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degrés d’observance comme des stratégies propres qui régulent le rapport
des patients au médicament dans la vie quotidienne et leur consommation
médicamenteuse (Collin, 1999, 2002, 2003 ; Haxaire 2002 ; Lerner,
1997). Elles étudient les « pratiques médicamenteuses des malades » afin
de comprendre le sens du traitement pour le malade (Conrad, 1985), et
elles analysent l’expérience du traitement pour ce dernier (Ankri et al.,
1995 ; Desclaux, 2003 ; Wallach, 2004). Dans cette approche, il ne s’agit
pas de savoir quels sont les « bons » ou « mauvais » observants, mais de
«comprendre à quelles conditions sociales et culturelles se réalise ou non
le suivi de l’ordonnance » (Fainzang, 2001a : 34)
L’expérience des médicaments
Les premiers travaux en anthropologie du médicament, réalisés dans
les pays du Sud, ont montré, d’une part, que l’efficacité du médicament
faisait l’objet d’une construction culturelle (Etkin, 1988) et, d’autre part,
que les médicaments étaient aussi des marchandises et des objets sociaux
porteurs de significations multiples (Van der Geest et Whyte, 2003). Dès
lors, l’anthropologie du médicament questionne la place et le sens de l’ob-
jet-médicament dans le quotidien des malades et des soignants. Elle étu-
die les aspects relatifs au vécu des traitements, aux perceptions de leur
efficacité et de leurs effets secondaires, aux logiques sous-jacentes à l’au-
tomédication, à la sous-consommation ou à la surconsommation médica-
les et aux réinterprétations de l’ordonnance, en analysant les variations
locales du rapport entre le « médicament signifié et interprété par le
patient », la réalité de ses effets biologiques, et le « médicament socia-
lisé » (Desclaux et Levy, 2003 : 11).
Dans les pays occidentaux, des travaux ont aussi montré que le mode
d’action des médicaments, leurs indications, leur efficacité et leurs effets
indésirables sont pensés par les usagers de la biomédecine selon des repré-
sentations culturelles du corps et de la physiologie (Blumhagen, 1980 ;
Britten, 1996 ; Fainzang, 2001a ; Haxaire, 2002 ; Helman, 1978 ; Heurtin-
Roberts et Reisin, 1992). Ces conceptions (mode d’action, efficacité,
effets indésirables) sont confrontées aux représentations collectives et
symboliques du médicament communes aux produits de la pharmacologie
moderne (Collin, 2002) ou spécifiques à chaque classe thérapeutique, et
réinterprétées dans le cadre des relations dynamiques entre les individus,
le système de soins et le corps social (Ankri et al., 2002 ; Collin 1999,
2002, 2003 ; Haxaire, 2002 ; Sow et Desclaux, 2002b).
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