic paraclinique). Enfin on trouve les veines des membres supérieurs qui constituent 2 à 2,5% des TVP des membres [25]. La maladie thromboembolique veineuse V.2. Point de départ de la thrombose : Le thrombus veineux apparaît au niveau des zones à bas débit sanguin: les sinus veineux ou les sacs valvulaires des veines profondes des membres inférieurs. En effet, 70 à 80% des thromboses débutent au niveau des sinus veineux du triceps sural, qui se vide lors de la contraction musculaire. Lorsque celle-ci est absente de façon prolongée pour une raison quelconque, les sinus séquestrent une importante quantité de sang, ce qui favorise la thrombose. 20 à 30% des TVP débutent au niveau des troncs collecteurs, surtout au niveau des valves qui sont le siège de turbulence favorisant le dépôt des thrombus veineux [22]. L’extension du thrombus responsable de l’occlusion veineuse suit une progression rétrograde (figure 5) [26]. V.3. Histoire naturelle de la thrombose veineuse profonde : Virchow réalise en 1855 la première description de la thrombose et de l’embolie. Les principaux mécanismes impliqués dans la survenue des thromboses font intervenir la stase veineuse, la lésion de l’endothélium et l’activation de la coagulation ; réunies dans la triade de Virchow (figure 6). Ces trois composants de la triade de Virchow agissent souvent en conjonction pour expliquer une thrombose, mais inversement aucun de ces éléments, pris séparément, n’entraîne systématiquement une thrombose. La maladie thromboembolique veineuse Valvule Formation du thrombus au niveau du « nid » valvulaire Stries de Zahn Occlusion de la veine et extension rétrograde du thrombus Figure 5: progression rétrograde du thrombus après développement initial au niveau des poches valvulaires veineuses. [26] La maladie thromboembolique veineuse Stase veineuse Thrombose veineuse profonde Lésion de l’endothélium Figure 6 : la triade de Virchow Activation de la coagulation La maladie thromboembolique veineuse V.3.1. Stase veineuse : La stase est un élément prépondérant de la thrombogenèse veineuse. Elle favorise, d’une part, l’accumulation des différents facteurs procoagulants et elle limite, d’autre part, l’élimination des facteurs activés. Le rôle de la stase dans la genèse de thrombose veineuse a été démontré par deux études : celle de Warlow [27] qui a permis l’observation chez les patients hémiplégiques d’une prévalence de TVP dans le membre paralysé plus élevée que dans le membre sain, celle de Turpie [28] qui a mis en évidence la réduction de cette prévalence dans le même contexte, après l’utilisation de la compression pneumatique intermittente luttant contre la stase du membre paralysé. Différents phénomènes peuvent être responsables du ralentissement du flux sanguin : l’immobilisation ralentit le retour veineux par défaut de contraction musculaire. La réduction de la marche liée à un état grabataire ou à l’impotence fonctionnelle est un facteur de risque démontré d’accident thrombotique veineux postopératoire. Bien entendu, la survenue d’un accident thrombotique est aussi liée au type de geste opératoire, à la durée de l’intervention chirurgicale, à la pathologie sous-jacente ou au terrain du patient pouvant aggraver cette stase. l’obésité, responsable d’une mobilité réduite et associée à une réduction de l’activité fibrinolytique, pourrait ainsi majorer le risque de TVP postopératoire. La maladie thromboembolique veineuse la compression extrinsèque (hématome, kyste, tumeur…) ou la persistance de séquelles post-thrombotiques, gênant le retour veineux, majorent le risque thrombotique. l’hyperviscosité sanguine en cas d’hypercytose (polyglobulie, hyperleucocytose, leucémie…), de dysglobulinémie (myélome, Waldeström…) est un élément à ne pas négliger. la déshydratation peut renforcer l’hypercoagulabilité plasmatique éventuelle par l’hémoconcentration des facteurs procoagulants. Les diurétiques utilisés au cours d’une défaillance cardiaque congestive peuvent ainsi contribuer à accroître le risque thrombotique par la majoration de l’hémoconcentration associée à la stase sanguine. les dilatations veineuses (varices, insuffisance veineuse, grossesse). Mais si la stase est un phénomène physique nécessaire, elle semble incapable à elle seule de générer un thrombus. En effet, des études ultrastructurales ont révélé l’existence de lésions endothéliales associées responsables d’une perméabilité vasculaire accrue, d’une adhésion leucocytaire et d’une migration cellulaire importante. V.3.2. Lésion endothéliale : La paroi endothéliale saine est thromborésistante par la synthèse de substances antithrombotiques telles que la prostacycline, la thrombomoduline, le tPA (activateur tissulaire du plasminogène) ou les glycosaminoglycanes. La balance hémostatique est néanmoins assurée par la sécrétion de facteurs procoagulants: facteur tissulaire, PAI-1 (inhibiteur de l’activateur tissulaire du La maladie thromboembolique veineuse plasminogène), facteur Willebrand. Par ailleurs, les cellules endothéliales possèdent de nombreuses molécules adhésives, assurant les interactions intercellulaires telles que l’adhésion leucoplaquettaire ou leucoendothéliale (Esélectine, VCAM-1, ICAM-1). Elles sécrètent diverses cytokines proinflammatoires, contribuant à amplifier l’activation cellulaire au sein du compartiment vasculaire et à renforcer ainsi le profil procoagulant en cas de lésion vasculaire (IL1, IL8, TNF alpha...) [26]. Le tableau 1 reprend les différentes activités de l’endothélium et les médiateurs impliqués [23]. Les causes de l’atteinte endothéliale sont multiples : traumatismes opératoires telles les interventions pour prothèse de hanche ou du genou sont particulièrement associées à une incidence accrue de phlébites. sclérothérapies : la survenue de thromboses veineuses n’est pas négligeable au décours de séances itératives de sclérothérapie. cathéters veineux: la prévalence de thrombose sur cathéter des gros troncs veineux est d’environ 5% et un tiers des TV des membres supérieurs seraient dues à un cathéter veineux. Ce type de thrombose est aussi facilité par l’infection secondaire du cathéter (staphylocoque doré, bacille à Gram négatif ou Candida albicans). mise en place d’une sonde de stimulateur cardiaque: elle se compliquerait de TV du membre supérieur dans près de 30% des cas. La maladie thromboembolique veineuse injections multiples des toxicomanes : ce contexte associe le caractère traumatique itératif au caractère procoagulant des substances injectées (cocaïne, amphétamines, quinine...). antécédents de thrombose veineuse : en effet, les séquelles phlébologiques, la dégradation valvulaire et la distension musculaire pariétale limitent le retour veineux et aggravent la stase veineuse [26]. De même que pour la stase, on a montré qu’expérimentalement une lésion endothéliale entraîne bien une adhérence plaquettaire, mais n’est pas suffisante à elle seule pour créer une thrombose [29]. V.3.3. Anomalies de la coagulation : L'hémostase se déroule en trois phases, intriquées entre elles : l'hémostase primaire, la coagulation plasmatique et la fibrinolyse. L'hémostase primaire permet l'obturation d'une brèche vasculaire par les plaquettes. La coagulation consolide ce thrombus blanc en créant un réseau de fibrine polymérisée qui participe, avec les globules rouges et les plaquettes, à la formation du thrombus, dit thrombus rouge. La fibrinolyse permet la destruction enzymatique du caillot et la restitution complète de la paroi vasculaire. La thrombose survient lorsque le système se déséquilibre au profit de la phase de coagulation. La coagulation plasmatique est l'ensemble des réactions enzymatiques qui aboutissent à la transformation du fibrinogène soluble en fibrine insoluble, par l'intermédiaire de la thrombine. Elle fait intervenir une série de pro-enzymes La maladie thromboembolique veineuse inactifs. Quand il est clivé par protéolyse et activé, chacune de ces pro-enzymes est capable d'activer un ou plusieurs composants de la cascade de coagulation. Les facteurs activés sont désignés par le suffixe « a ». Ces réactions requièrent habituellement une source de phospholipides appropriés et du calcium. Deux voies d’activation sont connues. La voie «extrinsèque » est la principale voie d'hémostase in vivo. Quand des vaisseaux sont lésés, les cellules sous endothéliales de ceux-ci sont exposées. Toutes les cellules normalement non exposées à la circulation expriment une protéine transmembranaire appelée facteur tissulaire. Le facteur I tissulaire active le facteur VII, qui lui-même active le facteur X. Dans la voie «intrinsèque », la surface sous-endothéliale négativement chargée et le collagène, exposés par la lésion vasculaire, activent le « système contact », qui lui-même active le complexe des facteurs VIII et IX. Ce complexe active alors le facteur X. Le facteur X activé forme avec le facteur V un complexe à la surface des plaquettes activées, et ce complexe convertit la prothrombine en thrombine. La thrombine convertit le fibrinogène en monomère de fibrine, qui se polymérise et constitue grâce au facteur XIII un réseau afin de former un caillot stable. La coagulation est contrôlée par les inhibiteurs suivants : l'antithrombine (inhibiteur des facteurs Xa et IIa), le second cofacteur de l'héparine (inhibiteur du facteur IIa), le système thrombomoduline protéine C protéine S (inhibiteur du Va et VIIa) et l'inhibiteur de la voie extrinsèque (TFPI) (inhibiteur du VIIa). Les principaux acteurs de ce système sont résumés dans le tableau 2. La maladie thromboembolique veineuse Le système fibrinolytique contribue, après activation du plasminogène en plasmine par le tPA (activateur tissulaire du plasminogène), à limiter la progression du thrombus. La figure 7 reprend les mécanismes hémostatiques normaux, avec les facteurs de coagulation des voies extrinsèque et intrinsèque [30]. V.4. Progression du thrombus initial : Une fois fermé, le thrombus progresse vers le centre de la lumière veineuse par strates successives constituées de fibrine, de globules rouges et de plaquettes. Quand la lumière du vaisseau est complètement occluse, l’absence de flux aboutit à la progression rapide du thrombus vers l’amont et l’aval. La rupture de la base du thrombus, favorisée par la fibrinolyse physiologique et sa libration dans le courant sanguin, où il va se déplacer constituant un embole, est responsable de la survenue d’une EP qui fait toute la gravité des thromboses veineuses. L’extension proximale de la thrombose dépend du flux des collatérales d’aval, expliquant que le pôle supérieur du thrombus s’arrête le plus souvent au niveau des confluences veineuses. Une fois la veine totalement occluse le thrombus adhère à la paroi et s’organise avec la formation progressive d’un tissu de granulation qui prend la place du thrombus. Cela entraîne une rétraction et un épaississement de la paroi veineuse. Ce processus conduit inévitablement à la destruction du jeu des valvules intéressées par la thrombose. L’incontinence valvulaire et l’augmentation de la pression dans le réseau d’amont qui en découlent sont responsables de la survenue de la maladie veineuse postŔthrombotique [22, 30]. La maladie thromboembolique veineuse Tableau 1 : différentes activités de l'endothélium et médiateurs impliqués. Type d'activité Activité pro-agrégante plaquettaire Molécules impliquées Facteur Willebrand, platelet activating factor, protéines d'adhérence. Activité antiagrégante plaquettaire Protéoglycanes de surface, NO, prostacycline, 13-HODE. Activité procoagulante Facteur V, facteur Willebrand, facteur tissulaire, surface de liaison des facteurs de la coagulation. Activité anticoagulante Thrombomoduline, inhibiteur de la voie extrinsèque (TFPI), protéine 5, protéase nexine l, glycosaminoglycanes Activité antifibrinolytique Inhibiteur de l'activateur du plasminogène (PAI1), activité profibrinolytique, activateur tissulaire du plasminogène (IPA) Adhérence de cellules hétérotypiques Molécules d'adhérence. Angiogénèse Facteurs de croissance. Maintien du tonus vasculaire NO, prostacycline, bradykinine, endothéline, angiotensine II 13-HODE: acide13-hydroxyoctadécadiénoïque; TFPI: tissue factor palhway inhibitor. La maladie thromboembolique veineuse Tableau 2 : différents éléments fabriquant et détruisant le caillot sanguin et leurs inhibiteurs physiologiques Eléments «fabriquant » le caillot Eléments « détruisant» le caillot Plaquettes Plasminogène Facteur Xl (Rosenthal) Activateur tissulaire du plasminogène Facteur IX (antihémophilique B) Urokinase Facteur XII (Hageman) Facteur VlIIc (antihémophilique A) Facteur VII (Proconvertine) Facteur X (Stuart) Facteur II (Prothrombine) FacteurI (Fibrinogène) Facteur V (Proaccélérine) Prékallicréine Kininogène de haut poids moléculaire Inhibiteurs physiologiques Inhibiteurs physiologiques Antithrombine Inhibiteur de l'activateur de plasminogène Protéine C α.2 antiplasmine Protéine S Facteur XII La maladie thromboembolique veineuse Figure 7 : mécanismes hémostatiques normaux. La maladie thromboembolique veineuse VI. FACTEURS DE RISQUE : On entend par facteur de risque (FDR) des conditions constitutionnelles ou acquises, qui par leur présence chez un patient favorisent la survenue d’une thrombose. Les FDR de MTEV décrits dans la littérature scientifique médicale sont multiples, répandus, complexes, souvent associés et se potentialisent chez un même patient (tableau 3). Actuellement une autre classification, reprise dans le tableau 4 repose sur les facteurs de risque acquis, génétiques et mixtes [31]. VI.1. FDR acquis : Ces facteurs de risque peuvent être divisés en facteurs de risque persistants et facteurs de risque réversibles, comme le montre le tableau 5 [32]. La maladie thromboembolique veineuse Tableau 3 : les principaux facteurs de risque de MTEV identifiés dans la littérature médicale entre 1972 et 2005 [7]. Facteurs de risque Facteurs médicaux -Antécédent de MTEV - Anémie de Biermer - Artérite décompensée - Athérosclérose. -BPCO décompensée - Brûlures graves. -Cancers, syndromes myéloprolifératifs -Cœur pulmonaire chronique -Colites inflammatoires -Diabète. -Entéropathies inflammatoires. -Filtres de la veine cave. -Hémoglobinurie nocturne paroxystique - Hypertension artérielle. -Infarctus - Infections - Insuffisance cardiaque - Insuffisance respiratoire - Insuffisance veineuse chronique. -Lupus. -Maladie de Behçet - Maladie de Buerger - Malformations vasculaires. -Obésité. -Paralysie d’un membre inférieur. -Syndrome d’apnée du sommeil - Syndrome des antiphospholipides - Syndrome néphrotique. -Thrombopénie à l’héparine. -Varices. Facteurs chirurgicaux -Amputation - Chirurgies -Plâtre - Traumatismes. Facteurs divers -Age - Sexe masculin. -Cathéters - Compressions veineuses. -Grossesse - Post-partum Ŕ Immobilisation. -Saisons. -Tabac ŔToxicomanie. -Voyages prolongés. Facteurs d’expression biologique -Déficit en antithrombine III - Déficit en protéine C - Déficit en protéine S. -Dysfibrinogénémies Ŕ Hyperhomocystéinémie. -Facteurs VII, VIII, IX, XI. -IL8 - Lp (a) - Dyslipidémies. Facteurs génétiques -Facteur II 20210A - Facteur V Leiden - Déficit en protéine S - Groupe non O - MTHFR -Polymorphisme de l’ACE - Lp (a) - Dyslipidémies. Facteurs lies aux traitements -Anti-psychotiques - Chimiothérapies anticancéreuses - Statines. -Tamoxifène - Thalidomide -Traitement hormonaux. La maladie thromboembolique veineuse Tableau 4 : les principaux facteurs de risque de la MTEV [31]. Facteurs de risque acquis Facteurs de risque Facteurs de risque mixtes génétiques -Age -Déficit en antithrombine III -Hyperhomocysteinémie -ATCD de MTEV -Déficit en protéine C -Concentration élevée en -Immobilisation -Déficit en protéine S fibrinogène -Chirurgie -Facteur V Leiden -Concentration élevée en -Traitement hormonal -Facteur II Leiden facteur XI (œstrogènes) -Dysfibrinogénémie -Concentration élevée en -Anticorps -Groupe sanguin non O facteur IX antiphospholipides -Syndromes myéloprolifératifs -Grossesse Tableau 5 : les facteurs de risque acquis de thrombose veineuse [32]. Facteurs de risque persistants Facteurs de risque transitoires Age Chirurgie Cancer, syndromes myélopro- Grossesse et post-partum lifératifs Contraception orale ATCD de thrombose veineuse Traitement hormonal substitutif Insuffisance cardiaque Traitement neuroleptique Insuffisance veineuse Immobilisation prolongée Obésité Long voyage La maladie thromboembolique veineuse VI.1.1. FDR persistants: VI.1.1.1. Age: L’âge est un facteur de risque classiquement admis de MTEV, en effet, cette pathologie est extrêmement rare chez l’enfant mais son incidence croit de façon exponentielle entre 20 et 80 ans [33]. Le risque de MTEV est multiplié par deux après chaque décade. Au delà de 65 ans le risque augmente plus rapidement [7, 34]. VI.1.1.2. L’antécédent de MTEV : C’est un facteur de risque très important avec une incidence cumulée de récidive à cinq ans de 20% après un premier épisode [32]. En fait le risque de récidive de MTEV variait en fonction des circonstances de survenue de l’événement initial ou de sa nature [7, 35]. Ainsi l’existence d’une situation à risque (cancer, chirurgie,…) rend le risque de récidive de MTEV plus important [7]. Les MTEV idiopathiques sont connues pour récidiver plus fréquemment [7, 36]. De plus en présence d’une embolie pulmonaire, la récidive est plus souvent une embolie pulmonaire avec un risque relatif de 4,0 [7, 37]. VI.1.1.3. Cancer et syndrome myéloprolifératif : La relation entre TVP et cancer est bien connue depuis la description d’Armand Trousseau en 1865 et par de nombreuses études épidémiologiques menées ces dernières années [38, 39, 40]. La maladie thromboembolique veineuse Une thrombose peut survenir au décours de l’évolution d’un cancer connu mais peut également révéler une néoplasie occulte, d’autant plus qu’il s’agit d’une thrombose idiopathique ou récidivante. Dans deux études totalisant plus de 85000 patients [41, 42], le risque relatif de cancer après une thrombose veineuse, au cours de la première année suivant la thrombose est multiplié par 3 à 4 par rapport à l’incidence de cancer dans la population générale. Certains types de cancer sont associés de façon fréquente à La MTEV : Utérus, cerveau, ovaire, pancréas, poumon. À l’inverse des cancers ORL qui sont moins associés au risque de METV [7, 43]. Les mécanismes responsables de thrombose en cas de cancer sont nombreux et concernent notamment des anomalies des fonctions plaquettaires, la sécrétion par la tumeur de substances pro-coagulantes (facteur tissulaire, cystéine, protéase) ou encore la synthèse d’anticoagulants circulants. La compression directe d’une veine par la tumeur n’est pas le mécanisme le plus souvent en cause [32, 44]. Les syndromes myéloprolifératifs sont fortement associés à la survenue de MTEV, ils doivent être systématiquement recherchés sur l’hémogramme effectué lors du bilan initial de thrombose veineuse. VI.1.1.4. Maladie de système : [45] - Le lupus érythémateux disséminé engendre 20% de TVP, ceci est lié à la présence d’anticorps antiphospholipides. La maladie thromboembolique veineuse - Dans la maladie de Behçet, la TVP est plus souvent localisée au niveau du système cave supérieur. - La maladie de Buerger est responsable de thromboses veineuses superficielles. VI.1.1.5. Affections médicales : [7, 46] Les cardiopathies : Les cardiopathies non ischémiques augmentent le risque de MTEV selon la gravité de l’insuffisance cardiaque et/ou l’existence d’une fibrillation auriculaire (ACFA) [43]. Accident vasculaires cérébraux (AVC) : La maladie thromboembolique survient plus volontiers lors d’un accident ischémique qu’hémorragique. Paralysie totale ou parésie d’un membre inférieur : La paralysie d’un membre inférieur constitue un facteur majeur de thrombose. Insuffisance veineuse chronique. Autres affections médicales : Les Maladies inflammatoires, infections graves, insuffisance respiratoire, infarctus du myocarde, syndrome néphrotique. VI.1.1.6. Autres FDR persistants : [47, 48] Le rôle de l’obésité comme facteur de risque, tout comme la présence de varices, reste controversée. La maladie thromboembolique veineuse VI.1.2. FDR réversibles : VI.1.2.1. chirurgie et traumatisme : La chirurgie et par conséquent le type de chirurgie constitue un des facteurs de risque important de MTEV : - la chirurgie carcinologique et la neurochirurgie sont associées à des taux de thrombose post-opératoires élevés [7, 49,50]. - la fréquence de thrombose en chirurgie aorto-iléo-fémorale semble être de la même ampleur que dans d’autres types de chirurgie abdomino-pelvienne (20 à 30%) [49]. - en orthopédie et traumatologie on peut identifier trois groupes de situations à risque thromboembolique veineux. Prothèse de hanche (PTH), de genou (PTG), et fracture de hanche ou polytraumatisé grave sont à risque élevé [51, 52, 53]. - la chirurgie du pontage aorto-coronaire (PAC), les résections pulmonaires par thoracotomie ou par thoracoscopie et la chirurgie vasculaire de l’aorte abdominale ou des membres inférieurs sont des chirurgies à haut risque d’événements thromboemboliques postopératoires, l’incidence de ces événements après médiastinoscopie, chirurgie carotidienne ou chirurgie de l’aorte thoracique n’est pas connue [54]. - en chirurgie générale, le risque est multiplié par un facteur compris entre 4 et 22, en fonction du type de chirurgie et des méthodes de prophylaxie [7, 55]. La grande variation du risque est liée aux différentes procédures chirurgicales La maladie thromboembolique veineuse ainsi qu’au risque du patient lui-même notamment en cas de cancer [7]. Le tableau 6 nous donne une idée sur la fréquence de survenue d’une embolie pulmonaire fatale en dehors de toute prophylaxie antithrombotique en fonction du type de chirurgie. Afin d’améliorer les attitudes prophylactiques, il est maintenant habituel de classer le risque opératoire de MTEV en trois niveaux faible, modéré et élevé, comme le montre le tableau 7 [49]. VI.1.2.2. immobilisation prolongée : Dans deux séries autopsiques, la prévalence de la TVP à été analysée en fonction de la durée d’immobilisation au lit. Elle est d’au moins 15% pour un alitement de moins d’une semaine et de 80% au delà [56]. L’hospitalisation multiplie par 100 le risque de développer une thrombose par rapport à la population générale après ajustement sur l’âge et le sexe [7, 57]. En médecine générale, le risque de développer une thrombose veineuse en cas d’immobilisation peut être estimé à 6 [7, 58]. La maladie thromboembolique veineuse Tableau 6 : fréquence de survenue d’une embolie pulmonaire fatale en dehors de toute prophylaxie [49]. Chirurgie Fréquence (%) chirurgie générale 0,5 - 1,0 arthroplastie de la hanche 0,1- 0,4 chirurgie de fracture de hanche cholecystectomie laparoscopique arthroplastie du genou fracture pelvienne 3,6 - 12,9 0,02 0,1- 0,2 0,2 Tableau 7 : classification du risque de maladie thromboembolique veineuse en postopératoire [49]. Risque faible - 40 ans, aucun autre facteur de risque - 40 ans, chirurgie mineure Risque modéré - chirurgie majeure abdominale / pelvienne plus au moins un facteur de risque. Risque élevé 40 ans, chirurgie orthopédique majeure ou chirurgie abdominale / pelvienne pour cancer. La maladie thromboembolique veineuse VI.1.2.3. voyage prolongé : L’incidence des événements thromboemboliques liés au voyage est mal connue mais le rôle de la durée du voyage et donc de la distance comme facteur de risque est bien établi. Ainsi ce risque est reconnu pour les voyages de plus de 6 heures pour les quelles des mesures prophylactiques comportementales ou pharmacologiques devront être envisagés selon le risque individuel. En ce qui concerne le voyage aérien, les données les plus disponibles confirment l’association entre ce type de voyage et la MTEV, le risque de MTEV symptomatique après un voyage aérien de plus de 8 h est autour de 0,5 %. Ce risque est extrêmement bas chez les voyageurs sans FDR thromboembolique préexistant [59, 60, 61, 62]. VI.1.2.4. grossesse et post-partum : Les thromboses veineuses sont les complications veineuses les plus fréquentes au cours de la grossesse et la période puerpérale. L’embolie pulmonaire est la principale cause de mortalité maternelle [63, 64]. En fait pendant une grossesse le risque relatif de présenter un accident thromboembolique est 5 à 6 fois supérieur à celui d’une femme du même âge non enceinte et ne prenant pas de contraceptifs oraux. La moitié des accidents thromboemboliques affectant les femmes de moins de 40 ans survient dans un contexte de grossesse [63]. Le risque relatif de MTEV durant le post-partum (défini comme six semaines suivant la délivrance) est 10 à 15 fois supérieur à celui observé durant le reste de la grossesse [65], avec prédominance des TVP La maladie thromboembolique veineuse en pré-partum alors que la période du post-partum est plutôt associée à la survenue d’embolie pulmonaire [66]. Par ailleurs, la prise en charge médicale des patientes nécessite une meilleure stratification du risque de MTEV maternelle au cours de la grossesse et du postpartum et après césarienne comme l’indique le tableau 8. Le tableau 8 décrit la stratification du risque de MTEV en quatre classes en cours de grossesse et après césarienne (modifié à partir de la conférence de consensus « thrombophilie et grossesse 2003 ») [66]. VI.1.2.5. Contraception orale oestroprogestative : Les osestroprogestatifs multiplient le risque de thrombose par 2 par rapport à un placebo, cependant le risque de base est très faible (0.3/10000 femme /an) et ce risque est surtout important lors de la première année de traitement [7, 67]. VI.1.2.6. Traitement hormonal substitutif : (THS) Les risques de thrombophlébite veineuse profonde et d’embolie pulmonaire sont majorés par le traitement hormonal substitutif avec un risque relatif de 3,1 [68]. VI.1.2.7. Les causes iatrogènes : Les traitements associés au cancer augmentent le risque de MTEV notamment la chimiothérapie [7]. Le port de cathéter veineux central chez les patients atteints de cancer est associé à un taux de thrombose veineuse évalué entre 30-60% avec 11% d’embolie pulmonaire symptomatique [69, 70, 71]. Pour les psychotropes, la relation parait plus forte avec un risque relatif de MTEV de 7,1 ; en particulier avec la chlorpromazine [7]. La maladie thromboembolique veineuse Tableau 8 : catégories de risque de MTEV maternelle au cours de la grossesse et de postpartum, et après césarienne [66]. Risque majeur Risque élevé Risque modéré Risque faible Antécédent de MTEV multiples Malades traitées au long cours par anticoagulants avant la grossesse pour un épisode de MTEV en rapport avec une thrombophilie Antécédent de MTEV, sans facteur de risque retrouvé Antécédent de MTEV, associé à l’un des facteurs biologiques de risque suivants : -Déficit en ATa, SAPLa -Mutation homozygote isolée 20210A ou FV Leiden -Anomalies hétérozygotes combinées* (surtout mutation 20210A+Leiden hétérozygote) Antécédent de MTEV lors de grossesse antérieure ou au cours d’un traitement oestrogénique Antécédent de MTEV, avec facteur déclenchant temporaire lors de l’épisode antérieur Antécédent de MTEV, avec facteur biologique de risque (autre que ceux cités cidessus) Présence d’un des facteurs biologiques de risque, asymptomatique et dépisté dans le cadre d’une MTEV familiale, surtout si : -Déficit en ATa, SAPLa -Mutation homozygote isolée 20210A ou FV Leiden -Anomalies hétérozygotes combinées* (surtout mutation 20210A+Leiden hétérozygote) Césarienne en urgence Césarienne et chirurgie pelvienne majeure associée Présence de 3 facteurs de risque faible Aucun facteur de risque Ou présence de <3 facteurs suivants : -Age <35 ans, obésité (IMC>30 ou poids >80 KG), varices, HTA -Facteurs obstétricaux : césarienne, multiparité>4, pré-éclampsie, alitement strict prolongé, hémorragie du post-partum, etc. -Maladie thrombogène sous-jacente (syndrome néphrotique, MICI en poussée, infection intercurrente systématique, etc.) IMC : indice de masse corporelle ; MICI : maladie inflammatoire chronique de l’intestin. Pour les formes asymptomatiques de SAPL, et de déficit en antithrombine, l’évaluation du risque est établie au cas selon notamment l’importance des antécédents familiaux. La maladie thromboembolique veineuse VI.1.2.8. Thrombophilies acquises : Définition d’une thrombophilie : La thrombophilie peut être définie comme les anomalies constitutionnelles ou acquises des mécanismes hémostatiques qui peuvent prédisposer aux thromboses [72]. La thrombophilie acquise regroupe le syndrome des antiphospholipides (SAPL), l’hyperhomocysteinémie modérée et le syndrome de Trousseau. Le syndrome des antiphospholipides : On distingue sous le terme de «syndrome des anticorps antiphospholipides» l’ensemble des manifestations cliniques et biologiques secondaires ou associées à la présence d’antiphospholipides (aPL) et/ou de leurs cofacteurs [73]. Il représente l’une des plus fréquentes causes de thrombophilie acquise [31]. En fait l’attention doit être attirrée vers un SAPL d’autant plus que la thrombose veineuse survient dans un territoire inhabituel : veines caves, rénales, surrénales, mésentériques … etc. [74] Heyperhomocysteinémie modérée : L’homocysteine est un acide animé soufré situé sur la voie métabolique de la méthionine. Au cours de la MTEV les liens avec une hyperhomocystéinémie modérée semblent étroits. La prévalence d’une hyperhomocystéinémie basale ou après charge en méthionine était significativement plus élevé chez les patients avec MTEV que chez les témoins appariés pour l’âge et le sexe [75]. La maladie thromboembolique veineuse VI.2. FDR génétiques -thrombophilies constitutionnelles-: Après la découverte de déficit en antithrombine (AT), les anomalies du système de la protéine C (PC) avec les déficits en PC ou en protéine S (PS) et la résistance à la protéine C activée constituent les causes les plus fréquentes de thrombophilie. Le facteur II G20210A, à été décrit comme générant un risque accru d’accident thromboembolique. D’autres facteurs génétiques seraient des coupables potentiels : l’augmentation de facteur de la coagulation tels que le VIII, le IX ou le XI, une dysfibrinogénémie, l’hyperhomocystéinémie majeure, des variants de la thrombomoduline, du second cofacteur de l’héparine, ou du TAFI (thrombin-activatable fibrinolysis inhibitor)…etc. [76] VI.2.1. Déficit en antithrombine : L’antithrombine est un inhibiteur physiologique de la coagulation et un cofacteur indispensable à l’action des héparines [76]. Les déficits en AT forment un groupe très hétérogène, avec des conséquences cliniques variées (Tableau 9). L’augmentation du risque de MTEV est documentée par le déficit en AT avec un risque relatif de 42,8 [7]. Tableau 9 : conséquences cliniques des différents types de déficits en antithrombine (RS = réactive site, HBS = héparine binding site) [77]. Type I homozygote : apparemment non viable. Type II RS et type I hétérozygotes : risque thrombotique veineux important. Type II HBS hétérozygote : risque thrombotique faible. Type II HBS homozygote : complications artérielles fréquentes La maladie thromboembolique veineuse VI.2.2. Déficit en protéine C : [7, 76, 77] La protéine C (PC) est un autre inhibiteur physiologique de la coagulation. C’est une protéine vitamine-K dépendante et qui dégrade les facteurs V et VIII activés. Le risque relatif de MTEV est de 31,3 en cas de déficit en PC. VI.2.3. déficit en protéine S : [7, 76] La protéine S est également une protéine vitamine-K dépendante et qui joue le rôle de cofacteur de la protéine C. Le risque relatif de MTEV est de 35,7 en cas de déficit en protéines S. VI.2.4. Facteur V Leiden et résistance à la protéine C activée (RPCA) : Il s’agit d’une mutation sur le gène du facteur V. Le facteur V mutant devient résistant à la neutralisation par la protéine C, il est alors dénommé facteur V Leiden [77]. Les données épidémiologiques ont établi sans ambiguïté l’implication du facteur V Leiden et de la RPCA dans la MTEV avec un risque relatif de 4,9 [7, 78]. VI.2.5. Mutation du gène de la prothrombine ou polymorphisme G20210A du gène du facteur II : Ce polymorphisme du facteur II ou prothrombine est retrouvé chez 6-18 % des patients présentant une thrombophilie familiale. Il serait associé à une augmentation de deux à cinq fois du risque de survenue de thromboses veineuses [77, 79]. La maladie thromboembolique veineuse VI.2.6. L’hyperhomocysteinémie majeure ou homocystéinurie : Il s’agit d’un syndrome clinico-biologique caractérisé par une hyperhomocysteinémie constitutionnelle et majeure (supérieure à 100 μmol/l) [80]. Un taux plasmatique d’homocysteine supérieur à 18,5 μmol/l est associé à la survenue d’une thrombose veineuse profonde dans deux méta-analyses avec un odd ratio de 2 à 2,5 [75, 77, 81]. VI.2.7. Augmentation du facteur VIII circulant d’origine génétique : Un taux de l’activité coagulante du facteur VIII (antihémophilique A) supérieur à 150 UI/dl ou 150% est reconnu comme facteur de risque indépendant associé à une augmentation du risque de survenue de thrombose veineuse profonde de 4,7 à 6 fois. Cette élévation serait constitutionnelle et indépendante de la phase aiguë inflammatoire [76, 78, 82]. VI.2.8. Autres facteurs de risque génétiques : Plus récemment un taux élevé de facteur IX (risque relatif 2,2), de facteur XI (RR 1,9) ont été décrits comme facteurs de risque thromboemboliques veineux [7]. En conclusion, bien qu’importants, les facteurs de risque génétiques jouent un rôle moindre que les facteurs acquis (environnementaux) dans le déterminisme de cette pathologie. Toutefois la quantification du risque thromboembolique est importante à connaître, ce qui permet de classé le patient en risque faible, risque modéré ou risque élevé dont dépend la stratégie de prévention comme l’indique les tableaux (11 ; 12) [83, 84]. La maladie thromboembolique veineuse Tableau 10 : prévalence et risque de survenue d’une thrombose veineuse pour les principaux facteurs de risque génétiques [77]. Prévalence Prévalence (population (population avec générale) thrombose veineuse) Déficit en AT 0,002% 1- 3% 5 (très variable) Déficit en PC 0,2 - 0,4% 3 - 5% 10 Déficit en PS 0,03 - 0,13% 1- 5% 10 FV Leiden hétérozygote 5 (1 - 15) 20 - 25% 8 Allèle 20210A 2 (1 - 3) 6 - 18% 2 5 10% 2 FVIII > 150UI 11 25% 4-6 FIX > 90° percentile 3 7,5% 2-3 FXI > 90° percentile 10 19% 2 Facteur de risque Risque relatif Hyperhomocystéinémie ( >18,5 mol/l) La maladie thromboembolique veineuse Tableau 11 : quantification du risque thromboembolique [83]. Risque lié à la chirurgie - Membre supérieur - Endo-urologie - Curetage Niveau de risque Risque lié au patient - Absence de facteur de risque thromboembolique Risque faible - Cholécystectomie - Plâtre du membre inférieur - Rachis sans trouble neurologique - Rein, vessie en dehors du cancer - Hystérectomie - Plastie tubaire - Appendicectomie compliquée - Maladie de Crohn - Bassin et membres inférieurs - Rachis avec troubles Neurologiques - Cystectomie totale - Prostatectomie radicale - Plastie utérine - Pancréas (cancer) - Colectomie (cancer) - Ovariectomie (cancer) Risque modéré Risque important - > 40 ans Varices Contraception par oestroprogestatifs Cardiopathie décompensée Alitement périopératoire > 4 jours Infection préopératoire généralisée ou localisée aigue - Obésité - Cancer actuel ou évolutif Antécédents thromboemboliques Paralysie des membres inférieurs Syndrome myéloprolifératif Thrombophilie : mutation V, déficit en protéine S et C ; antithrombine III, anticoagulant circulant La maladie thromboembolique veineuse Tableau 12 : niveaux de risque thromboembolique veineux [84]. Risque faible -chirurgie mineure non compliquée, âge <40ans Risque modéré -chirurgie majeure, ou mineure, âge 40-60 ans. - chirurgie majeure, âge <40 ans - Chirurgie mineure + facteur de risque Risque élevé - Chirurgie majeure + âge >60ans -Chirurgie majeure + âge 40-60 ans + facteur de risque -Infarctus du myocarde, contexte médical + facteur de risque Risque très élevé -chirurgie majeure + âge >40 ans + antécédents de maladie thromboembolique ou cancer ou hypercoagulabilité. -Chirurgie orthopédique réglée des membres inférieurs, fracture du col du fémur, accident vasculaire cérébral, polytraumatisme, lésions médullaires La maladie thromboembolique veineuse VII. DIAGNOSTIC DE LA MTEV VII.1. Diagnostic clinique de la MTEV : Le diagnostic clinique des deux pôles de la MTEV, la TVP et l’EP, est difficile en raison de l’absence de sensibilité et de spécificité des signes cliniques [85]. VII.1.1. Diagnostic clinique de TVP Même si le diagnostic de TVP ne peut être porté sur le seul examen clinique, il reste capital dans la démarche diagnostique car il permet d’établir un diagnostic de présomption qu’il faudra ensuite confirmer par des examens paracliniques. VII.1.1.1. Type de description : TVP des membres inférieurs : VII.1.1.1.1. Signes cliniques classiques (phlégmatia albadolens) a. La douleur : la douleur spontanée ou provoquée est bien présente dans 60% des cas. Elle n’a pas de caractère spécifique et son intensité est variable. Elle est plus évocatrice lorsqu’elle siège sur un trajet veineux. Le classique signe de Homans n’est pas spécifique de TVP [45, 84, 86]. b. L’œdème : son siège dépend de celui de la thrombose. Il est dur et ne « prend pas le godet », son importance est appréciée par la mesure comparative des deux membres [45]. c. Chaleur et rougeur : (signes inflammatoires) L’augmentation de la chaleur cutanée peut être apprécié par le dos de la main, son caractère localisé est très évocateur d’une thrombose veineuse [45]. La maladie thromboembolique veineuse d. Distension veineuse : elle témoigne d’une circulation collatérale superficielle, elle n’a pas de spécificité et peut aussi évoquer une insuffisance veineuse primaire ou une compression veineuse proximale [84]. Ces signes cliniques peuvent être isolés, s’ils sont associés leur valeur dans l’orientation diagnostic est augmentée. On tente actuellement de standardiser l’évaluation clinique de la TVP. Ainsi le score de Wells (tableau 13) permet de préciser la probabilité clinique de TVP à l’aide de quelques éléments cliniques simples. L’estimation de la probabilité clinique est obtenue par l’addition des points du score : probabilité forte (total (total 3), probabilité modérée (total = 1-2) faible 0) [84, 87, 88, 89, 90, 91]. VII.1.1.1.2. Phlébite bleue (phlégmatia caerulea dolens) Il s’agit d’une urgence thérapeutique, car au tableau de TVP se surajoute celui d’une ischémie aiguë du membre inférieur atteint. Elle associe une douleur intense, un œdème, une cyanose, une ischémie ave un pied froid, une abolition du pouls et un déficit sensitivomoteur [45, 84]. VII.1.1.1.3. Signes généraux : Une hyperthermie aux environs de 38°C, une sensation d’angoisse, une accélération du rythme cardiaque (pouls grimpant de Mahler) sont fréquemment observés [45, 92]. VII.1.1.1.4. Les diagnostics différentiels : Le tableau 14 résume les principaux diagnostics différentiels devant une TVP [45]. La maladie thromboembolique veineuse Tableau 13 : estimation de la probabilité clinique de TVP selon le score de Wells [87]. Critère Points Cancer évolutif (traitement en cours, ou dans les 6 mois +1 précédents, ou palliatif). Paralysie, parésie, ou immobilisation plâtrée récente des +1 membres inférieurs. Immobilisation récente > 3 jours, ou chirurgie majeure au +1 cours des 3 derniers mois. Douleur localisée le long d’un (ou plusieurs) axes veineux. +1 Gonflement de tout un membre inférieur. +1 Gonflement du mollet asymétrique (différence 3 cm, 10 cm +1 sous la tubérosité tibiale). Œdème prenant le godet uniquement du côté symptomatique. +1 Circulation collatérale superficielle (hors varices). +1 Diagnostic autre que celui de TVP aussi (ou plus) -2 vraisemblable. Probabilité faible (total (total 0) ; probabilité modérée (total = 1 ou 2) ; probabilités forte 3) NB : chez les patients avec symptômes bilatéraux, le score est déterminé sur la jambe la plus symptomatique. La maladie thromboembolique veineuse Tableau 14 : diagnostics différentiels des thromboses veineuses profondes [45]. - Hématome - Tendinite Jambe douloureuse - Déchirure musculaire - Douleur neurologique (sciatique tronquée) - Compression extrinsèque (adénopathie, kyste poplité)* - Syndrome post-thrombotique Œdème - Lymphœdème - Insuffisance cardiaque (bilatéraux) - Lymphangite Inflammation - Erysipèle - Cellulite inflammatoire Dilatation du réseau - Insuffisance veineuse chronique veineux superficiel et - Compression veineuse proximale cyanose * peut être responsable d’une authentique phlébite par stase veineuse. La maladie thromboembolique veineuse VII.1.1.2. Formes cliniques : Les thromboses veineuses touchent le plus souvent le territoire des membres inférieurs (78%), cependant cette localisation n’est pas la seule à pouvoir être concernée par la maladie thromboembolique. Tous les territoires veineux peuvent, en effet, être l’objet d’un processus thrombotique. Toutefois l’expression clinique est variable et dépend de la localisation de la thrombose comme l’indique le tableau 15. [93, 94] Tableau 15 : formes cliniques de la MTEV [93]. Thromboses veineuses des membres supérieurs Thrombose veineuse cave inférieure Clinique Syndrome - œdème, douleurs, impotence fonctionnelle du membre supérieur. - effacement du creux axillaire et de la coracoïde - développement du réseau veineux superficiel Syndrome cave inférieur : - œdème bilatéral des membres inférieurs. - douleur abdomino-lombaire; - circulation collatérale lombaire. Etiologies Le plus souvent : - cathéter veineux - syndrome de la traversée thoracobrachiale, - traumatisme des membres supérieurs. Plus rarement : - stimulation ovarienne. - thrombophilie constitutionnelle ou acquise, - Ac antiphospholipide, - toxicomanie (cocaïne), - maladie de Behçet, - lymphomes malins. Le plus souvent : - interruption partielle de la veine cave, - néoplasie. Plus rarement : - anévrisme de l’aorte sous-rénale, - fibrose rétro péritonéale; - thrombophilies constitutionnelles ou acquises. - extension d’une thrombose veineuse des membres inférieurs ou des veines rénales ou utéroovariennes. La maladie thromboembolique veineuse Clinique Syndrome cave supérieur : - comblement du creux sus claviculaire - œdème de la face et du cou en pèlerine - céphalées. Etiologies Le plus souvent : - compression néoplasique - chambre implantable - pacemaker - cathéter central Plus rarement : - thrombophilies constitutionnelles ou acquises. - stimulation ovarienne - maladie de Behçet Thromboses veineuses jugulaires - palpation d’un cordon induré. - douleurs et œdème. Thromboses veineuses rénales Chez l’enfant : - début brutal - syndrome lombaire hyperalgique - météorisme abdominal - signes de choc - hématurie reflet d’un infarctus rénal. Chez l’adulte et l’adolescent : - fièvre - météorisme - défense pariétale - diarrhées, vomissements - lombalgies bilatérales. Chez le sujet âgé : - oligo-anurie Le plus souvent : - cathéter vineux; - néoplasie; - infection oro-pharyngée (syndrome de Lemierre). - interruption cave temporaire. Plus rarement : - stimulation ovarienne - radiothérapie. Le plus souvent : - traumatisme - syndrome néphrotique - néoplasie rénale - glomérulonéphrite extra membranaire - extension d’une thrombose cave inférieure. Plus rarement : - rejet du greffon rénal - compression extrinsèque - drépanocytose - amylose - déplétion volémique (surtout chez l’enfant) - grossesse - contraception orale. Thrombose veineuse cave supérieure La maladie thromboembolique veineuse Clinique douleurs abdomino-pelviennes associées à un syndrome infectieux. Etiologies Le plus souvent : - post-partum, césarienne, souvent dans un contexte infectieux Thromboses veineuses du système mésentérico-porte Thrombose porte : - douleurs, fièvre, frissons. Infarctus veineux mésentérique : - douleurs abdominales intenses, - prodromes dans les semaines précédentes. Le plus souvent : - néoplasie hépatique, pancréatique - pancréatite Plus rarement : - rectocolite hémorragique, Crohn - appendicite - connectivite, syndrome myéloprolifératif, - déficit en facteur de la coagulation. Thromboses veineuses cérébrales déficit neurologique associé à un tableau infectieux Le plus souvent : - thrombophilies, notamment Ac anti-phospholipides - lupus, maladie de Behçet Plus rarement : - post-partum - cancers - causes infectieuses locales. Thromboses veineuses ovariennes La maladie thromboembolique veineuse VII.1.2. Diagnostic clinique des embolies pulmonaires : Quand elle n’est pas d’emblée mortelle, l’embolie pulmonaire se présente sous la forme d’un des trois tableaux cliniques suivants : - douleur pleurétique avec dyspnée (environ 50% des cas) - dyspnée progressive sans douleur pleurétique (30%) - syncope (10%). Pris individuellement, les symptômes et signes cliniques sont peu sensibles et peu spécifiques [89]. Le tableau 16 reprend la fréquence approximative des symptômes et signes cliniques chez les patients ayant une EP [95]. Cependant ces signes cliniques et symptômes ont une grande valeur d’orientation et permettent d’établir une probabilité clinique d’EP (tableaux 17et 18) indispensable pour définir la stratégie des examens complémentaires, mais également utile pour décider de la mise en route immédiate d’un traitement anticoagulant, d’autant plus impérative que la probabilité clinique est forte. La maladie thromboembolique veineuse Tableau 16 : fréquence approximative des symptômes et signes cliniques chez les patients ayant une embolie pulmonaire [95]. Symptôme et signes Fréquence (%) - symptômes : Dyspnée 75 Douleur pleurale 65 Toux 40 Hémoptysie 10 Syncopes 10 - Signes cliniques Tachypnée >20/mm 70 Tachycardie >100/mm 50 Température >38,5° 30 Râles bronchiques Signes cliniques de phlébite Choc 7 30 8 La maladie thromboembolique veineuse Tableau 17 : estimation de la probabilité clinique d’EP selon le score de prédiction de Wells [87]. Critère Signes et/ou symptômes de TVP (au minimum œdème et douleur à palpation) Autres(s) diagnostic(s) moins probable(s) que l’EP Fréquence cardiaque >100/min Immobilisation ou chirurgie récente (<4 semaines) Antécédent TVP ou EP Hémoptysie Cancer (en cours de traitement, ou moins de 6 mois, ou palliatif) Points 3 3 1,5 1,5 1,5 1 1 Probabilité clinique : faible (0-1) ; intermédiaire (2-6) ; forte (> 6). Tableau 18 : estimation de la probabilité clinique d’EP selon le score de prédiction de Genève [87]. Critère Antécédents de TVP ou EP Fréquence cardiaque >100/min Chirurgie récente Age 60-79 ≥80 PaCO2 <36mmHg 36-39mmHg PaO2 <49 mmHg 49-59 mmHg 60-71 mmHg 72-82 mmHg Atélectasie Elévation d’une coupole diaphragmatique Probabilité clinique : faible (0-4) ; intermédiaire (5-8) ; forte (>8). Points 2 1 3 1 2 2 1 4 3 2 1 1 1 La maladie thromboembolique veineuse VII.2. Diagnostic paraclinique de la MTEV Si la clinique permet d’orienter le diagnostic, les examens paracliniques restent cependant indispensables pour confirmer le diagnostic. Suivant l’importance de la probabilité clinique, on débute ou non un traitement anticoagulant en attendant cette confirmation paraclinique. VII.2.1. Explorations veineuses VII.2.1.1. Echodoppler veineux : Il permet à la fois une exploration morphologique et hémodynamique grâce à l’échographie et au doppler. Quelles que soient ses modalités, il s’agit d’une méthode non invasive. L’axe veineux est observé en coupe transversale, puis longitudinale avec des manœuvres de compression. Ces manœuvres sont répétées tout au long du système veineux : veine cave inférieure jusqu’aux veines distales, système profond et superficiel. L’auscultation doppler complète l’examen, en particulier aux confluents veineux (fémoro-iliaque et poplité). Le doppler couleur peut être utilisé pour explorer certains territoires veineux de repérage difficile [96]. Les critères ultra-sonographiques de veine normale et de thrombose veineuse évolutive sont représentés dans le tableau 19 [97]. En fait l’échodoppler a pris une place de choix dans le diagnostic de TVP, face à une suspicion clinique, l’utilisation de l’échographie donne des résultats excellents, avec une sensibilité et une spécificité de 97% comme l’indique le tableau 20 [84, 98]. La maladie thromboembolique veineuse Tableau19: critères ultrasoniques de veine normale et de thrombose veineuse évolutive [97]. Echographie mode B/doppler Inspection Lumière Aspect Paroi Contraste spontané Veine normale Thrombose veineuse évolutive Vide d’écho Elliptique Souple Peu ou pas visible Couleur Remplissage total Matériel endoluminal Arrondi (calibre ↑) Cinétique ↓, blocage valvulaire Visible et dense (en amant d’une occlusion) Remplissage partiel (obstruction partielle) Absence de remplissage (occlusion) Palpation Test de compression Auscultation et percussion Rythmicité respiratoire/cardiaque Inhibition inspiratoire/cardiaque Inhibition inspiratoire spontanée (Fém.Com) Accélération à l’inspiration (M. Sup) Intensité du signal « chasse veineuse » Collapsus total Présente Présente Incompressibilité ou absente Absente Présente ou absente présente ou absente « Normale » et symétrique Signal augmenté « Modifiée » -absence de signal - signal faible continu de collatéralité -accélération en cas de subocclusion récente (doppler continu) Réponse ↓ou absente Fém.com : fémorale commune ; M. sup : membres supérieurs. En doppler, la rythmicité respiratoire est normalement présente dans le réseau veineux du système cave inférieur et celui du système cave supérieur alors que la rythmicité cardiaque n’est normalement observée que dans le réseau veineux du système cave supérieur et dans la veine cave inférieure La maladie thromboembolique veineuse Tableau 20 : sensibilité et spécificité de l’échographie-doppler veineuse pour le diagnostic de thrombose veineuse profonde (TVP) ou d’embolie pulmonaire (EP) [84, 98]. Sensibilité Spécificité (%) (%) TVP symptomatique 97 97 TVP symptomatique surale 36-93 83-100 TVP asymptomatique 60 95 Suspicion EP 20-67 96-100 Circonstance clinique La maladie thromboembolique veineuse VII.2.1.2. La phlébographie : [45, 84, 87, 89, 96, 98] Elle n’est plus utilisée en pratique quotidienne, mais elle reste l’examen de référence dans les études cliniques du fait de résultats non-opérateur dépendant et de sa reproductibilité interobservateurs. Les critères de thrombose veineuse sont la lacune (image radio-claire) et l’arrêt en cupule. VII.2.2. Scanner spiralé (angio-scanner) thoracique : Angioscanner des artères pulmonaires : Introduit en clinique pour le diagnostic d’EP au début des années 1990, l’angioscanner, plus spécifique que la scintigraphie et moins invasif que l’angiographie, est rapidement devenu un examen central dans le diagnostic de l’EP [87]. Notamment lorsqu’il montre des signes directs comme des lacunes endovasculaires dans des branches segmentaires ou plus proximales. On peut aujourd’hui considérer que la spécificité de l’angioscanner est excellente comprise entre 89% et 98%. En revanche sa sensibilité est moins bonne, comprise entre 66% et 93% [87, 99, 100, 101]. Ainsi l’absence d’image de thrombus au scanner ne permet en aucun cas d’éliminer le diagnostic d’EP [102]. Deux études [103, 104] montrent cependant la bonne performance de l’angioscanner lorsqu’il est intégré dans une stratégie diagnostique associant la probabilité clinique et l’echodoppler des membres inférieurs (EDMI). Lorsque l’angioscanner et l’EDMI sont négatifs, l’absence de probabilité clinique forte permet de ne pas entreprendre de traitement anticoagulant [102]. La maladie thromboembolique veineuse Angioscanner veineux : [87] L'opacification de la veine cave inférieure, des veines pelviennes et des veines des membres inférieurs est accessible par scanner. Entre 3 et 4 minutes après la réalisation de l'angioscanner pulmonaire, une autre acquisition scanographique et obtenue sur l’abdomen et les membres inférieurs sans réinjection de contraste. En dehors des problèmes de doses de radiation et de durée d'examen, l'extension systématique du scanner à l'abdomen et aux veines des membres inférieurs peut paraître séduisante: diagnostic de la "source" des EP, diagnostic de TVP chez un petit nombre de patients suspects d’EP ayant un angioscanner pulmonaire normal, diagnostic éventuel de la cause de la MTEV comme une tumeur pelvienne. Cependant, la valeur diagnostique de l’angioscanographie veineuse est peu ou mal évaluée, notamment en termes de spécificité et surtout de sensibilité par rapport à l'échographie veineuse. Aussi, l'utilisation de cette technique en routine clinique ne peut faire actuellement l'objet d'aucune recommandation. VII.2.3. Scintigraphie pulmonaire de perfusion et de ventilation : La scintigraphie de perfusion-ventilation est un examen simple, non invasif et peu irradiant. La sensibilité de la scintigraphie de perfusion pour le diagnostic d'EP est de 100%. Une scintigraphie de perfusion pulmonaire normale élimine donc le diagnostic d'EP. En revanche, des defects de perfusion peuvent s'observer au cours de nombreuses affections (broncho-pneumopathies chroniques obstructives, pleurésies, pneumopathies, etc.) et doivent être rapportés aux anomalies observées à la scintigraphie de ventilation selon des La maladie thromboembolique veineuse critères d'interprétation définis par PIOPED. Une scintigraphie pathologique peut être en effet plus ou moins évocatrice d'EP et les résultats sont classés en : faible probabilité, probabilité intermédiaire et forte probabilité d'EP (tableau 21). La présence d'au moins deux défauts de perfusion segmentaire sans anomalies de ventilation associées permet en général d'affirmer le diagnostic avec une valeur prédictive positive de 88%. En revanche, la valeur prédictive positive des scintigraphies de probabilité intermédiaire ou faible est médiocre respectivement de 30 et 14% et ne permet pas d'affirmer ou d'infirmer le diagnostic d'EP. [102, 105] VII.2.4. Angiographie pulmonaire : C’est un examen invasif qui consiste à injecter un produit de contraste iodé dans chacune des artères pulmonaires par une voie d’abord antébrachiale le plus souvent. Elle demeure l’examen de référence dans le diagnostic d’EP puisqu’elle visualise directement le thrombus sous forme de lacune endoluminale. La quantification de l’obstruction fait appel à l’indice de Miller qui combine le taux d’amputation vasculaire pulmonaire et ses répercussions sur la perfusion périphérique. Cependant, l’angiographie pulmonaire n’est plus à l’heure actuelle la technique d’investigation de première intention en cas de suspicion d’EP [102, 106]. La mortalité associée à l’angiographie est inférieure à 0,5%, mais des complications (insuffisance rénale, hypotension, trouble du rythme, etc.) surviennent dans 1 à 5% des cas [106, 107]. La maladie thromboembolique veineuse Tableau 21 : classification des images scintigraphiques et critères d'interprétation utilisés au cours de l'étude PIOPED [102]. Probabilité élevé : - Au moins 2 importants défauts de perfusion segmentaire (> 75% d'un segment) sans anomalies ventilatoires ou radiographiques dans les mêmes territoires, ou notablement plus étendues qu'elles. - Au moins 2 défauts modérés de perfusion segmentaire (entre 25 et 75%) sans anomalies ventilatoires ou radiographiques dans les mêmes territoires, associés à un important défaut de perfusion segmentaire dans un autre territoire sans anomalie ventilatoire. - Au moins 4 défauts de perfusion modérés sans anomalies ventilatoires ou radiographiques. Probabilité intermédiaire : - Ne pouvant être classées dans les autres catégories (normale, très faible probabilité, faible probabilité, haute probabilité) - À la limite des catégories haute ou faible probabilité - Difficiles à classer en haute ou faible probabilité Faible probabilité : - Défauts de perfusion non segmentaire (effacement du cul-de-sac pleural, cardiomégalie, élargissement de l'ombre aortique, du hile et du médiastin, ascension diaphragmatique). - Un seul défaut de perfusion segmentaire, isolé et de faible importance, sans anomalie radiographique. - Défaut de perfusion associé à une anomalie radiographique significativement plus importante. - Défauts de perfusion de taille importante ou modérée ne concernant pas plus de 4 segments dans un poumon, ni plus de 3 segments dans une zone pulmonaire, avec des défauts de ventilation de taille égale ou supérieure et une radiographie de thorax normale ou présentant des anomalies significativement moins étendues. - Plus de 3 petits défauts de perfusion segmentaire ( 25%) associés à une image radiographique normale. Très faible probabilité : - 3 ou moins de 3 petits défauts de perfusion segmentaire avec une image radiographique normale. Normal : - Aucun défaut de perfusion - Perfusion strictement parallèle aux contours pulmonaires radiographiques (visualisation possible des contours hilaires et aortiques, images radiographiques et/ou scintigraphiques de ventilation pouvant être anormales). La maladie thromboembolique veineuse VII.2.5. Echographie cardiaque : L’échographie cardiaque transthoracique : L’échographie tranthoracique (ETT) est un examen simple, non invasif et facilement réalisable au lit du patient. Elle permet de mettre en évidence un cœur pulmonaire aigu (CPA), qui témoigne de l’obstruction vasculaire pulmonaire (> 40%) et qui représente un facteur pronostique de l’EP. Elle permet également d’établir un diagnostic différentiel avec d’autres affections (infarctus du ventricule droit, tamponnade, dissection aortique, choc cardiogénique). En revanche sa place dans le diagnostic de l’EP « tout venant » est limitée [102]. En fait, l’échocardiographie chez les patients suspects d’EP est réalisée à la recherche de signes indirects d’obstruction artérielle pulmonaire : la dilatation ventriculaire droite, l’existence d’un mouvement paradoxal du septum interventriculaire (SIV paradoxal), l’hypocinésie du ventricule droit, l’élévation de la pression artérielle pulmonaire systolique (HTAP), la dilatation du tronc pulmonaire, la dilatation de la veine cave inférieure [87,89]. Parfois, l’échographie cardiaque permet la visualisation directe du thrombus en migration dans les cavités droites ou le tronc de l’artère pulmonaire [83, 87]. Globalement, la sensibilité et la spécificité de ces signes est médiocre (sensibilité et spécificité respective de l’ordre de 70% et 90%) et ils n’ont de réelle utilité diagnostique qu’en présence d’une EP sévère [89]. La maladie thromboembolique veineuse L’échographie tranoesophagienne : L’échographie cardiaque transœsophagienne (ETO) permet une exploration des structures peu accessibles par voie transthoracique (aorte, artères pulmonaires) et peut mettre en évidence un thrombus dans les artères pulmonaires [83, 102]. Sa sensibilité dans l’EP avec cœur pulmonaire aigu varie selon les séries de 82 à 100% et sa spécificité est de l’ordre de 95% [83]. VII.2.6. L’IRM : [108] A la différence du scanner et de la phlébographie, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) est un examen non invasif permettant la mise en évidence d’une TVP sans injection de produit de contraste. Comparée à la phlébographie la sensibilité de l’IRM est de 92% pour les TVP distales, de 97% pour les proximales fémoropoplitées et de 100% à l’étage ilio-cave. De plus, l’examen est reproductible. L’IRM examen non agressif mais coûteux et non utilisable en pratique quotidienne peut s’avérer utile, dans certain cas, surtout lorsque l’EDVMI est douteux. VII.2.7. Biologie : Dosage des D-dimères : Ce sont des produits de dégradation de la fibrine, issus de la formation puis de la lyse d’un thrombus évolutif. Ils sont dosés soit par méthode ELISA (enzyme-linked immuno-sorbent assay). (Sensibilité supérieure à 95%), soit par méthode au latex (sensibilité moindre 85%) [96]. Des tests rapides permettent de disposer des résultats en La maladie thromboembolique veineuse urgence : un test Elisa rapide (Vidas® DD), un test au latex quantitatif (Liatest®), un test qualitatif sur sang total (SimpliRED® D-dimère) [107]. Le taux des D-dimères est pratiquement toujours élevé en présence d’une thrombose veineuse profonde ou d’une embolie pulmonaire aiguë. Un taux de D-dimères normal (< 500μg/l) en ELISA exclut raisonnablement la MTEV [109]. Toutefois le dosage des D-dimères a une spécificité faible car les Ddimères sont aussi élevées dans différents états autres que la MTEV : âge avancé, inflammation, cancer, traumatisme, hématome, période post opératoire, grossesse, post-partum, etc. [96, 99, 100, 102, 109, 110, 111, 112]. Le tableau 22 reprend les performances diagnostiques des différents examens suscités [89]. VII.2.8. Autres Examens paracliniques : VII.2.8.1. Radiographie pulmonaire : [83, 89, 102, 106, 113] Bien que non spécifique pour le diagnostic d’une EP sa réalisation est indispensable. Les anomalies les plus fréquemment rencontrées sont : La surélévation d’une coupole diaphragmatique. Une hyperclarté d’un champ pulmonaire. Une dilatation des artères pulmonaires. Des atélectasies planes ou discoïdes. Un épanchement pleural (rarement massif ; émoussement des culsde-sac pleuraux). Dilatation ventriculaire droite. La maladie thromboembolique veineuse VII.2.8.2. Electrocardiogramme (ECG) : [83, 89, 102] L’ECG est lui aussi peu spécifique, il montre de nombreuse anomalies dans 70% des cas de manière transitoire et parfois retardée en particulier lors des EP graves : tachycardie sinusale (souvent observée) anomalies non spécifiques, du segment ST et de l’onde T (49%) fibrillation auriculaire (4%) flutter auriculaire (1%) bloc de branche droit (6%) déviation axiale droite de QRS (6%) aspect S1Q3 onde P pulmonaire et rarement déviation axiale gauche (qui n’exclut pas le diagnostic d’EP). VII.2.8.3. Gaz du sang : Ils ont une valeur diagnostique pauvre car même si la classique hypoxiehypocapnie est évocatrice, elle n’a aucune spécificité. Des gaz du sang normaux n’éliminent pas le diagnostic (dans 25% des cas, la PaO 2 est supérieure à 80 mmHg) [102, 106]. La pression artérielle en CO2 (PaCO2) est généralement abaissée dans l’EP en raison de l’hyperventilation [102]. La maladie thromboembolique veineuse Tableau 22 : performances diagnostiques des différents examens en présence d’une suspicion de thrombose veineuse et/ou d’une embolie pulmonaire [89]. Examen Sensibilité (%) Spécificité (%) - Echodoppler veineux 95 95 - Scintigraphie pulmonaire de 99 92 (perfusion normale) (forte probabilité) - Dosage des D- dimères (ELISA) 98 40 - TDM spiralée 85 95 - Echocardiographie 70 90 -Angiographie pulmonaire 95 98 ventilation /perfusion La maladie thromboembolique veineuse VII.3. Elaboration de stratégies diagnostiques : [87] VII.3.1. Devant une suspicion de TVP : Les stratégies diagnostiques applicables pour les patients suspects de TVP sous-entendent que ces patients n'ont aucun signe ou symptôme d'EP associée, même si l’on sait que 25 à 50% des patients ayant une TVP proximale ont une EP asymptomatique. L'échographie veineuse sera bien sûr le premier examen demandé devant une forte suspicion clinique de TVP. Dans les autres cas, et en fonction des disponibilités locales, l'examen de "deuxième ligne" (après l'évaluation de la probabilité clinique) sera le plus souvent le dosage des D-dimères. Un exemple de stratégie diagnostique validée est présenté dans la figure 8. VII.3.2. Devant une suspicion d'embolie pulmonaire : Parmi les patients suspects d'EP, 10 à 20% ont également des signes ou symptômes de TVP, mais on appliquera chez ces patients les stratégies diagnostiques des patients suspects d'EP. Suspicion d'embolie pulmonaire grave (massive) : En termes de présentation clinique, environ 65% des EP se présentent sous forme d'un syndrome d'infarctus pulmonaire, 25% sous forme d'une dyspnée isolée, les 10% restants sous forme d'un collapsus circulatoire. Cette dernière présentation définit la suspicion d'EP "massive" ou « grave », qui requiert une stratégie spécifique où l'échographie cardiaque représente le test de première intention. L'absence de dysfonction ventriculaire droite échographique chez un patient en choc élimine le diagnostic d'EP massive, mais la présence de ces signes échographiques La maladie thromboembolique veineuse n'est pas suffisante à elle seule pour l'affirmer. On est cependant parfois contraint de s'en contenter pour prendre des décisions thérapeutiques urgentes (thrombolyse, embolectomie). Suspicion d'embolie pulmonaire non grave : Dans les autres présentations cliniques (EP non massives), qui représentent donc 90% des patients suspects d’EP, différentes stratégies diagnostiques ont été validées par des études pragmatiques dans lesquelles le risque de maladie thromboembolique à 3 mois chez les patients non traités s'est révélé suffisamment faible (en règle, inférieur à 3% à 3 mois) pour considérer la stratégie comme sûre. La figure 9 présente un exemple de stratégie diagnostique validée [87]. La maladie thromboembolique veineuse Suspicion clinique TVP Probabilité clinique Faible ou intermédiaire D-dimère (ELISA) > 500 g/l < 500 g/l Echo veineuse (Proximale) Pas de traitement Positive Traiter Négative Pas de traitement Forte Echo veineuse (Proximale)* Positive Traiter Négative Phlébographie** (Ou répéter échographie) Positive Traiter Négative Pas de traitement Figure 8 : Exemple de stratégie diagnostique pour suspicion de thrombose veineuse profonde [87]. Une stratégie voisine a été validée par une étude pragmatique [114] TVP: thrombose veineuse profonde * échographie limitée aux veines proximales (fémorale et poplitée) ** le but est de ne pas méconnaitre l'évolution d'une IVP distale vers une TVP proximale. Des schémas où l'échographie est répétée 1 à 3 fois au cours des 7 à 10 jours suivants ont été validés. La maladie thromboembolique veineuse Suspicion clinique EP Probabilité clinique Faible ou intermédiaire Echo veineuse (Proximale)* D-dimères (ELISA) > 500μg/l < 500 g/l Pas de traitement Echo veineuse (Proximale)* Positive Forte Positive Négative Traiter Angioscanner pulmonaire Négative Positive Angioscanner pulmonaire Traiter Positive Traiter Négative Pas de traitement Négative Angiographie pulmonaire** Traiter Positive Traiter Négative Pas de traitement Figure 9 : Exemple de stratégie diagnostique pour suspicion d'embolie pulmonaire [87]. Une stratégie très voisine a été validée par une étude pragmatique chez des patients externes (non hospitalisés) [115] EP: embolie pulmonaire. *Échographie limitée aux veines proximales (fémorale et poplitée). **Moins de 1% des patients suspects d'EP ont eu une angiographie dans une stratégie voisine. La maladie thromboembolique veineuse VIII. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE DEVANT UNE MTEV L’approche du diagnostic étiologique est une étape importante pour expliquer le mécanisme de la thrombose et évaluer le risque évolutif (spontané ou lors d’exposition à une circonstance thrombogène). Elle permet, également, d’aider à la décision de la durée du traitement anticoagulant [45, 96]. Un bilan minimal est réalisé chez tous les patients, il comporte : une analyse clinique : facteurs de risque, antécédents, contexte de survenue, pathologies associées et examen clinique complet. un bilan biologique : hémogramme, temps de Quick, temps de céphaline activé (TCA), fibrinémie, vitesse de sédimentation (VS), C réactive protéine (CRP). une radiographie du thorax. Un bilan plus approfondi est demandé chez les patients ayant une MTEV sans cause, une thrombose veineuse insolite (proximale isolée, d’un membre supérieur, viscérale, neurologique….), une thrombose bilatérale d’emblée ou à bascule, une MTEV récidivante, une thrombose secondaire mais avec un facteur de risque ou avec des antécédents familiaux [84, 96]. Les étiologies de la maladie thromboembolique veineuse sont dominées par deux grands cadres étiologiques : Le cancer et les anomalies constitutionnelles des facteurs de la coagulation responsables de thrombose, aux quels il faut adjoindre toutes les situations à risque de thrombose oestroprogestatifs…..). (chirurgie alitement, grossesse, La maladie thromboembolique veineuse VIII.1. Recherche d’un ou plusieurs facteurs de risque : Chez un patient ayant présenté une TVP ou une EP, il est important de rechercher le ou les facteurs de risque qui ont pu favoriser cet épisode thromboembolique. Leur mise en évidence, dans certains cas, doit permettre de les supprimer (contraception orale, hormonothérapie substitutive de la ménopause), ou de les combattre (voyages prolongés) pour éviter une récidive thrombotique. En cas de suspicion clinique de TVP ou d’EP, la présence d’un ou plusieurs facteurs de risque renforce la probabilité diagnostique [45]. VIII.2. Recherche d’un cancer : Le problème du dépistage d’un cancer occulte et de son bénéfice pour le patient à été analysé dans de nombreuses études. Dans la plupart des études qui s’intéressaient aux TVP ou EP inexpliquées, les anomalies révélées par un interrogatoire et un examen clinique rigoureux, les examens biologiques de routine (hémogramme, EPP, VS) et la radiographie du thorax ont orienté vers une néoplasie sousŔjacente [116, 117, 118]. En fait la recherche de cancer est réalisée chez les sujets de plus de 40-50 ans, ou en cas de bilan de thrombophilie négatif : avis urologique et dosage du PSA (prostate spécific antigen) chez l’homme ; examen gynécologique, échographie pelvienne et mammographie chez la femme ; l’endoscopie, l’échographie et le scanner ne sont pas systématiques, mais sont utiles s’il existe des signes d’orientation clinique [84, 96, 116]. La maladie thromboembolique veineuse Le bilan à réaliser systématiquement après un épisode de maladie thromboembolique est résumé dans le tableau 23 [116]. La surveillance à 6 mois est indispensable car le sur-risque de cancer lié à un épisode de MTEV n’est important que dans les 6 mois suivant la MTEV. VIII.3. Recherche de thrombophilie : Les recommandations actuelles concernant la recherche d’une thrombophilie conseillent des explorations d’hémostase réservées à des cas particuliers : thrombose chez un sujet de moins de 45 ans. thrombose veineuse avec facteur déclenchant minime ou sans cause favorisante connue. thrombose familiale thrombose récidivante thrombose survenant dans un site inhabituel [77, 84, 96, 119, 120]. Le bilan doit comprendre : la mesure de l’antithrombine, des protéines C et S, le test de résistance à la protéine C activée (RPCA), la recherche des mutations du facteur V Leiden (Si la RPCA est anormale) et de la prothrombine (facteur II), ainsi que les taux de facteurs VIII et IX, le dosage de l’homocysteine , la recherche de la mutation de la méthyl-tétrahydro-folate-réductase (MTHFR) (s’il existe une hyperhomocysteinémie), d’anticoagulant circulant et d’anticorps antiphospholipides [84, 96]. L’objectif de cette enquête coûteuse doit être expliqué au patient, son consentement signé doit être recueilli avant de pratiquer les examens génétiques (tableau 24) [84]. La maladie thromboembolique veineuse VIII.4. Recherche d’une maladie de système : En dehors de l’existence d’un anticoagulant circulant et/ou d’un anticorps anticardiolipine, les maladies de système peuvent, en effet, induire une TVP. Il s’agit essentiellement du lupus érythémateux disséminé, de la maladie de Behçet et de la maladie de Buerger. Le bilan immunologique ne doit pas être systématique mais doit être guidé par la clinique qui recherche la possibilité d’une pathologie de ce type [45]. Tableau 23 : bilan à réaliser dans le cadre de la recherche d’un cancer devant une thrombose veineuse profonde idiopathique [116]. Examen clinique complet incluant les touchers pelviens Radiographie du thorax Hémogramme, VS, CRP Chez la femme : mammographie, échographie pelvienne Chez l’homme : PSA Les autres examens, fibroscopies digestives, échographie abdominale, Scanner, Fibroscopie, bronchique,… ne sont indiqués qu’en cas de point d’appel clinique. La maladie thromboembolique veineuse Tableau 24 : bilan à réaliser en première intention devant un diagnostic de thrombophilie (AVK : antivitamines K ; HBPM : héparine de bas poids moléculaire). [77] Paramètre Antithrombine Dosage en première intention Activité plasmatique Protéine C Activité plasmatique Protéine S Activité plasmatique Facteur V Leiden Allèle 20210A Homocystéine Facteur VIII Biologie moléculaire Biologie moléculaire Taux plasmatique Taux plasmatique Condition En dehors d’un traitement par héparine standard (ou arrêt 10 jours). En dehors d'un traitement par AVK (ou arrêt 10 jours). Appliquer un relais par HBPM si nécessaire. En dehors de : - traitement par AVK (ou arrêt 3 semaines, en appliquant un relais par HBPM si nécessaire). - grossesse (délai de 4 à 6 semaines). - traitement par œstrogène (ou arrêt l mois). - épisode thrombotique (délai 1 à 3 mois) En dehors d’un traitement par héparine (ou fenêtre de 24 heures) La maladie thromboembolique veineuse IX. EVOLUTION : IX.1. Spontanée : La lyse spontanée concerne essentiellement les thromboses distales, très limitées, voire débutantes. Le plus souvent, l’évolution est marquée par l’extension de la thrombose en l’absence d’un traitement bien conduit. La migration embolique doit toujours être redoutée. Elle peut être asymptomatique ou, à l’inverse responsable du décès brutal du patient. Enfin, l’organisation du caillot et la recanalisation, partielle ou totale, qui en résulte laisse persister une cicatrice fibreuse et se solde par un épaississement de la paroi et une destruction des valvules faisant le lit de la maladie post-thrombotique. L’institution, dés le diagnostic d’un traitement médical bien conduit permet de limiter ces complications mais ne les annules pas [121]. IX.2. Sous traitement : L’évolution sous traitement bien conduit est le plus souvent satisfaisante. Complications : La mortalité en cas d’EP est estimée entre 3 et 8% passant à 15% en cas d’embolie de plus de 50% et à 30% s’il existe un état de choc. Récidives : la maladie veineuse est une maladie chronique dont l’évolution à moyen et long terme est marquée par le risque de récidive. Ainsi, après un traitement anticoagulant de 3 ou 6 mois, le risque cumulé La maladie thromboembolique veineuse de récidive de thrombose veineuse est estimé de 6 à 13% à 1 an, de 13 à 25% à 5 ans et à 30% 8 à 10 ans après l’épisode initial [45, 107]. Syndrome post-thrombotique : c’est une complication chronique de la TVP qui est causée par la combinaison d’une hypertension veineuse, secondaire à l’obstruction veineuse et l’altération des valvules, et à une anomalie de la microcirculation [45]. Sa fréquence de survenue après TVP proximale est importante mais variable selon les études ; elle peut être évaluée entre 20 et 50% dans les 2 premières années suivant une TVP. Les formes sévères avec ulcères surviennent dans 1 à 5% des cas [84]. C’est la contention élastique précoce qui a réduit de plus de 50% la survenue de ce risque évolutif [45, 84, 121, 122, 123]. L’HTAP post embolique : l’hypertension artérielle pulmonaire postembolique ou cœur pulmonaire chronique post-embolique (CPCPE) est liée à la persistance et l’organisation fibreuse des caillots après une ou plusieurs embolies pulmonaires aiguës. Cette maladie, autrefois considérée comme exceptionnelle, est actuellement de plus en plus fréquemment diagnostiquée, probablement du fait de la réalisation plus fréquente d’échographie cardiaque [124]. La maladie thromboembolique veineuse X. TRAITEMENT DE LA MTEV : X.1. But du traitement : Le but du traitement de la maladie thromboembolique veineuse est : d’améliorer les symptômes d’éviter l’extension du thrombus et la survenue des embolies pulmonaires de prévenir les récidives tardives d’éviter le syndrome post-phlébétique [125, 126]. X.2. Les moyens thérapeutiques : X.2.1. Les héparines : L’héparine non fractionnée (HNF) Le traitement par HNF est le traitement initial de référence de la MTEV. L’HNF exerce son activité anticoagulante en catalysant l’activité inhibitrice de l’antithrombine à l’égard des facteurs IIa et Xa [126]. Le traitement par héparine doit être débuté dès la suspicion de maladie thromboembolique veineuse, en l’absence de contre-indications (tableau 25). Selon les recommandations publiées pour son administration [106, 126, 127, 128, 129, 130] : demander avant son utilisation un bilan d’hémostase (taux de prothrombine (TP), temps de céphaline activé (TCA) et une numération formule sanguine. administrer un bolus intraveineux de 5000 UI ou 80UI/Kg. La maladie thromboembolique veineuse débuter le traitement intraveineux à la seringue électrique sur la base de 1300 UI/h ou 18UI/kg/h. vérifier le TCA à la 4ème et la 6ème heures (la cible TCA du patient étant de 1,5 à 2,5 les valeurs contrôles). contrôler le taux de plaquettes 2 fois par semaine. débuter le relais par les AVK dès que possible, au mieux dès le premier jour. arrêter l’héparine après au moins 4-5 jours d’anticoagulation conjointe par l’héparine et AVK et lorsque le TP exprimé en INR (international normalized ratio) est entre 2 et 3 (contrôlé à 2 reprises à 24 heures d’intervalle). Par ailleurs, l’administration sous-cutanée de l’HNF est une alternative à la voie intraveineuse [126, 127, 129]. L’héparine de bas poids moléculaire (HBPM) : Les HBPM sont obtenues par fragmentation chimique ou enzymatique de longues chaînes d’HNF [126]. Elles sont recommandées plus que l’HNF. Cette recommandation est basée sur les résultats de méta-analyses de séries d’essai dans les TVP et les EP [127,130, 131, 132]. Bien que l’HNF représente une alternative aux HBPM, notamment en cas d’insuffisance rénal sévère, les HBPM sont préférées pour plusieurs raisons : La maladie thromboembolique veineuse une efficacité similaire. une meilleure sécurité. une mortalité plus faible notamment chez les patients cancéreux. moins de risque de thrombopénie induite par l’héparine. possibilité de traitement ambulatoire partiel ou total. simplicité d’utilisation : administration sous-cutanée et absence d’adaptation posologique à un test biologique. Les HBPM sont utilisées dans la TVP ou l’EP aiguë. Cette extension d’indication à l’EP aiguë à été recommandée par la conférence de consensus de l’Américain Collège of Chest Physicians (ACCP) dès 1998 [106, 131, 132]. Actuellement, en France 2 HBPM ont obtenu l’autorisation de mise sur le marché (l’AMM) pour le traitement d’une EP, à l’exclusion de celles relevant d’un traitement thrombolytique ou chirurgical, l’enoxaparine (LOVENOX ) et la tinzaparine (INNOHEP ). Les autres HBPM, daltéparine (FRAGMINE ), nadroparine (FRAXIPARINE ) sont indiquées dans le traitement curatif des TVP (tableau 26) [126]. La maladie thromboembolique veineuse Tableau 25 : contre–indications du traitement anticoagulant [106]. Contre–indications absolues -Hémorragie patente. -Accident vasculaire cérébral hémorragique récent (moins de 2 semaines) -Intervention neurochirurgicale, oculaire ou médullaire récente (moins de 3 semaines), traumatisme crânien grave. -Thrombopénie (moins de 50 000 plaquettes/mm3). -Antécédents de thrombopénie par l’héparine (contreŔindication des héparines) -Toute anomalies sévère de l’hémostase. Contre-indications relatives -Intervention chirurgicale récente (délai en fonction du type de chirurgie) -Tumeur cérébrale. -Hémorragie digestive récente (10 à 15 jours). -HTA (systolique >200 mmHg, diastolique >100mmHg). -Hématurie macroscopique. -Ulcère gastroduodénal en évolution. HTA = hypertension artérielle. Tableau 26 : posologie recommandée pour chacune des héparines de bas poids moléculaire dans le traitement curatif des thromboses veineuses profondes [84, 133]. Molécule DCI Posologie LOVENOX Enoxaparine 100UI anti-Xa/12h FRAGMINE Daltéparine 100UI anti-Xa/12h FRAXIPARINE Nadroparine 85UI anti-Xa/12h FRAXODI Nadroparine 171UI anti-Xa/24h INNOPHEP Tinzaparine 175UI anti-Xa/24h La maladie thromboembolique veineuse X.2.2. Les antivitamines K : Les antagonistes de la vitamine K, ou antivitamines K (AVK) représentent le traitement d’entretien de référence de la MTEV [126, 134]. Les AVK empêchent la carboxylation hépatique des facteurs vitamino-K dépendants : la prothrombine (facteur II), la proconvertine (facteur VII), le facteur antihémophilique B (facteur IX), le facteur Stuart (facteur X), les protéines C et S, l’ostéocalcine et la protéine Z [134, 135]. On distingue des AVK à demi-vie plasmatique courte, intermédiaire et longue (tableau 27) [133, 134, 135, 136]. Le relais par AVK doit être précoce, dans les 5 premiers jours du traitement héparinique, en pratique dès le premier jour [84, 96, 106, 126, 128, 131] (encadré 1). La surveillance biologique est indispensable et s’effectue sur l’INR qui doit être compris entre 2 et 3. La maladie thromboembolique veineuse Tableau 27 : principales caractéristiques des antivitamines K Médicament Demi-vie (h) Durée d’action (h) Posologie (mg/j) * Dose/comprimé (mg) Demi-vie courte Acénocoumarol 8à9 48 à 96 2 à10 1ou 4 5 à 10 24 à 48 50 à 100 50 24 48 à 72 4à8 4 30 48 5 à 40 20 35 à 45 96 à 120 2 à 15 2 ou 10 (SINTROM ) Phénindione (PINDIONE ) Demi-vie longue Tioclomarol (APEGMONE ) Fluindione (PRÉVISCAN ) Warfarine (COUMADINE ) * la dose quotidienne varie considérablement d’un sujet à l’autre et doit être adaptée selon les résultats de l’international normalized ratio. La maladie thromboembolique veineuse Encadré 1 : modalités du traitement anticoagulant initial de la maladie thromboembolique veineuse en dehors de la période postopératoire immédiate de chirurgie lourde [126]. HNF (IV) bolus de 80UI/kg puis perfusion 18 UI/Kg/h adaptée au TCA (2 à 3 fois le témoin) équivalent à une héparinémie entre 0,3 et 0,6 UI dosée 6 h après chaque changement de posologie et au moins une fois par jour. Surveillance des plaquettes 2 fois par semaine. Ou HBPM (SC) à dose curative en 1 ou 2 injections par jour. Pas de contrôle biologique sauf les plaquettes à j3 et j5. AVK dès j1 (warfarine 5 mg/j). Dose ajustée à L’INR (entre 2 et 3) à partir de j3 Arrêt de l’héparine après au moins 5 jours et 2 INR successifs >à 2 à 24h d’intervalle. Surveillance ultérieure de l’INR 1 à 2 fois par semaine et 48 h après chaque changement de posologie pendant toute la durée du traitement par AVK. AVK : antivitamines K ; INR : international normalized ratio, HBPM (SC) : héparine de bas poids moléculaire sous-cutanée ; HNF (IV) : héparine non fractionnée intraveineuse. La maladie thromboembolique veineuse X.2.3. Nouveaux agents anticoagulants : Il s’agit des inhibiteurs du facteur Xa et des antithrombines directes qui sont des molécules de découverte récente dans le traitement de la MTEV. X.2.3.1. Les inhibiteurs du facteur Xa : Parmi les inhibiteurs du facteur Xa, on peut séparer : les inhibiteurs directs qui se lient directement au facteur X. les inhibiteurs indirects qui se lient à l’antithrombine. Le fondaparinux (ARIXTRA ) : [137, 138, 139, 140] C’est un pentasaccharide de synthèse de structure analogue au site actif de l’héparine, qui inhibe spécifiquement et indirectement le facteur Xa. Le fondaparinux, à la dose de 7,5 mg (pour un poids compris entre 50 et 100 kg ; 5 mg si le poids est <50 kg et 10 mg si >100Kg) en 1 injection sous cutanée/j et en l’absence de tout contrôle biologique, a été évalué dans le traitement curatif des TVP où il était comparée à l’énoxaparine et des EP où il était comparé à l’HNF. Ce nouveau traitement s’est révélé aussi efficace et sûr que l’HNF ou l’énoxaparine (HBPM) et a obtenu très récemment une AMM en France dans le traitement initial de la MTEV. Idraparinux : [138, 139] Il s’agit de la molécule de fondaparinux modifiée, ayant une demi-vie plus longue de 130h permettant une seule injection sous cutanée par semaine. L’Idraparinux est en cours d’évaluation dans le traitement à la phase aiguë de la TVP et l’EP ainsi que dans la prévention secondaire. La maladie thromboembolique veineuse X.2.3.1. Les antithrombines directes Mélagatran et ximélagatran : [138, 139, 141] Ce sont des inhibiteurs directs, spécifiques et compétitifs de la thrombine. Le mélagatran à une demi-vie courte (2h) et est administré en sous-cutanée. Le ximélagatran est actif par voie orale. Après ingestion, le ximélagatran est rapidement absorbé puis transformé dans le foie en son métabolite actif, le mélagatran. Ces deux produits ont été évalué dans le traitement curatif et dans la prévention de la MTEV et semblaient très prometteurs, mais ne seront pas commercialisé, en raison des effets secondaires hépatiques graves (cytolyse hépatique importante). X.2.4. Les thrombolytiques ou agents activateurs du plasminogène : X.2.4.1. La thrombolyse dans les TVP : La thrombolyse systémique ou directe par cathéter, dans le traitement initial des TVP reste controversée et la recommandation habituelle est l’abstention, en dehors des cas particuliers de TVP iliofémorale massive avec risque de gangrène en vue d’un sauvetage de membre [131, 139]. La maladie thromboembolique veineuse X.2.4.2. La thrombolyse dans les EP : Les indications de la thrombolyse dans le traitement initial de l’EP sont controversées. Si la plupart des auteurs s’accordent pour la recommander dans l’EP avec instabilité hémodynamique et état de choc, d’autres en étendent l’indication aux EP bien tolérées avec cœur pulmonaire aigu échographique. En dehors des contre-indications (tableau 28), tous les thrombolytiques depuis plus de 30 ans ont fait l’objet d’études contrôlées à la suite desquelles un mode d’administration a été recommandé (tableau 29). Néanmoins, il faut privilégier des protocoles avec perfusions systémiques de courte durée (rtPA 100 mg, streptokinase 1 500 000 UI). Ces protocoles courts, sur deux heures semblent plus efficaces du point de vue hémodynamique par rapport aux modes d’administration prolongée sur 12 ou 24 heures [142]. La thrombolyse in situ via un cathéter n’est pas recommandée [83, 107, 131]. La maladie thromboembolique veineuse Tableau 28: contre-indications des fibrinolytiques [107]. Absolues : - Hémorragie active. - Accident ischémique cérébral de moins de 2 mois. - Hémorragie intracrânienne. Relatives : - Chirurgie majeure, accouchement, biopsie profonde, ponction d’un vaisseau non compressible datant de moins de 10 jours. - Traumatisme datant de moins de 15 jours. - Neurochirurgie ou chirurgie ophtalmologique datant de moins de 1 mois. - Hypertension sévère (systolique> 180 mmHg, diastolique > 120mmHg) - Massage cardiaque prolongé. - Chiffre de plaquettes inférieur à 100 000 mm3. - Grossesse. - Endocardite. - Rétinophathie diabétique proliférative. Tableau 29 : protocoles d’administration des thrombolytiques dans l’embolie pulmonaire (dates d’approbation de la Food and Drug Administration) [142]. Thrombolytiques Date Streptokinase 1977 Urokinase 1978 Alteplase 1990 Protocoles d’administration Dose de charge 250 000 UI/30 minutes puis 100 000 UI/h pendant 24 h Dose de charge 4 400 UI/kg/10 min puis 4 400 UI·kg·Ŕ1·hŔ1 pendant 12 à 24 h 100 mg/2 h NB : Aucun de ces protocoles ne comporte l’administration d’héparine pendant la thrombolyse. La maladie thromboembolique veineuse X.2.5. Interruption de la veine cave inférieure : L’objectif de la mise en place d’un barrage cave (clips ou filtres caves) est d’empêcher la migration des emboles vers les artères pulmonaires [96, 143, 144, 145]. L’interruption de la veine cave n’est pas systématiquement recommandée en traitement initial de la MTEV chez les patients recevant une anticoagulation. Les indications généralement admises concernent [139] : une contre indication absolue au traitement anticoagulant au cours d’une TVP proximale. une inefficacité du traitement anticoagulant. une extension de la TVP initiale malgré le traitement anticoagulant. les suites d’embolectomie. le cœur pulmonaire chronique post-embolique non opérable. le caractère flottant du thrombus proximal. X.2.6. La thrombéctomie veineuse et l’embolectomie chirurgicales : - Le recours à une thrombectomie veineuse n’est envisageable que dans des cas particuliers de TVP iliofémorale avec risque de gangrène [131, 146]. -L’embolectomie chirurgicale dans le traitement initial de l’EP peut être suggérée chez des patients sélectionnés ayant un risque d’EP fatale et ne pouvant pas recevoir de thrombolytiques, ou ceux dont l’état critique ne permet pas d’attendre l’administration de thrombolytiques [83, 131]. La maladie thromboembolique veineuse X.2.7. Traitements non médicamenteux : [139, 147] Le traitement médicamenteux doit obligatoirement s’accompagner d’autres procédures thérapeutiques : X.2.7.1. contention élastique : Elle doit être réalisée par bandes de contention pendant la phase d’œdème avec un relais par collant ou bas jarrets de contention en fonction du niveau de la thrombose, sauf s’il existe une contre-indication liée à une artériopathie des membres inférieurs. Cette contention doit être parfaitement adaptée à la morphologie du patient afin d’éviter les phénomènes de garrot, source de récidive. Elle doit être de force II ou III. Sa prescription est fondamentale car elle réduit de moitié le risque de syndrome post-thrombotique. La durée de prescription devrait être au minimum de 1 an en cas de TVP proximale. Celle-ci sera plus ou moins prolongée ultérieurement en fonction de l’évolution clinique et échographique [139, 147, 148, 149]. X.2.7.2. drainages lymphatiques : Les drainages lymphatiques selon la méthode de Leduc sont nécessaires en cas d’œdème et de douleurs importantes. Ils présentent un effet très spectaculaire sur ces symptômes. X.2.7.3. surélévation des pieds du lit : Elle doit être systématique en l’absence d’artériopathie associée. La maladie thromboembolique veineuse X.2.7.4. lever précoce : Il est actuellement préconisé. Ce lever peut être réalisé d’emblée en cas de TVP surale et au bout de 24 à 48 heures de traitement héparinique en cas de TVP proximale. En cas d’EP associée ou d’œdème très important du membre inférieur, ce délai peut être prolongé. X.2.8. Traitements symptomatiques de l’EP : X.2.8.1. Oxygénothérapie et ventilation mécanique : [83,106] L’oxygénothérapie nasale suffit le plus souvent à corriger l’hypoxémie. X.2.8.2. Expansion volémique : [83] Bien qu’il soit classique d’effectuer une expansion volémique chez les patients ayant une EP massive aucune étude n’a démontré son bénéfice. X.2.8.3. Médicaments inotropes et vasopresseurs : [106] Le médicament de première intention est la dobutamine dont l’effet bénéfique sur le débit cardiaque à été documenté chez les malades atteints d’EP grave. La maladie thromboembolique veineuse X.3. Indications et recommandations thérapeutiques : X.3.1. Le traitement initial à la phase aiguë : TVP et EP non massive : Pour les patients ayant une TVP ou une EP non massive confirmée objectivement, un traitement anticoagulant de courte durée (5 jours) par HBPM ou HNF est recommandé avec initiation d’un traitement par AVK dès le premier jour du traitement héparinique [131]. EP massive : En cas d’EP massive un traitement thrombolytique est indiqué, en l’absence de contreŔindications mais au prix d’un risque hémorragique accru. Dans certains cas exceptionnels, une embolectomie chirurgicale est discutée permettant une désobstruction vasculaire en urgence sous CEC [140]. X.3.2. Le traitement au long cours : Le traitement à long terme d’une TVP et/ou d’une EP repose sur les AVK à l’exception des patients présentant une néoplasie. Dans la majorité des indications la dose des AVK est ajustée pour obtenir un INR à 2,5 (2-3) pour toute la durée du traitement [131]. La durée du traitement anticoagulant reste encore débattue. Il s’agit toujours d’un choix entre le risque de récidive de MTEV à l’arrêt du traitement anticoagulant et le risque hémorragique sous traitement. [139, 140, 143]. Le tableau 30 précise les recommandations internationales sur cette durée du traitement. La maladie thromboembolique veineuse Tableau 30 : recommandations internationales sur la durée du traitement anticoagulant de la maladie thromboembolique veineuse [140]. 3 mois -premier épisode de MTEV secondaire à un facteur de risque transitoire (chirurgie, traumatismes, immobilisation, traitements hormonaux…). 6 à 12 mois -premier épisode de MTEV idiopathique. -premier épisode de MTEV avec un déficit documenté en antithrombine, protéine C, protéine S, ou facteur V Leiden ou mutation 20210 du facteur II, hyperhomocystéinémie. 1 an ou plus -patients atteints de MTEV et d’un cancer (traitement anticoagulant poursuivi jusqu’à la rémission complète). -premier épisode de MTEV associée à des anticorps antiphospholipides. -premier épisode de MTEV associée à des anomalies complexes de la coagulation (par exemple, mutations hétérozygotes du V et II). -récidive de MTEV (traitement poursuivi à vie). La maladie thromboembolique veineuse En ce qui concerne les modalités d’arrêt du traitement AVK, il semble bien qu’un arrêt brutal n’entraîne pas d’effet rebond et puisse être réalisé sans risque [139]. X.3.3. Cas particuliers : MTEV et cancer : Le traitement anticoagulant conventionnel (HNF ou HBPM et relais AVK) semble moins efficace chez les patients cancéreux. Le traitement par HBPM pendant les 3 à 6 premiers mois est recommandé sur ce terrain. La durée doit être prolongée jusqu’à la rémission du cancer [131, 139, 140, 150]. MTEV et Grossesse : [151] Une suspicion de MTEV chez une femme enceinte implique un alitement strict avec surélévation des membres inférieurs et mise en place d’une contention veineuse élastique force 2 jusqu'à confirmation du diagnostic. Le traitement anticoagulant de référence dans cette situation repose sur l’héparinothérapie poursuivie dans le post-partum. Selon les recommandations de l’American Collège of Chest Physicians (ACCP), les HBPM peuvent également être utilisées initialement à la dose de 100 UI anti-Xa/kg/12 h. La surveillance de la numération plaquettaire se fait deux fois par semaine pendant 21 jours puis une fois par semaine jusqu’à la fin du traitement. La maladie thromboembolique veineuse Un arrêt du traitement par HNF ou HBPM est souhaitable 24 heures avant l’accouchement si celui-ci peut être programmé. La reprise est assurée 6 heures après la délivrance à dose curative ou préventive selon les cas. En cas d’EP massive engageant immédiatement le pronostic vital, le traitement impose un transfert en réanimation et il s’apparente à celui de l’EP en dehors de la grossesse. Le traitement fibrinolytique s’impose le plus souvent dans cette situation. X.3.4. Traitement des complications : [131] Le syndrome post-thrombotique : La compression pneumatique intermittente peut être proposée aux patients avec œdème sévère des membres inférieurs. Ceux ayant un œdème modéré pourront bénéficier d’une contention élastique. Cette dernière est recommandée pendant 2 ans après l’épisode de TVP. En cas d’œdème léger l’administration de rutosides est suggérée par l’ACCP. Hypertension artérielle pulmonaire embolique chronique : Chez les patients avec atteinte proximale, la thrombo-endartériectomie pulmonaire suivie d’un traitement au long cours par AVK - avec un INR adapté entre 2 et 3 - est recommandée, après évaluation par une équipe médicochirurgicale. La mise en place d’un filtre cave est suggérée en pré ou peropétratoire d’une thrombo-emdartériéctomie pulmonaire. La maladie thromboembolique veineuse X.4. Les complications du traitement : Les anticoagulants exposent dans certains cas à des accidents iatrogènes différents : X.4.1. Thrombopénies induites par l’héparine (TIH) : Deux types de thrombopénies survenant dans le cadre d’une héparinothérapie sont décrits : les thrombopénies de type I et de type II. La thrombopénie de type II, de nature immune et potentiellement thrombosante, constitue la complication la plus redoutable de ce traitement [139]. Elle survient dans 80% des cas entre le 5 ème et le 20ème jour d’héparinothérapie, plus précocement en cas d’héparinothérapie antérieure. Elle est définie par un taux de plaquettes inférieur à 100 x109/l, mais toute baisse du chiffre plaquettaire supérieure ou égale à 30% par rapport au chiffre initial est évocatrice [45, 139]. La thrombopénie de type I, non immune, apparaît à l’induction du traitement avec une diminution relative de la numération plaquettaire inférieure à 20%. Elle est bénigne et asymptomatique et se corrige spontanément malgré la poursuite de l’héparinothérapie [152]. X.4.2. La résistance à l’héparine : La résistance à l’héparine est essentiellement décrite avec l’HNF. Elle est définie ex vivo par l’inefficacité de l’HNF délivrée à la dose de 500 UI/Kg prolongé le TCA à plus de 400 secondes, ou un TCA inférieur à 600 secondes après un bolus de 600 UI/Kg, ou la nécessité d’une posologie supérieure à 35000 U/j pour obtenir un allongement du TCA dans la fourchette thérapeutique [152]. La maladie thromboembolique veineuse X.4.3. Les accidents hémorragiques : Le risque hémorragique accru est le corollaire inévitable de tout traitement antithrombotique : - le risque lié à l’héparinothérapie curative est de l’ordre de 5% et inférieur à 1% en cas de traitement préventif [110]. - les accidents hémorragiques imputables aux AVK représentent la première cause d’accident iatrogène responsable de 20.000 hospitalisations/an en France, avec une incidence d’épisodes hémorragiques graves de 4,9/100 patients-année et accidents mortels de 98/100 patients-année [153]. - le traitement thrombolytique présente un risque hémorragique trois fois supérieur par rapport au traitement par héparine [45]. X.4.4. Autres accidents iatrogènes du traitement : - l’héparine est responsable d’autres accidents iatrogènes tels : une hyperkaliémie, un priapisme, une ostéoporose, des troubles des tests thyroïdiens, une hyperéosinophilie, une alopécie et des réactions cutanées (urticaire étendue, œdème de Quincke, rash maculopapuleux, plaques infiltrées eczématiformes aux points d’injection). - les AVK peuvent induire également : une nécrose cutanée, des fœtopathies et d’autres accidents immunoallergiques (rash cutané, leucopénie, agranulocytose, hépatite cytolytique, insuffisance rénale aiguë) notamment avec la phénylindanedione et la fluindione. De rares cas de troubles digestifs (nausées, vomissements) ont été décrits avec les dérivés coumariniques. La maladie thromboembolique veineuse XI. PREVENTION DE LA MTEV : La prophylaxie de la MTEV fait appel à différents moyens non médicamenteux : surélévation des jambes, contention élastique, mobilisation active et passive, lever précoce et compression pneumatique intermittente. Les moyens pharmacologiques font appel aux traitements antithrombotiques : l’HNF, les HBPM et les AVK. La prophylaxie doit être adaptée au niveau de risque. L’estimation du niveau de risque doit tenir compte du type de chirurgie ou de la pathologie médicale, mais aussi des FDR liés au malade [84, 154]. Deuxième partie : Etude pratique de la maladie thromboembolique veineuse La maladie thromboembolique veineuse I. OBJECTIF : L’objectif de notre travail est de contribuer à l’étude des aspects cliniques et la prise en charge thérapeutique de la maladie thromboembolique veineuse sous ces deux aspects embolie pulmonaire et/ou thrombose veineuse profonde au service de cardiologie de l’hôpital militaire Moulay Ismail de Meknès durant 10 ans. II. MATERIEL ET METHODES : II.1. Patients : Il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique incluant 100 patients consécutifs admis entre le 01/02/1997 et le 31/01/2007 au service de cardiologie de l’hôpital militaire Moulay Ismail de Meknès pour embolie pulmonaire aiguë et/ou thrombose veineuse profonde. Les dossiers ont été retirés des archives du service après établissement de la liste des patients à partir des registres des admissions au cours de la période d’étude. Nous avons exclu tous les patients ayant une thrombose veineuse superficielle à l’échodoppler veineux sans extension au réseau profond. Le recueil des données a été réalisé en février 2007 et a consisté à remplir pour chaque malade une fiche de renseignements à partir des données figurant dans son dossier. Cette fiche comporte des données sur l’état civil, le motif d’hospitalisation, les facteurs de risque thromboemboliques, les antécédents, la symptomatologie fonctionnelle, les signes physiques, les résultats des examens complémentaires à visée diagnostique et étiologique (l’électrocardiogramme, la radiographie du thorax, la gazométrie artérielle, D-dimères, l’échodoppler veineux des l’angioscanner membres inférieurs, l’échocardiographie transthoracique, thoracique hélicoïdal, l’angiographie pulmonaire, l’échographie abdominopelvienne et autres bilans biologiques), le traitement et enfin l’évolution et la survenue de complications. La maladie thromboembolique veineuse II.2. Définitions des constantes : Les D-dimères ont été dosés par la méthode Elisa et étaient considérés comme positifs lorsqu’ils sont supérieurs à 500 μg/l (0,5μg/ml). Les valeurs normales de la gazométrie artérielle sont une PO2 > 75 mmHg, une PCO2 comprise entre 38 et 42 mmHg, un PH sanguin compris entre 7,38 et 7,42, une saturation en oxygène (SO2) > 90% et une différence artérioveineuse (D (A-a)O2) < 25 mmHg. Une hypoxie est définie par une PO2 ≤ 75 mmHg et une hypocapnie est définie par une PCO2 < 38 mmHg II.3. Analyse statistique : Les données avaient été saisies et analysées grâce au logiciel d’analyse statistique SPSS version 9.0. Les résultats sont présentés sous forme de nombre et pourcentage. La comparaison des variables qualitatives a été réalisée par le test de Khi-deux de Pearson. L’intervalle de confiance pour les variables quantitatives était de 95% et le seuil de significativité (p) a été fixé à 0,05. La maladie thromboembolique veineuse III. RESULTATS : III.1 Données épidémiologiques : III.1.1. Age et sexe : L’âge moyen de nos patients était de 43 ± 15 ans avec des extrêmes de 17 et 81 ans. 55 patients étaient de sexe masculin et 45 de sexe féminin. Graphique 1 : Répartition par tranches d'âge et de sexe 14 12 Effectif 10 8 6 SEXE 4 homme 2 femme 0 moins de 20 20-30 30-40 50-60 40-50 70-80 60-70 80-90 tranches d'âge (ans) Tableau 31 : âge moyen des patients en fonction du sexe. Sexe Femme Homme Nombre de cas 45 55 Age moyen (ans) 40 45 La maladie thromboembolique veineuse III.1.2. Motifs d’hospitalisation : Tableau 32 : motifs d’hospitalisation de nos patients Motif d’hospitalisation Nombre de cas Dyspnée 6 Dyspnée + douleur thoracique 5 Signes thoraciques + signes de phlébite 4 Œdème et douleur d’un membre 53 Douleur isolée d’un membre 6 Œdème isolé d’un membre 3 Inflammation d’un membre 1 Signes de phlébite au cours de grossesse ou post-partum 9 Signes de phlébite après chirurgie ou traumatisme 5 Récidive de phlébite 8 III.1.3. Durée d’hospitalisation : La durée moyenne d’hospitalisation était de 10,5 ± 5 jours variant entre 2 et 34 jours. III.1.4. Antécédents et facteurs de risque thromboembolique: III.1.4.1. Antécédents : - 5 patients étaient des hypertendus sous traitement antihypertenseur. - 2 patients étaient des diabétiques de type II sous antidiabétiques oraux. - 19 patients étaient des tabagiques. - 2 patients étaient des cancéreux sous chimiothérapie. La maladie thromboembolique veineuse III.1.4.2. Facteurs de risque thromboemboliques : III.1.4.2.1. descriptions des FDR : Les facteurs de risque suivants ont été étudiés (tableau 33). La somme du nombre de patients concernés et leur pourcentage est supérieure à 100% du fait de la possibilité de facteurs de risque associés. NB : le pourcentage des FDR suivant (grossesse, post-partum et traitement œstroprogestatif oral) est calculé par rapport au nombre de femmes de notre série (n= 45). III.1.4.2.2. niveaux de risque thromboembolique : 46 patients avaient au moins un FDR majeur (graphique 2) III.1.4.2.3. association de facteurs de risque : Très souvent, les patients ne sont pas exposés à un facteur de risque isolé. Nombreux sont ceux qui cumulaient plusieurs facteurs de risque (graphique 3) La maladie thromboembolique veineuse Tableau 33 : facteurs de risque thromboemboliques de nos patients. Facteurs de risque thromboemboliques Risque majeur : - 14 2 0 3 14 2 0 3 1 1 26 14 1 1 26 14 20 20 1 2 1 0 0 3 10 1 8 12 3 1 2 1 0 0 3 10 2 18 27 3 Risque mineur : 4 4 - alitement prolongé - voyage prolongé Episode thromboembolique idiopathique 23 2 30 23 2 30 - antécédent de MTEV cancer actuel ou évolutif thrombophilie connue déficit moteur d’un membre (paralysie, AVC) insuffisance cardiaque décompensée insuffisance respiratoire décompensée chirurgie âge supérieur à 60 ans Nombre de Pourcentage cas (%) 46 46 Risque modéré : - * infarctus du myocarde récent pathologie infectieuse grave syndrome néphrotique colites inflammatoires déshydratation sévère (brûlure grave) varices, insuffisance veineuse obésité grossesse * post-partum * traitement œstroprogestatif oral * plâtre, traumatisme le pourcentage des FDR suivant (grossesse, post-partum et traitement œstroprogestatif oral) est calculé par rapport au nombre de femmes de notre série (n= 45). La maladie thromboembolique veineuse Graphique 2 : Répartition des patients selon le niveau de risque de MTEV 60 majeur 40 idiopathique effectif modéré 20 mineur 0 niveau de risque majeur modéré mineur idiopathiq 46 20 4 30 niveau de risque La maladie thromboembolique veineuse Graphique 3 : Répartition des patients par nombre de facteur de risque thromboembolique 5 FDR 1,0% 4 FDR 3,0% 3 FDR 11,0% 0 FDR 30,0% 2 FDR 22,0% 1FDR 33,0% La maladie thromboembolique veineuse III.2. Données cliniques : III.2.1. Signes cliniques de la MTEV : Chez les 17 patients hospitalisés symptomatologie clinique était dominée par pour suspicion d’EP, la la dyspnée (n = 15 ; 88%) (tableau34). Les 83 patients hospitalisés pour suspicion de phlébite des membres inférieurs présentaient les signes cliniques figurant sur le tableau 35, avec prédominance de phlébite du membre inférieur gauche (n= 53 ; 64 %). La tachycardie représentait le signe général de gravité le plus fréquent (n=7 ; 7 %) (tableau 36). Tableau 34 : symptômes et signes cliniques des patients suspects d’embolie pulmonaire. Symptômes et signes d’EP Nombre de cas (n= 17) Pourcentage (%) Dyspnée 15 88 Douleur thoracique 7 41 Malaise 3 18 Toux 0 0 Hémoptysie 0 0 Syncope 0 0 Râles bronchiques 2 12 Signes de phlébite associés 6 35 Etat de choc 3 18 La maladie thromboembolique veineuse Tableau 35 : signes cliniques et siège de phlébite chez les patients suspects de TVP. Nombre de cas (n= 83) Pourcentage (%) Œdème d’un membre 75 90 Douleur d’un membre 81 97 Rougeur 29 35 Chaleur 41 49 Distension veineuse 15 18 Cyanose 1 1 Signe de Homans 34 41 Membre inférieur gauche 53 64 Membre inférieur droit 30 36 Phlébite bilatérale 0 0 Signes et siège de phlébite Signes de phlébite : Siège de phlébite : Tableau 36 : signes généraux de gravité de la MTEV de nos patients : Signes généraux de gravité de MTEV Nombre de cas Pourcentage (%) Température ≥ 38,5 °C 0 0 Pouls > 100 bat/min 7 7 Fréquence respiratoire > 20cycl/min 6 6 Pression artérielle systolique < 80 mmHg 3 3 La maladie thromboembolique veineuse III.2.2. Autres données de l’examen clinique : Un examen clinique soigneux (examen général, cardiaque, pleuropulmonaire, dermatologique, ophtalmologique et neurologique) avait retrouvé une altération de l’état général chez 2 cas, des aphtes buccaux chez 2 cas, une aphtose bipolaire chez 4 cas. Un cas de grossesse à 28 semaines d’aménorrhée et 4 cas d’infection à type de dermatite ocre de la jambe (2 cas), érysipèle de jambe (1cas) infection pleuro-pulmonaire (1cas). III.2.3. Score de probabilité clinique et EP : Le score de probabilité clinique de Wells a été calculé à partir des critères cliniques présentés dans le tableau 17 chez 11 patients parmi les 17 hospitalisés pour suspicion d’EP (tableau 37). Le score de Genève a été évalué chez 2 patients: un patient avait une probabilité moyenne (score de Genève 58), l’autre avait une probabilité faible d’EP (score de Genève 0-4). Pour les autres malades la probabilité clinique était empirique. Tableau 37 : incidence d’EP dans la population étudiée selon le score de probabilité clinique de Wells. Score de Wells et probabilité d’EP Probabilité forte (score > 6) Probabilité moyenne (score 2-6) Probabilité faible (score 0-1) Nombre de cas Pourcentage(%) 0 0 7 64 4 36 La maladie thromboembolique veineuse III.2.4. Score de probabilité clinique et TVP : La probabilité clinique selon le score de Wells a été estimée à partir des critères cliniques présentés dans le tableau 13 chez les 83 patients hospitalisés pour suspicion de TVP (tableau 38). Tableau 38 : incidence de TVP dans la population étudiée selon le score de probabilité clinique de Wells. Score de Wells et probabilité de TVP Probabilité forte Nombre de cas Pourcentage(%) 25 30 58 70 0 0 (score ≥ 3) Probabilité moyenne (score 1-2) Probabilité faible (score <1) L’analyse de l’augmentation de la probabilité clinique (faible, moyenne et forte) estimée par le score de Wells selon le niveau de risque thromboembolique est présentée dans les graphiques 4 et 5 et tableaux 39 et 40 respectivement pour la population étudiée en cas de suspicion d’EP et de TVP. La probabilité d’EP ou de TVP n’augmentait pas avec l’augmentation du risque thromboembolique (p=0,21 et p=0,8 respectivement pour les groupes suspects d’EP et de TVP, supérieur à 0,05 selon le test de khi-deux). La maladie thromboembolique veineuse Tableau 39 : répartition des cas étudiés selon la probabilité d’EP et le risque thromboembolique. Niveau de risque Idiopathique Mineur Modéré Majeur Total des cas Probabilité clinique d’EP selon score de Wells faible n=1 (25%) 0 1 (25%) 2 (50%) 4 (100%) moyenne 5 (71,4%) 0 0 2 (28,6%) 7 (100%) Total des cas forte 0 0 0 0 0 6 (54,5%) 0 1 (9,1%) 4 (36,4%) 11 (100%) n= nombre de cas ; (% de probabilité) Graphique 4 : Répartition selon la probabilité d'EP et le risque thromboembolique 6 Effectif des patients 5 4 3 2 Wells probabilité 1 faible moyenne 0 idiopathique modéré niveau de risque majeur La maladie thromboembolique veineuse Tableau 40 : répartition des cas étudiés selon la probabilité de TVP et le risque thromboembolique Niveau de risque Idiopathique Mineur Modéré Majeur Total des cas Probabilité clinique de TVP selon score de Wells faible n=0 0 0 0 0 moyenne 16 (27,6%) 2 (3,4%) 14 (24,1%) 26 (44,8%) 54 (100%) forte 5 (20%) 1 (4%) 5 (20%) 14 (56%) 25 (100%) n= nombre de cas (% de probabilité) Graphique 5 : Répartition selon la probabilité de TVP et le risque thromboembolique Effectif des patients 30 20 Wells probabilité 10 moyenne forte 0 idiopathique modéré mineur niveau de risque majeur Total des cas 21 (25,3%) 3 (3,6%) 19 (22,9%) 40 (48,2%) 83 (100%) La maladie thromboembolique veineuse III.3. Données paracliniques: III.3.1. Bilan d’orientation diagnostique de la MTEV : L’électrocardiogramme (figure 10) réalisé chez tous les patients (100 %) avait montré des anomalies électriques chez 27 patients (27 %) (tableau 41). Il s’agissait essentiellement d’anomalie non spécifique de l’onde T et du segment ST (n= 16 ; 16%). La radiographie du thorax (figure 11) réalisée chez tous les patients, était pathologique chez 11 patients (11%). Le signe le plus fréquent étaient l’ascension d’une coupole diaphragmatique (n=11 ; 11%) (tableau 42). Réalisée chez 12 patients, la gazométrie artérielle mettait en évidence une hypoxie, une hypocapnie et une alcalose respiratoire chez 11 patients. Réalisés chez 40 patients (40%), les D-dimères étaient élevés chez 30 patients avec une valeur moyenne de 7966,67 μg/l et des extrêmes allant de 710 à 17860 μg/l. La maladie thromboembolique veineuse Figure 10 : Electrocardiogramme d’une patiente de notre série ayant une embolie pulmonaire grave montrant des signes d’hypertrophie ventriculaire droite, aspect S1Q3. La maladie thromboembolique veineuse Tableau 41 : fréquence des signes électrocardiographiques de la MTEV (versus EP) des patients étudiés. Population totale (n=100) Patients suspects d’EP (n= 17) n=73 (73%) 2 (12%) ECG anormal : 27 (27%) 15 (88%) Anomalie non spécifique T et ST 16 (16%) 9 (53%) Fibrillation auriculaire 3 (3%) 3 (18%) Bloc de branche droit 4 (4%) 2 (12%) Déviation axiale droite du QRS 2 (2%) 2 (12%) Aspect S1Q3 6 (6%) 6 (35%) Onde P pulmonaire 4 (4%) 4 (23%) Signes ECG ECG normal Tableau 42 : fréquence des signes radiologiques de la MTEV (versus EP) des patients étudiés. Population totale (n= 100) Patients suspects d’EP (n= 17) n=89 (89%) 12 (70%) Radiographie anormale : 11 (11%) 5 (30%) Elévation d’une coupole diaphragmatique 11 (11%) 5 (30%) Atélectasie 1 (1%) 1 (6%) Epanchement pleural 4 (4%) 4 (24%) Distension d’une artère pulmonaire 3 (3%) 3 (18%) Infiltrat pulmonaire 0 0 Infarctus pulmonaire 0 0 Hyperclareté 0 0 Signes radiologiques Radiographie normale La maladie thromboembolique veineuse Figure 11 : radiographie pulmonaire d’un de nos malades ayant une embolie pulmonaire (ascension de épanchement pleural droit,…) la coupole diaphragmatique droite, La maladie thromboembolique veineuse III.3.2. Bilan de dépistage de la MTEV : L’écho-doppler veineux des membres inférieurs (figures 12, 13), réalisé chez 49 patients (49 %) a mis en évidence une thrombophlébite profonde chez 48 patients (98%) dont 30 TVP du membre inférieur gauche et 18 TVP du membre inférieur droit. La veine fémorale était la plus touchée (n=31 ; 64,6%) (tableau 43). L’échocardiographie transthoracique (figure 14) faite chez 32 malades avait montré des anomalies échocardiographiques chez 12 malades (37,5%) (tableau 44). L’angioscanner thoracique hélicoïdal (figure 15) réalisé chez 4 patients était positif chez 3 malades, avec un cas d’EP gauche et 2 cas d’EP bilatérale. Réalisée chez un seul patient, l’angiographie pulmonaire a été négative. ’imagerie par résonance magnétique, la scintigraphie pulmonaire, l’échographie transoesophagienne et la phlébographie n’ont pas été faites. Tableau 43 : localisation des thrombophlébites détectées par échodoppler veineux. Nombre de thrombose Pourcentage(%) -Veines surales 25 52 -Veine poplitée 27 56 -Veine fémorale 31 64,6 -Veine iliaque externe 15 31,3 -Tout le réseau profond du membre 5 10,4 0 0 Veines atteintes inférieur (veines sus-citées) -Veine cave inférieure La maladie thromboembolique veineuse Figure 12 : thrombose veineuse occlusive en échographie doppler couleur avec dilatation de la veine et absence de flux. Coupes transversale (A) et longitudinale (B). La maladie thromboembolique veineuse Figure 13 : thrombus flottant en coupes transversale et longitudinale La maladie thromboembolique veineuse Tableau 44 : signes échocardiographiques de l’embolie pulmonaire de nos patients. variables Nombre Pourcentage (n= 32) (%) Echographie normale 20 62,5 Echographie anormale : 12 37,5 3 9 HTAP, insuffisance tricuspidiénne 10 31 Dilatation de l’AP 0 0 Dilatation des cavités cardiaques droites 9 28 SIV paradoxal 2 6 -Signes directes d’EP : Thrombus dans l’AP ou les cavités cardiaques droites -Signes indirectes : La maladie thromboembolique veineuse Figure 14: dilatation ventriculaire droite majeure au cours d’une embolie pulmonaire massive. Sur cette vue apicale 4 cavités, l’oreillette droite (OD) et le ventricule droit (VD) sont très dilatés. Le ventricule gauche (VG) apparaît comprimé par le déplacement septal (flèche). La maladie thromboembolique veineuse Figure 15 : angioscanner réalisé pour suspicion d’embolie pulmonaire aiguë. A. En coupe axiale on retrouve des lacunes endoluminales dans l’artère pulmonaire droite et interlobaire gauche correspondant à des thrombi récents. B. En reconstructions frontales, on objective le produit de contraste marginé autour des thrombi pulmonaires. La maladie thromboembolique veineuse Au terme du diagnostic clinique et paraclinique de dépistage, ont été retrouvées 83 TVP isolées, 11 EP isolées et 6 EP associées à une TVP. Le tableau 45 donne la rentabilité des examens effectués en fonction de la présence ou non des signes cliniques. Tableau 45 : rentabilité des examens de dépistage de la MTEV en fonction des signes cliniques présents chez non patients. Echo-doppler fait Signes d’EP 1 11 Signes de TVP 1 fait 10 (100%) 44 83 Signes de positif Echocoeur 43 TVP+EP 4 6 fait 2 (60%) 16 (97,7%) 4 positif Angioscanner 1 positif 1 (50%) 0 0 2 2 (6,25%) 6 (100%) 5 (83,3%) (100%) 6 Total 49 100 48 (98%) 32 12 (37,4%) 4 3 (75%) La maladie thromboembolique veineuse III.3.3. Bilan étiologique de la MTEV : III.3.3.1. Bilan de thrombophilie : Un taux de prothrombine était dosé chez tous les cas (100%) avec une médiane de 68% et des extrêmes allants de 45% à 83%. Le temps de céphaline activée (TCA) a été réalisé chez tous les malades (100%). Réalisés chez 10 cas, le fibrinogène était positif chez 3 malades, les PDF (produit de dégradation de la fibrine) étaient positifs chez un seul malade, l’antithrombine III, protéines C et S, facteurs V et VIII étaient négatifs. 20% des cas ayant un bilan de thrombophilie étaient de risque mineur ou idiopathique. 70% sont d’âge inférieur à 30 ans. III.3.3.2. Autres bilans biologiques : 90 hémogrammes ont été fait, l’anémie (n= 22 ; 51,2%) venait au premier plan des perturbations retrouvées (tableau 46). La vitesse de sédimentation réalisée chez 67 malades (67 %) était élevée (> 8mm à la première heure) chez 55 patients (82,1%). La CRP faite chez 100 cas (100%) était élevée (>6 mg/l) chez 70 malades (70%). Un bilan hépatique comprenant, transaminases, γglutamyltranspeptidases (GGT), phosphatases alcalines, et bilirubine a été réalisé chez 25 patients (25%) et a montré une cytolyse chez 6 malades (24%). Un bilan lipidique a été fait chez 12% des cas, il était normal chez 8 malades (66,7%) et a montré une hypercholestérolémie totale chez 2 patients et une hypertriglycéridémie chez 2 patients. La recherche d’anticorps antiphospholipides, d’anticorps antinucléaires et de facteur rhumatoïde réalisée chez 4 malades était négative. La maladie thromboembolique veineuse Les sérologies de la syphilis (VDRL/TPHA), des hépatites B et C et de l’immunodéficience acquise (HIV) faites chez 3 malades étaient négatives. Les marqueurs tumoraux (alpha fœtoprotéine, PSA et LDH) ont été recherché chez 7% de la population totale, étaient négatifs. Tableau 46 : données de l’hémogramme chez nos patients : Variables Nombre Pourcentage (%) Anémie 22 51,2 Hyperleucocytose 18 41,9 Leucopénie 1 2,3 Neutropénie 2 4,7 Lymphopénie 1 2,3 Thrombopénie 3 7 Thrombocytose 6 14 III.3.3.3. Bilan radiologique : L’échographie abdominopelvienne réalisée chez 21 patients (21%) était normale chez 16 cas (76%) et a montré une masse abdominale (n=2 ; 9,5%) une masse pelvienne (n=1 ; 4,8%) et une ascite (n=1 ; 4,8%). L’échographie thyroïdienne faite chez 2 patients était sans anomalie. Les autres investigations à visée étiologique (telles la TDM abdominopelvienne, la TDM thoracique, la mammographie, la fibroscopie œsogastroduodénale, la colonoscopie …etc.) n’ont pas été faites. La maladie thromboembolique veineuse III.4. Données thérapeutiques : III.4.1. Traitement initial : III.4.1.1. Traitement médical: Le traitement par l’héparine non fractionnée (HNF) a été administré chez 58% des patients alors que les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) ont été prescrites chez 65% (tableau 47) dont (n=27 ; 41,5%) des patients qui avaient reçu initialement l’HNF relayée par les HBPM. Le délai moyen de prescription de l’héparine était de 6,13 ± 3,47 jours et celui des HBPM était de 5,65 ± 2,57 jours. La majorité des patients (98%) ont bénéficié d’un relais par antivitamines-K oral - il s’agissait de l’acénocoumarol- dans un délai moyen de 2,77 ± 2,53 jours. Les antivitamines-K étaient débutés dés le 1er jour de l’héparinothérapie dans 43%. 2 cas de thrombolyse ont été réalisés. III.4.1.2. Traitement chirurgical : La thombéctomie, l’emboléctomie chirurgicales et la mise d’un filtre cave n’ont pas été faites. III.4.1.3 Traitements symptomatiques : L’oxygénothérapie et le remplissage vasculaire ont été institués chez 17% de la population totale (soit 100% des patients suspects d’EP). Les médicaments inotropes positifs et vasopresseurs n’ont pas été institué, sauf dans 2 cas d’EP graves avec état de choc. La contention élastique, le lever précoce et la déambulation étaient indiqués chez tous les patients. Le drainage lymphatique n’a pas été réalisé. La maladie thromboembolique veineuse III.4.2. Traitement au long cours : Les AVK représentaient le traitement au long cours chez la plupart des malades (96%), avec une durée moyenne de traitement de 6 mois. Chez 2 malades ayant un facteur favorisant persistant de MTEV (néoplasies) le traitement anticoagulant à base d’HBPM était poursuivi. Tableau 47 : traitement de la MTEV de nos patients. Variables Nombre Pourcentage(%) L’héparine non fractionnée 58 58 Héparine de bas poids moléculaire 65 65 Antivitamines K 98 98 Thrombolytiques 02 02 Traitement anticoagulant : La maladie thromboembolique veineuse III.5. Evolution et complications : L’évolution était favorable chez 76 patients (76%). 24 cas de complications, liées au traitement ou à la maladie thromboembolique, ont été notés dont deux cas de décès (tableau 48). Les complications étaient marquées par la forte proportion du syndrome post-thrombotique (n=11 ; 11%) suivi de récidive (n=6 ; 6%). Un syndrome hémorragique a été noté chez 4% de la population. Tableau 48 : caractéristiques évolutives et complications chez nos patients. Population EP TVP totale (N=17) (N=83) -Evolution favorable 76 (76%) 13 (76,5%) 63 (75,9%) -Aggravation 01 (1%) 0 01 (1,2%) -Embolie pulmonaire 01 (1%) 0 01 (1,2%) -Arrêt cardiaque récupéré 02 (2%) 02 (11,8%) 0 -Récidive 06 (6%) 01 (5,9%) 05 (6%) -Syndrome post thrombotique 11 (11%) 01 (5,9%) 10 (12%) -HTAP embolique chronique 04 (4%) 04 (23,5%) - -Syndrome hémorragique 04 (4%) 0 04 (4,8%) -Thrombopénie induite par 0 0 0 01 (1%) - 01 (1,2%) 02 (2%) 02 (11,8%) 0 Variables l’héparine -Résistance au traitement (phlébite à bascule sous traitement) -Décès La maladie thromboembolique veineuse IV. DISCUSSION : Notre étude rétrospective est différente des nombreuses études prospectives visant à analyser une démarche diagnostique devant une suspicion de MTEV (embolie pulmonaire et/ou thrombose veineuse profonde). Ce qui rend toute comparaison avec des études prospectives peu contributive. Dans le service de cardiologie, où notre étude a été réalisée, l’incidence des patients atteints de maladie thromboembolique veineuse représente 2% des hospitalisés durant la période d’étude. L’âge moyen de la maladie est de 60 ans, avec augmentation de l’incidence de façon importante avec l’âge, aussi bien pour les femmes que les hommes [16]. Dans notre série, l’âge moyen des patients était de 43 ans avec une légère prédominance masculine (55%). Cette valeur d’âge moyen nettement inférieure aux données de la littérature pourrait être expliquée par le moyen âge des militaires qui représentaient la majorité de nos malades. En ce qui concerne les facteurs de risque de la maladie, notre population était répartie en niveaux de risque (majeur, modéré, mineur). Ainsi, 46% des patients avaient au moins un FDR majeur. Il s’agissait de la chirurgie en premier lieu (26%) suivi de l’antécédent de MTEV (14%) et de l’âge avancé (supérieur à 60 ans) (14%). 20% des cas avaient au moins un FDR modéré de MTEV. Il s’agissait en grande majorité de la prise du traitement œstroprogestatif oral (27%), suivi de la période du post-partum (18%) et de l’obésité (10%). La maladie thromboembolique veineuse 4% des malades avaient au mois un FDR mineur de MTEV avec une large prédominance de l’alitement prolongé (23%) quelque soit sa cause (déficit moteur, chirurgie,…etc.) Enfin l’épisode thromboembolique veineux était considéré idiopathique avant tout bilan étiologique chez 30% des cas. Cette répartition par niveaux de risque est bien représentative pour des patients hospitalisés dans un service de cardiologie. Dans le travail de Grenard et Mahé [119], qui portait sur 104 patients présentant une MTEV (TVP et/ou EP) hospitalisés dans un service de médecine interne, le pourcentage de MTEV idiopathique était de 31,7%, proche de celui de notre série (30%). Le tableau 49 permet de comparer les fréquences des différents FDR chez nos malades à ceux retrouvés par d’autres auteurs. La dyspnée (88%) et la douleur thoracique (41%) étaient les signes cliniques dominants chez nos patients suspects d’EP (n=17), alors que la douleur (97%) et l’œdème du membre inférieur (90%) étaient les signes les plus fréquents chez nos patients ayant une phlébite (TVP) du membre inférieur (n=83). La tachycardie (7%), la tachypnée (6%) et l’état de choc représentaient les singes de gravité dominants de la MTEV chez nos malades. Ces données cliniques sont comparables aux données retrouvées dans la littérature (tableaux 50 et 51). La maladie thromboembolique veineuse Tableau 49 : fréquence des FDR de la MTEV selon différents auteurs. Facteur de risque (%) Pottier [155] Pottier [156] Grenard et Mahé [119] Ouldzein et al [157] Notre série 2000 2002 2003 2007 2007 N= 947 N=150 N=104 N=43 N=100 - Antécédent de MTEV 6 18 25 16,3 14 - Cancer actuel ou évolutif 8 12 15,4 4,7 2 - Trombophilie connue 0 0 1,9 4,7 0 - Déficit moteur d’un membre 10 3 4,8 3 17 17 4,8 1 1,9 1 (paralysie, AVC) - Insuffisance cardiaque décompensée - Insuffisance respiratoire décompensée - Chirurgie - Age > 60 ans 70 65 3,8 34,9 26 74 37,2 14 - Infarctus du myocarde 0,96 1 - Pathologie infectieuse grave 2,9 2 - Syndrome néphrotique 0 1 - Colites inflammatoires 0 0 0 - Déshydratation sévère (brûlure 4 3 0 - Varices, insuffisance veineuse 42 36 4,8 11,6 3 - Obésité 25 22 0,96 14 10 - Grossesse 0,1 0 0 11,6 2 0 11,6 18 7,7 2,3 27 14 3 grave) - Post-partum - Traitement œstroprogestatif 0,3 0 oral - Plâtre, traumatisme - Alitement prolongé 37 22 - Voyage prolongé - Aucun FDR 11 13 19,2 23 5,7 2 31,7 2,3 30 La maladie thromboembolique veineuse Tableau 50 : fréquence des signes cliniques d’embolie pulmonaire selon les auteurs. Signes cliniques (%) - Aucun signe clinique Dyspnée Douleur pleurale Malaise Toux - Hémoptysie Syncope Râles bronchiques Signes de phlébite Etat de choc Tachypnée Tachycardie Fièvre Hypotension Geno (PIOPED) [105] 2005 N=117 73 66 Ouldzein et al [157] 2007 N=43 2,3 65,1 53,5 37 18,6 13 16,3 4,7 7 34,9 28 Notre série 2007 N=17 (EP) 0 88 41 18 0 0 0 12 35 18 35 41 0 18 60,5 44,2 20,9 16,3 Tableau 51 : fréquence des signes cliniques de TVP du membre inférieur. Signes cliniques (%) - Œdème du membre inférieur - Douleur du membre inférieur - Rougeur - Chaleur Distension veineuse Cyanose Signes de Homans Grenard et Mahé [119] 2003 N=104 48,1 52,9 Notre série 2007 N=83 (TVP) 90 97 35 25,9 49 18 1 41 La maladie thromboembolique veineuse La radiographie thoracique (figure 11) est un examen systématique à la recherche des signes d’orientation de l’embolie pulmonaire. Réalisée chez tous les patients, elle était normale chez 70% des patients suspects d’EP; ce qui est proche de la série de Elliot [158] (tableau 52). L’ascension d’une coupole diaphragmatique (30%) représentait le signe radiologique dominant dans notre série. Tableau 52 : fréquence des signes radiologiques de l’embolie pulmonaire selon les auteurs. Signes radiologiques (%) Elliot [158] Ouldzein et al [157] Notre série 2000 2007 2007 N=2454 N=43 N=17 (EP) - Radiographie normale 76 39,5 70 - Ascension d’une coupole 20 16,7 30 - Atélectasie 18 9,5 6 - Epanchement pleural 23 16,7 24 - Distension d’une artère pulmonaire 19 2,4 18 - Infiltrat pulmonaire 14 4,8 0 - Infarctus pulmonaire 5 21,4 0 - Hyperclareté pulmonaire 8 7,1 0 diaphragmatique La maladie thromboembolique veineuse L’électrocardiogramme (figure 10), vu sa disponibilité au service, était réalisé chez tous nos patients. Il a permet de mettre en évidence les signes électriques classiquement retrouvés dans la littérature de façon très variable entre les différents auteurs (tableau 53). Les anomalies non spécifiques de l’onde T et du segment ST étaient fréquemment retrouvées dans notre série (53%). Tableau 53 : fréquence des signes électriques de l’embolie pulmonaire selon les auteurs. Signes (%) Rodger [159] Richman [160] Ouldzein et al [157] Notre série 2000 2004 2007 2007 N= 49 N= 49 N= 43 N=17 12 12 12 53 - ECG normal - Anomalie non 44 25 spécifique de T et ST - Fibrillation auriculaire - Bloc de branche droit 18 11 8 35 - Déviation axiale droite 12 12 du QRS - Aspect S1Q3 12 - Onde P pulmonaire 2 2 21 35 23 La maladie thromboembolique veineuse L’échodoppler veineux des membres inférieurs (figures 12, 13) a été le seul examen réalisé dans notre étude pour le diagnostic de TVP. Son informativité est importante puisqu’elle atteint 97,7% lorsqu’il existe des signes cliniques de TVP et de 100% lorsqu’il y a des signes d’EP seule ou associée à une TVP. La littérature [84, 98] donne des chiffres comparables avec, respectivement, une sensibilité et une spécificité de 97% dans le diagnostic de TVP symptomatique ; et une spécificité de 100% quand il y a suspicion d’EP. Les moyens diagnostics de l’EP sont dominés dans notre série par l’échographie cardiaque transthoracique (figure 14) réalisée chez 32% des cas et qui était positive dans 83,3% des EP symptomatiques associées à une TVP (tableau 45). L’HTAP (31%) et la dilatation des cavités cardiaques droites (28%) étaient les signes indirects de cœur pulmonaire aigu les plus retrouvés dans notre étude. Augusseau et al [161] ont montré que l’échocardiographie doppler est un examen important dans la démarche diagnostique de l’embolie pulmonaire grave et doit être réalisée en première intention. L’absence des signes échographiques de cœur pulmonaire aigu ne permet pas de récuser l’existence d’une EP, mais en l’absence de retentissement cardiaque, l’EP a un bon pronostic et ne requiert en principe ni exploration angiographique en urgence, ni traitement thrombolytique. L’angioscanner thoracique hélicoïdal (figure 15) a été réalisé chez 4% de la population étudiée. Il a montré une EP chez ¾ des cas. Dans l’étude de Perrier [115] portant sur 965 patients, il a été réalisé chez 61% des patients et a montré une embolie pulmonaire dans 13% des cas. Il faut rappeler qu’un examen normal n’élimine pas le diagnostic d’EP. La maladie thromboembolique veineuse Cependant l’angioscanner a tendance, actuellement, à remplacer l’angiographie pulmonaire qui fait la référence mais invasive, coûteuse et non dénuée de risque. Dans notre série, ce dernier examen n’a été réalisé que chez un seul malade ce qui est identique à la série de Ouldzein et al [157]. Dans notre série l’enquête étiologique était fondée sur des éléments simples (interrogatoire, examen clinique complet, examens biologiques usuels : dosage des D-dimères, numération formule sanguine, vitesse de sédimentation, C réactive protéine, radiographie pulmonaire et échographie abdomino-pelvienne). Cette démarche est comparable à celle de Grenard et Mahé [119] dans leur enquête étiologique sur 104 cas de MTEV hospitalisés dans un service de médecine interne. Ils ont conclu qu’une enquête systématique exhaustive à la recherche d’une étiologie de TVP et/ou EP chez tous les patients semble inutile ; que les tests d’hémostase doivent être réservés aux patients jeunes ou chez lesquels surviennent des événements thromboemboliques à répétition et que les examens plus spécifiques (TDM abdominale, fibroscopies…etc.) sont à réserver aux patients chez qui une première évaluation a permis d’évoquer un cancer sous-jacent. En plus des FDR suscités (tableau 49), notre enquête étiologique a retrouvé une forte prévalence du syndrome inflammatoire (82,1% d’élévation de la vitesse de sédimentation au-delà de 8 mm à la première heure, 70% d’élévation de la CRP au-delà de 6 mg/l et 30% d’élévation du fibrinogène audelà de 6 g/l) ; toutefois son interprétation pathogénique reste difficile, ne sachant pas ici s’il constituait une cause ou une conséquence de l’épisode thromboembolique. Notre résultat est comparable à celui retrouvé par Pottier La maladie thromboembolique veineuse [156] dans son étude prospective portant sur 150 patients hospitalisés pour TVP dans un service de médecine interne. Dans le cadre de la recherche d’une maladie de système, 6% de nos malades présentait des signes majeurs de maladie de Behçet. Cette relation classique entre maladie de Behçet et thrombose veineuse est notée dans la littérature [45]. Réalisée chez 10% de la population étudiée, la recherche d’une anomalie de l’hémostase ou thrombophilie (déficit en antithrombine III, en protéine C, en protéine S, en facteur V et en facteur VIII) était négative. Ce dépistage a été réalisé (dans 20% des cas) chez des patients qui avaient un risque de MTEV mineur ou dont l’épisode thromboembolique était idiopathique. Ce bas pourcentage par rapport à celui de la série de Grenard et Mahé (80%) [119] pourrait être expliqué par l’absence de thrombose familiale ou insolite (site inhabituel) dans notre série. Sachant que ces deux dernières conditions figurent parmi les situations où une recherche de thrombophilie est actuellement recommandée dans la littérature [77, 84, 96, 119]. Toutefois ce dépistage a été réalisé dans 70% chez des patients jeunes (< 30 ans), ce qui va en parallèle avec les données actuellement publiées dans la littérature qui recommandent ce type de dépistage chez les patients jeunes [77, 84, 96, 119]. Mise à part les 2% de patients connus cancéreux (cancer gastrique, cancer du col utérin), l’incidence de découverte d’une néoplasie occulte chez nos patients était nulle après bilan étiologique. Ceci est probablement dû aux simples moyens diagnostiques utilisés dans notre étude. Néanmoins notre démarche est conforme aux données actuelles de la littérature où la plupart des auteurs s’accordent pour dire qu’en l’absence de démonstration d’un avantage en termes de survie globale, seuls des examens de « routine » sont La maladie thromboembolique veineuse recommandés en cas de MTEV. Des examens complémentaires (scanner, endoscopies digestives, marqueurs tumoraux…) ne sont requis qu’en cas de forte suspicion clinique de cancer occulte (altération de l’état général, signes cliniques d’orientation, thrombose dans des sites inhabituels, thrombose bilatérale des membres inférieurs…) [162]. Le traitement, dans notre étude était fait essentiellement des HBPM (65%) et/ou d’HNF (58%) relayées rapidement par les AVK (43,2% au premier jour de l’héparinothérapie). Cette attitude classique est conforme aux recommandations de la littérature [131]. La thrombolyse n’a été utilisée que chez 2 malades. Elle constitue un choix thérapeutique de premier ordre dans l’embolie pulmonaire massive, mais elle ne pourra être envisagée que si le diagnostic est certain, du fait de son risque hémorragique, s’il y’a absence de contre indications et si elle est prescrite précocement. Dans la série de Ouldzein et al [157], elle a été réalisée chez un seul malade. Notre démarche thérapeutique n’a pas négligé les moyens thérapeutiques non médicamenteux : le lever précoce et la contention élastique ont été toujours préconisés. Ceci va avec les données thérapeutiques actuelles qui exigent ces procédures simples pour améliorer le pronostic de la maladie et réduire le taux de complications [131]. Notre série était marquée par une évolution favorable (76%) des patients sous traitement. Les complications fréquemment retrouvées sont : le syndrome post-thrombotique (11%) et la récidive (6%). 33,3% des patients qui ont récidivé avaient respectivement un antécédent personnel de MTEV et un antécédent de chirurgie. La fréquence de survenue du syndrome post-thrombotique après TVP est variable selon les études ; elle peut être évaluée entre 20 et 50% dans les 2 La maladie thromboembolique veineuse premières années suivant une TVP [92]. Le risque de récidive 1 an après l’épisode initial est estimé entre 6 et 13% [45, 107]. Hansson et al [163], dans leur étude qui évaluait l’incidence et les facteurs de risque de récidive après une TVP (qu’elle soit idiopathique ou secondaire), ont retrouvé un taux de récidive de 21,5% chez les 738 patients avec TVP documentée suivis pendant une durée moyenne de 5 ans. Le taux obtenu dans notre travail est plus bas en raison de la faible fréquence de cancer (2%) dans notre série. Sachant que l’existence d’un cancer et/ou d’un antécédent personnel de MTEV étaient les facteurs de risque de récidive les plus importants [163]. Des études évaluant le pronostic au décours d’un épisode thromboembolique veineux ont observé une survie à court terme (1 mois) variant entre 95 et 97% pour les TVP, et de 77 à 94% pour les EP [164, 165], alors que la survie à long terme (1 an) varie entre 61 et 75% pour les TVP et les EP [165, 166]. Dans notre série la survie à court terme était de 100% pour les TVP et de 88,2% pour les EP. L’âge avancé et l’embolie pulmonaire grave étaient les causes de décès (2%). A long terme la survie était de 100% pour les TVP et EP. Conclusion La maladie thromboembolique veineuse Le diagnostic de la maladie thromboembolique veineuse avec ses deux pôles (thrombose veineuse profonde et embolie pulmonaire) reste difficile en cardiologie. En revanche, la recherche de facteurs de risque, de signes cliniques et la réalisation des examens paracliniques non invasifs permettent souvent de réunir un faisceau d’arguments suffisants pour instituer une prise en charge thérapeutique adéquate. Celle-ci repose essentiellement dans notre pratique sur l’héparinothérapie. La prévention de la MTEV doit faire partie intégrante de la panoplie thérapeutique pour réduire la morbidité et la mortalité et offrir au patient une meilleure qualité de vie. Ainsi, il faut préconiser : En milieu chirurgical: Ŕ une prévention bien codifiée Ŕ une mobilisation rapide Ŕ un lever postopératoire précoce Ŕ une activité musculo-articulaire Ŕ une surélévation et contention élastique Ŕ en fonction du risque: HBPM en une injection quotidienne à une posologie adaptée au risque de TV. En milieu médical: Ŕ une prévention moins bien codifiée Ŕ HBPM chez les patients alités pour une affection médicale aiguë: insuffisance cardiaque stade II ou IV; insuffisance respiratoire aiguë; épisode d’infection aiguë ou d’affection rhumatologique aiguë associée à au moins un autre facteur de risque thromboembolique veineux; AVC ischémique. Résumés La maladie thromboembolique veineuse Résumé La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) associant la thrombose veineuse profonde (TVP) et sa complication majeure et redoutable l’embolie pulmonaire (EP), est une urgence diagnostique et thérapeutique à laquelle est confronté le médecin quelque soit son type d’exercice. C’est une pathologie qui pose un sérieux problème de santé à l’échelle international, de part sa fréquence et sa gravité puisque la mortalité d’un épisode thromboembolique non traité est de l’ordre de 30%. Aussi à cause des complications chroniques et invalidantes (maladie post-thrombotique et hypertension artérielle pulmonaire embolique) responsable d’une détérioration de la qualité de vie des patients. La MTEV est une pathologie multifactorielle (facteurs de risque acquis et/ou génétiques) et de diagnostic difficile vu son polymorphisme clinique. Ainsi sa prise en charge optimale impose la confirmation du diagnostic clinique par des examens complémentaires (échodoppler veineux, angioscanner thoracique …etc.) tout en évitant les excès. L’institution immédiate d’un traitement anticoagulant avant réalisation des explorations est justifiée en présence d’une forte probabilité clinique de TVP et/ou d’EP. Objectif. L’objectif de notre travail est de contribuer à l’étude des aspects cliniques et la prise en charge thérapeutique de la maladie thromboembolique veineuse sous ces deux aspects embolie pulmonaire et/ou thrombose veineuse profonde au service de cardiologie de l’hôpital militaire Moulay Ismail de Meknès durant 10 ans. La maladie thromboembolique veineuse Matériel et méthodes. Il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique incluant 100 patients consécutifs admis entre le 01/02/1997 et le 31/01/2007 au service de cardiologie de l’hôpital militaire Moulay Ismail de Meknès pour embolie pulmonaire aiguë et/ou thrombose veineuse profonde. Résultats. Dans notre population, dont l’âge moyen était de 43 ans, 70% des patients avaient au moins un facteur de risque thromboembolique. L’épisode thromboembolique veineux était considéré idiopathique avant tout bilan étiologique chez 30% des cas. La symptomatologie clinique était dominée par la dyspnée (88%) et la douleur thoracique (41%) en cas d’EP (n=17) et par la douleur (97%) et l’œdème du membre inférieur (90%) chez nos patients ayant une phlébite (TVP) du membre inférieur (n=83). La tachycardie (7%), la tachypnée (6%) et l’état de choc représentaient les singes de gravité dominants de la MTEV chez nos malades. Des anomalies électrocardiographiques ont été retrouvées chez 27 patients (27%). La radiographie thoracique était pathologique chez 11 patients (11%). L’échodoppler veineux des membres inférieurs a montré une thrombophlébite profonde chez 48 patients (98%). L’échocardiographie transthoracique avait montré des anomalies échocardiographiques chez 12 malades (37,5%). L’angioscanner thoracique hélicoïdal était positif chez 3%. Au terme du diagnostic clinique et paraclinique de dépistage, ont été retrouvées 83 TVP isolées, 11 EP isolées et 6 EP associées à une TVP. Le traitement était essentiellement fait des héparines de bas poids moléculaire (65%) et/ou d’héparine non fractionnée (58%) relayées rapidement par les antivitamines-k (43,2% au premier jour de l’héparinothérapie), 2 cas ont bénéficié de thrombolyse intraveineuse. Les moyens thérapeutiques non La maladie thromboembolique veineuse médicamenteux (lever précoce, contention élastique) ont été toujours préconisés. L’évolution était favorable (76%) sous traitement. Les complications fréquemment retrouvées sont : le syndrome post-thrombotique (11%) et la récidive (6%). la survie à cours terme était de 100% pour les TVP et de 88,2% pour les EP. L’âge avancé et l’embolie pulmonaire grave étaient les causes de décès (2%). Conclusion. La prise en charge de la MTEV dans notre pratique est caractérisée par l’utilisation fréquente sur le plan diagnostique de techniques non invasives et le recours à l’héparine sur le plan thérapeutique. La maladie thromboembolique veineuse Summary Venous Thromboembolism (VTE) which associates deep vein thrombosis (DVT) and its major complication, pulmonary embolism (PE), is urgent (in diagnosis and therapy). Doctors, whatever their training, are confronted by the urgency of this disease. This pathology is a serious problem of health on an international level, because of its frequency and its seriousness since; the mortality of an episode thromboembolic which is not treated is 30 %. Also, because of chronic and invalidating complications (post-thrombotic and lung arterial high blood pressure embolic) which is responsible for a deterioration of the quality of the patients' life. VTE is a multifactorial pathology (acquired and\or genetic risk factors) and difficult to diagnose because of its clinical polymorphism. So its optimal coverage imposes the confirmation of the clinical diagnosis by complementary tests (venous duplex ultrasonography, Pulmonary computed tomography etc.) all this while avoiding excesses. The immediate institution of an anticoagulating treatment before achieving explorations is justified in the presence of a strong clinical probability of TVP and\or EP. Objective. The objective of this thesis is to contribute to the study of the clinical aspects as well as the therapeutic coverage of venous thromboembolism with these two aspects: pulmonary embolism and\or deep vein thrombosis at the department of cardiology in Meknès' Military Hospital ‘Moulay Ismail' during 10 years. Material and methods. This thesis is about a monocentric retrospective study including 100 consecutive patients admitted between February 1st, 1997 and January 31st, 2007 at the department of cardiology in Meknes' Military Hospital for pulmonary embolism and\or deep vein thrombosis. La maladie thromboembolique veineuse Results. In our population, of which the average age was of 43 years, 70 % of the patients had at least a thromboembolic risk factor. Venous thromboembolic episode was considered idiopathic before etiologic check-ups for 30 % of cases. The clinical symptomatology was dominated by the dyspnea (88 %) and thoracic pain (41 %) in case of EP ( N=17 ) and by pain (97 %) and oedema of the lower limb (90 %) for patients having a phlebitis ( TVP) of the lower limb ( n=83 ). Tachycardia (7%), tachypnea (6%) and state of shock represented the dominant signals of seriousness of the VTE for our patients. Electrocardiographic abnormalities were found for 27 patients (27%). Thoracic radiography was pathological for 11 patients (11%). venous duplex ultrasonography of lower limbs showed a deep thrombophlebite for 48 patients (98%). Transthoracic échocardiography had shown echocardiographic abnormalities for 12 patients (37,5%). Helical pulmonary computed tomography was positive at 3 %. In terms of clinical diagnosis and paraclinical screening, there were found 83 isolated DVT, 11 isolated PE and 6 PE associated to a DVT. The treatment was essentially made of heparins of low molecular weight (65%) and\or of Unfractionated heparin (58%) replaced quickly by vitamin k antagonist (43,2% the first day of the heparintherapy). 2 cases have an intravenous thrombolysis. Non-medicinal therapeutic means (premature rise, compression stockings) were always recommended. Evolution was favorable (76%) under treatment. Frequently found complications are: post-thrombotic syndrome (11%) and recurrence (6%). Short term survival was of 100 % for the TVP and 88,2 % for the EP. Advanced age and pulmonary embolism were the causes of death (2%). Conclusion. The coverage of the VTE in our practice is characterized by the frequent use on the diagnostic view of non-invasive techniques and appeal to the heparin on the therapeutic view. La maladie thromboembolique veineuse 30% . La maladie thromboembolique veineuse %70 %30 88% 41% 90% 97% 6% 7% 27% 11%) (98% 37,5% % 65% % 58% 76% . 6% 11% La maladie thromboembolique veineuse 82,2% % (2%) Bibliographie La maladie thromboembolique veineuse [1] Buller HR, Sohne M, Middeldrop S. Treatement of venous thromboembolism. J Thromob Haemost 2005; 3: 1554-60. [2] Fowkes FJ, Price JE, Fowkes FG. Incidence of diagnosed deep vein thrombosis in the general population: systematic review. Eur Jornal Vasc Endovascular Surg 2003; 25: 1-5. [3] Health committee. The prevention of venous thromboembolism in hospitalised patients. Session 2004-2005. Www.parliment.the- stationery-office.co.uk. [4] I Elalamy. Mécanismes et facteurs de risque des thromboses veineuses. EMC 2002; 19-2095. [5] D Juillard-Delsart, A Buchmuller-Cordier, H Décousus, A Viallon, B Tardy. Thrombose veineuse : diagnostic et traitement. EMC 2000 ; 24-038- 10. [6] Coombes R. 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