Comprendre un acte en hépato-gastroentérologie La gastrectomie subtotale avec curage ganglionnaire pour cancer de l’antre : points techniques Jean-Luc Faucheron, David Voirin, Irène Mora Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Clinique de Chirurgie Digestive et de l’Urgence, Hôpital Albert Michallon, BP 217, 38043 Grenoble cedex 9 <[email protected]> L’ extension ganglionnaire et péritonéale précoce est une particularité du cancer gastrique. L’atteinte ganglionnaire est un facteur déterminant du pronostic des cancers gastriques et les auteurs japonais ont démontré une amélioration de la survie lorsque la lymphadénectomie était élargie. Les auteurs européens ont ensuite tenté de reproduire les techniques japonaises, mais la morbidité et la mortalité de tels curages ont été si élevées que les éventuels bénéfices sur la survie ont été effacés. Le curage pour cancer de l’antre est donc moins extensif en France. Rappel anatomique Le drainage lymphatique a été beaucoup étudié par les anatomistes français, mais la plupart des auteurs s’accordent maintenant à utiliser la nomenclature japonaise attribuant à chaque groupe lymphatique un chiffre de 1 à 16. 2 1 3 4 5 doi: 10.1684/hpg.2007.0138 3 4 6 4 Figure 1. Groupes ganglionnaires intéressés schématiquement par le curage D1. Hépato-Gastro, vol. 14, n°5, septembre-octobre 2007 383 Comprendre un acte en hépato-gastroentérologie Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Schématiquement, le premier groupe correspond aux ganglions de la petite courbure et de la grande courbure (figure 1). Le deuxième groupe correspond aux ganglions intermédiaires, situés le long des principaux pédicules gastrique, hépatique, splénique et mésentérique supérieur (figure 2). Le troisième groupe, plus profond, correspond aux ganglions latéro-aortiques (figure 3). Enlever le premier groupe correspond à un curage minimal de radicalité dite D1 (D pour dissection). Enlever le deuxième groupe représente un curage extensif D2 et enlever le troisième groupe représente un curage très extensif, D3. La gastrectomie pour cancer de l’antre Une étude prospective multicentrique française a démontré que l’étendue de la gastrectomie pour cancer de l’antre (gastrectomie totale ou gastrectomie subtotale conservant un moignon gastrique supérieur) ne modifiait pas la survie. Puisque le résultat fonctionnel est bien meilleur avec une gastrectomie subtotale (dite aussi des 4/5es), c’est cette opération qui est recommandée pour un cancer de l’antre. 12 Le curage ganglionnaire pour cancer de l’antre Le curage D2, qui emportera les ganglions situés le long du tronc cœliaque, de l’artère gastrique gauche (autrefois appelée coronaire stomachique), de l’artère hépatique jusqu’au foie, de l’artère splénique jusqu’au hile inclus et de l’artère mésentérique supérieure suppose une exposition parfaite, une squelettisation de tous ces vaisseaux, l’ablation de la capsule pancréatique, une splénectomie (pour ne laisser aucun ganglion dans le hile) et une pancréatectomie gauche (pour débarrasser les vaisseaux mésentériques supérieurs des ganglions satellites). La dissection sera ainsi plus longue, possiblement plus hémorragique, voire dangereuse. L’ablation de la capsule pancréatique, la splénectomie et la pancréatectomie gauche comportent une morbidité propre, pouvant exposer à une pancréatite aiguë, une hémorragie postopératoire ou à des tableaux infectieux sévères. Enfin, une telle exérèse ganglionnaire étendue expose à une lymphorrhée importante et durable. Aussi, la plupart des auteurs, notamment français, ont tendance à réaliser ce qu’il est désormais classique d’appeler un curage D1,5, qui consiste à ôter les relais de la petite courbure et de la grande courbure et de 7 11 8 9 13 13 14 Figure 2. Groupes ganglionnaires intéressés schématiquement par le curage D2. 384 Hépato-Gastro, vol. 14, n°5, septembre-octobre 2007 10 16 16 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 16 16 Figure 3. Groupes ganglionnaires intéressés schématiquement par le curage D3. pousser l’exérèse ganglionnaire le long des vaisseaux principaux, dénudant ainsi l’artère hépatique commune et l’artère hépatique dans le pédicule, l’artère splénique au bord supérieur du pancréas jusqu’à quelques centimètres du hile splénique, l’artère gastrique gauche (qui est sectionnée à son origine sur le tronc cœliaque) et enfin le tronc cœliaque lui-même. La rate et la queue du pancréas sont systématiquement conservées, sauf si, bien sûr, il existe un envahissement de contiguïté par la tumeur gastrique elle-même (tumeur T4). Conduite de la gastrectomie subtotale avec curage D1,5 (figures 4 et 5) La voie d’abord peut être une incision médiane, une incision bi- sous-costale ou une cœlioscopie. L’opération débute par une exploration de la cavité péritonéale (tumeur, ganglions, foie, péritoine, ovaires, etc.). Le grand épiploon, adhérent à la face antérieure du côlon transverse, en est décollé de gauche à droite pour ouvrir ainsi l’arrière-cavité des épiploons. Ce grand épiploon contient les ganglions de la grande courbure (4). La pars flacida du petit épiploon est ensuite incisée contre le foie, permettant ainsi de découvrir la région cœliaque et d’assurer le curage de la petite courbure gastrique (3). Le bloc duodénopancréatique est alors libéré de ses adhérences postérieures, pour permettre la ligature des vaisseaux gastriques droits, la ligature des vaisseaux gastroépiploïques droits et la section du premier duodénum dans sa partie mobile, après agrafage. Le curage des groupes ganglionnaires gastriques droits (5) et de l’artère gastroépiploïque droite (6) est ainsi réalisé. Le curage est poursuivi le long de la faux de l’artère hépatique (8) et l’artère gastrique gauche est liée à son origine, assurant ainsi le curage à son origine (7). Le tissu cellulolymphatique autour de l’origine du tronc cœliaque est réséqué à ce moment-là (9). Les régions paracardiales droite et gauche sont enfin débarrassées de leurs ganglions (1 et 2). Les vaisseaux courts gastriques (reliant la grosse tubérosité à la rate) sont respectés pour assurer la bonne vascularisation du moignon gastrique. Il est alors facile de sectionner l’estomac transversalement en ne laissant qu’un moignon supérieur, après agrafage. Le rétablissement de la continuité est réalisé par une anastomose entre la deuxième anse jéjunale et la partie gauche de l’agrafage gastrique, recoupée (opération dite de Finsterer). Hépato-Gastro, vol. 14, n°5, septembre-octobre 2007 385 Comprendre un acte en hépato-gastroentérologie 2 1 7 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 8 5 9 3 4 6 Figure 4. Conduite de la gastrectomie subtotale pour cancer de l’antre, avec curage D1,5 (groupes ganglionnaires de 1 à 9). Conclusion Sans être aussi agressifs que les chirurgiens japonais, et parce que les patients et les cancers gastriques, au Japon, sont peut-être différents, les chirurgiens français ont opté pour un curage ganglionnaire qui devrait permettre, dans la grande majorité des cas, un staging adéquat et une clairance tumorale suffisante sans apporter une morbidité et donc une mortalité trop élevées. Figure 5. Anastomose gastrojéjunale selon Finsterer. 386 Hépato-Gastro, vol. 14, n°5, septembre-octobre 2007