Rôle infirmier dans l`observance aux traitements

ans le cadre de leurs missions éducatives, l’in-
firmier et l’infirmière jouent un rôle clé dans
l’amélioration de la qualité de l’observance aux
traitements.
Dans un premier temps, il est important de définir
ce qu’est l’observance.
Selon le Larousse, il s’agit de se conformer à un
modèle ou à une règle de conduite, de suivre une pres-
cription ou une coutume. À l’origine, « l’observance »
était plutôt reliée à la religion et au fait de suivre une
règle ou une habitude, comme l’observance du jeûne
pendant le carême dans la religion catholique.
Cette notion a évolué et n’a été reprise que récem-
ment dans le milieu de la santé.
Selon le livre « Concepts en sciences infirmières »
publié par l’ARSI (Association de Recherche en Soins
Infirmiers) en 2009 ditions Mallet conseil), l’obser-
vance correspond à l’adoption par une personne d’un
comportement qui engendre des résultats escomptés
potentiellement positifs en accord avec la prescription
ou le conseil d’un professionnel de santé.
Elle est directement en lien avec « l’adhésion thé-
rapeutique ». Elle est déterminée par le deg d’ac-
ceptation de la maladie et correspond à la composante
attitudinale de l’observance, car elle traduit l’implication
de la personne soignée. Il n’y pas d’idée de soumission.
En d’autres termes, ce n’est que par l’adhésion théra-
peutique que l’on obtiendra une observance de qualité
par le patient. Ce dernier doit adhérer aux objectifs et
aux modalités du traitement.
Il est important de distinguer ces deux notions clés
de la « compliance » qui se définit par « se référer, suivre
les ordres », qualifiant le respect par le patient de la thé-
rapeutique.
Bien que valie par l’ANADI (Association nord
américaine des diagnostics infirmiers) dans les années
1970, elle a été sujette à de nombreuses controverses
ces dernières années. En effet, elle renvoie à la « sou-
mission », et implique une attitude paternaliste de la
part des soignants. Elle s’éloigne donc de l’observance
qui exige la participation active du patient et son adhé-
sion.
De son côté, l’OMS a rencontré des difficultés pour
établir une définition exhaustive de l’observance. Pour
elle, il s’agit d’un « comportement, résultat objectivable
et mesurable obtenu chez un patient au terme de la mise
en œuvre d’une démarche d’éducation thérapeutique ».
C’est également un phénomène évolutif au sein duquel
la personne soignée oscille en permanence entre l’ob-
servance et la non-observance.
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Rôle infirmier
dans lobservance
aux traitements
Symposium* des 14es RIO « Cancer et thrombose »
Sébastien Bugeia
Formateur à l’IFSI d’Annemasse,
membre AFIC
D
S ymposium RIO
* Symposium organisé par les laboratoires LEO Pharma
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Améliorer la qualité
de l’observance
Au-dede la définition des différents concepts, il est
important d’identifier les raisons qui motivent l’intérêt
que les professionnels de santé portent à la qualité de
l’observance.
Tout d’abord, le « rapport Delfraissy » de 2002 a mis
en évidence le lien entre la motivation et l’adhésion thé-
rapeutique, et il a prouque cette dernière peut se voir
atténuée par de nombreux facteurs (traitements contrai-
gnants, états émotionnels…).
Ensuite, le rapport de l’OMS de 2003 « Adherence to
Long-Term Therapies » a montré que l’observance des
traitements de longue durée est mauvaise dans le cadre
des maladies chroniques. C’est un problème qui ne fait
que croître dans le monde entier et on le reve dans
toutes les situations imposant au patient de s’adminis-
trer lui-me ses médicaments. On peut citer deux
chiffres significatifs : 31 % d’observance à 20 mois chez
les patients VIH et 50 % chez l’enfant asthmatique.
À travers ce rapport, l’OMS a également mis en évi-
dence quune observance insuffisante peut avoir de
graves conséquences à la fois sur le patient, son envi-
ronnement et la société :
complications médicales ;
complications psycho-sociales ;
diminution de la qualité de vie ;
développement de pharmaco-résistance ;
gaspillage des ressources.
Il est donc indéniable qu’il s’agit d’un véritable
problème de sanpublique dans lequel l’ensemble des
professionnels de santé doit s’inscrire afin de participer
activement à sa résolution.
Dans l’objectif d’amélioration de l’observance, nous
pouvons nous baser sur le mole conceptuel du PADIM.
Chaque lettre a une signification particulière et décrit
les différentes étapes à travers lesquelles les profes-
sionnels de santé doivent accompagner la personne soi-
gnée pour obtenir son adhésion et de ce fait une obser-
vance de qualité :
Posséder une information,
Adhérer à l’information,
Décider le changement,
Initier le changement,
Maintenir le changement.
Il s’agit d’un modèle dans lequel le patient évolue en
permanence.
Lele infirmier prendra du sens lors de chaque
étape (figure 1).
Seule la collaboration de l’ensemble des intervenants
d’une équipe pluri-professionnelle permettra au patient
de posséder et d’adhérer à l’information. Chacun
devra connaître précisément les recommandations qui
s’appliquent à la situation thérapeutique dans laquelle
se trouve la personne, et utiliser des moyens de com-
munication adaptés.
Ensuite, pour décider et initier le changement,
c’est-à-dire intégrer le traitement dans sa vie quotidienne
avec le moins de contraintes possibles, il faudra amener
le patient à faire lui-même des propositions concrètes.
Enfin, une évaluation régulière de l’observance par
un suivi de qualité permettra au patient de maintenir
ce changement.
Mais où se situent les infirmiers au sein de cette
démarche ?
Le rôle éducatif des infirmiers
D’après le décret de compétences des infirmiers du
29 juillet 2004, article R. 4311-1 du Code de la Santé
Publique, « l’exercice de la profession d’infirmier ou d’in-
firmière comporte l’analyse, l’organisation, la réali-
sation de soins infirmiers et leur évaluation, la
contribution au recueil de données cliniques et épidé-
miologiques et la participation à des actions de pré-
vention, de dépistage, de formation et d’éducation à
la santé…. Ils exercent leur activité en relation avec les
autres professionnels du secteur de la santé, du secteur
social et médico-social et du secteur éducatif. »
Au-dede ce décret, c’est dans son rôle propre que
l’infirmier a compétence pour prendre les initiatives et
accomplir les soins qu’il juge nécessaires : c’est le rôle
infirmier éducatif.
Figure 1. Concepts pour améliorer l’observance.
D’après : « O’Connel EJ. Optimizing inhaled corticosteroïd therapy in
children with chronic asthma. Pediatr pulmonol 2005 ; 39 : 74-83. »
Modèle de Prochaska et Di Clemente
Dégagement/
habitude
Non-implication
Rechute
Décision du
changement
Adhésion à
l’information
Maintien du
changement Initiation du
changement
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L’expertise de l’infirmier prend tout son sens au tra-
vers de l’élaboration des diagnostics infirmiers. A chaque
étape du modèle de PADIM, il doit identifier les besoins
du patient, poser un diagnostic infirmier, formuler des
objectifs de soins personnalisés et adaps à l’étape,
mettre en œuvre les actions appropriées et enfin les éva-
luer, ou autrement dit assurer leur suivi.
Il a aussi la possibilité d’élaborer, avec la participa-
tion des membres de l’équipe soignante, des protocoles
de soins infirmiers relevant de son initiative. Cette idée
renforce l’aspect pluri-professionnel de la prise en charge
de l’observance.
La pluri professionnali est la c dune prise en
charge de qualité de l’observance. Chacun a un le à
jouer et des actions à mener dans cette optique, dont
certaines sont reprises dans le rapport de l’OMS de 2003.
Chaque professionnel doit d’abord se former pour
donner à la personne soignée une information et une
éducation de qualité. Le suivi des recommandations
nationales et internationales est essentiel et cessite
une mise à jour gulière des connaissances. Une for-
mation à la communication est également indiquée dans
la mesure la difficulde l’observance se situe sur-
tout dans un contexte de maladie chronique. Il revient
donc à chacun d’être capable d’identifier dans quelle
phase d’acceptation est le patient, être capable de l’écou-
ter et de laider à mobiliser ses ressources pour quil
trouve lui-même ses solutions, les moyens d’intégrer le
traitement dans sa vie quotidienne.
En dehors de ces actions préalables, l’ensemble des
acteurs de cette équipe doit mettre en place une orga-
nisation bien précise qui part de l’annonce du diagnos-
tic à l’évaluation de l’observance, en passant par l’édu-
cation en santé et/ou thérapeutique.
La consultation médicale de mise en œuvre du trai-
tement est essentielle dans l’adhésion du patient au pro-
gramme thérapeutique. C’est en effet lors de cet entre-
tien que le patient recevra les informations relatives à
sa pathologie et au traitement qu’il va recevoir : objec-
tifs, durée, mode d’administration, effets secondaires,
modalités de suivi.
Il semble indispensable que l’infirmier vienne en ren-
fort suite à cette consultation médicale, au moyen d’une
consultation infirmière (formelle ou non) pour accom-
pagner et appuyer les informations dispensées.
C’est que son expertise est sollicitée.
Dans son article « Phénoménologie de la non-obser-
vance dans les maladies chroniques », le DrG. Reach a
mis en évidence ce dont le patient a besoin pour une
bonne observance du traitement, et qui sont autant d’ob-
jectifs cs que l’équipe pluri-professionnelle doit poser :
« Pour qu’un patient accomplisse un geste tra-
peutique qui lui a été prescrit, il faut :
qu’il comprenne qu’il faut le faire ;
qu’il ait compris ce que ce geste sous-entend ;
qu’il se souvienne de le faire ;
qu’il ne tombe pas dans un canisme d’évitement ;
qu’il ne refuse pas, sciemment, de le faire ;
qu’il ait envie de le faire ;
enfin, qu’il soit capable de décider de le faire ».
L’exemple de l’observance des injections d’anticoa-
gulants à domicile dans le cadre de la prévention ou du
traitement de maladies thromboemboliques permet
d’illustrer le rôle infirmier.
Ce dernier, qui est ici essentiellement éducatif, consis-
tera à :
recueillir les données concernant le patient : âge,
contexte socioprofessionnel, habitudes de vie, connais-
sance de la pathologie, du traitement, projet de vie, etc. ;
identifier ses motivations et capacités à pratiquer
l’auto-injection ;
reprendre les explications médicales, réajuster ce
que le patient a retenu et compris ;
expliquer d’une façon simple et pratique ;
l’accompagner dans l’acceptation de la maladie,
du traitement ;
identifier avec lui les personnes ressources
(conjoint, enfant, ami, etc.) ;
l’aider à intégrer le traitement dans sa vie, en adé-
quation avec ses habitudes et son projet de vie.
Une fois que le patient aura adhéré au programme
thérapeutique et accepté de réaliser lui-même les injec-
tions sous-cutanées, l’infirmier devra se concentrer sur
le soin.
Dans l’ordre logique, il conviendra de lui expliquer
et lui montrer comment faire.
La technique d’injection tiendra une place essentielle
dans l’éducation.
L’infirmier précisera les zones du corps le patient
pourra réaliser l’injection, insistera sur l’alternance des
sites, et lui donnera les principes de bases :
assurer la désinfection du site ;
réaliser un pli cutané entre le pouce et l’index ;
introduire l’aiguille sur toute sa longueur, vertica-
lement, dans l’épaisseur du pli cutané ;
injecter le produit ;
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retirer verticalement l’aiguille ;
maintenir le pli cutané pendant toute la durée de
l’injection (retrait y compris).
Des précisions lui seront données selon qu’il est en
traitement préventif ou curatif.
En traitement préventif, il n’y a aucune préparation
ni manipulation particulière. Les seringues ne sont pas
graduées et leurs doses correspondent au risque que le
médecin a identifié chez le patient. De ce fait, la totalité
du contenu de la seringue est injectée.
En traitement curatif, les seringues sont graduées, ce
qui permet un ajustement éventuel de la dose à injec-
ter. Selon la dose prescrite, le patient devra purger l’ex-
cédent de produit, ce qui implique des manipulations
et parfois un stress supplémentaire.
Dans les deux cas, il est important de l’informer que
l’injection de la bulle d’air empêchera l’apparition d’hé-
matomes.
Ensuite, il faudra le laisser faire tout en le guidant et
surveillant s’il respecte les règles de bonnes pratiques
du soin. Enfin, l’infirmier laissera le patient autonome
quelque temps et planifiera une nouvelle évaluation du
soin afin de corriger et ajuster la pratique du patient
si besoin.
Que ce soit à domicile ou en service de soins, le
patient peut à tout moment cider de devenir auto-
nome dans la gestion de ses injections. En aucun cas,
l’infirmier ni aucun autre professionnel entrant dans cette
démarche éducative ne devra diminuer, faire culpabili-
ser le patient, qu’il alise bien son soin ou non, qu’il
soit observant ou pas. Répéter et accompagner restent
encore des éléments clés.
Une fois que le patient est à domicile et livré à lui-
me, comment peut-on assurer le suivi de l’observance
thérapeutique ?
L’utilisation de méthodes de mesure fiables est impor-
tante dans cette évaluation et permet un réajustement
adapté du programme éducatif.
En dehors des injections sous-cutanées d’anticoagu-
lants, on peut mettre en évidence des méthodes (directes
ou indirectes) d’évaluation de l’observance des théra-
peutiques orales :
le dosage de marqueurs biologiques : méthode
objective mais invasive et coûteuse ;
le dénombrement des doses restantes « pill-
count » : peu coûteux, facile bien que peu pratique, mais
ne renseigne pas sur le moment de la prise, et peut faci-
lement être manipulé et faussé ;
l’analyse des renouvellements : méthode dis-
crète, manipulation par le patient difficile, peu coûteuse,
accessible au pharmacien, mais ne renseigne pas sur le
moment de la prise, nécessite une fidélité à la pharma-
cie et un traitement médicamenteux chronique renou-
velable c’est pourtant la méthode la plus utilisée ;
le questionnaire de Morisky à pratiquer en
entretiens singuliers :
1. Vous arrive-t-il d’oublier de prendre votre di-
cament ?
2. Êtes-vous quelquefois gligent dans la prise de
votre médicament ?
3. Lorsque vous vous sentez mieux, vous arrive-t-il
de cesser de prendre votre médicament ?
4. Si vous vous sentez moins bien quand vous pre-
nez votre dicament, vous arrive-t-il de cesser de le
prendre ?
le blister « intelligent » grâce à une puce de type
Rfid : enregistrement de chaque rupture de micro-contact
à l’ouverture d’une alvéole.
Quelle que soit la technique utilisée, l’équipe doit,
dès le départ, identifier avec le patient les modalités et
planifier le programme de suivi.
Étant donné que la qualité de l’observance diminue
avec le temps, l’importance du suivi constant dans l’ac-
compagnement d’un patient dans la gestion d’un traite-
ment à long terme n’est plus à prouver. Le ou les pro-
fessionnels qui le réalisent doivent être clairement
identifs, et il en va de me pour sa fréquence. Ce
suivi correspond à une démarche d’équipe de soutien
constant du patient, dans laquelle il est nécessaire d’im-
pliquer les personnes ressources identifiées au début de
la prise en charge.
Pour conclure, le maintien de la qualité de l’obser-
vance est un élément essentiel dans la prise en charge
des patients atteints d’une maladie qui nécessite un trai-
tement à moyen ou long terme, avec parfois des inci-
dences sur la qualité de vie. Le rôle infirmier dans cette
marche éducative se situe dans un contexte pluri-
professionnel et est essentiel de par son expertise recon-
nue dans ce domaine. Finalement, nous sommes tous
gagnants, surtout le patient pour qui bonne observance
rime avec efficacité du traitement et projet de vie.
Référence
Dielenseger Pascale. Symposium Léo Pharma, "Alerte sur la thrombose,
adhérence aux traitements : rôles infirmiers". AFSOS 16 septembre
2010.
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