Fréquence et facteurs de risque d'hépatotoxicité induite par la névirapine Revue critique de l'actualité scientifique internationale sur le VIH et les virus des hépatites n°98 - janvier 02 VIH - SIDE EFFECTS Fréquence et facteurs de risque d'hépatotoxicité induite par la névirapine Bernard Jarrousse fédération de médecine interne, maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Avicenne (Bobigny) Hepatotoxicity in HIV-1 infected patients receiving nevirapine-containing antiretroviral therapy Martinez E., Blanco J.L., Arnaiz J.A., Pérez-Cuevas J.B., Mocroft A., Cruceta A., Marcos M.A., Milinkovic A., Garcia-Viejo M.A., Mallolas J., Carné X., Phillips A., Gatell J. AIDS, 2001, 15, 1261-8 Une cohorte prospective de patients recevant un traitement associé à de la névirapine révèle une incidence croissante avec le temps de la cytolyse hépatique, et d'exceptionnelles hépatites d'apparition retardée. La proposition d'"alléger" la surveillance biologique hépatique n'en est pas moins critiquable. Dans la classe des inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse, la névirapine, dont l'utilisation en clinique s'est développée depuis 1997, est associée, malgré un schéma posologique d'introduction progressif, à la survenue de toxidermies suffisamment fréquentes pour justifier le développement de stratégies de prévention. Une hépatotoxicité exceptionnellement dramatique a été signalée durant la phase de développement du produit, mais la survenue de plusieurs cas d'hépatite fulminante chez des patients traités par névirapine, puis au cours de chimioprophylaxies post-exposition chez des http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/98_1370.htm (1 sur 4) [08/04/2003 11:50:03] Fréquence et facteurs de risque d'hépatotoxicité induite par la névirapine soignants, a conduit à recommander une surveillance rapprochée des transaminases au cours des 12 premières semaines de traitement1. Cette étude de cohorte de Martinez et coll. avait pour objectif d'évaluer prospectivement l'incidence de survenue d'effets secondaires cutanés ou hépatiques après introduction de la névirapine dans le cadre d'une multithérapie anti-VIH. L'hépatotoxicité était définie par une augmentation des ALAT ou des ASAT d'au moins trois fois la valeur recueillie à l'initiation du traitement. L'hépatite clinique était définie par la survenue de symptômes compatibles avec une hépatite aiguë associés aux anomalies biologiques et en l'absence d'autre cause imputable. L'évaluation clinique et biologique des patients était programmée à un mois après l'introduction de la névirapine en association, puis tous les 3 mois. La décision d'arrêt de la névirapine était laissée à l'appréciation du clinicien en charge du patient sur des critères cliniques ou biologiques. Un total de 610 patients traités par névirapine en association ont été inclus, avec une prédominance d'hommes (70%), usagers de drogues (34,8%), au stade sida (59,5%), prétraités (79,7%) pour une durée médiane de 34 mois et une séroprévalence du virus de l'hépatite C (VHC) de 46,2% et du virus de l'hépatite B de 8,9%. Près d'un tiers des patients recevaient en association avec la névirapine un inhibiteur de protéase (principalement le nelfinavir). Selon les critères retenus par les auteurs, une hépatotoxicité biologique a été observée chez 76 patients, soit 12,5% de la cohorte, avec une incidence estimée à 3, 6 et 12 mois de 3,7%, 9,7% et 20,1% respectivement. Les auteurs soulignent que l'anomalie biologique hépatique la plus fréquente était une élévation de la gammaglutamyltransférase à plus de trois fois la valeur initiale (177 patients, 29%). Parmi les causes d'arrêt de la névirapine chez 238 patients, principalement du fait d'échec virologique (77,3%), l'hépatotoxicité est signalée chez 13 patients (2,1 %), dans 6 cas avec une élévation médiane des transaminases à plus de 10 fois la valeur de base, dans 7 cas avec une hépatite clinique survenant dans un délai médian de 60 jours après introduction de la névirapine, chez des patients majoritairement coinfectés par le VHC (6 sur 7). L'évolution biologique a été favorable chez tous les patients après arrêt du traitement antirétroviral incluant la névirapine. En analyse multivariée, les facteurs de risque associés à l'hépatotoxicicté dans cette cohorte étaient : la durée préalable de traitement antirétroviral (risque accru de 10% par année de traitement ; IC 95% : 1,01-1,19), la coinfection VHC (risque accru de 2,5 fois ; IC : 1,39-4,62), l'élévation des ALAT à l'état basal (risque accru de 1,5 fois ; IC : 1,09-2,07). En conclusion, les auteurs soulignent la similitude de l'incidence http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/98_1370.htm (2 sur 4) [08/04/2003 11:50:03] Fréquence et facteurs de risque d'hépatotoxicité induite par la névirapine et des facteurs de risque associés de l'hépatotoxicité induite respectivement par la névirapine et par les inhibiteurs de protéase, la survenue exceptionnelle et tardive d'hépatites cliniques imputables à la névirapine ne justifiant pas une stratégie spécifique de surveillance biologique hépatique pour la névirapine. Cette étude observationnelle présente l'avantage d'évaluer des patients pour la majorité d'entre eux préalablement traités, chez qui la névirapine a été introduite après sa mise à disposition dans le cadre de programmes d'accès étendu. Les données concernant l'hépatototoxicité induite par la névirapine, présentées par Martinez et coll., sont superposables à celles rapportées dans les essais prospectifs multicentriques évaluant la névirapine au sein d'associations incluant également deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse2. Les auteurs utilisent néanmoins une définition stricte des anomalies biologiques de type cytolytique, on pourrait donc craindre une surestimation de l'incidence du risque hépatique. Les données de tolérance de l'étude INCAS ou plus récemment de l'étude ATLANTIC retrouvent des taux comparables, avec une prédominance des anomalies concernant la gammaglutamyltransférase également signalée. L'analyse univariée ou multivariée des facteurs de risque associés à la survenue d'une hépatotoxicité n'incluait pas dans cette étude de données concernant la prescription conjointe d'un inhibiteur de protéase, pourtant signalée chez près d'un tiers des patients. De même, les données concernant les conduites addictives des patients sous traitement ne sont pas rapportées, notamment la consommation d'alcool. La séroprévalence du VHC, importante dans cette cohorte, dont le mode de transmission dominant est la toxicomanie intraveineuse, constitue ainsi le facteur de risque le plus important en analyse multivariée. Les auteurs, concluant sur l'extrême rareté dans leur expérience des hépatites cliniques et biologiques sévères et leur évolution toujours favorable, ne reprennent pas à leur compte les recommandations de surveillance hépatique spécifiques à la névirapine. Cette attitude est critiquable car leurs résultats ne peuvent conduire à minorer le risque réel, bien qu'exceptionnel, d'hépatite clinique grave, voire fulminante3 durant la phase d'introduction du traitement. Ce risque, si minime soit-il, justifie le maintien de recommandations concernant le monitorage initial attentif de la fonction hépatique et doit conduire, dans le cadre d'études de plus larges cohortes de patients, à une identification plus précise des populations à risque de développer ce type de manifestation dont le mécanisme - toxicité directe ou médiation immune - et les cofacteurs restent encore à décrypter. http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/98_1370.htm (3 sur 4) [08/04/2003 11:50:03] Fréquence et facteurs de risque d'hépatotoxicité induite par la névirapine 1 - "Serious adverse events attributed to nevirapine regimens for postexposure prophylaxis afetr HIV exposures- Worldwide, 1997-2000" MMWR, 2001, 49, 1153-6 2 - Montaner JSG, Reiss P, Cooper D et al. "A randomized, double-blind trial comparing combinations of nevirapine, didanosine and zidovudione for HIV-infected patients. The INCAS Trial" JAMA, 1998, 279 : 930-7 3 - Sanne I, on behalf of the FTC-302 study investigators and the FTC-302 independant clinical steering committee "Severe liver toxicity in patients receiving two nucleoside analogues and a non-nucleoside reverse transcriptase inhibitor" AIDS, 2000, 14, suppl 4, S12 http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/98_1370.htm (4 sur 4) [08/04/2003 11:50:03]