Linda MORISSEAU, pédopsychiatre, institut de puériculture de Paris

Linda MORISSEAU, pédopsychiatre, institut de puériculture de Paris
Depuis les années 70, les patients psychotiques sont davantage intégrés dans la vie
sociale. Désormais, les patients font des rencontres, se marient et ont des enfants.
Depuis les années 80, dans les unités d'hospitalisation mère-enfant, ce sont le plus
souvent les familles qui amènent le patient à consulter, les autres étant le plus souvent
séparées de leur bébé. La naissance d'un enfant est un moment de crise pour le patient,
elle le replonge dans son histoire personnelle, voire transgénérationnelle. En même
temps, c'est l'occasion de passer du statut de malade mental à celui de parent. La
parentalité amène souvent un désir de changement qui se traduit généralement par une
baisse du nombre d'hospitalisations.
Les grands-parents, face à leur enfant à nouveau en crise, sont souvent démunis. Pris
dans la folie maternelle, ils s'inquiètent pour le bébé à venir. Ils sont eux-mêmes, face
à leur enfant qui se désorganise, replongés dans ce qu'ils ont vécu lors des premières
décompensations psychotiques de l'enfant à l'adolescence.
On comprend alors qu'un travail auprès du patient ne puisse être envisagé sans qu'une
prise en compte de l'ensemble de la famille n'y soit associée, en particulier les grands-
parents. Afin que chacun trouve sa place, la fonction de tiers du soignant est ici
nécessaire. J'ai reçu un jour une patiente et son bébé. Le bébé semblait en grande
souffrance dans les bras de sa mère, qui présentait des symptômes de schizophrénie et
sortait de deux mois d'hospitalisation psychiatrique. Je lui ai proposé une
hospitalisation conjointe, qu'elle a acceptée difficilement. A la sortie de
l'hospitalisation, les grands-parents se sont progressivement retirés tout en restant
disponibles, laissant la place au père qui est devenu un allié essentiel du soin. La
petite Eve a maintenant trois ans, elle va bien et entre en maternelle.
Lors des crises psychotiques aiguës comme la naissance, les grands-parents sont au
premier plan de la demande de soin. Sur les unités mère-bébé, les grands-parents sont
écoutés, soutenus et reconnus pour l'aide précieuse qu'ils apportent. Il faut entendre
chacun afin que tout le monde retrouve sa place et que la chaîne trans-générationnelle
se déploie.
En Finlande, j'ai rencontré une psychiatre qui m'a expliqué sa façon de travailler. Là-
bas, la notion de soin communautaire est très présente. Lorsqu'un patient schizophrène
fait une crise qui le conduit à l'hospitalisation, l'équipe soignante réunit le voisin à
l'origine de la demande, le pompier qui s'est chargé du transport, le gardien de
l'immeuble et la famille. Ces réunions permettent aux proches du malade de
comprendre ce qui s'est passé et d'envisager ainsi le retour à domicile.
Ce travail avec les proches est au centre du travail de pédopsychiatrie. En effet, il est
inconcevable de recevoir un enfant sans ses parents. Nous savons que les enfants de
parents malades mentaux développent rarement des pathologies graves, mais plutôt
des relations d'insécurité et d'emprise face à l'adulte. Souvent hyper-matures, ils
prennent en charge la souffrance de leurs parents. Dans le suivi de ces enfants, il est
nécessaire de s'appuyer sur les différents partenaires des réseaux de protection de
l'enfance. Par exemple, Enfants Présents est une crèche spécialisée à Paris qui adapte
l'accueil à la carte, de jour comme de nuit. Ce type de structures mériterait d'être
développé en France.
Pour conclure, je voudrais raconter l'histoire d'une patiente psychotique, enceinte et
errante dans la rue. Devant l'impossibilité d'entrer en contact avec elle, nous avons
décidé d'une réunion de tous les acteurs concernés. Nous avions oublié le samu social
qui connaissait pourtant bien la patiente et savait où la trouver. Je ne peux
m'empêcher de penser que cette place aurait pu être occupée par un membre de la
famille.
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