Pr´eparation `a l’agr´egation
2009-2010
Philippe Lebacque
Exercices d’alg`ebre lin´eaire
1. Polynˆome minimal et polynˆome caract´eristique
1.1. — Soient P, Q K[X].Donner une condition n´ecessaire et suffisante sur
P, Q pour qu’il existe une matrice `a coefficients dans Kayant Pcomme polynˆome
minimal et Qcomme polynˆome caract´eristique.
Solution : il existe une telle matrice Msi et seulement si Pet Qont mˆemes divi-
seurs irr´eductibles. En effet, la r´eduction de Frobenius nous assure que πM|χM|πr
M
pour un certain entier rd’o`u le sens direct. De plus, si Pet Qont mˆemes divi-
seurs irr´eductibles, alors la matrice Mcompagnon par bloc (C(Pi)) convient, o`u
les Pisont d´efinis par P1=Pet pout tout i2Piest le produit des polynˆomes
irr´eductibles divisant Q/ Qj<i Pj.
1.2. [1]. — On suppose ici que K=Rou C.Montrer que l’ensemble des ma-
trices dont le polynˆome minimal est ´egal au polynˆome caract´eristique est un ouvert
de Mn(K).Est-il connexe ? Est-il dense ?
Solution : Notons Acet ensemble. Remarquons d’abord que A∈ A si et seule-
ment si Aest semblable `a la matrice compagnon C(πA),d’apr`es le th´eor`eme
de d´ecomposition de Frobenius. Soit A0∈ A.Il existe alors x0Kntelle que
{x0, A0x0, . . . , An1
0x0}engendre Knc’est `a dire a det non nul. Mais alors, si A
est suffisamment proche de A0, det({x0, Ax0, . . . , An1x0})6= 0 par continuit´e
du d´eterminant et alors {x0, Ax0, . . . , An1x0}est une base de Knet donc Aest
dans A.C’est donc un ouvert.
Dans le cas complexe, on montre la connexit´e en voyant Acomme l’image du
connexe GLn(K)×Knpar l’application continue
φK: (P, a0, . . . , an1)7→ P C(a0, . . . , an1)P1.
Dans le cas r´eel, GLn(K) a deux composantes connexes, GL+
net GL
n,et l’en-
semble A=A+∪ A=φK(GL+
n(K)×Kn)φK(GL
n(K)×Kn) est r´eunion
de deux ensembles connexes. Si nest impair, on voit directement que A=A+
car si PGL
n(K),(P)GL+
n(K).Il faut donc montrer que, dans le cas o`u
nest pair, A+∩ An’est pas vide. On consid`ere alors J=C(1,0,...,0).Cette
matrice Ja d´eterminant 1 car nest pair, et elle appartient aux deux ensembles
car c’est φK(In,(1,0,...,0) et φK(J, (1,0, . . . 0)).
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Enfin, pour montrer qu’il est dense, on fixe AMn(K) et  > 0.On consid`ere
le polynˆome
D(X11, . . . , Xnn) = det(e1, Xe1, . . . , Xn1e1),o`u X= (Xij )1i,jn.
C’est un polynˆome non nul de K[X11, . . . , Xnn] (C(1,0,...,0) a une image non
nulle). S’il ´etait nul sur la boule de centre Aet de rayon il serait nul, en vertu
du th´eor`eme suivant, qui g´en´eralise le cas bien connu de la dimension 1 :
Th´eor`eme 1.1. — Soit kun corps et Pk[X1, . . . , Xn].Si Pest nul sur
S1×···×Sno`u les Sisont des parties infinies de k, alors Pest le polynˆome nul.
La preuve se fait par r´ecurence, l’id´ee est de fixer (x1, . . . , xn)S1×···×Sn,
et de consid´erer P(x1, . . . , xn, X) = PPi(x1, . . . , xn)Xi.C’est un polynˆome nul
sur Sn+1 une partie infinie de k, et qui est donc nul, donc tous les Pisont nuls
sur S1× ··· × Sn,et l’hypoth`ese de r´ecurrence nous m`ene au r´esultat.
Ainsi cette application est non nulle dans la boule de centre Aet de rayon .
Donc il existe Baussi proche de Aque l’on veut dont le polynˆome caract´eristique
est ´egal au polynˆome minimal, et Aest dense.
2. Endomorphismes diagonalisables
2.1. — Soit Eun K-espace vectoriel de dimension finie net uun endomor-
phisme diagonalisable de E. Soit Fun sous-espace stable. Montrer que la restric-
tion de u`a Fest diagonalisable. Montrer que des endomorphismes diagonalisables
de Ecommutant deux `a deux sont simultan´ement diagonalisables.
Solution : On s’appuie sur le r´esultat suivant, corollaire du lemme des noyaux : u
est diagonalisable si et seulement si il existe un polynˆome scind´e `a racines simples
tel que P(u)=0.Pour le sens direct, on consid`ere P=Q(Xλi),o`u les λisont
les valeurs propres distinctes de u. Le lemme des noyaux montre que P(u) = 0
car udiagonalisable. Pour le sens r´eciproque, on ´ecrit le lemme des noyaux `a
P=Q(Xλi) annulant u, et on voit que Eest somme directe des sous espaces
ker(uλiid) qui sont ou bien nuls, ou bien des sous-espaces propres. Ainsi, si
uest diagonalisable, uFest annul´e par un polynˆome scind´e a racine simple qui
annule u, et donc est diagonalisable.
Pour le second point, on proc`ede par r´ecurrence sur n. Pour n= 1 le r´esultat
est clair. Supposons la propri´et´e vraie en dimension n1,montrons qu’elle est
vraie en dimension n. Soit (ui)iIune famille d’endomorphismes diagonalisables
commutant deux `a deux. Si tous les uisont des homoth´eties, le r´esultat est
´evident. Sinon on suppose que u=ui0n’est pas une homoth´etie, et on consid`ere
ses sous espaces propres Eλ1, . . . , Eλr.On a donc r2 et pour tout jdim Eλj<
n. Pour tout j= 1 . . . r et pour tout iI, Eλjest stable par uicar uiet u
commutent. On a donc la restriction ui,j de ui`a Eλjest donc diagonalisable
et par hypoth`ese de r´ecurrence, il existe une base de diagonalisation Bjde Eλj
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commune `a tous les ui,j .Alors B=B1∪···∪Brest une base de Edans laquelle
tous les uiadmettent une matrice diagonale.
2.2. — Soit Gun groupe ab´elien fini de GLn(C).Montrer que les ´el´ements de
Gsont simultan´ement diagonalisables. En d´eduire une majoration de l’ordre de
Gen fonction de son exposant. Est-ce encore vrai pour un tel sous-groupe de
GLn(R)? Pour un tel sous groupe de GLn(k),o`u kest un corps alg´ebriquement
clos de caract´eristique positive ?
Solution : Tous les ´el´ements de Gsont annul´es par le polynˆome X|G|1 d’apr`es
le th´eor`eme de Lagrange. Ce polynˆome est scind´e `a racines simples dans Cdonc
tous les ´el´ements de Gsont diagonaisables. Gest ab´eliens donc ils commutent
deux `a deux et ils sont donc simultan´ement diagonalisables dans une base B
d’apr`es 2.1. Soit ml’exposant de G. L’application GGLn(C) qui `a gasso-
cie P1gP, o`u Pest la matrice de passage de B`a la base canonique, est un
morphisme injectif `a valeur dans l’ensemble des matrices diagonales Dtelle que
Dm=In.Ce dernier ensemble a cardinal mn,car les coefficients diagonaux sont
racines de Xm1.On en d´eduit que |G| ≤ mn.Le r´esultat final reste valable
dans GLn(R) mais les matrices ne sont pas n´ecessairement diagonalisables dans
R(Ex : G=<0 1
1 0>). Dans GLn(k),o`u kest alg´ebriquement clos de
caract´eristique positive p, tout reste valide si on suppose que l’ordre de Gest
premier `a p. Mais le groupe G=1λ
0 1, λ Fp3pour ordre p3> p2et il est
d’exposant p(aucune des matrices de Gnon ´egale `a I2n’est diagonalisable).
2.3. Un th´eor`eme de Burnside (RMS 89 90 vol 5.) : Soit Gun sous-
groupe d’exposant fini de GLn(C).Alors Gest un groupe fini.—
2.3.1. — Montrer que Tr(G) est fini. Montrer que le seul ´el´ement de trace ´egale
`a nest In.On remarquera que les ´el´ements de Gsont diagonalisables.
Solution : Soit gG. g est diagonalisable car le polynˆome Xm= 1,o`u m
est l’exposant de G, est scind´e `a racines simples et annule g(cf 2.2). On a alors
g=P1Diag(λ1, . . . , λn)P, o`u tous les λisont racines de Xm1.De plus
Tr(g) = T r(Diag(λ1, . . . , λn)) = λ1+··· +λn.On obtient donc |Tr(G)| ≤ mn.
De plus Tr(g) = λ1+··· +λn,somme sur des racines mi`eme de l’unit´e, est ´egale
`a nsi et seulement si tous les λivalent 1,c’est `a dire si gest semblable `a In,ce
qui ´equivaut `a g=In.
2.3.2. — Soit {g1, . . . , gr}une base de V ect(G) form´ee d’´el´ements de G
(existence ?). On consid`ere l’application qui envoie gGsur le n-uplet
(Tr(g1gi))i∈{1,...,r}.D´eduire de 2.3.1 que cette application est injective.
Solution : Une telle base existe puisque la famille G´etant g´en´eratrice de
V ect(G), on peut en extraire une base {g1, . . . , gn}de V ect(G).Prenons deux
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´el´ements het gde Gayant mˆeme image par cette application not´ee φ. Alors, on
´ecrit g=Pλigi,on a
n= Tr(g1g) = XλiTr(g1gi) = XλiTr(h1gi) = Tr(h1g).
On a donc, d’apr`es 2.3.1, h1g=Inet h=g.
2.3.3. — Conclure. Solution : Comme Tr(G) est fini, |φ(G)| ≤ |Tr(G)|rest fini.
Comme φest injective, |G|=|φ(G)|est fini.
2.4. D´ecomposition de Dunford. — Soit kun corps parfait. Soit M
Mn(k).Soit Kune extension o`u le polynˆome minimal πMde Mest scind´e. Soient
Det Ndeux matrices de Mn(K),telles que Dsoit diagonalisable, Nnilpotente,
DN =ND et M=N+D. Montrer que D, N Mn(k).Remarquons que D
n’est pas n´ecessairement diagonalisable dans Mn(k).
Solution : On consid`ere Lle corps des racines de πMdans K. Alors πMest
scind´e dans L[X] et Det Nsont en fait des matrices de Mn(L) par unicit´e de la
d´ecomposition de Dunford dans Mn(K). Comme kest parfait, L/k est galoisienne.
Soit σGal(L/k).On note encore σl’isomorphisme d’anneaux Mn(L)Mn(L)
qui `a A= (aij ) associe σ(A) = (σ(aij )). Mn(k) est alors l’ensemble des ´el´ements
de Mn(L) invariants par tous les τGal(L/k).On a M=σ(M) = σ(N)+σ(D),
σ(D)σ(N) = σ(N)σ(D), σ(N) nilpotente (σ(N)k=σ(Nk)) et σ(D) diagonali-
sable (si D=P1dP, σ(D) = σ(P)1σ(d)σ(P)). Par unicit´e de la d´ecomposition
de Dunford dans L, on a σ(D) = D, σ(N) = N. Ceci ´etant valable pour tout
σGal(L/k) on a D, N Mn(k).
3. Endomorphismes normaux
S>0
nd´esignera par la suite l’ensemble des matrices r´eelles sym´etrique d´efinie
positive de Mn(R).
3.1. Racine carr´ee. Soit Nune matrice sym´etrique r´eelle d´efinie positive.
Montrer qu’il existe une unique matrice sym´etrique r´eelle d´efinie positive Stelle
que S2=N.
Solution : Nest semblable `a la matrice diagonale D=Diag(λi) o`u les λisont des
r´eels strictement positifs. On pose alors N=P1DP o`u Pest orthogonale. On
pose alors S=P1EP o`u Eest la matrice diagonale d´efinie par E=Diag(λi).
Sest bien une matrice sym´etrique d´efinie positive et S2=N. Traitons alors
l’unicit´e. Si Qest le polynˆome d’interpolation de Lagrange de x7→ xen les λi,
on a alors E=Q(D) d’o`u N=P1DP =Q(P1EP ) = Q(S).Donc Sest un
polynˆome en N. Si Test une autre racine carr´ee de Nsym´etrique d´efinie positive,
on voit que Sest un polynˆome en T2donc en Tet Scommute donc avec T. On
a alors S2T2= (ST)(S+T) = 0.Comme Tet Ssont sym´etriques d´efinies
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positives, S+Tl’est aussi et est donc inversible. On a alors ST= 0.D’o`u
l’unicit´e.
3.2. Exponentielle. — Montrer que l’exponentielle d´efinit un hom´eomorphisme
de l’ensemble des matrices sym´etriques r´e´elles sur l’ensemble des matrices
sym´etriques d´efinies positives. Montrer que l’exponentielle d´efinit un morphisme
surjectif de l’ensemble des matrices antisym´etriques r´eelles dans SOn(R).Est
elle bijective ? Que se passe-t-il dans Mn(C) ?
Solution :L’application exp : Mn(R)Mn(R) d´efinie par
exp(A) =
+
X
n=0
An
n!
est continue car la s´erie est normalement convergente sur tout compact, donc sa
restricition `a Sest continue. De plus, si Mest sym´etrique r´eelle, il existe une ma-
trice orthogonale Net des r´eels α1, . . . , αntels que M=N1Diag(α1, . . . , αn)N.
Alors exp M=N1Diag(eα1, . . . , eαn)Nest bien sym´etrique d´efinie positive.
Soit S∈ S>0.Il existe POn(R) et des r´eels strictement positifs λ1, . . . , λn
tels que S=P1Diag(λ1, . . . , λn)P. On a alors
S=P1exp Diag(ln λ1,...,ln λn)P= exp P1Diag(ln λ1,...,ln λn)P
d’o`u la surjectivit´e. Supposons que Tet Rsont des matrices sym´etriques r´eelles
v´erifiant exp T= exp R. Comme Tcommute avec exp T(c’est mˆeme un polynˆome
en T, car R[T] est ferm´e), Tcommute avec exp R. Mais Rest aussi un polynˆome
en exp R. En effet, Rest diagonalisable, et si R=Q1Diag(µ1, . . . , µn)Qet Pµ
est un polynˆome tel que Pµ(exp µi) = µipour tout i= 1 . . . n, on a
Pµ(exp R) = Q1Diag(Pµ(eµ1), . . . , Pµ(eµn))Q=R.
Tcommute donc avec R. Ils sont donc diagonalisables dans une mˆeme base, et
l’injectivit´e de l’exponentielle r´eelle conduit `a T=R.
Reste `a emontrer que l’application r´eciproque est aussi continue. On consid`ere
donc une suite (Ap) de matrices de S>0tendant vers A∈ S>0,et (Bp) la suite
de matrices sym´etriques d´efinie par exp Bp=Appour tout p. Montrons que Bp
converge vers la matrice Bd´efinie par exp B=A. On voit tout d’abord que la
suite (Bm) est born´ee. En effet, (Ap) converge donc est born´ee. Soit M > 0 tel
que kApk2
2M2pour tout p. Apest diagonalisable dans une base orthonorm´ee,
kApk2
2est la somme des carr´es des valeurs propres (qui sont r´eelles) de Ap,on
en d´eduit donc que les valeurs propres des Apsont born´ees par M. De mˆeme,
A1
ptend vers A1donc est ´egalement born´ee, ainsi les valeurs propres de A1
p
sont born´ees par 1
m2,o`u m > 0.Comme toutes ces valeurs propres sont r´eelles
et strictement positives, on en d´eduit que toutes les valeurs propres de Apsont
contenues dans [m, M ].Ainsi les valeurs propres de Bpsont toutes contenues
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