Perspective cognitive-la mémoire

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COURS DE PSYCHOPEDAGOGIE GENERALE,
Module « Connaissances psychologiques, affectives & relationnelles »
CRB. Michel Jaspar
LA PERSPECTIVE COGNITIVE (ou COGNITIVISTE).
« cognition » = élaboration des représentations mentales, des connaissances (perception, mémoire , langage,
pensée, raisonnement, résolution de problème, intelligence, etc. )
« perspective cognitive ou cognitiviste » : étudie les processus qui rendent compte du fonctionnement de la
pensée et qui influent sur le comportement.
La "métacognition" = la « cognition sur la cognition » (le préfixe µετά signifiant « sur, à propos » en grec
ancien). Autrement dit, la métacognition consiste à avoir une activité mentale sur ses propres processus
mentaux, c'est-à-dire « penser sur ses propres pensées ». Dans le domaine de la psychologie de l'éducation, le
terme désigne la composante du savoir d'un individu qui concerne les processus mêmes du savoir (acquisition,
perpétuation, modification), en quelque sorte « ce qu'il sait de sa façon de savoir ». De façon plus générale en
psychologie cognitive, les processus métacognitifs peuvent concerner des domaines très divers : en mémoire
(savoir que l'on sait, que l'on est capable de mémoriser telle ou telle information pendant telle ou telle durée), en
perception (être capable de dire si on a bien perçu ou non un stimulus), en résolution de problème (décider que
telle stratégie est plus appropriée dans tel cas), etc. Il existe un débat concernant l'évolution humaine quant au
fait que notre espèce soit la seule ou non à être dotée de capacités métacognitives.
Déjà Socrate et Confucius (Vème av. J.-C.): Savoir ce que l’on sait et ce qu’on ne sait pas!
!!!!Croire savoir ce qu’on ne sait pas et ignorer que l’on sait à dangereux !!!!
« métacognition » dans le cadre d’une évaluation à degrés de certitude (on s’en servira bientôt pour des
évaluations)
La mémoire.
- Description de l’organisation de la mémoire
a. 3 étapes dans la mémoire :
encodage à stockage à récupération
b. Distinction
rappel
/
= Aptitude à retrouver et à reproduire
de l’information déjà apprise. Ex :
Noms des 7 nains de Blanche-Neige ?
Noms des 7 modes heptatoniques ?
reconnaissance
= Aptitude à déterminer qu’une information est déjà apprise. Ex :
Noms des 7 nains de Blanche-Neige : Naïf? Timide? Andouille?
Grognon? Paresseux? Simplet? Prof? Heureux? Maigrichon?
Joyeux? Grincheux? Endormi? Atchoum? Dormeur? Rondelet ?
Noms des 7 modes heptatoniques : Troyen? Chilien? Dorien?
Locrien? Ionique? Eolien? Ionien? Autrichien? Frigien?
Maximilien?
Phrygien?
Myxophrygien? Myxolydien?
N.B. : Un questionnaire à choix multiples est une évaluation
de laLydien?
reconnaissance
.
Julien implicite
c. Distinction
mémoire explicite
/ Tertulien?
mémoire
= Souvenir conscient et intentionnel d’un
événement ou d’un élément d’information
= Rétention
inconsciente en mémoire d’une expérience
ou d’une information qui influe sur les pensées et les
comportements ultérieurs.
Mesure de la mémoire explicite
Mesure de la mémoire implicite
Rappel : aptitude à retrouver et à reproduire de Amorçage : influence, dans une tâche,
l’information déjà apprise (ex : nains ; voir plus d’informations auxquelles on a été préalablement
haut)
exposé
Reconnaissance: aptitude à déterminer qu’une Réapprentissage : diminution du temps requis pour
information est déjà apprise (ex : nains ; voir l’apprentissage d’un matériel déjà appris
plus haut)
précédemment (ex : un puzzle, qu’on ne se
souvient pas avoir déjà fait mais qu’on réalise plus
vite)
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* Un
jeu de société, appelé Electro, avait pour principe l’association de deux
éléments (une question et une réponse, ou un pays et son drapeau, ou le
dessin d’un animal et son nom, etc.) sur une plaque métallique, grâce à deux
petites bornes qui, lorsqu’elles se trouvaient dans une certaine position,
annonçaient la bonne réponse (=la bonne association) en faisant s’allumer
une petite lampe. Il était nécessaire, pour que ça fonctionne, que ce soit
toujours les mêmes endroits qui permettent le contact. Donc, sur chacune
des très nombreuses feuilles de questions, les rapports spatiaux entre
chacune des questions et leurs réponses respectives étaient identiques.
Certains des joueurs peuvent s’apercevoir de l’astuce et ne plus vraiment chercher à répondre aux questions
puisqu’ils savent, après quelques questionnaires, où trouver les réponses. Mais certains, sans s’en apercevoir de
manière consciente, vont tout naturellement trouver les réponses grâce à leur mémoire implicite. Leur main va
se diriger, à leur insu, vers la zone où elle s’est déjà portée pour les autres questionnaires. Au-delà de ce jeu,
cela illustre parfaitement la situation de certains apprentissages où les réponses aux questions sont soufflées,
même de manière involontaire de la part de l’enseignant et reçues de manière inconsciente par les élèves. Un
enseignement qui a pour vocation l’autonomie de ses élèves tâchera de prévoir des dispositifs pédagogiques et
des modes d’évaluation qui éviteront cet écueil.
d. Distinction mémoire sensorielle /
= Images sensorielles :
quelques secondes, voire
fraction(s) de secondes à peine.
à court terme
(ou mémoire de travail )
/
= prise de conscience
à30 ‘’ à quelques minutes
7 éléments maximum
à long terme
= Stockage de l’information
organisée, de 30’’ à ……..?
- mémoire sensorielle : deux sous-systèmes en fonction des sens.
I Mémoire « icônique » (=visuelle) : à jusqu’à ½ seconde
II Mémoire « échoïque » (=auditive) : à jusqu’à 2 secondes
- si on agite une lampe de poche dans le noir, on perçoit des lignes et cercles de lumière
- heureusement que la rétention dans cette mémoire est très courte, sinon nous aurions
constamment des images floues des mouvements sous nos yeux !
e. La mémoire à court terme appelée aussi
« mémoire de travail » :
= le « bloc-notes » de la mémoire.
Modèle de Baddeley :
Calepin
visuo-spatial
Boucle
phonologique
Administrateur
central
- localisation des différentes composantes de la mémoire de travail ( = à court terme) :
la boucle phonologique:
dans l’hémisphère gauche ; fait intervenir les 2 zones du langage
et les met en rapport avec l’administrateur central, logé dans le lobe frontal.
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l’administrateur central : dans les lobes frontaux
Le calepin visuo-spatial:
dans l’hémisphère droit ; met en liaison les zones occipitales,
siège de la perception visuelle, et l’administrateur central, logé dans le lobe frontal.
L'empan : à l’origine, l’empan est une unité de longueur ancienne. Elle a comme base la
largeur d'une main ouverte, du bout du pouce jusqu'au bout du petit doigt, soit environ 20
cm. Par analogie, en sciences cognitives, l'empan mnésique désigne le nombre d'éléments
(en général des chiffres ou des mots) que l'on peut restituer immédiatement après les
avoir entendus. Une expérience classique consiste à lire une liste de chiffres, à une
vitesse donnée (par exemple un par seconde) puis à demander au sujet de les restituer
dans l'ordre. Quand la liste contient moins de 5 éléments, le rappel ne pose normalement pas de problème. Audessus de 7 éléments, cela devient rarement possible,
à moins de recourir à des stratégies
(voir plus bas).
- test d’empan auditif de chiffres et de mots. Ex :
- 2 épreuves pour évaluer l’empan visuel :
1° Span-Supra Span : il s’agit de mémoriser, sur une grille, la configuration
de cases noires et blanches. Ex :
Après avoir observé quelques secondes cette
configuration, il s’agit de signaler, sur une
grille vierge, quelles sont les cases qui étaient
noires, en y mettant de petites croix.
On commence, comme pour les autres empans,
par des grilles très petites, puis on augmente
progressivement le nombre de cases :
Etc.
2° Les blocs de Corsi : L’épreuve des blocs de Corsi consiste à reproduire, dans le
même ordre ou en ordre inverse, une séquence de mouvements de pointage de
différents cubes montrée par l’observateur. Le nombre de blocs augmente
progressivement et permet de déterminer l’empan visuo-spatial qui est le nombre
maximum de blocs que le sujet rappelle sans erreur. L’épreuve des blocs de Corsi a
été construite pour tester, chez des patients épileptiques ayant subi une résection du
lobe temporal, le versant non verbal de la mémoire par analogie avec le versant
verbal mesuré par les séquences de chiffres. Les blocs de Corsi sont utilisés pour
évaluer la mémoire immédiate non verbale ou la mémoire de travail dans ses
aspects visuo-spatiaux aussi bien chez l’enfant, que l’adulte ou la personne âgée
3° Epreuve que subit Fred, dans l’extrait de C’est pas sorcier : il parcourt une rue virtuelle (sur un écran) et voit
apparaître un peu partout divers objets. A un signal donné, il doit redire tous les objets vus et leur disposition
dans l’espace (ex : une poubelle à droite, un cycliste au milieu de la rue, etc.). Là aussi, le nombre d’objets
augmente progressivement.
- une épreuve pour évaluer l’administrateur central : empans de chiffres à répéter à l’envers ou empans de mots,
avec, en plus, l’obligation de les restituer dans l’ordre alphabétique ! Cela exige la conservation, dans la boucle
phonologique (et/ou le calepin visuo-spatial, selon les personnes) d’une série de chiffres ou de mots, tandis que
l’administrateur central les manipule pour les ranger. Une stratégie souvent utilisée pour l’ordre alphabétique
est de ranger les mots immédiatement, au fur et à mesure de leur arrivée, dans une sorte d’espace mental, en
fonction de leur place dans l’alphabet.
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La mémoire à court terme : a des capacités supérieures à cet empan de « 7 maximum » à condition d’organiser
les items en chunks (= « tronçons ») ex :
CDHASBLINGCIAON UCEESVP
CDH
ASBL
ING
CIA
ONU
CEE
SVP
Le « chunking » dépend des connaissances « préacquises » (influence de la mémoire à long terme sur la
mémoire à court terme !). Plus l’expérience et l’expertise sont grandes, plus facile est l’organisation du matériel
à mémoriser. Les chunks peuvent être très longs, pourvu qu’ils possèdent leur « évidence » pour le
« mémorisateur » !
f. La mémoire à long terme : stock des connaissances.
Mémoire implicite
Mémoire explicite (et implicite)
Manipuler un crayon et former
des lettres, stationner, jouer du trombone,
mettre le sujet devant le verbe en parlant,…
Ces systèmes sont à la fois autonomes (cas connus de personnes chez qui l’un est troublé et pas les autres) et
interdépendants (une connaissance sémantique a d’abord été apprise au moins une première fois dans un
contexte spatio-temporel bien précis (mémoire épisodique) avant de devenir une connaissance
purement conceptuelle, indépendante de tout contexte). Un recours à la mémoire épisodique peut être d’une
grande aide pédagogique à varier les supports (visuel, auditif, film, jeux, intonation variée, excursions,
concerts, etc.)
g. Le passage de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme.
- Cas exceptionnels :
1) Cas « HM » (initiales) : suite à une lésion, sa MLT ne reçoit plus les nouvelles informations (amnésie
antérograde). Elle contient toujours les infos apprises avant l’accident vasculaire (à peu de choses près
à légère amnésie rétrograde) mais n’encode plus rien de neuf. Sa MCT fonctionne toujours dans
l’immédiat (répétition directe de chiffres, mots, etc.) mais ne peut plus transmettre à la MLT !
Mémoire eidétique : mémoire TRES fidèle, presque comme si la photographie (visuel) ou l’enregistrement
(sonore) passaient directement de la mémoire sensorielle à la mémoire à long terme. Deux cas célèbres :
2) Jacques Bergier (à droite : photo + case extraite de Vol
714 pour Sydney, album de Tintin où un personnage
l’évoque, car c’était un ami d’Hergé): il parlait
couramment 14 langues, répondait souvent à des
questions qu’on lui soumettait dans toutes les disciplines
(jeu « L'incollable » sur RTL-TVI).
3) Le Russe Veniamin, suivi 30 ans par un psychologue,
était capable de mémoriser un tableau de 175 chiffres et de le restituer, même plusieurs années après !!!
N.B. : l’existence de cette mémoire eidétique (nommée parfois mémoire absolue ou mémoire photographique)
est controversée. Des expériences faites avec des joueurs d’échec experts avaient montré leur grande supériorité
dans la mémorisation de positions complexes de pièces sur un jeu. Les champions étaient capables de se
souvenir de surprenantes quantités d'informations, bien plus que dans le cas d'amateurs, cette expérience venant
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ainsi au soutien de la mémoire eidétique. Cependant, après avoir présenté aux champions des dispositions de
pièces impossibles lors de vraies parties, la précision de leurs souvenirs était semblable à celle des amateurs.
Cela signifiait que les champions avaient développé une faculté à mémoriser pour prévoir des compositions de
jeu rationnelles plutôt que d'être détenteurs d'une capacité eidétique absolue. (Etudes d’Adriaan de Groot,
psychologue et joueur d’échecs néerlandais).
Il y a, parmi les autistes et les enfants atteints du « Syndrome de Williams » des individus qui ont certaines
capacités mnésiques impressionnantes sur le plan quantitatif mais pauvres sur le plan qualitatif. Exemples :
connaissance d’un annuaire téléphonique, identification du jour de la semaine pour n’importe quelle date après
J-C, oreille absolue pointue (même pour une porte qui grince, une alarme, etc.) mais sans aucune sensibilité
musicale pour autant.
- Efficacité de l’encodage :
• La répétition de maintien : répétition machinale de la matière pour la garder disponible dans la mémoire.
• L’ effet de position sérielle : tendance
selon laquelle la récupération des
premiers et des derniers éléments d’une
série ou séquence se fait beaucoup mieux
que celle des éléments du milieu de cette
liste. Effet de primauté : les premiers
éléments sont arrivés dans une MCT
vierge et ont pu vite s’installer
confortablement et solidement dans la
MLT ; les éléments suivants sont arrivés
dans une MCT encombrée et s’y sont
comme dissouts avant de pouvoir passer
dans la MLT. Les tout derniers éléments,
en revanche, sont tellement récemment
arrivés à la MCT qu’ils « résonnent » ou
« brillent toujours » ( = effet de récence)
• La répétition d’élaboration : association entre une information nouvelle et des connaissances déjà
sauvegardées, et analyse de cette nouvelle information en vue de sa mémorisation :
• Influence des connaissances déjà contenues dans la mémoire à long terme pour gérer l’arrivée des nouvelles
connaissances et rendre ainsi l’encodage élaboré, qu’il y ait ou non des stratégies consciemment mises en
places.
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Exemples :
- organisation du matériel à encoder par catégories sémantiques, lorsque c’est possible. Par exemple, une liste
de mots peut donner lieu à un classement par catégories (extrait de l’émission C’est pas sorcier) MAIS
attention à l’apparition de faux-souvenirs, amorcés par plusieurs représentants d’une catégorie (ex de
l’émission : liste à retenir : feuille, nature, branche, vert, racine, tronc, forêt ; après une diversion, on demande
de juger, à la vue d’une nouvelle liste de mots, si chaque mot était présent ou non dans la première liste : fruit,
arbre, feuille, branche, forêt, gland, nature ; il arrive assez souvent que le mot arbre soit reconnu comme déjà
présent dans le 1ère liste, bien que ça ne soit pas le cas. C’est un faux-souvenir, qui a pour origine l’amorce
provoquée par l’abondance de termes sémantiquement proches).
- organisation du matériel à encoder grâce à un lien,
trouvé en envisageant plusieurs visions possibles.
Exemple illustratif, qui n’est évidemment, dans ce
cas, pas dû au hasard, mais le hasard peut parfois
rendre plus lisible une lecture qu’une autre. Si vous
présentez ce tableau en demandant de mémoriser les
lignes ou de mémoriser les colonnes, il s’avère que la
tâche est très différente !
- si le matériel n’offre pas spontanément des liens, en créer va augmenter les chances de mémorisation.
D’ailleurs on constate, lorsqu’on observe l’activité du cerveau que la mémorisation qui s’appuie sur des
associations, des liens, ne provoque pas la même activité électrique que celle dépourvue, par exemple,
d’imagerie mentale. Ces stratégies sont les fameux moyens mnémotechniques. Ainsi, certaines personnes sontelles capables de mémoriser de grandes quantités de choses apparaissant comme compliquées (paquets entiers
de cartes à jouer, longues listes de mots, numéros de téléphone, décimales du nombre Π , etc..) grâce à des
scénarios, des images, des chansons, etc.
-
Pourquoi oublie-t-on ?
• L’oubli motivé ( refoulement de Freud) : refus du conscient de garder des souvenirs trop menaçants ou
trop douloureux pour le reste de notre vie. Amnésie dissociative : oubli sélectif d’une expérience stressante
ou traumatisante qui est menaçante pour le moi à Nombreux procès en Amérique du Nord, sur base de
souvenirs d’enfance récupérés à l’âge adulte (abus sexuels surtout) à méfiance !
• L’oubli lié aux indices
à souvenir lié au contexte, mémoire associative (« Darling, they’re playing our tune! » en musique, la
« madeleine » de Proust).
à souvenir lié à l’état : souvenirs agréables à bien-être
souvenirs désagréables à dépression (pour réduire les effets de ce cercle vicieux,
admettre son état dépressif et se concentrer sur des souvenirs agréables)
• L’oubli pathologique
§ Traumatismes crâniens
a) Amnésie post-traumatique
b) Amnésie rétrograde (plus de souvenirs d’avant accident)
c) Amnésie antérograde (plus de nouvelles infos après l’accident) : troubles mnésiques les + fréquents,
touchant presqu’exclusivement la mémoire explicite, la mémoire implicite étant la plupart du temps
préservée.
§ La maladie d’Alzheimer : Affection du système nerveux à dégénérescence des neurones !
Cette forme de démence pré-sénile, qui peut survenir précocement, entre 45 et 55 ans, mais touche 2x plus de
personnes tous les 5 ans, au-delà de 65 ans, débute par une altération de la mémoire procédurale (à problèmes
d’apraxie), altération dont le patient n’a pas conscience.
Elle touche progressivement la mémoire déclarative et l’ensemble des fonctions mnésiques, ce qui se traduit
assez rapidement par une désorganisation profonde du langage et de la pensée. On constate chez les patients qui
en sont atteint une détérioration, parmi d’autres, de la zone hippocampique. C’est l’amnésie antérograde qui
frappe le plus chez ces patients (= incapacité à fixer de nouveaux souvenirs en mémoire à long terme), même si
l’amnésie rétrograde existe également (= incapacité à récupérer les souvenirs anciens), mais souvent d’étendue
variable et parfois dans des domaines spécifiques (ex : oubli des prénoms des gens de la famille mais
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préservation du nom des pays et de leur capitale, appris dans l’enfance). Bien qu’on ne puisse pas encore parler
de guérison, on observe actuellement des progrès dans le retardement ou l’atténuation des effets de cette
maladie, notamment grâce aux stimulations artistiques, et tout particulièrement musicales (des études récentes
montrent même des performances impressionnantes de mémorisation de nouvelles chansons, en contraste total
avec la mémorisation de matériel verbal non chanté).
§ Cas de Jimmy
Janvier 84, Chicago, Jimmy Tontlewicz (4 ans) tombe au fond du Lac Michigan, gelé. On remonte son
corps (ne respire +, le cœur ne bat +), dont la température est descendue à 25°, ½ heure après ! Après une
heure d’efforts des médecins, le cœur se remet à battre ! 2 phénomènes semblent expliquer ce miracle : 1)
refroidissement brutal à hibernation (les fonctions chimiques du cerveau, ralenties, réduisent son besoin
d’oxygène). 2) réflexe du mammifère en plongée (baleines, dauphins, phoques) : le sang se retire des
membres et organes internes pour aller se concentrer dans le cœur et le cerveau à les organes vitaux sont
protégés, car ils récupèrent tout l’oxygène disponible. En même temps, les battements du cœur et l’activité du cerveau
sont quasi réduits à 0. Ce réflexe est inné chez les mammifères marins et, peut-on à cette occasion le constater, sans doute
chez les très jeunes enfants ! MAIS, à son réveil, 9 jours après, il est complètement amnésique : non seulement il ne
reconnaît plus personne et ne se souvient de rien, mais il ne sait plus ni marcher, ni s’asseoir, ni même s’alimenter ! On
doit tout lui réapprendre. En 2 mois, il retournera au stade de ses 3 ans…
Il doit avoir 36 ans à présent. Aux dernières nouvelles (2011), il vit une vie normale et ne parle plus jamais de cet épisode.
Seule trace : une petite cicatrice sur le crâne (où les médecins ont introduit une sonde pour contrôler sa pression
cérébrale).
•
Les souvenirs autobiographiques ; amnésie de l’enfance: aucun souvenir avant 3 ou 4 ans. Causes:
• Absence d’un sens du moi (à 2 ans environ)
• Encodage appauvri : moins de raffinement, pas encore le sens de ce qui est important ou
intéressant pour structurer le souvenir, tendance à se fier aux questions des adultes pour
fournir des indices de récupération.
• Différences entre schèmes* cognitifs anciens et nouveaux, à cause des aptitudes linguistiques et
cognitives encore très limitées avant l’école. De nouveaux schèmes apparaissent ensuite,
mais d’aucune utilité pour se remémorer les expériences antérieures.
* schème = représentation mentale abstraite mais basée sur un réseau de connexions cérébrales spécifique,
permettant de résoudre des problèmes et de guider l’action, relativement à un concept, un geste, une image,
une idée,.... Ex : le schème (moteur) de la préhension (prendre un objet), le schème (mathématique) du
principe d’addition ou de soustraction. A propos de la question particulière des souvenirs, les schèmes
relatifs à la temporalité et à la construction d’un récit varient très fort, dans leur substance, aux premiers
âges de la vie (ex : dans 3x dormir, etc.)
• Nouveaux souvenirs pour remplacer les anciens: mémoire reconstructive. Bartlett a étudié la façon dont
des étudiants britanniques se souvenaient d’histoires dont les thèmes et le vocabulaire provenaient d’une
autre culture. Sa plus célèbre était La guerre des fantômes, un conte amérindien. Il s’est aperçu que leur
reproduction de l’histoire était très souvent différente de l’originale. Les distorsions trouvées par Bartlett
impliquaient 3 types de processus reconstructifs :
a) Nivellement (simplifications)
b) Valorisation (mise en exergue de certains détails)
c) Appropriation (modifications pour adapter à sa propre expérience ou connaissance)
Ainsi, les lecteurs ont reproduit l’histoire en remplaçant les termes peu familiers par des mots propres à
leur culture : bateau à la place de canoë et pêche à la place de chasse aux phoques. Les participants ont
également modifié l’intrigue de l’histoire pour éliminer les références aux forces surnaturelles trop
distantes de leur culture.
à attention aux inférences : on a tendance, dans le cadre d’une simplification, à inférer des choses qui
ne font pas partie du souvenir original. Ex : dans une histoire, quelqu’un court dans sa chambre, cela
devient parfois « monte à sa chambre », même si une chambre peut parfois être au rez-de-chaussée
(bungalow) ; quelqu’un secoue sa tire-lire et n’entend rien à on a tendance à inférer qu’elle est vide,
alors qu’elle peut très bien contenir des billets, coincés, qui ne produisent aucun son ! Ces exemples sont
très anecdotiques mais les inférences peuvent prendre toute leur importance dans le récit d’une réunion,
d’une dispute, etc.
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à influence de l’humeur : il semble que l’humeur négative offre une meilleure résistance à la
suggestion. Peut-être une bonne humeur met-elle dans une disposition d’ouverture, de confiance et, de là,
de fragilité et de naïveté ?
A propos de valorisation, un effet connu dans la mémorisation, et qui peut être pris en compte dans
l’apprentissage : l’effet Von Restorff. Dans une liste d’items à mémoriser, s’il y en a
un qui
contraste particulièrement avec les autres (domaine très différent, nom bizarre, etc.), il
sera
mémorisé avec une probabilité plus grande. Ex : livre, cartable, château, voiture,
hamster,
canapé, mouchoir, travail, bouteille, King-Kong, tortue, miroir,
enfant,
chaussure, télévision, salade, taureau, plastique, guirlande, docteur.
• Même les souvenirs-éclairs (flashbulb memories) semblent fragiles : souvenirs comme figés, très détaillés,
liés à un événement extraordinaire (études sur l’assassinat de Kennedy ou les attentats du 11 sep 2001,etc.).
MAIS : attention, là aussi, parfois faux-souvenirs !
• Problème des témoignages :
§ parfois grosses erreurs: encore + quand cela concerne un groupe ethnique différent
§ pouvoir de la suggestion : manière de poser les questions
à expériences de Loftus : on a montré aux participants d’une étude un film sur un accident automobile et on
leur a demandé d’estimer la vitesse des voitures impliquées. En outre, on a demandé à certains participants :
« A quelle vitesse roulaient les voitures quand elles se sont percutées ? », et à d’autres: «A quelle vitesse
roulaient les voitures quand elles sont entrées en contact ? » Le groupe des percutées a estimé la vitesse à plus
de 65 km/h ; le groupe contact a estimé la vitesse à 50 km/h. Une semaine plus tard, on a demandé aux
témoins : « Avez-vous vu des débris de verre ? » En réalité, il n’y avait pas de verre dans le film. Pourtant, un
tiers des participants du groupe percutées a dit qu’il y avait eu des débris de verre, contre seulement 14% des
membres du groupe contact. Les infos post-événementielles ont donc eu un effet important sur ce que les
témoins ont dit avoir vu.
§ témoignage des enfants : ni tout-à-fait fiables ni tout-à-fait menteurs ; cela dépend de l’âge.
- Ci-contre, les résultats d’une étude
où on interrogea des enfants de 4
catégories d’âges, suite à la vision
par eux d’une même scène, selon 2
conditions : a) en leur posant des
questions insidieuses (ex : « n’as-tu
pas vu cela ? », « comment ? tu ne
t’es pas aperçu que… ? ») et b) en
recourant, en plus, à des techniques
de pression (ex : « il vaudrait mieux
que tu racontes cela si tu veux que
tes parents soient satisfaits de toi,etc. »)
§
Détérioration de la trace mnésique : courbe d’oubli d’Ebbinghaus (1885).
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Le psychologue allemand a calculé, en s’observant lui-même, l’allure à laquelle la trace mnésique
(apprentissage de syllabes de 3 lettres, sans signification aucune) se détériorait. Il est très utile de se rendre
compte de son propre rythme de détérioration car, non seulement cela permet de réactiver le matériel à
mémoriser au moment où il risque le plus de s’évaporer, mais en plus cela permet de ne pas gaspiller du
temps à revoir un matériel au moment où il ne risque plus de s’abîmer. On peut ainsi, après un certain
nombre de jours, se permettre d’espacer de plus en plus les temps de rafraîchissement.
§
L’interférence :
interférence rétroactive
interférence proactive
La nouvelle info met à mal la récupération La nouvelle info ne s’encode pas à cause de
d’une ancienne
l’ancienne qui prévaut
à il est intéressant d’identifier, chez soi-même et, pour un enseignant, chez ses étudiants, le type
d’interférence, qui peut varier d’une personne à l’autre, mais peut aussi être identique dans tout un groupe pour
un même matériel. Cela éclaire alors l’enseignant qui se doit d’en trouver les raisons. La solution, de toute
façon, qu’il s’agisse d’une interférence rétro- ou pro-active, est de mettre les deux infos l’une à côté de l’autre,
afin de les comparer, que ce soit deux dessins, phrases, motifs mélodiques et/ou rythmique ou encore doigtés
instrumentaux proches et quelque peu différents. Il y a toujours bien des raisons pour qu’il y ait interférence. Si,
en tant qu’enseignant, on ne s’attendait pas à ce type d’erreur, c’est qu’on n’avait pas remarqué les liens et
différences entre les deux. C’est donc un bon révélateur.
-
Améliorer la mémoire.
§ Distinction entre SENS et SIGNIFICATION (ou PERTINENCE) :
"Est-ce que cela a du sens?" revient à dire "Puis-je comprendre ce que l'on veut m'inculquer sur la base de mon
expérience? Est-ce que cette information ou cette action colle avec ce que je sais de la façon dont le monde
fonctionne?". Quand l'élève dit "Je ne comprends pas" ou "Je ne peux pas le faire", cela veut dire qu'il éprouve
de la difficulté à saisir le sens de ce qu'on cherche à lui transmettre ou à lui faire faire. "Est-ce que cela revêt
une signification?" revient à s'interroger sur la pertinence de l'enseignement. Dans quel but l'apprenant devraitil s'en souvenir? La signification, évidemment, est une chose très subjective et elle est grandement influencée
par le passé d'une personne. La même information peut avoir beaucoup d'écho pour un élève et aucun pour son
voisin. Quand un élève demande "Pourquoi dois-je savoir cela?" ou "Quand l'occasion d'utiliser cette
connaissance ou cette procédure se présentera-t-elle?", cela indique qu'il ne perçoit pas, pour quelque raison que
ce soit, la pertinence de cet apprentissage. Ex: l'élève de guitare motivé essentiellement par l'accompagnement
de chansons pops a du mal à comprendre peut-être à quoi peuvent servir certains exercices mélodiques alors
qu'il désire apprendre surtout les accords. Cela a du sens, il le comprend, mais pas de pertinence pour ses
propres désirs musicaux. Peut-être peut-on donner plus de pertinence s'il y a un solo, dans une chanson pop, qui
est impressionnant et qu'il se mettra à vouloir reproduire....L’imagerie cérébrale montre plus d'activité cérébrale
et une assimilation nettement améliorée lorsqu'un nouvel apprentissage est facile à comprendre (sens) et qu'il
peut être mis en rapport avec nos expériences passées ou nos besoins présents (signification).
La probabilité de stocker l'information varie donc selon le degré de sens et de pertinence:
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Est- ce que cela
est pertinent?
OUI
Probabilités moyennes
TRES GRANDES PROBABILITES
NON
Très faibles probabilités
Probabilités moyennes
NON
OUI
Est-ce que cela a du sens?
§
Peut-on améliorer sa mémoire ?
Une étude a cherché à savoir si les jeux électroniques pouvaient améliorer la mémoire. Certains ont eu
affaire à des jeux spécifiques de mémorisation et d’autres à des jeux électronique normaux, sans orientation
spécifique à l’exploitation de la mémoire. Auprès d’adultes en âge de perdre naturellement quelques
facultés mémorielles, cela a entraîné, après deux mois, une amélioration de la mémoire spatiale, mais quelle
que soit la nature des jeux (pas de gain significativement supérieur pour les jeux de mémoire). En ce qui
concerne les plus jeunes (enfants et ados), il n’y a pas de gain spécifique consécutivement aux jeux ; le gain
est normal pour l’âge et égal à celui des enfants sans entraînement aux jeux électroniques.
-
La mémoire prospective : (terme paradoxal puisque mémoire évoque le passé et prospective le futur !)
§ type de mémoire spécifique au fait de se rappeler quelque chose. Ex : on encode le fait qu’il faut
qu’on fasse quelque chose de précis à telle heure, ou après la visite de quelqu’un, etc.
§ lié au temps (programmer un rappel)
§ requiert-elle des stratégies ou est-elle spontanée? Les deux conceptions existent chez les experts
Exercice récapitulatif : exemples de situations dans lesquelles sont mobilisées les fonctions mnésiques.
Pour chaque situation, il s’agit d’identifier les principaux processus mnésiques en jeu, en sachant bien sûr que,
souvent, plusieurs fonctions concourent. Il s’agit surtout de cibler les processus spécifiques à cette (ces)
action(s) particulière(s). Pour marquer les importances relatives, il est proposé de mettre des étoiles (***
marquant une plus grande importance du rôle du processus que **, etc.).
Mobilisationdesdifférentesfonctionsmnésiques
Situations
Mémoire
sensorielle
Mémoiredetravail
(àcourtterme)
Mémoireàlongterme
Connaissancesdéclaratives
Echoïque
Icônique
Boucle
Calepin
phonologique visuo-spatial
Administrateur
Connaissances
central
sémantiques
Connais-
sancesprocédurales
(implicites)
Rappel
1)
2)
3)
4)
5)
6)
7)
8)
Mémoire
prospective
Reconnaissance
Connaissances
épisodiques
Reconnaissance
Rappel
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