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Intégration des savoirs et posture professionnelle infirmière
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Situation clinique
Vous êtes infirmière aux urgences et vous prenez en charge Mademoiselle L., âgée de 18 ans, adres-
sée par ses parents pour troubles du comportement.
Sa mère vous explique que depuis 2 jours, sa fille a un comportement étrange :
Elle refuse d'aller au lycée car elle pense que ses camarades lui en veulent.
Elle dit être en danger car elle craint que son entourage (amis, famille…) conspire à son insu.
Elle mange et dort peu.
Elle se réfugie dans sa chambre car elle dit que c'est l'unique endroit où elle se sent en sécurité.
Mlle L. n'a aucun antécédent (médical ou chirurgical) connu jusqu'à ce jour.
Ses parents sont très angoissés car ils ne reconnaissent pas leur enfant. Ils ont réussi à la conduire
à l'hôpital en lui disant qu'ils s'y rendaient pour lui faire un certificat médical afin de justifier son
absentéisme scolaire.
À son arrivée :
Elle est logorrhéique, agitée, en sueurs et dit ne pas se sentir à l'aise dans cet endroit qu'elle ne
connaît pas.
Ses propos sont incohérents, elle fait des associations d'idées superficielles par assonance, jeux de
mots ou sans lien apparent (elle passe du coq à l'âne).
Elle refuse tout examen clinique et souhaite juste obtenir un certificat afin de ne plus aller à l'école.
Face à ce refus de soins et à cette agitation, le médecin prescrit 50 mg de Loxapac® en IM car la
patiente refuse catégoriquement de prendre un traitement par voie orale.
Une fois le traitement administré, Mlle L. est plus calme et un examen somatique est possible :
Examen clinique normal
Bilan sanguin normal
Absence de présence de toxique au niveau urinaire et sanguin
Scanner cérébral normal
Les paramètres hémodynamiques sont les suivants :
PA : 120/52 mmHg
Pouls : 82 bpm
Saturation : 99 %
Température : 36,4 °C
Suite à l'entretien initial et à la normalité des examens effectués, le médecin diagnostique une bouf-
fée délirante aiguë qui nécessite une prise en charge en milieu spécialisé.
Contexte d'un processus
psychopathologique
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Après discussion, Melle L. s'oppose fortement à une hospitalisation.
Le médecin envisage alors, en accord avec les parents de cette jeune fille, une hospitalisation en
psychiatrie à la demande d'un tiers.
Comprendre une situation
clinique : méthodologie de travail
Caractériser la situation
Au regard du sujet, réaliser une liste de mots-clés qui caractérisera la situation.
L'intérêt pour l'étudiant est de se construire une base de données personnelle.
Mots–clés : bouffée délirante aiguë, urgence psychiatrique, hospitalisation à la demande d'un tiers,
neuroleptique.
Définir la classe de situation
Une classe de situation est un ensemble homogène de situations qui présentent des caractéris-
tiques communes, seules certains éléments vont varier. Ces éléments de variation dépendent des
facteurs suivants :
la diversité des conditions de travail (par exemple, la prise en charge d'un patient en secteur hos-
pitalier, au domicile, en centre de rééducation, etc.) ;
la variabilité du travail au cours de la journée (exemple travail de jour ou de nuit, travail dans
l'urgence ou admission programmée, etc.) ;
l' extensivité de la classe de situation : en quoi la classe de situation peut devenir plus complexe.
Ici la classe de situation est la suivante : Prise en charge d'une urgence psychiatrique – bouf-
fée délirante aiguë.
Ceci peut paraître complexe et demande un entraînement, mais est très utile pour l'étudiant : il
peut ainsi opérer des généralisations (c'est-à-dire des regroupements de situations similaires ou
apparentées qui lui feront gagner du temps en terme de raisonnement) ou des discriminations,
c'est-à-dire qu'il distinguera ce qui diffère dans la situation pour la caractériser de façon claire et
pertinente.
Déterminer la situation clé
ou situation emblématique
La seconde étape consiste à identifier la situation clé ou emblématique et à dire en quoi cette
situation est emblématique.
Pour cela il faut répondre aux trois éléments suivants :
la situation est fréquente et représentative ;
la situation est suffisamment critique pour être pédagogiquement intéressante ;
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la situation est suffisamment significative en termes d'activité (comporte des éléments relatifs
à l'expertise professionnelle).
Ainsi, pour ce cas ciblé sur Mlle L, la classe de situation homogène est : Prise en charge d'une
urgence psychiatrique.
Elle répond effectivement aux trois critères demandés :
fréquente : ce type de situation est représentatif des urgences psychiatriques ;
critique : le patient est vulnérable et potentiellement dangereux pour lui et pour les autres ;
significative : le rôle propre de l'infirmière y est important, la situation fait appel à des connais-
sances spécifiques en soins infirmiers, la dimension éducative du patient et de sa famille est
présente.
Enfin, la situation clé (emblématique) est : Prise en charge d'une bouffée délirante aiguë .
Quelques questions pour
délimiter les connaissances
Questionnement 1
À partir des éléments du texte et de vos connaissances, définir les problèmes réels et/ou
potentiels de Mlle L. à son arrivée aux urgences.
TROUBLES DU COMPORTEMENT EN RAPPORT
AVEC LA SYMPTOMATOLOGIE DÉLIRANTE
C'est ce qui fait toute la gravité de l'épisode. Il existe à ce stade, un risque de passage à l'acte impor-
tant qui peut être auto ou hétéro-agressif et qui pourrait conduire à un raptus suicidaire.
Signes :
Trouble paranoïaque : « Elle pense que ses camarades lui en veulent » ; « elle craint que son entou-
rage conspire à son insu ». Ce premier trouble entraîne un sentiment d'angoisse et d'insécurité qui
provoque un isolement et un repli sur elle-même : « Elle refuse d'aller à l'école » ; « se réfugie dans
sa chambre car elle dit que c'est l'unique endroit où elle se sent en sécurité ».
Agitation.
Logorrhéique.
Propos incohérents.
LE REFUS DE SOINS
Signes :
La patiente n'a pas conscience de son état car elle ne critique pas son délire. Par conséquent,
elle ne peut pas comprendre l'intérêt d'une prise en charge médicale : « Elle refuse tout examen
clinique et souhaite juste obtenir un certificat pour ne plus aller à l'école ».
De plus, son anxiété ne fait que majorer ce refus de soins : « Elle dit ne pas se sentir à l'aise dans
cet endroit qu'elle ne connaît pas ».
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LA DIFFICULTÉ À ÉTABLIR UN CONTACT AVEC LA PATIENTE.
TROUBLE DE LA PENSÉE ET DU LANGAGE
Signes :
L'altération du rapport à la réalité et le vécu délirant de la patiente ne permettent pas d'établir
aisément une relation avec elle.
Elle souffre également de troubles du langage (qui sont secondaires à une altération du cours de
la pensée) qui ne facilitent pas la communication : « Elle est logorrhéique » ; « Ses propos sont inco-
hérents, elle fait des associations d'idées superficielles par assonance, jeux de mots ou sans lien
apparent (elle passe du coq à l'âne) ».
Questionnement 2
À partir des éléments du texte et de vos connaissances, définir des hypothèses de diagnos-
tics infirmiers.
Hypothèses de diagnostics infirmiers sous forme de PES :
Altération des opérations de la pensée liée à des difficultés à se situer dans la réalité se mani-
festant par : un délire de persécution, des propos incohérents, une agitation, une angoisse majeure
marquée par un repli sur soi, un isolement, des troubles du sommeil et de l'alimentation.
Altération de la communication verbale et non verbale liée à une altération du cours de la
pensée et manifestée par des propos incohérents et une logorrhée.
Stratégie d'adaptation familiale inefficace marquée par une incapacité à gérer une telle situa-
tion dans le cadre familial (qui est inapproprié dans ce cas) et par une angoisse des parents.
Risque de violence envers soi ou envers les autres lié à son angoisse importante.
Questionnement 3
Déterminez les actions à mettre en œuvre (relatives à votre rôle propre) à l'arrivée de
Mlle L. aux urgences.
La patiente doit être prise en charge rapidement : c'est une urgence.
Actions de soins à mettre en œuvre devant une bouffée délirante aiguë :
Se présenter clairement dans sa fonction (infirmier des urgences) et se positionner en tant que
soignant. Ici nous devons réaliser un entretien auprès des parents qui vise :
La recherche de l'information administrative (état civil).
La recherche des antécédents médicaux et chirurgicaux.
La présence d'allergie.
Les traitements en cours.
L'éventuelle prise de toxiques.
Les habitudes de vie.
Les symptômes présents : à la fois ceux exprimés par Mlle L. et ceux que l'on observe (les attitudes
et les mimiques sont ici très importantes à noter, tout comme le discours et le comportement).
Crise et urgence psychiatrique
La notion de crise d'après le psychiatre Nicolas
de Coulon sera considérée comme « un moment
de rupture dans l'équilibre intrapsychique ou
interpersonnel qui mène à une prise de contact
avec un professionnel de la santé mental ». La crise
s'exprime de manière intense et demande une
intervention immédiate.
clés
Points-
Cr
L
a
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e
d
c
l
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n
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L'histoire de la maladie : le mode d'apparition des symptômes, leur évolution.
Les thérapeutiques mises en œuvre éventuellement.
Les éléments biographiques de Mlle L. : les perturbations de la petite enfance, de l'adolescence et
les événements potentiellement survenus dans la vie de Mlle L. (la recherche d'un traumatisme,
un deuil, une perturbation de la dynamique familiale).
Il convient de créer un espace thérapeutique entre le patient, l'entourage et l'équipe : l'association
de l'entourage est ici capitale (sauf en cas de refus de la patiente ou en cas d'interférence notable).
Installer la patiente dans un box proche du poste de surveillance.
Rester calme, ferme mais empathique, ne pas montrer sa peur, éviter le contact visuel, faire sortir
les proches.
Signalement immédiat au médecin et à l'équipe en cas de crises : ne jamais rester seul et isolé face
à un patient agité.
Éloigner l'entourage et isoler la patiente dans un endroit sécurisé et sécurisant tout en expliquant
à la patiente l'intérêt de la prise en charge.
Évaluer rapidement le caractère de dangerosité de la situation qui repose sur :
une opposition à toute relation de la part de la patiente ;
un contact impossible à établir ;
une impulsivité ou une absence de contrôle de la part du patient ;
une majoration des troubles du fait de l'intervention du personnel paramédical ou médical ;
un passage à l'acte (violence physique ou verbale, crise d'agitation extrême) ;
l'existence d'une intoxication associée (alcool ou drogues) ou d'un délire avec ou sans
hallucinations.
Éloigner de la patiente toute source d'objet dangereux.
Ne pas rester seul avec la patiente et assurer un nombre suffisant d'aides afin d'éviter une
agression.
Ne pas laisser la patiente seule afin de prévenir le risque de fugue ou de passage à l'acte.
Appeler le médecin.
Établir une relation sécurisante et dédramatisante tout au long de la prise en charge avec la
patiente mais aussi avec la famille qui l'accompagne.
Assurer une écoute bienveillante mais non complice : le premier contact et le climat de confiance
mis en œuvre sont très importants. L'hospitalisation peut engendrer une perte de repères et
conduire à une réaction de violence importante.
Favoriser l'expression des problèmes générant l'angoisse du patient : ici l'important est la démarche
empathique (la capacité de comprendre l'expérience de l'autre, ce qu'il vit tout en n'étant pas cet autre).
Ne pas oublier la prise en charge somatique qui consiste à :
Mesurer les paramètres hémodynamiques (pouls, pression artérielle, saturation, fréquence respi-
ratoire et température).
Effectuer une glycémie capillaire.
Réaliser le bilan sanguin prescrit par le médecin.
Si la patiente refuse cette prise en charge (comme c'est le cas), on peut différer l'examen somatique.
Puis, mettre en œuvre les prescriptions médicales.
Il est également important de rassurer les parents de la patiente en leur expliquant la situation.
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