LE CONTRAT DE POIDS • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 22 Mars 1989 L'anorexie mentale est une des rares affections psychiatriques susceptibles d'entrainer par elle-même la mort. Ce risque vital, même réduit, pèse lourdement dans la relation avec le médecin et explique probablement la multitude des traitements proposés depuis la description de la maladie. Dès Lasègue et Charcot, les traitements conseillés sont fondés sur l'isolement de la patiente associé à une psychothérapie. Pendant la période endocrinienne, le traitement devient exclusivement somatique et utilise notamment, au fur et à mesure des découvertes, toute la gamme des psychotropes. Plus tard, les médecins, obnubilés par l'amaigrissement, concentrent leurs soins sur la réalimentation qui prend en fait des allures de gavage. Les électrochocs et la lobotomie frontale seront proposées sans succès. Aujourd'hui, il est admis que les méthodes thérapeutiques axées sur la seule reprise pondérale sont généralement vouées à l'échec. " Le pronostic, souligne le docteur Bernard Brusset, auteur de l'Assiette et le Miroir (1), est avant tout fonction des troubles de la personnalité et non de l'intensité ou des caractéristiques des symptômes. " Tous les auteurs soulignent la nécessité d'une prise en charge psychothérapeutique, après vérification de l'absence d'une maladie organique et, notamment, d'une insuffisance hypophysaire. En pratique, le traitement de l'anorexie repose sur le " contrat de poids ". Ce contrat, par lequel le médecin signifie à la jeune fille qu'il n'est pas complice de sa déchéance physique, introduit une médiation dans la relation de dépendance qu'elle entretient avec sa mère et la nourriture. Consultations L'hospitalisation, souvent nécessaire, ne doit pas être présentée comme une menace mais comme la conséquence logique du risque que représente l'amaigrissement. Une psychothérapie, adaptée à la personnalité très dépendante de l'anorexique, peut alors être entreprise. Dans tous les cas, le diagnostic et la prise en charge précoces donnent à ces adolescentes les meilleures chances de guérison. L'abord de la patiente boulimique est particulièrement délicat car le médecin ne peut utiliser le " levier " que représente l'amaigrissement de l'anorexique. En revanche, la boulimique est toujours une désespérée, même si elle parvient par des vomissements répétés à contrôler son poids. La dépression qu'entraine la perte du contrôle de sa conduite alimentaire l'amène souvent à consulter un médecin, puis un autre ; car cette patiente ne cesse de rejeter et de reproduire dans ses modalités relationnelles son comportement alimentaire aberrant. Actuellement, les médicaments n'ont qu'une place restreinte dans le traitement des boulimies. L'apparition récente des produits qui inhibent sélectivement l'attirance pour les aliments sucrés est cependant une voie d'avenir. L'hospitalisation, qui vise à réduire les apports alimentaires et à rompre le cercle vicieux des accès boulimiques, est parfois nécessaire. Les thérapeutiques comportementales ou une psychothérapie peuvent donner, selon le degré de demande de la patiente, des résultats satisfaisants. BANTMAN BEATRICE