Université Denis Diderot Paris 7 Mécanique Quantique 36U3MQ35 Introduction à la physique quantique 1 La mécanique quantique est une des plus grande réalisation intellectuelle du vingtième siècle. Voilà quelques étapes qui ont aboutit à cette découverte. 1.1 Le rayonnement du corps noir Un corps noir absorbe tout rayonnement qui lui est incident. A l’équilibre thermique ce corps est caractérisé par la densité d’énergie par unité de fréquence : ρ(ν). Ici ν est la fréquence du rayonnment élecromagnétique. Le calcul qui repose sur l’électromagnétisme décrit par les équations de Maxwell et la force de Lorentz ainsi que sur les postulats de la physique statistique conduit à la formule 8πν 2 (1.1) ρ0 (ν) = 3 kT, c où k est la constante de Boltzmann et T la tempêrature. Cette formule porte le nom de RayleighJeans. Elle est en accord avec les expériences seulement pour les petites fréquences. Elle R∞ conduit à une densité d’énergie totale u = 0 ρ0 (ν) dν infinie (catastrophe ultra-violette) alors qu’expérimentalement on trouve un résultat fini (u = σT 4 avec σ une constante). Planck en 1900 a constaté que les courbes expérimentales sont bien décrites par la fonction ρ(ν) = hν 8πν 2 kT , kT hν c3 e kT − 1 (1.2) où h est une constante h = 6.64 × 10−34 J.s−1 , (1.3) qui aujourd’hui porte le nom de constante de Planck. Comme kT a la dimension d’une energie, hν a également la dimension d’une énergie. La formule de Planck s’écrit comme ρ(ν) = ρ0 (ν)f (x), (1.4) hν et et f (x) = exx−1 . Pour les petites avec x une quantité sans dimension donnée par x = kT fréquences ou plus précisément pour x petit on a f (x) = 1 + O(x) et on retrouve la formule classique qui était en accord avec les expériences. Pour x grand ou bien pour les grandes fréquences on a f (x) = xe−x (1 + . . . ) qui est très petit, la formule de Planck s’écarte fortement de la formule classique et garantit que l’énergie totale est finie. Avec la formule de Planck date la naissance de la constante de Planck h, c’est la constante fondamentale de la mécanique quantique. Planck a constaté que sa formule peut être déduite avec l’hypothèse que le rayonnement échange de l’énergie avec la matière par des quantités discrètes nhν où n est un entier. Planck lui-même n’etait pas satisfait par cette explication. 1.2 Effet photoéléctrique C’est l’ejection d’électrons d’une surface sous l’action de la lumière. L’électron est soumis à une différence de potentiel V et on mesure le courant résultant i. Expérimentalement, on trouve que l’effet ne se produit que si la fréquence est supérieure à une une certaine valeur qui dépend du matériau composant la surface. De plus, on trouve que (i) si V est suffisamment grand le courant atteint une valeur de saturation i m et (ii) si V est négatif le courant s’annule si V < −V 0 pour une certaine valeur de V0 qui s’appelle le potentiel d’arrêt. Ce dernier fait s’explique aisément: en effet si l’énergie maximale des électrons ejectés est Emax alors un poteniel tel que eV0 = Emax arrête les électrons. La saturation est atteinte quand tous les électrons ejectés participent au courant. Le courant de saturation compte le nombre d’électrons ejectés et le potentiel d’arrêt en mesure l’énergie cinétique maximale. Expérimentalement on mesure l’effet de la variation de l’intensité incidente et de la fréquence sur V0 et im . On constate que (a) im est proportionnel à l’intensité, (b) V 0 ne dépend pas de l’intensité et (c) il existe une fréquence ν 0 telle que V0 varie linéairement en fonction de la fréquence pour ν > ν0 et V0 est nul pour ν < ν0 . On en déduit que la lumière avec une fréquence ν < ν 0 est incapable d’ejecter les électrons et que l’énergie maximale des électrons varie linéairement avec la fréquence. Ces faits expérimentaux sont en désaccord avec la théorie classique ondulatoire de la lumière : 1- la théorie ondulatoire implique que l’amplitude des champs électriques et magnétiques augmentent lorsque l’intensité du rayonnement croit. Comme la force exercée sur l’électron est proportionnelle au champ électrique l’énergie cinétique des électrons devrait augmenter avec l’intensité. 2- Selon la théorie classique l’effet photoélectrique devrait avoir lieu quelque soit la fréquence pourvu que l’intensité soit suffisante. En 1905 Einstein propose l’explication suivante de l’effet photoélectrique 1- La lumière est composée de quanta (plus tard baptisés photons), un photon est une particule avec une énergie donnée par E = hν, (1.5) où h est la constante de Planck et ν la fréquence de la lumière. 2- Dans l’effet photoélectrique un photon est absorbé par un électron dans la photocatode. Ces hypothèses suffisent pour expliquer l’effet photoèlectrique. En effet supposons que l’électron ait une énergie de liaison E 0 = −W0 avec W0 positive (W0 est le travail qu’il faut fournir pour arracher l’électron). En absorbant le photon l’électron gagne une énergie hν. Si ν > ν0 = W0 /h alors l’électron n’est plus lié et se déplace avec une énergie cinétique Ec = hν − W0 . L’hypothèse du photon permet aussi de comprendre facilement la formule de Planck. En effet, la probabilité d’une présence de n photons de fréquence ν est donnée par pn = 1 −n hν e kT , Z 2 (1.6) P hν avec Z une constante de normalisation telle que pn = 1. Elle est donnée par Z = (1−e− kT )−1 . L’énergie moyenne des photons avec une fréquence ν est donc < Eν >= ∞ X nhν pn = n=0 hν e hν kT −1 . (1.7) 2 dν modes par unité de volume. La densité d’énergie Entre les fréquences ν et ν + dν il y’a 8πν c3 des photons avec une fréquences entre ν et ν + dν est donc < Eν > 8πν 2 dν, c3 (1.8) qui est la formule de Planck. 1.3 Effet Compton En 1916, Einstein suggère que le photon est une particule de masse nulle avec une impulsion donnée par p~ = h̄~k (1.9) où ~k est le vecteur d’onde du rayonnement et h̄ = h . Cette relation est en accord avec la 2π relation de dispersion ν = c/λ. En effet comme le photon est une particule de masse nulle on doit avoir E = |~ p|c = hc/λ. La nature corpusculaire du rayonnement électromagnétique a été confirmée par Compton en 1923. Celui-ci a observé la diffusion de rayons X sur des électrons et a constaté que la longueur d’onde des rayons X diffusés est supérieure à la longueur d’onde incidente avec h (1 − cos θ) (1.10) mc où θ est l’angle de diffusion des rayons X et m est la masse de l’électron. Ce resultat est incompatible avec la théorie classique où la longueur d’onde du rayonnement n’est pas modifiée lors d’une diffusion. L’interprétation du processus comme la collision d’un photon et d’un électron permet de retrouver facilement la variation de la longueur d’onde. Elle est dûe à la variation de la quantité de mouvement du photon après la collision (voir les TD pour les details). ∆λ = 2 Atome de Bohr En 1911 Rutherford, pour interpréter ces expériences de diffusion de particules α sur une couche mince d’or, propose que l’atome est composé d’un noyau central lourd de charge positive autour duquel gravitent des électrons de charges négatives et de petite masse. L’ordre de grandeur de la taille de l’atome est de quelques Angstroms (1A=10 −10 m) et du noyau de quelques Fermi 1f m = 10−15 m. L’électron avait ét’e découvert quelques années auparavant, en 1897, par J.J. Thompson. Ce modèle (dit planétaire) soufrait cependant d’un probl‘eme d’instabilité. En effet, considérons pour simplifier l’atome d’hydrog‘ene avec un seul électron et supposons que la trajectoire de l’electron autour du proton est circulaire de rayon R. Son énergie est donc donnée par 1 e2 E=− . (2.1) 2 4π0 R 3 L’électron est accéléré, il émet donc du rayonnement électromagnétique et perd de l’énergie. Son rayon va donc diminuer jusqu’à atteindre le proton ! En TD, nous verrons que ceci se passe dans un interval de temps court. Pour résoudre ce probl‘eme Bohr en 1913 postule que le moment orbital de l’électron est quantifié L = nh̄, n = 1, 2, . . . (2.2) Pour le mouvement circulaire on a alors mvR = nh̄. (2.3) e2 v2 = . R 4π0 R2 (2.4) L’équation du mouvement donne m L’élimination de v des deux équations donne R = n 2 R1 , avec R1 = h̄2 4π0 . e2 m (2.5) Il est utile d’écrire le résultat à l’aide de la constante de structure fine α= e2 , 4π0 h̄c qui est sans dimension et dont la valeur numérique est voisine de 1/137. Le rayon R 1 , dit rayon de Bohr, s’ecrit alors comme 1 h̄ R1 = α mc Les rayons ne prennent alors que des valeurs discrètes, la valeur la plus petite du rayon est R 1 qui est de l’ordre de 4 A. L’énergie totale de l’électron est donnée par En = − 1 e2 1 |E1 | =− 2 . 2 4π0 R1 n2 n (2.6) Elle ne prend que des valeurs discrètes avec une valeur minimale donnée par E 1 . En fonction de la constante de structure fine l’énergie E 1 prend la forme 1 E1 = − α2 mc2 . 2 Sa valeur est de −13.6 eV. Bohr postule donc que l’électron ne peut se trouver que dans un état ou le moment orbital est un mutiple entier de h̄ (état stationnaire), l’état fondamental pour lequel l’énergie est la plus petite est celui avec n = 1. Dans son état normal l’électron se trouve dans cet état. Bohr postule également que l’électron peut passer d’un état n vers un état m > n en absorbant un photon de fréquence ν telle que l’énergie totale soit conservée ou bien 1 1 − hν = |E1 | . (2.7) n2 m2 Inversement, il peut passer de l’état m vers l’état n en émettant un photon avec la même fréquence. L’etude des spectres d’émission des élements étaient bien developpée à l’époque. Un 4 mathematicien et physicien amateur suisse Balmer avait trouvé en 1885 une manière empirique pour décrire certains spectres de l’Hydrog‘ene par la formule 1 1 ν = Ry − , m = 3, 4, . . . , (2.8) 4 m2 où Ry est une constante. Plus tard Rydberg a constaté que le reste du spectre d’emission de l’Hydrogène peut être décrit par la formule empirique 1 1 − . (2.9) νnm = Ry n2 m2 Le premier succés de la formule de Bohr fut donc de donner une explication théorique simple à cette formule et de plus de donner la valeur de la constante de Rydberg en termes de constantes 2 2 e 2m . fondamentales Ry = |Eh1 | = 2 h3 0 En 1914 la théorie de Bohr est confirmée par Franck et Hertz. Ils bombardent des atomes de mercure avec des électrons ayant une énergie E donnée. Ils constatent que tant que E < 4.9 eV alors rien ne se passe, et si E = 4.9eV les électrons perdent leur énergie, excitent les atomes de mercure qui émettent une raie avec hν = 4.9eV . Malgr’e ce succés, la théorie de Bohr n’était pas satisafisante, la prescription de quantification du moment orbital est ad-hoc et il n’était pas possible de décrire les atomes avec plusieurs électrons. 3 Dualité onde-particule En 1923, Louis de Broglie formule l’hypothèse que les particules massives ont, comme les photons, à la fois un caractère ondulatoire et corpusculaire. Les grandeurs associées au caractère corpusculaire qui sont l’énergie et la quantité de mouvement sont liés aux grandeurs associées au caracact‘ere ondulatoire qui sont la fréquence et la longueur d’onde par des relations analogues à celles du photon : E = hν = h̄ω, p~ = h̄~k. (3.1) Cette hypothèse a été confirmée par Davisson et Germer (1925) et G. Thompson (le fils de J.J.) (1927) qui ont montré que la diffusion d’électrons sur un cristal résulte en une figure de diffraction semblable à celle de la diffusion de rayons X sur le cristal mais avec une longueur d’onde en accord avec les relations de de Broglie. Une expérience, conceptuellement plus simple mais techniquement plus complexe a réaliser, est celle des fentes d’Young. 3.1 Expérience des fentes d’Young Le caractère ondulatoire de la lumière est mis en évidence par les interférences. L’expèrience d’interférence la plus simple conceptuellement est celle des fentes d’Young. Une plaque opaque est percée de deux fentes parallèles distantes de d, la lumière est observée sur un ècran parall‘ele à la plaque et distant de D. La palque est éclairée par une lumière monochromatique décrite par une onde plane. Au point d’observation P sur l’écran se superposent deux ondes issues des deux fentes. En negligeant le caractère vectoriel de l’onde, elles sont décrites par ψi (P ) = ψ0 cos(ωt − ~ki A~i P ), 5 i = 1, 2, (3.2) où ~ki est le vecteur d’onde de l’onde issue de la fente i située au point A i et ψ0 est l’amplitude de l’onde. Les deux ondes ont la même phase en A i . L’intensité lumineuse observée en P est proportionnelle au carré de la somme des ondes I(P ) = a(ψ1 (P ) + ψ2 (P ))2 . (3.3) Typiquement on a D >> d. Dans cette limite on a ~k1 A~1 P + ~k2 A~2 P = 2 2π D, λ ~k1 A~1 P − ~k2 A~2 P = 2π dx , λ D (3.4) où x est la coordonnée du point P (x = 0 étant équidistant des deux trous). L’onde totale en P prend alors la forme approchée 2π π dx . (3.5) ψ(P ) = ψ0 cos ωt − D cos λ λD Après une moyenne temporelle sur le temps, l’intensité prend la forme I = 2aψ02 cos2 ( π dx ). λD (3.6) L’intensité en P n’est pas égale à la somme des intensités des deux ondes en P , elle oscille entre des maximas (interférences constructives) et des minimas (interférences destructives). La mesure de la période de l’intensité ( λD d ) permet en principe de déduire la longueur d’onde du rayonnement. Une expérience similaire a été effectuée avec des électrons. Des électrons sont envoyés un à un vers un dispositif analogue à celui considéré plus haut. La physique classique prédirait que chaque électron passe par un des deux trous et le nombre d’électrons detectés en un point donné de l’écran est donné par la somme des contributions de chaque trou. Autrement dit si l’on cache successivement un des deux trous et que l’on mesure le nombre d’électrons en une position donnée sur l’écran alors la somme des deux nombres est celle que l’on obtiendrait quand les deux trous sont ouverts. L’expérience ne reproduit pas ce résultat. En fait, après un temps suffisamment long on observe une figure d’interférence semblable à celle obtenue avec la lumière. La longueur d’onde correspondante est en accord avec la relation de de Boglie, λ = h/p. Si l’on observe à des temps intermédiaires, on voit l’électron arriver de manière aléatoire à une position donnée. Avec le temps, les électrons s’accumulent pour former la figure d’interférences. (voir le film de l’expérience à www.hqrd.hitachi.co.jp/em/doubleslit.cfm). Les deux aspects corpusculaires et ondulatoires de l’électron sont sont bien mis en évidence par cette expérience. L’élctron est une particule puisqu’on observe les impacts un à un des électrons sur l’écran, mais l’électron a également un aspect ondulatoire puisqu’une figure d’interfs’erence avec une longueur d’onde de de Broglie est formée après un temps suffisamment long ! 6