Polynomes - Institut de Mathématiques de Toulouse

Polynômes
Pré-requis :
Maîtriser le calcul littéral (développer, factoriser,
manipuler des quotients)
Trouver les racines d’un polynôme du second degré
à coefficients réels ou complexes
Objectifs :
Effectuer une division euclidienne avec des poly-
nômes
Factoriser un polynôme après en connaissant cer-
taines de ses racines.
Calculer un PGCD de deux polynômes (algorithme
d’Euclide)
Savoir écrire le polynôme interpolateur de La-
grange
Savoir déterminer la multiplicité d’une racine
Décomposer en éléments simples une fraction ra-
tionnelle dans R
Décomposer en éléments simples une fraction ra-
tionnelle dans C
Les polynômes sont des objets très simples mais aux propriétés extrêmement riches. Vous savez déjà résoudre les
équations de degré 2 :
aX2+bX +c=
0. Vous avez vu une méthode de résolution des équations de degré 3, dont la
résolution a fait l’objet de luttes acharnées dans l’Italie du XVI
e
siècle ? Un concours était organisé avec un prix
pour chacune de trente équations de degré 3 à résoudre. Un jeune italien, Tartaglia, trouve la formule générale
des solutions et résout les trente équations en une seule nuit ! Cette méthode que Tartaglia voulait garder secrète
sera quand même publiée quelques années plus tard comme la « méthode de Cardan ».
Dans ce chapitre, après quelques définitions des concepts de base, nous allons étudier l’arithmétique des polynômes.
Il y a une grande analogie entre l’arithmétique des polynômes et celles des entiers. On continue avec un théorème
fondamental de l’algèbre : « Tout polynôme de degré
n
admet
n
racines complexes. » On termine avec les fractions
rationnelles : une fraction rationnelle est le quotient de deux polynômes.
Dans ce chapitre Kdésignera l’un des corps Q,Rou Cmais pourrait désigner tout autre corps.
1. Définitions
1.1. Définitions
Définition 1
Un polynôme à coefficients dans Kest une expression de la forme
P(X)=anXn+an°1Xn°1+···+a2X2+a1X+a0,
avec n2Net a0,a1,...,an2K.
L’ensemble des polynômes est noté K[X].
Les aisont appelés les coefficients du polynôme.
Si tous les coefficients aisont nuls, Pest appelé le polynôme nul, il est noté 0.
On appelle le
degré
de
P
le plus grand entier
i
tel que
ai6=
0 ; on le note
degP
. Pour le degré du
polynôme nul on pose par convention deg(0) =°1.
Un polynôme de la forme
P=a0
avec
a02K
est appelé un
polynôme constant
. Si
a06=
0, son degré est
0.
1
2
Exemple 1
X3°5X+3
4est un polynôme de degré 3.
Xn+1 est un polynôme de degré n.
2 est un polynôme constant, de degré 0.
1.2. Opérations sur les polynômes
– Égalité.
Soient
P=anXn+an°1Xn°1··+a1X+a0
et
Q=bnXn+bn°1Xn°1··+b1X+b0
deux polynômes
à coefficients dans K.
P=Qssi ai=bipour tout i
et on dit que Pet Qsont égaux.
Addition. Soient P=anXn+an°1Xn°1··+a1X+a0et Q=bnXn+bn°1Xn°1+···+b1X+b0.
On définit :
P+Q=(an+bn)Xn+(an°1+bn°1)Xn°1+···+(a1+b1)X+(a0+b0)
– Multiplication.
Soient
P=anXn+an°1Xn°1+···+a1X+a0
et
Q=bmXm+bm°1Xm°1+···+b1X+b0
. On
définit
P£Q=crXr+cr°1Xr°1+···+c1X+c0avec r=n+met ck=X
i+j=k
aibjpour k2{0,...,r}.
Multiplication par un scalaire. Si 2Kalors ·Pest le polynôme dont le i-ème coefficient est ai.
Exemple 2
Soient
P=aX3+bX2+cX +d
et
Q=ÆX2+ØX+
. Alors
P+Q=aX3+
(
b+Æ
)
X2+
(
c+Ø
)
X+
(
d+
),
P£Q=
(
aÆ
)
X5+
(
aØ+bÆ
)
X4+
(
a+bØ+cÆ
)
X3+
(
b+cØ+dÆ
)
X2+
(
c+dØ
)
X+d
. Enfin
P=Q
si et
seulement si a=0, b=Æ,c=Øet d=.
La multiplication par un scalaire
·P
équivaut à multiplier le polynôme constant
par le polynôme
P
.
L’addition et la multiplication se comportent sans problème :
Proposition 1
Pour P,Q,R2K[X] alors
0+P=P,P+Q=Q+P,(P+Q)+R=P+(Q+R);
1·P=P,P£Q=Q£P,(P£Q)£R=P£(Q£R);
P£(Q+R)=P£Q+P£R.
Pour le degré il faut faire attention :
Proposition 2
Soient Pet Qdeux polynômes à coefficients dans K.
deg(P£Q)=deg P+degQ
deg(P+Q)max(deg P,degQ)
On note Rn[X]=©P2R[X]|degPn. Si P,Q2Rn[X] alors P+Q2Rn[X].
Conséquence : « intégrité » de K[X]
Des calculs ci-dessus, il résulte que, si
P
et
Q
sont non nuls, alors
PQ
est non nul. Réciproquement : si
PQ =
0,
alors P=0 ou Q=0.
Une conséquence encore plus utile de l’intégrité est que l’on peut simplifier : si l’on a une égalité
PQ =PR
et si
P
est non nul, alors Q=R. (Pour le voir on écrit que P(Q°R)=0, d’où P=0 ou Q°R=0, d’où Q°R=0.)
3
Remarque
Cette propriété n’est pourtant pas si banale. Ainsi, le produit de deux fonctions quelconques peut être nul
sans qu’aucune des deux ne le soit. Prenons les fonctions f,g:R!Rdéfinies par les formules :
f(x)=x°|x|et g(x)=x+|x|.
(Ces fonctions sont d’ailleurs continues.) Alors
fg=
0, mais aucune des deux fonctions
f,g
n’est nulle. Ce
phénomène est impossible avec des polynômes, ni avec des fonctions polynomiales sur un corps ayant un
nombre infini d’éléments.
1.3. Vocabulaire
Complétons les définitions sur les polynômes.
Définition 2
Les polynômes comportant un seul terme non nul (du type akXk) sont appelés monômes.
Soit
P=anXn+an°1Xn°1··+a1X+a0,
un polynôme avec
an6=
0. On appelle
terme dominant
le
monôme anXn. Le coefficient anest appelé le coefficient dominant de P.
Si le coefficient dominant est 1, on dit que Pest un polynôme unitaire.
Exemple 3
P
(
X
)
=
(
X°
1)(
Xn+Xn°1··+X+
1). On développe cette expression :
P
(
X
)
=°Xn+1+Xn··+X2+X¢°
°Xn+Xn°1+···+X+
1
¢=Xn+1°
1.
P
(
X
) est donc un polynôme de degré
n+
1, il est unitaire et est somme de
deux monômes : Xn+1et °1.
Remarque
Tout polynôme est donc une somme finie de monômes.
Exercice 1
1.
Soit
P
(
X
)
=
3
X3°
2,
Q
(
X
)
=X2+X°
1,
R
(
X
)
=aX +b
. Calculez
P+Q
,
P£Q
,(
P+Q
)
£R
et
P£Q£R
.
Trouvez aet bafin que le degré de P°QR soit le plus petit possible.
2. Déterminez le degré de (X2+X+1)n°aX2n°bX2n°1en fonction de a,b.
3.
Démontrez que si
degP6=degQ
alors
deg
(
P+Q
)
=max
(
degP,degQ
). Donnez un contre-exemple dans
le cas où degP=degQ.
4. Démontrez que si P(X)=Xn+an°1Xn°1+··· alors le coefficient devant Xn°1de P(X°an°1
n) est nul.
1.4. Substitution de l’indéterminée dans un polynôme
Dès que nous pouvons donner un sens à la multiplication
x£x
, et plus généralement à
xn£xm
, ainsi qu’à l’opération
(
a,x
)
7! ax
, pour
a2K
, alors nous pouvons remplacer l’indéterminée
X
par « sa valeur »
x
dans l’expression de
P(X). Le cas le plus simple est lorsque nous prenons x2K.
Nous obtenons alors une
fonction x7! P
(
x
), qui à
x2K
associe sa valeur
P
(
x
)
2K
. C’est la fonction polynomiale
associée à P. Ainsi,
P(x)déf
=a0+···+anxn=
n
X
k=0
akxk.
Par exemple, P(0) =a0,P(1) =a0+···+an.
4
Définition
Une fonction polynomiale dans Kest toute fonction de la forme f:K!K,x7! P(x), où P2K[X].
Nous verrons plus bas que dès que le corps Ka un nombre infini d’éléments (c’est bien évidemment le cas de Q,R
et
C
), alors la connaissance de la fonction
x7!P
(
x
) détermine entièrement le polynôme
P
( si
P
de degré
n
, il suffit
même de connaître la valeur de
P
(
x
) pour
n+
1 valeurs différentes de la variable
x
). En revanche, lorsque le corps
est fini, il ne suffit pas de connaître
P
(
x
) pour tous les éléments
x2K
pour pouvoir connaître
P
(
X
) pour n’importe
quel objet
X
pour lequel les calculs font sens : d’où l’intérêt de bien distinguer en général le polynôme
P
(
X
) de la
fonction polynôme x7! P(x).
Mais l’intérêt de considérer des indéterminées
X
est de pouvoir remplacer
X
par n’importe quelle « variable » pour
lesquelles ces opérations ont un sens (nous verrons dans d’autres cours que nous pouvons par exemple remplacer
Xpar une matrice carrée, ou bien par un opérateur linéaire.
En particulier, nous pouvons remplacer
X
par un polynôme
Q2K
[
X
], puisque nous savons donner un sens à
Qn
,
avec Qn£Qm=Qn+m, ainsi qu’à aQ, pour a2K. Nous obtenons ainsi un nouveau polynôme P(Q)2K[X].
En ce qui concerne les degrés, nous vérifierons aisément le résultat suivant (exercice : le démontrer).
Proposition 3
1. Si deg(Q)1 alors deg(P(Q)) =deg(P)£deg(Q) (avec la règle (°1)£n=°1, pour tout n2N).
2. Si deg(Q)=0, alors deg(P(Q)) 0.
3. Si deg(Q)=°1, alors deg(P(Q)) 0.
(Pour les deux derniers points, si
Q
est constant et égal à
a2K
, alors
P
(
Q
)
=P
(
a
) est constant, mais
deg
(
P
(
Q
) peut
être 0 ou °1 selon les valeurs possibles de P(a).
Observons quelques cas simples
Si l’on substitue XàX, cela ne change rien : P(X)=P.
Si l’on remplace
X
par
°X
, en utilisant le fait que (
°X
)
k=X
si
k
est pair et (
°X
)
k=°X
si
k
est impair, on trouve,
pour P(X)=a0+···+anXn:
P(°X)=a0°a1X+···+(°1)nanXn.
Deux cas particuliers sont intéressants :
1.
si tous les monômes effectivement présents dans
X
sont de degré pair, on a
P
(
°X
)
=P
(
X
) : on dit que le
polynôme est pair.
2.
si tous les monômes effectivement présents dans
X
sont de degré impair, on a
P
(
°X
)
=°P
(
X
) : on dit que
le polynôme est impair
Résumons :
Définition
Un polynôme P2K[X] est dit pair si P(°X)=P, et impair si P(°X)=°P.
Remarquons par exemple que pour tout polynôme P(X), le polynôme P(X2) est pair.
On peut également remplacer
X
par
X+a
, où
a2K
est un scalaire quelconque. De la formule du binôme de
Newton, on déduit d’abord que
(X+a)k=
k
X
i=0k
i!ak°iXi,
puis :
P(X+a)=a0+a1(X+a)+···+an(X+a)n
=
n
X
k=0
ak(X+a)k
=X
0ikn
akk
i!ak°iXi
=
n
X
i=0
biXi,
5
où l’on a posé :
bi=
n
X
k=i
akk
i!ak°i.
Comme
bn=an6=
0, on voit que
P
(
X+a
) est de degré
n
. En fait, il a le même terme dominant
bnXn=anXn
que
P
. (On verra plus loin au paragraphe 3.3 que l’une des formules de Taylor fournit une expression plus intelligible
de P(X+a).)
2. Divisibilité dans K[X]
Définition
Le polynôme
Adivise
le polynôme
B
, (on dit aussi que
B
est
multiple
de
A
), et nous notons
A|B
, s’il existe
un polynôme Ctel que B=AC.
Il est facile de vérifier que tout polynôme divise 0, mais que 0 ne divise que lui-même. De même, 1 divise tout
polynôme, mais les seuls polynômes qui divisent 1 sont les constantes non nulles.
La relation de divisibilité possède les propriétés suivantes :
Proposition 4
A,Bet Csont trois polynômes.
1. elle est transitive : si A|Bet B|C, alors A|C,
2. elle est réflexive : on a A|A.
Exercice 2
Démontrez la proposition précédente.
Exercice 3
1.
Si un polynôme
A
divise un polynôme
B
alors il existe un polynôme
Q
tel que
B=QA
. Démontrez que
ce polynôme Qest bien unique.
2. Quelle propriété de K[X] avez-vous utilisée pour cette démonstration?
Notation : Par la suite, on va noter B
Al’unique polynôme Qtel que B=QA.
Exercice 4
1. Démontrez la proposition suivante :
"Si Adivise B6=0, alors deg AdegB."
2. Expliquez pourquoi la condition B6=0 est nécessaire.
2.1. La division euclidienne
On peut faire avec les polynômes beaucoup d’opérations similaires à celles qu’on fait avec les nombres entiers
1
.
Le premier exemple de ceci est l’existence d’une division euclidienne :
1. En d’autre termes, l’arithmétique dans l’anneau K[X] est assez semblable à l’arithmétique dans l’anneau Z
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