Valeur pronostique de la tomoscintigraphie myocardique

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ARCHIVES DES MALADIES DU CŒUR ET DES VAISSEAUX, tome 96, n° 4, avril 2003
ARTICLE ORIGINAL
Valeur pronostique
de la tomoscintigraphie myocardique
au thallium-201
sensibilisée au dipyridamole
avant chirurgie artérielle périphérique
Summary
Prognostic Value of Thallium 201 Myocardial Scintigraphy with Dipyridamole
before Peripheral Arterial Surgery
The evaluation of patients who are candidates for peripheral arterial surgery is
difficult. The aim of this study was to show that dipyridamole stress scintigraphy
could be a prognostic aid for patient selection.
Between 1991 and 2000, 275 patients underwent dipyridamole stress myocar-
dial scintigraphy before peripheral arterial surgery of the lower limbs (49%),
the aortic (33%) or carotid arteries (18%). A perfusion defect was observed in
145 patients suggesting myocardial ischaemia in 79 cases and myocardial infarction
in 66 cases. Twenty-seven of the 79 ischaemic patients underwent a preoperative
coronary revascularisation.
The operative adverse coronary events (5%) were: 7 non-fatal myocardial infarc-
tions and 7 acute coronary syndromes. The 79 ischaemic patients had a higher risk
of adverse coronary events: 11% (ischaemia) versus 3% (no ischaemia) (p< 0.01).
Myocardial scintigraphy allowed stratification of patients with an intermediate risk
of Eagle’s score into high coronary risk (15%, ischaemia) or low coronary risk (2%,
no ischaemia) (p< 0.01). The extent of the ischaemia was associated with a higher
risk of adverse coronary events: 4 zones (20%) versus 1 zone (5%) (p= 0.02). Preop-
erative coronary revascularisation tended to reduce the risk of adverse coronary
events from 15% to 4% (p= NS). Myocardial ischaemia (p< 0.0001) and left bundle
branch block (p= 0.002) were the two predictive factors of an adverse operative
coronary event.
Thallium-dipyridamole myocardial scintigraphy with a high negative predictive
value (97%) is a useful tool for the identification of high risk patients for whom an
aggressive preoperative therapeutic strategy may be beneficial. Arch Mal Cœur
2003 ; 96 : 281-7.
Résumé
Objectifs : l’évaluation du risque coronaire des patients candidats à une chirurgie
artérielle périphérique est difficile. Le but de cette étude est de démontrer que le
stress au dipyridamole peut être une aide pronostique et décisionnelle de choix.
Méthodes : entre 1991 et 2000, 275 patients ont subi une tomoscintigraphie
myocardique thallium-dipyridamole avant chirurgie artérielle des membres infé-
rieurs (49 %), aortique (33 %) ou carotidienne (18 %). Une anomalie perfusionnelle
fut diagnostiquée chez 145 patients, de type ischémie myocardique (n = 79) ou
infarctus (n = 66). Une revascularisation coronaire préopératoire fut pratiquée chez
27 des 79 patients ischémiques.
Résultats : les événements coronaires opératoires (5 %) ont été : 7 infarctus non
fatals et 7 angors instables. Les 79 patients ischémiques avaient un risque plus
élevé d’événements coronaires : 11 % (ischémie) vs 3 % (pas d’ischémie) (p < 0,01).
Grâce à la tomoscintigraphie, les patients à risque intermédiaire, selon le score de
Eagle, ont pu être classés en risque coronaire élevé (15 %, ischémie) ou bas (2 %,
pas d’ischémie ; p < 0,01). L’étendue du territoire ischémique était associée à un
plus haut risque d’événements coronaires : 4 territoires (20 %) vs 1 territoire (5 % ;
p = 0,02). La revascularisation coronaire préopératoire tend à réduire le risque
B. Vaquette*, F. Clergues**,
A. Kalangos***, P.-A. Dorsaz****
et A. Righetti****
(*) Département de cardiologie, centre
cardio-pneumologique, CHU Pon-
chailloux, 2, rue Henri le Guilloux,
35033 Rennes Cedex.
(**) Division d’anesthésie ;
(***) Division de chirurgie cardiaque ;
(****) Division de cardiologie, Hôpital
cantonal universitaire de Genève, 24,
rue Micheli-du-Crest CH, 1211 Genève
14.
(
Tirés à part
: Dr B.Vaquette).
Article reçu en août et accepté en
novembre 2002.
B.VAQUETTE ET COLLABORATEURS
282 ARCHIVES DES MALADIES DU CŒUR ET DES VAISSEAUX, tome 96, n° 4, avril 2003
Le taux de morbidité et mortalité cardiaque des
patients candidats à une chirurgie artérielle périphé-
rique est élevé, dépassant le seuil communément
admis des 5 % [1]. La gravité du risque s’explique non
seulement par la nature et la technique opératoire
elles-mêmes, mais aussi et probablement avant tout
par l’existence chez ces patients vasculaires d’une pré-
valence élevée de l’athérosclérose coronaire [2]. Or, le
risque opératoire d’infarctus myocardique ou de décès
de cause cardiaque chez un patient avec maladie coro-
naire connue voire même suspectée et candidat à une
chirurgie artérielle périphérique, est 3 à 5 fois supé-
rieur à celui des patients exempts de toute coronaro-
pathie [3, 4]. Par ailleurs, il est possible qu’une procé-
dure de revascularisation coronaire tende à réduire le
taux de complication ischémique lors de la chirurgie
vasculaire des patients les plus à risque [5, 6]. C’est
dire l’importance de l’évaluation préopératoire du
risque potentiel de la chirurgie artérielle périphérique.
En complément d’une approche clinique capitale et eu
égard aux limitations physiques inhérentes à la maladie
artérielle périphérique, la tomoscintigraphie myocar-
dique au thallium-201 couplée à une épreuve de vasodi-
latation coronaire au dipyridamole apparaît être, de par
ses nombreux avantages, une technique de choix pour
l’évaluation optimale préopératoire du risque cardiaque.
Les buts de cette étude rétrospective sont donc de
déterminer d’une part, la valeur pronostique de
la tomoscintigraphie myocardique au thallium-201-
dipyridamole en termes d’événements cardiaques
opératoires et d’autre part, d’évaluer l’influence de la
thérapeutique entreprise au vu des conclusions
tomoscintigraphiques sur les taux de morbidité-
mortalité cardiaque opératoire.
POPULATION ET MÉTHODES
Patients
De 1991 à 2000, 323 patients candidats à une chi-
rurgie artérielle périphérique élective ont subi une
tomoscintigraphie myocardique au thallium-201 sensi-
bilisée au dipyridamole, dans le cadre d’une évaluation
préopératoire du risque cardiaque. Quarante-huit
(15 %) des 323 patients sélectionnés ont été exclus
pour les motifs suivants : chirurgie non réalisée chez
34 patients (71 %) : 13 non-indications (c’est-à-dire
lésions artérielles non critiques), 12 patients ont été
récusés en raison d’un risque global dépassant le béné-
fice escompté (consensus anesthésique, chirurgical et
cardiologique), 5 contre-indications d’ordre extracar-
diaque (lourdes comorbidités associées : cancer ou pro-
cessus infectieux évolutif), refus de la procédure de la
part de 4 patients ; 6 chirurgies considérées comme
non vasculaires : 3 désarticulations du genou (patholo-
gie artérielle dépassée) et 3 sympathectomies lom-
baires ; 5 procédures chirurgicales par voie endovascu-
laire ; 2 patients pour lesquels le délai entre l’examen
tomoscintigraphique et l’intervention artérielle péri-
phérique excédait 6 mois en l’absence de procédure
intermédiaire de revascularisation coronaire ; et enfin
1 patient chez qui l’examen tomoscintigraphique était
incomplet : absence d’images de redistribution alors
que les images effectuées au décours immédiat du
stress pharmacologique étaient anormales.
Les données cliniques et scintigraphiques ainsi que
les événements cardiaques définis comme suit : tout
événement coronaire (infarctus myocardique non
fatal ou angor instable) et/ou tout épisode de décom-
pensation cardiaque gauche ou globale, et/ou tout
décès de cause cardiaque : infarctus myocardique,
mort subite ou insuffisance cardiaque réfractaire,
survenus dans les 30 jours suivant la chirurgie arté-
rielle périphérique, ont été recueillis pour tous les
patients, de manière rétrospective par consultation
des dossiers médicaux avec un délai médian séparant
la chirurgie artérielle de la consultation des archives
de 4,2 ± 2,5 ans (extrêmes : 0,5 et 9,7). Un score pré-
dictif du risque coronaire opératoire a été calculé en
fonction de la présence (1 point) ou non (0 point) des
5 critères cliniques proposés par Eagle et al. en 1989
[7] : âge > 70 ans, diabète traité, antécédent d’aryth-
mie ventriculaire traitée, séquelle électrocardiogra-
phique d’infarctus, angor. Les chirurgies artérielles
ont été : revascularisation des artères des membres
inférieurs (n = 135), cure d’anévrisme aortique (n =
91) et chirurgie des troncs supra-aortiques (n = 49).
Épreuve de stress pharmacologique au dipyridamole
Une épreuve de vasodilatation pharmacologique a été
réalisée en matinée sous surveillance tensionnelle et
électrocardiographique selon le protocole standard
(administration intraveineuse lente de 0,142 mg/kg/min
sur 4 min) [8]. Aucun effet adverse majeur ne fut
observé lors de ce test. Une positivité électrocardiogra-
phique fut affirmée lors de l’apparition d’un sous-déca-
lage horizontal ou descendant du segment ST d’au
moins 1,5 mm. Trois minutes après la fin de la perfusion
de dipyridamole, le traceur radioactif thallium-201 (Tl-
201) fut injecté par bolus intraveineux direct.
d’événements coronaires de 15 % à 4 % (p = NS). L’ischémie myocardique (p <
0,0001) et le bloc de branche gauche (p = 0,002) sont les 2 facteurs prédictifs de la
survenue d’un événement coronaire opératoire.
Conclusion : forte d’une valeur prédictive négative élevée (97 %), la tomoscinti-
graphie myocardique thallium-dipyridamole constitue donc un solide outil pour
l’identification des patients les plus à risque pour lesquels le bénéfice d’une straté-
gie thérapeutique agressive préopératoire semble le plus grand. Arch Mal Cœur
2003 ; 96 : 281-7.
TOMOSCINTIGRAPHIE MYOCARDIQUE TL-DIPYRIDAMOLE AVANT CHIRURGIE VASCULAIRE
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Tomoscintigraphie myocardique au thallium-201
La tomoscintigraphie myocardique a été effectuée
5 minutes après injection du Tl-201 (dose de 111 MBq
pour 70 kg), puis répétée 4 heures après afin d’obtenir
les images de redistribution avec procédure systéma-
tique de réinjection. Les acquisitions ont été réalisées à
l’aide d’une gamma caméra double détecteur, équipée
de collimateurs basse énergie à trous parallèles et posi-
tionnée à 90° (Epicardio, laboratoires ADAC). Trente-
deux projections ont été réalisées sur une orbite de
180° ; la fenêtre d’énergie centrée sur les photo-pics de
70 et 167 keV était de 20 %. Les images furent
acquises avec une matrice 64 ҂64 ҂16 et un zoom
d’acquisition de 1,46 (taille du pixel). La durée pour
chaque incidence était de 60 s et le temps d’acquisition
global de 20 min. Les images furent reconstruites par
rétroprojection des projections filtrées préalablement à
l’aide d’un filtre Butterworth d’ordre 5 avec fréquence
de coupure à 0,5 cycle/pixel (taille du pixel : 6,5 mm), et
d’un filtre tridimensionnel analytique. L’analyse visuelle
qualitative des images a été effectuée par 2 cardio-
logues experts selon 3 incidences orthogonales : petit
axe, long axe vertical et long axe horizontal (logiciel
AutoSPECT Plus, laboratoires ADAC). En complément,
une analyse semi-quantitative automatique portant sur
5 segments myocardiques (antérieur, septum, apical,
latéral et inférieur) a été effectuée à partir d’une repré-
sentation polaire des images (logiciel Pros-
SPECT/InSPECT, laboratoires ADAC). Les images effec-
tuées au décours du stress pharmacologique ont été
comparées à celles réalisées au cours de la phase de
redistribution, et l’examen a été interprété comme nor-
mal lorsque aucun défect n’était décelable entre les
2 séquences ou comme anormal lorsqu’il existait un
défect persistant (infarctus) et/ou transitoire (ischémie).
Coronarographie préopératoire
En fonction des données cliniques et sur la base des
conclusions tomoscintigraphiques, une coronarogra-
phie a pu compléter le bilan préopératoire. A été consi-
dérée comme visuellement significative la sténose
artérielle 50 % du diamètre normal pour le tronc
commun coronaire gauche et 70 % du diamètre
normal pour les artères interventriculaire antérieure,
circonflexe ou coronaire droite.
Analyse statistique
Les données quantitatives non appariées ont été
comparées à l’aide du test de Student. Le test du khi2,
avec correction de Yates, a été utilisé pour la comparai-
son des données qualitatives. Les facteurs prédictifs de
la survenue d’un événement cardiaque ou coronaire ont
été recherchés par analyse univariée puis multivariée
(régression logistique multiple). Les paramètres préopé-
ratoires suivants, considérés comme facteurs pronos-
tiques potentiels, ont été analysés : facteurs cliniques :
âge > 70 ans ; sexe ; diabète ; facteurs de risque cardio-
vasculaire 3 ; évidence clinique de maladie coronaire ;
facteurs électrocardiographiques : bloc de branche
gauche complet, positivité électrocardiographique
du stress au dipyridamole ; facteurs tomoscintigra-
phiques : nombre de segments anormaux 3 ; défect
transitoire (ischémie myocardique) ; défect persistant
(nécrose) ; examen isotopique anormal (ischémie ou
nécrose) ; un score prédictif établi selon les critères de
Eagle et al. [7] a également été analysé.
Toutes les variables ayant une valeur de p < à 0,05
avec le test du khi2ou le test de Student ont été inté-
grées dans le modèle de régression. Le seuil de significa-
tivité statistique a été fixé à 5 % (p < 0,05). Les données
quantitatives ont été exprimées en moyenne ± écart-
type et les variables qualitatives en pourcentage.
RÉSULTATS
Caractéristiques cliniques et tomoscintigraphiques
Les caractéristiques cliniques et tomoscintigra-
phiques des 275 patients finalement retenues sont
rapportées dans le tableau I. De ce collectif de sexe
masculin pour l’essentiel (78 %), près de la moitié sont
âgés de plus de 70 ans (46 %). Dans plus de la moitié
des cas (53 %), la tomoscintigraphie myocardique a
été considérée comme pathologique : hypofixation
réversible révélant une ischémie (79 patients, 29 %)
ou hypofixation persistante signant un infarctus myo-
cardique (66 patients, 24 %).
TABLEAU I– CARACTÉRISTIQUES PRÉOPÉRATOIRES DES 275 PATIENTS
Âge moyens ans (extrêmes) 69 ± 9 (43 à 94)
âge > 70 ans n (%) 126 (46)
Sexe masculin n (%) 215 (78)
Diabète n (%) 55 (20)
insulinodépendant n (%) 16 (6)
Antécédents coronaires familiaux n (%) 58 (21)
Dyslipidémie n (%) 108 (39)
Tabac n (%) 169 (61)
Hypertension artérielle n (%) 182 (66)
Nombre de FRCV 2,2 ± 1,2
FRCV > 2 n (%) 104 (38)
Antécédent d’infarctus myocardique n (%) 54 (20)
Antécédent de revascularisation coronaire n (%) 47 (17)
Angor n (%) 15 (5)
Séquelle électrocardiographique d’infarctus n (%) 43 (16)
Indice de Eagle
score = 0 n (%) 81 (30)
score = 1 à 2 n (%) 179 (65)
score > 2 n (%) 15 (5)
BBG complet n (%) 5 (2)
Posivité ECG du stress au dipyridamole n (%) 15 (5)
BBG : bloc de branche gauche ; ECG : électrocardiogramme ; FRCV :
facteurs de risque cardiovasculaire.
Bilan coronarographique préopératoire
Chez 46 (58 %) des 79 patients ayant une ischémie
myocardique à l’analyse tomoscintigraphique une
coronarographie préopératoire a été nécessaire. Ces
derniers avaient par rapport aux 33 patients isché-
miques non coronarographiés un résultat tomoscinti-
graphique quantitativement plus sévère avec un
B.VAQUETTE ET COLLABORATEURS
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nombre plus élevé de segments anormaux (2,8 ± 1 vs
2,1 ± 1 ; p = 0,001) et un nombre plus important de
segments ischémiques (2,4 ± 0,9 vs 1,7 ± 0,6 ;
p < 0,0001). Quarante et un (89 %) de ces 46 patients
avaient une sténose significative sur au moins un vais-
seau principal et près de la moitié d’entre eux (43 %)
souffraient d’une atteinte des 3 vaisseaux coronaires.
Mesures de réduction du risque opératoire
Une stratégie thérapeutique préventive visant à
minimiser le risque coronaire opératoire fut adoptée
chez les 79 patients ischémiques, en ajustant, en pre-
mier lieu, la médication anti-ischémique : introduction
(30 %) ou ajout (65 %) d’un traitement β-bloquant,
inhibiteur calcique ou dérivés nitrés. Une revascularisa-
tion coronaire préalable a de plus été effectuée chez 27
(34 %) des 79 patients ischémiques, par angioplastie
transluminale coronaire au cours du bilan coronarogra-
phique pour 10 patients (1 échec) ou par voie chirurgi-
cale sous circulation extracorporelle pour les 17 autres
(10 revascularisations incomplètes). Comparativement
aux 52 patients chez qui aucune revascularisation coro-
naire n’a été entreprise, ces 27 patients se caractéri-
saient par une incidence plus élevée de positivité élec-
trocardiographique lors du stress pharmacologique au
dipyridamole (33 vs 10 % ; p = 0,02), mais surtout par
l’existence d’une ischémie plus étendue à l’analyse iso-
topique : 2,5 ± 0,9 vs 1,9 ± 0,8 segments ischémiques
(p < 0,01). Ils avaient également une atteinte coronaire
plus sévère touchant plus fréquemment les 3 artères
principales : 63 vs 16 % (p < 0,001).
Événements opératoires
Vingt patients (7 %) ont eu un événement car-
diaque dans les 2 ± 3 jours postopératoires
(extrêmes : 0 et 11 jours) : 6 épisodes de décompen-
sation cardiaque gauche (2 %) et 14 événements coro-
naires (5 %) dont 7 infarctus myocardiques (3 %) et
7 angors instables (2 %). Huit opérés sont décédés,
tous de cause extracardiaque.
Les 20 patients ayant développé un événement car-
diaque opératoire avaient plus fréquemment une
tomoscintigraphie myocardique dans laquelle les ano-
malies de perfusion intéressaient au moins 3 des
5 segments myocardiques : 15 vs 6 % (p < 0,05).
À l’exception du bloc de branche gauche complet (40
vs 7 % ; p < 0,05), aucune différence significative en
terme de variable clinique préopératoire n’est apparue
entre les 2 groupes (tableau II). En comparant les
patients ayant eu un événement coronaire (n = 14) à
ceux qui en sont restés exempts, la différence la plus
significative entre les 2 groupes est la présence d’une
ischémie myocardique sur l’examen tomoscintigra-
phique (11 vs 3 % ; p < 0,01) [tableau III]. De surcroît,
plus l’étendue du territoire ischémique est impor-
tante, plus le risque d’événement coronaire s’accroît :
1 segment (5 %) vs 4 segments (20 % ; p = 0,02).
Les performances pronostiques de la tomoscintigra-
phie calculées au sein du sous-groupe de patients non
revascularisés (n = 248) sont de 15 et de 97 % pour
les valeurs prédictives positives et négatives ; la sensi-
bilité s’élevant à 62 % et la spécificité à 81 %.
Impact de la revascularisation coronaire
La revascularisation coronaire tend à réduire le
risque d’événement coronaire (4 vs 15 %) notamment
en cas de revascularisation avec succès complet (0 vs
15 %) [fig. 1], mais cette diminution du risque n’at-
teint toutefois pas le seuil de significativité.
Stratification du risque coronaire par l’indice de Eagle
Le taux d’événements coronaires des patients non
revascularisés (n = 248) tend à être plus élevé chez les
opérés considérés à haut risque selon le score clinique
de Eagle (score 3 : 17 %) que dans le groupe de
patients à bas risque (score = 0 : 5 %) ou à risque
intermédiaire (score = 1 ou 2 : 4 %), sans atteindre
pour autant le seuil de significativité. Toutefois, dans le
groupe de malades à risque clinique intermédiaire, la
TABLEAU II – ANALYSE UNIVARIÉE DES FACTEURS CLINIQUES,ÉLECTROCARDIOGRAPHIQUES ET TOMOSCINTIGRAPHIQUES PRÉDICTIFS DUN ÉVÉNEMENT CARDIAQUE
VP Nombre de patients présentant Odds Ratio IC à 95 % p
la VP et un événement cardiaque
/nombre de patients présentant la VP
Âge > 70 ans 10/126 1,2 0,6 à 2,6 NS
Sexe masculin 16/215 1,1 0,4 à 3,5 NS
Diabète 7/55 2,3 0,9 à – 6 NS
Facteur de risque cardiovasculaire > 2 9/104 1,4 0,6 à 3,4 NS
Coronaropathie évidente 8/97 1,2 0,5 à 3,1 NS
BBG 2/5 9,3 2 à 43,5 p = 0,048
Score de Eagle > 2 2/15 2,1 0,4 à 9,6 NS
Positivité ECG du stress au dipyridamole 3/15 3,6 1 à 12,8 NS
Nombre de segments anormaux > 2 7/46 3 1,2 à 7,6 p = 0,049
Ischémie 12/79 4,2 2 à 8,8 p = 0,002
Nécrose 3/66 0,3 – 0,9 à 0,1 NS
Scintigraphie anormale 15/145 2,9 1,1 à 7,9 NS
IC : intervalle de confiance ; BBG : bloc de branche gauche complet ; ECG : électrocardiogramme ; VP : variable préopératoire.
TOMOSCINTIGRAPHIE MYOCARDIQUE TL-DIPYRIDAMOLE AVANT CHIRURGIE VASCULAIRE
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tomoscintigraphie myocardique permet de discriminer
sur la base de l’existence d’une ischémie, les patients à
très haut risque coronaire opératoire : en effet, 5 com-
plications sont dénombrées chez les 34 patients isché-
miques (15 %) alors qu’il n’en est survenu qu’une seule
chez les 76 opérés dont la scintigraphie est normale
(1 % ; p < 0,05) ou qu’il n’en est survenu que 2 chez les
124 patients pour lesquels l’examen isotopique n’a pas
révélé d’ischémie (2 % ; p < 0,01) [fig. 2 et 3].
Facteurs prédictifs d’événement opératoire
L’analyse multivariée a identifié 2 facteurs prédictifs
indépendants de la survenue d’un événement car-
diaque : l’existence d’un bloc de branche gauche com-
plet sur l’électrocardiogramme de surface (p = 0,005 ;
OR = 9) et l’existence d’une ischémie à l’analyse
tomoscintigraphique (p = 0,03 ; OR = 3). Par ailleurs,
TABLEAU III – ANALYSE UNIVARIÉE DES FACTEURS CLINIQUES,ÉLECTROCARDIOGRAPHIQUES ET TOMOSCINTIGRAPHIQUES PRÉDICTIFS DUN ÉVÉNEMENT CORONAIRE
VP Nombre de patients présentant Odds Ratio IC à 95 % p
la VP et un événement coronaire/
nombre de patients présentant la VP
Âge > 70 ans 8/126 1,6 0,6 à 4,7 NS
Sexe masculin 12/215 1,7 0,4 à 7,7 NS
Diabète 5/55 2,3 0,8 à 7,1 NS
Facteur de risque cardiovasculaire > 2 6/104 1,2 0,4 à 3,7 NS
Coronaropathie évidente 7/97 1,9 0,7 à 5,5 NS
BBG 2/5 4,3 3,3 à 61,5 p = 0,01
Score de Eagle > 2 2/15 3,2 0,7 à 14,5 NS
Positivité du ECG du stress au dipyridamole 2/15 3,2 0,7 à 14,5 NS
Nombre de segments anormaux > 2 6/46 4,1 1,52 à 11,7 p = 0,02
Ischémie 9/79 4,9 1,7 à 13,8 p = 0,007
Nécrose 3/66 3 0,5 à 17,2 NS
Scintigraphie anormale 12/145 5,8 1,5 à 22,4 p = 0,02
IC 95 % : intervalle de confiance à 95 % ; BBG : bloc de branche gauche complet ; ECG : électrocardiogramme ; VP : variable préopératoire.
18
12
6
0
15,4
Événement cardiaque
(n = 20) Événement coronaire
(n = 14)
15,4 14,8
3,7
15,2
11,4
% patients
Revasc –
(n = 52) Revasc +
(n = 27) Population ischémique
(n = 79)
FIG. 1 – Influence de la revascularisation coronaire (Revasc) sur le
taux d’événements cardiaques et coronaires dans la population
ischémique (n = 79).
FIG. 1 – Influence of coronary revascularisation (Revasc) on cardiac
and coronary events in the ischaemic group (n= 79).
Population non revascularisée
n = 248
Absence de
variable clinique
n = 78
Au moins 3
variables cliniques
n = 12
1 à 2
variables cliniques
n = 158
Pas d’ischémie
4/78 (5 %)
Bas risque Haut risque
2/124 (2 %) 5/34 (15 %) 2/12 (17 %)
Ischémie
FIG. 2 – Stratification du risque coronaire en fonction du score cli-
nique établi selon les critères de Eagle et du résultat tomoscintigra-
phique (n = 248).
FIG. 2 – Stratification of coronary risk according to the clinical score
by Eagle’s criteria and results of myocardial scintigraphy (n= 248).
FIG. 3 – Incidence des événements coronaires après stratification cli-
nique (score de Eagle) et tomoscintigraphique chez les 248 patients
non revascularisés.
FIG. 3 – Incidence of coronary events after clinical stratification (Eagle’s
score) and myocardial scintigraphy in the 248 non-revascularised
patients.
100
80
60
40
20
0
n = 248 Événements
coronaires
(n = 13)
Absence
d’événement
(n = 235)
NS
score = 0 (n = 78) score = 1 ou 2 (n = 158) score > 2 (n = 12)
1
51
12
21
Normale
Normale
Normale
Nécrose
Nécrose
Nécrose
Ischémie
Ischémie
Ischémie
11
75
1
1
5
002
47
29
325
NS
p < 0,01
1 / 7 100%

Valeur pronostique de la tomoscintigraphie myocardique

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