
On
a pu naturellement douter de la réalité de l’ajustement visé en
principe par les programmes de restructuration et s’interroger sur
l’adaptation véritable des
PAS
aux causes et composantes des crises
auxquelles ils sont censés remédier;
on
peut encore, comme le fait
subtilement Jean-François Bayart (Bayart 1992) soupçonner
à
présent
un
déplacement de l’objet des
PAS
et avancer qu’ils répondent désormais,
pour les organisations multilatérales de Bretton Woods,
à
la double
préoccupation de perpétuation de leur être bureaucratique et de maintien
de leur “rating” bancaire, condition, comme
on
sait, de leur crédibilité
pour lever des fonds
à
très faible intérêt sur le marché financier
international
;
toutes ces critiques et questions sont parfaitement
légitimes et fécondes car elles rendent compte du décalage constant entre
objectifs apparents visés et résultats réellement atteints
;
cependant elles
ne sauraient suggérer
-
et il semble même préférable d’affirmer
explicitement le contraire
-
que l’absence d’ajustement des économies et
de relance des activités résulteraient
d‘un
manque réel de rigueur;
notamment elles ne doivent pas masquer ce fait majeur que les sociétés
africaines ont été soumises depuis plus d’une décennie
à
des politiques
d‘austérité mettant
à
mal, par leurs effets sociaux, les conditions de vie
du plus grand nombre, générant, par leurs effets économiques, la
récession dans de nombreux secteurs d’activité et entamant enfin les
moyens d‘intervention de la puissance publique par quoi tenaient encore,
tant bien que mal, maintes scrciétés
au
sud du Sahara. Sans doute faut-il
voir plutôt dans une rigueur persistante
non
suivie d‘avantages visibles
par tous et dans des répartitions inégalitaires des fardeaux de
l’ajustement certains des facteurs premiers des révoltes surgies dans de
nombreux pays africains au détour de l’année 1990.
Car, dans le même temps
où
les politiques dconomiques de
rigueur, pourtant bien concrètes depuis une dizaine d’années, tardaient
à
remettre les pays africains sur les chemins d’une nouvelle croissance,
promise mais apparemment inaccessible
-
la diminution, en termes réels,
du produit par habitant au Sud et l’amplification des transferts financiers
nets vers le Nord montrent les limites de cet objectif
-,
leurs gouvernants,
alertés par les bailleurs de fonds et débordés soudain par des
mouvements sociaux de grande ampleur ont été sommés d’ouvrir le jeu
politique, d’accepter le passage au multipartisme, d’organiser des
élections ”libres et sincères”. Dans plusieurs cas ils ont été contraints de
respecter le verdict des urnes en s’effaçant devant de nouvelles équipes
dirigeantes incarnant l’alternance des idées et des générations et censées
assurer, dans
un
bouillonnement confus d’attentes et d’aspirations
quelquefois peu compatibles entre elles, aussi bien l’assainissement des
gestions publiques que la “moralisation” de la vie politique et
l’amélioration des conditions d’existence d’une population ayant payé
un
lourd tribut
à
une
décennie d‘ajustement structurel (réduction des
dépenses sociales de l’Etat, suppression des subventions, augmentation
des tarifs de services publics, licenciements, etc.).
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