2 YVES ANDRÉ
INTRODUCTION.
0.1. La théorie des extensions presque étales de G. Faltings trouve sa source dans les tra-
vaux de J. Tate sur les extensions profondément ramifiées de corps locaux, et son aboutisse-
ment dans l’étude de la cohomologie étale p-adique des variétés algébriques ou analytiques
sur un corps p-adique (cf. e.g. [8][24]). Elle utilise le langage de la « presque-algèbre » in-
troduit par Faltings à ce propos, dont le principe consiste, dans le cadre (V,m)constitué
d’un anneau et d’un idéal idempotent, à « négliger » les V-modules annulés par m[13].
Cette théorie a été renouvelée par l’approche perfectoïde de P. Scholze. Un corps K
complet pour une valuation p-adique non discrète, d’anneau de valuation Koet d’idéal de
valuation Koo, est dit perfectoïde si l’élévation à la puissance pest surjective sur Ko/pKo.
Une K-algèbre de Banach Aest dite perfectoïde si elle est uniforme (i.e. si la sous-Ko-
algèbre Aodes éléments dont les puissances sont bornées est bornée), et si l’élévation à la
puissance pest surjective sur Ao/pAo.
0.2. Le théorème de « presque-pureté » de Faltings, sous la forme générale que lui ont
donnée Scholze d’une part [29], et K. Kedlaya et R. Liu d’autre part [19], affirme que si
Aest une K-algèbre perfectoïde et Bune A-algèbre étale finie, alors Best perfectoïde et
Boest presque étale finie sur Aodans le cadre (Ko,Koo), de sorte que trB/Aenvoie Bo
presque surjectivement dans Aosi Boest un Ao-module fidèle.
0.3. L’objectif de l’article est de généraliser ce théorème au cas ramifié, en s’inspirant du
lemme d’Abhyankar. Rappelons que dans la situation d’un anneau local régulier d’inégale
caractéristique (0, p)et d’une extension finie plate, ramifiée le long d’un diviseur à croise-
ments normaux défini par une équation pg = 0, d’indices de ramification premiers à p, ce
lemme assure qu’on peut « rendre l’extension étale » sans inverser pg, par l’adjonction de
racines de pg d’ordre divisible par tous les indices de ramification, suivie du passage à la
fermeture intégrale.
Notre résultat principal peut être vu comme un analogue perfectoïde du lemme
d’Abhyankar, sans hypothèse de croisements normaux ni condition sur les indices de ra-
mification, au prix de remplacer « étale » par « presque étale » (dans un cadre qui, contrai-
rement à l’usage, n’est pas celui d’un anneau de valuation et de son idéal maximal).
0.3.1. Théorème. Soit Aune algèbre perfectoïde sur un corps perfectoïde Kde caracté-
ristique résiduelle p. On suppose que Acontient une suite de racines pm-èmes compatibles
d’un élément g∈ Aonon diviseur de zéro, ce qui permet de voir Aocomme Ko[T1
p∞]-
algèbre en envoyant T1
pisur g1
pi. On se place dans le cadre (Ko[T1
p∞], T 1
p∞Koo[T1
p∞]).
Soit B′une A[1
g]-algèbre étale finie.
(1) Il existe une plus grande algèbre perfectoïde Bcomprise entre Aet B′, telle que
l’inclusion A֒→ B soit continue. On a B[1
g] = B′, et Boest contenue dans la
fermeture intégrale de g−1
p∞Aodans B′et lui est presque isomorphe,
(2) Pour tout m∈N,Bo/pmest presque étale finie sur Ao/pm(et Bo[1
g]est presque
étale finie sur Ao[1
g]dans le cadre (Ko,Koo)).
(3) Si B′est un A[1
g]-module fidèle, le morphisme trace trB′/A[1
g]envoie Bopresque
surjectivement dans g−1
p∞Ao.
Ce résultat présente un double aspect heuristique : pour toute extension finie d’une
algèbre perfectoïde, i)la ramification géométrique est presque supprimée par adjonction
des racines p∞-ièmes du discriminant, complétion et passage à une fermeture intégrale
(en analogie avec le lemme d’Abhyankar), et ii)il en est alors essentiellement de même de