Universit´e Claude Bernard Lyon 1
Agr´egation interne de Math´ematiques : ´
Ecrit
Ann´ee 2013–2014
Espaces affines
Lectures recommand´ees :
[1] Mich`ele Audin : G´eom´etrie. EDP-Sciences, Grenoble, deuxi`eme ´edition, 2006,
[2] Yves Ladegaillerie : G´eom´etrie pour le CAPES de math´ematiques, Ellipses, 2002 ou
G´eom´etrie affine, projective, euclidienne et anallagmatique, Ellipses, 2003,
[3] Jean Fresnel : M´ethodes modernes en g´eom´etrie, Hermann, 2010 (un livre tr`es riche que les
notations rendent difficile d’acc`es).
Soit Kun corps : ce sera le corps des scalaires de tous les espaces vectoriels consid´er´es. On
convient qu’espace vectorielest un raccourci pour espace vectoriel de dimension finie.
1Espaces affines
D´efinition ([1]).Un ensemble Eest muni d’une structure d’espace affine par la donn´ee d’un
espace vectoriel Esur Ket d’une application Θ qui associe un vecteur de E`a tout couple de
points de E:
Θ : E×EE
(M, N)7−
MN
telle que :
pour tout point Mde E, l’application partielle ΘM:N7→
MN est une bijection de Esur E;
pour tous points M,Net Cde E, on a :
MN =
MC +
CN (relation de Chasles).
On dit alors que Eest la direction de Eet on appelle sa dimension la dimension de E.
Exemple. Soit nun entier et El’espace vectoriel Kn. On fait de l’ensemble E=Knun espace
affine en posant, pour M= (ai)16i6net N= (bi)16i6n: Θ(M, N)=(biai)16i6nE.
Exemple. Plus g´en´eralement, soit Eun espace vectoriel. On fait de Eun espace affine en posant,
pour v, w E: Θ(v, w) = wv. Cela correspond intuitivement `a oublierl’origine
0 de E.
D´efinition. On appelle espace affine la donn´ee d’un ensemble Emuni d’une action simplement
transitive du groupe additif d’un espace vectoriel Esur E, c’est-`a-dire la donn´ee d’une famille
de bijections de Edans Eappel´ees translations (tv)vEtelle que :
(i) pour tout couple (v, v0)E2, on a : tvtv0=tv+v0;
(ii) pour tout couple de points (M, N)E, il existe un unique vecteur vEtel que N=
tv(M) ; on note alors
MN le vecteur v.
La condition (i) traduit que l’application de Evers le groupe des bijections de Eest un mor-
phisme, tandis que (ii) exprime que l’action correspondante est simplement transitive.
Exercice. emontrer que ces deux d´efinitions sont ´equivalentes.
Notation. ´
Etant donn´es deux points Met Nd’un espace affine Eet v=
MN, on peut noter
N=M+vpour exprimer que N=tv(M).
Exercice. Justifier que si v0est un autre vecteur, on a alors : M+ (v+v0) = (M+v) + v0.
1
2Rep`eres
a) Rep`eres et coordonn´ees
D´efinition. Soit Eun espace affine dirig´e par un espace vectoriel Ede dimension n. Un rep`ere
de Eest une (n+ 1)-liste r= (O, e1, . . . , en) form´ee par un point Ode Eet une base (e1, . . . , en)
de E. On appelle coordonn´ees de Mdans rl’unique n-liste de scalaires (xi)16i6nKntelle que
OM =
n
X
i=1
xiei.
Lemme. ´
Etant donn´e un rep`ere d’un espace affine Ede dimension n, l’application de Edans
Knqui, `a un point associe ses coordonn´ees dans le rep`ere, est une bijection.
b) Changement de rep`ere
Proposition. Soient Eun rep`ere affine et r= (O, e1, . . . , en),r0= (O0, e0
1, . . . , e0
n)deux rep`eres
de E. Soit Mun point de E, on note X= (xi)16i6net X0= (x0
i)16i6nses coordonn´ees dans r
et r0respectivement. Alors :
X=P X0+B,
o`u P=Pe,e0est la matrice de passage de e= (e1, . . . , en)`a e0= (e0
1, . . . , e0
n)et B= (bi)16i6n
est la colonne de coordonn´ees de O0dans r.
D´
emonstration. Laiss´ee en exercice.
Remarque. Rappelons que la matrice de passage de la proposition est la matrice dont les colonnes
sont les coordonn´ees des vecteurs de la nouvellebase eexprim´ees dans l’anciennebase e;
c’est aussi la matrice de l’identit´e dans les base e0et e(attention `a l’inversion).
Moyen mn´emotechnique : il faut savoir souffrir ! En g´en´eral, on veut passer dans un rep`ere
adapt´e ; on cherche les nouvellescoordonn´ees X0alors qu’on connaˆıt les anciennesX:
pour cela, il faut souffrir, c’est-`a-dire r´esoudre un syst`eme. Enfin, on trouve Ben simplifiant la
formule : B, c’est Xlorsque X0= 0.
3Sous-espaces affines
a) D´efinition
D´efinition. Soit Fune partie d’un espace affine Edirig´e par E. On dit que Fest un sous-espace
affine s’il n’est pas vide et si, pour un point MF, l’ensemble ΘM(F) =
MN, N Fest
un sous-espace vectoriel (sev) de E.
Exercice. erifier que cette d´efinition est ind´ependante de F, c’est-`a-dire que pour M, M0F,
ΘM(F) est un sev SSI ΘM0(F) est un sev. Dans ce cas, ΘM(F)=ΘM0(F) : c’est la direction
de F, qui ne d´epend que de F.
Exemple. Soit Mun point d’un espace affine Eet Fun sous-espace vectoriel de la direction de E.
Alors l’ensemble M+F={M+v, v F}est un sous-espace affine. En effet, par construction,
on a : ΘM(M+F) = F. On dit que Fest le sous-espace affine contenant Met dirig´e par F.
b) Sous-espace engendr´e et rep`ere affine
Soient (M0, . . . , Mr) une famille finie de points de E. Fixons k∈ {0, . . . , r}. Le sous-espace
vectoriel Fkengendr´e par
MkMi(0 6i6r) et le sous-espace affine Mk+Fkne d´ependent pas
du choix de k. On l’appelle sous-espace engendr´e par les points M0, . . . , Mr.
2
Montrons l’affirmation pr´ec´edente. Soient ket `compris entre 0 et r. Si 1 6i6r, on a :
M`Mi=
MkMi
MkM`Fk, d’o`u il r´esulte que F`Fk; l’inclusion inverse se d´eduit par sym´etrie.
Ensuite, si NM`+F`, il existe vF`=Fktel que
M`N=v, d’o`u :
MkN=
MkM`+vFk
et NMk+Fk. D’o`u : M`+F`Mk+Fk.
D´efinition. On dit qu’un famille de points (M0, . . . , Mr) est un rep`ere affine de Esi le sous-
espace affine qu’ils engendrent est Etout entier et si r= dim E(o`u il y a r+ 1 points !).
Exercice. Montrer que (M0, . . . , Mr) est un rep`ere affine SSI (M0,(
M0Mi)16i6r) est un rep`ere.
c) Sous-espaces affines en coordonn´ees
Exemple (Syst`eme d’´equations).Soit E=Kn. On se donne une matrice AMm×n(K) et
BKm. Alors, s’il n’est pas vide, l’ensemble Fdes solutions XKndu syst`eme AX =Best
le sous-espace affine passant par X0et dirig´e par le noyau de A. En effet, si X0F, alors on
a, pour XE:
XFAX =BAX =AX0A(XX0)=0 XX0+ Ker(A).
Exemple (Pr´esentation param´etrique).Dans Kn, on se donne pvecteurs B1, . . . , Bpet un point
X0. L’ensemble des points X0+Pp
j=1 tjBjo`u (tj)16j6pecrit Kpest un sous-espace affine.
Exercice. Consid´erons les matrices r´eelles
A=
1 2 14
1 0 12
31 4 3
, B =
0
2
7
.
1. D´eterminer une pr´esentation param´etrique de l’ensemble Fdes solutions XR4du
syst`eme AX =B. (Gauss est ton ami.)
2. Donner un syst`eme d’´equations du sous-espace affine de R3contenant (2,3,1) dont la
direction est engendr´ee par les colonnes de A. (Gauss est ton ami.)
4Applications affines
Proposition. Soient Eet Fdeux espaces affines dirig´es par Eet Fet soit f:EFune
application. Les conditions suivantes sont ´equivalentes :
(1) il existe ϕ:EFlin´eaire telle que pour tous M, N E, on a :
f(M)f(N) = ϕ
MN;
(2) il existe ϕ:EFlin´eaire et OEtel que pour tout NE,ona:
f(O)f(N) = ϕ
ON;
(3) ´etant donn´es des rep`eres de Eet E0, il existe une matrice AMdim(F),dim(E)(K)et un
vecteur BKdim(F)tels que les coordonn´ees Xet Yd’un point quelconque et de son image
par fsoient reli´ees par l’´egalit´e : Y=AX +B.
Remarque. On verra qu’une autre condition ´equivalente est la pr´eservation du barycentre.
D´efinition. Soient Eet Fdeux espaces affines dirig´es par Eet Fet soit f:EFune
application. On dit que fest affine si elle satisfait aux conditions de la proposition. Dans ce
cas, l’application ϕest unique : on l’appelle application lin´eaire associ´ee `a f, not´ee parfois
f.
Remarque. Sur les r´eels, l’application lin´eaire associ´ee `a une application affine est sa diff´erentielle.
3
D´
emonstration. D’´evidence, (1) implique (2). Supposons que (2) soit satisfaite. On a donc
une application lin´eaire ϕ, notons Asa matrice dans les bases ´evidentes et Bles coordonn´ees de
f(O). Soit ME,Xses coordonn´ees et Yles coordonn´ees de f(M). Alors, Xest ´egalement
la colonne des coordonn´ees de
OM ; par suite, AX est celle de ϕ(
OM) ; d’autre part, YBest
celle de
f(O)f(M). L’´egalit´e
f(O)f(M) = ϕ(
OM) donne alors : Y=AX +B, ce qui prouve (3).
Enfin, supposons que (3) soit satisfaite. Soit ϕ:EFl’application lin´eaire qui a pour matrice
Adans les bases tir´ees des rep`eres donn´es. Soient M, N E,Xles colonnes des coordonn´ees de
Met N,Yet Y0celles de f(M) et f(N), on a donc : Y=AX +Bet Y0=AX0+B, d’o`u :
Y0Y=A(X0X). Or, Y0Yest la colonne des coordonn´ees de
f(M)f(N), X0Xcelle de
MN, d’o`u l’on d´eduit :
f(M)f(N) = ϕ(
MN), ce qui prouve (1).
Exercice. Montrer que l’image (resp. l’image r´eciproque) d’un sous-espace affine par une appli-
cation affine est un sous-espace affine.
5Barycentres
a) D´efinition
Lemme. Soient rN,(Ai)16i6rune famille de points dans un espace affine Eet (λi)16i6rune
famille de scalaires. Si Pr
i=1 λi6= 0, il existe un unique point Gtel que Pr
i=1 λi
GAi=
0.
D´efinition. Avec les notations du lemme, on appelle Gle barycentre du syst`eme de points
pond´er´es (Ai, λi)16i6r. Cette notation de S. Parmentier n’est pas standard mais bien pratique :
G=A1· · · Ar
λ1. . . λr.
Lemme (Associativit´e).Si Ps
j=1 λj6= 0, alors : G=
A1· · · As
λ1. . . λsAs+1 · · · Ar
Ps
j=1 λjλs+1 . . . λr
.
Lemme. Avec les notations ci-dessus, on a pour tout point O:
OG =
r
X
i=1
λi
Pr
j=1 λj
OAi.
b) Applications affines et pr´eservation du barycentre
Exercice. On dit qu’une application pr´eserve le barycentre si l’image du barycentre de tout
syst`eme de points pond´er´es est le barycentre des images. Montrer que cette condition est
´equivalente `a la pr´eservation du barycentre pour les syst`emes de deux points pond´er´es.
Proposition. Une application est affine si et seulement si elle conserve le barycentre.
Exercice. Toute isom´etrie est affine. (Si λ[0,1], M=A B
1λ λ AM +MB =AB et AM =λAB.)
c) Coordonn´ees barycentriques
Lemme. Soit (A0, . . . , An)un rep`ere affine d’un espace affine E. Pour tout point Mde E, il
existe une famille de scalaires (λi)06i6ndont la somme n’est pas nulle telle que
M=A0A1· · · An
λ0λ1. . . λn.
De plus, la famille (λi)06i6nest unique `a multiplication par un scalaire non nul pr`es.
D´efinition. Avec ces notations, l’unique famille (λi)06i6ntelle que Pn
i=0 λi= 1 forme les
coordonn´ees barycentriques de Mdans le rep`ere affine (Ai)06i6n.
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