Enoncé du cas clinique
Une patiente âgée de quatre-vingt ans, présentant une sténose aortique serrée handicapante et
connue de longue date, est hospitalisée en cardiologie. Elle souffre d’une dyspnée sévère qui place
son espérance de vie à deux ans. Le seul traitement efficace dans son cas est le remplacement
valvulaire aortique percutané car les risques d’une opération classique à cœur ouvert (proposée mais
refusée dans le passé) seraient trop élevés. Cette opération qui est encore à un stade expérimental
consiste, en écartant deux côtes du côté gauche du thorax, à atteindre la valve défectueuse en
perforant la pointe du cœur et à déployer la nouvelle valve biologique sur la valve défectueuse
calcifiée. Au cours d’une discussion avec le cardiologue, la patiente refuse immédiatement cette
intervention. Elle ne veut pas risquer une opération à son âge et préfère profiter du temps qu’il lui
reste à vivre pour voir sa famille et ses proches. La fille de la patiente interpelle le cardiologue dans
le couloir. Elle lui explique que les neurologues ont diagnostiqué la maladie d’Alzheimer chez sa
mère. Selon elle, sa mère est désorientée et confuse. En réalité, elle présente des troubles mnésiques
légers du fait que depuis un an elle est en phase pré-démentielle de sa maladie dégénérative. Elle
n’est donc pas confuse. En suivant son hypothèse erronée de confusion chez sa mère, la fille de la
patiente demande au médecin d’insister sur les bénéfices de l’intervention et de minimiser les
risques de celle-ci. Ainsi, après un discours médical très convaincant sur les mérites de l’opération,
la patiente accepte l’intervention. L’opération est un succès. Cependant, quelques jours plus tard,
elle décède aux urgences... Après son décès, sa fille confie à l’équipe médicale qu’elle se sent très
coupable de la manière dont sa mère a terminé sa vie à l’hôpital. Son cardiologue me confia que de
toute façon la patiente était en fin de vie…
Questions soulevées par le cas clinique
De nombreuses questions déontologiques, juridiques, philosophiques, relationnelles, scientifiques et
éthiques ont été soulevées par ce cas clinique. Voici celles que j’ai choisi de développer. Lors d’une
prise de décision au sujet d’une opération cardiaque chez une patiente âgée atteinte de la maladie
d’Alzheimer, existe-t-il des recommandations de bonnes pratiques, des « guidelines » sur lesquelles
les soignants peuvent se baser ? S’il en existe, quels en sont les critères par ordre de priorité ? Les
gériatres sont-ils associés à la prise de décisions ? Comment parvenir à prendre en considération la
volonté du patient âgé (vulnérable et influençable) et le point de vue de la famille (influençant la
décision) afin de respecter la décision du patient ? Comment analyser cette situation selon les quatre
modèles théoriques relationnels suivants : informatif, interprétatif, délibératif et paternaliste ? Le
droit à l’information et le droit au consentement libre et éclairé du patient a-t-il été respecté dans ce
cas-ci ? Comment favoriser le respect des droits du patient dans le cas particulier des patients
atteints de la maladie d’Alzheimer et lutter contre son non respect ? Comment résoudre la tension
créée par le désir de bienfaisance du médecin (en soulageant cette dame grâce à l’opération) et le
risque de soins futiles pour la patiente (ne désirant pas être opérée) ?
Mailleux Sean