1 Introduction et principe de moindre action
Les lois de la mécanique classique, telles qu’établies par Galilée d’abord, puis par Newton,
représentent la première situation où les mathématiques ont permis une description de la réalité
objective, permettant en outre de faire des prévisions vérifiables.
Ces avancées majeures ont révolutionné la science et la philosophie à partir de la fin du 17ème
siècle. Cependant, certains penseurs se sont demandés s’il n’existait pas une formulation plus élé-
gante (et plus "française"...) de la mécanique newtonienne, à partir de considérations générales
exprimables en langage humain, plus que par des équations différentielles. Maupertuis a ainsi
établi au début du 18ème siècle le principe qui porte son nom, ou "principe de moindre action".
Ce principe a été mathématisé par Euler, Lagrange, puis Hamilton, et est tout à fait équivalent
aux différentes lois de Newton. Nous verrons dans ce cours que dans certains cas, il permet de
résoudre assez facilement des problèmes qui seraient très compliqués à traiter par la mécanique
newtonienne, un peu comme par le théorème de l’énergie mécanique ou le théorème du moment ci-
nétique. Il permet également de traiter rigoureusement les problèmes mécaniques avec contraintes
(objet contraint à rester sur une surface, par exemple), faisant apparaître naturellement les forces
de réaction du suport , par exemple.
Cependant, l’intérêt majeur de ces équations a été découvert en 1920 par Louis de Broglie, qui
a réussi à profiter de l’analogie entre le principe de moindre action en mécanique et le principe
de Fermat en optique pour formuler la mécanique ondulatoire, unifiant l’aspect corpusculaire et
l’aspect ondulatoire de la lumière, et faisant apparaître la notion d’ondes de matière. Ces concepts,
raffinés par Schrödinger et Dirac en particulier, ont donné naissance à la mécanique quantique
moderne, qui a révolutionné la société du XXème siècle par des avancées telles que le transistor
ou l’énergie nucléaire.
Nous verrons également dans ce cours que la physique quantique "traditionnelle" (atome de
Bohr) peut également s’exprimer par la mécanique analytique, et que l’arrivée de la simulation
numérique sur ordinateur dans les années 1960 a généré de nombreuses avancées dans la théorie
des systèmes chaotiques, qui présentent un grand intérêt fondamental pour comprendre des sys-
tèmes complexes au delà des approximations linéarisées ou à plus de deux corps en interaction
(météorologie, systèmes planétaires, galaxies, systèmes biologiques, atomes ou molécules au delà
de l’hélium, puits quantiques, etc).
1.1 Principe de moindre action
Maupertuis a introduit lors de la première moitié du 18ème siècle le principe de moindre
action, proche du principe de Fermat en optique. Ce dernier généralise les lois de la réfraction de
Snell-Descartes en stipulant que le chemin optique suivi par un rayon lumineux est minimal ; dans
le cas de la réfraction par un dioptre plan entre deux milieux isotropes où la lumière se propage
en ligne droite, il est bien plus fastidieux à appliquer que les lois des sinus, mais dans un cas plus
complexe comme celui d’un milieu à indice optique continûment variable (exemple des mirages
dans le désert) il donne beaucoup plus facilement le parcours courbé des rayons lumineux.
De la même façon, le principe de moindre action en mécanique stipule que la trajectoire effec-
tivement suivie par un système mécanique entre deux instants t1et t2correspond à un extremum
de l’action, notée S, cette quantité n’étant pas vraiment définie par Maupertuis au delà des consi-
dérations philosophiques.
On parle ici d’un extremum, car il peut y en avoir plusieurs (on pense au cas d’une parti-
cule rejoignant le pôle Nord au pôle Sud d’une sphère, tous les trajets suivant un méridien sont
équivalents), et on peut même imaginer que la trajectoire corresponde à une action maximale au
lieu d’être minimale. Ce type de situation est d’ores et déjà très difficile à traiter en mécanique
newtonienne.
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