(199) c1-logique-propositions

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Logique des propositions
1
Opérateurs logiques
1.1
Propositions mathématiques
Une proposition (ou énoncé) mathématique est une phrase qui ne peut avoir qu’une valeur logique parmi « vrai »
ou « faux ».
Définition. Si p est une proposition mathématique, alors la négation de p, notée non p, est la proposition
ayant la valeur logique opposée.
On résume ceci dans une table de vérité :
p
F
V
1.2
non p
V
F
Conjonction et disjonction
Soit p, q deux propositions. On définit les propositions « p et q » et « p ou q » :
Définition. p et q est vraie quand les deux propositions sont vraies en même temps.
p
F
F
V
V
q
F
V
F
V
p et q
F
F
F
V
Définition. p ou q est vraie quand l’une des deux est vraies, ou les deux sont vraies.
p
F
F
V
V
1.3
q
F
V
F
V
p ou q
F
V
V
V
Énoncés de même sens
Soit f , g deux énoncés construits à partir de propositions p, q, . . . et des connecteurs précédents : on les appelle
des formules de logique.
On notera f ≡ g pour signifier que pour n’importe quelles valeurs logiques des propositions p, q, . . ., les formules
f et g ont la même valeur logique (on dit qu’elles sont équivalentes).
Exemples.
— p et p ≡ p, p ou p ≡ p
— p et q ≡ q et p, p ou q ≡ q ou p
— p et (q et r) ≡ (p et q) et r
Pour démontrer que deux formules logiques sont équivalentes, on compare toutes les valeurs logiques obtenues
en faisant varier celles des propositions qui les constituent, par exemple en dressant leurs tables de vérité.
1
Proposition 1. Soit p, q, r trois propositions, on a les règles de raisonnements suivantes :
non(p et q)
non(p ou q)
p et (q ou r)
p ou (q et r)
2
≡
≡
≡
≡
(p et q) ou (p et r)
Quantificateurs
Soit E un ensemble, x un objet. On note x ∈ E pour signifier que x appartient à E (ou x est élément de E, ou
E contient x).
Proposition 2. On appelle prédicat sur un ensemble E tout énoncé à une ou plusieurs variables appartenant à E, noté souvent p(x), q(x, y), etc.
Exemples.
— L’énoncé « x3 + x > 0 » est un prédicat sur R à une variable.
— L’énoncé « x3 + x = y 2 + 1 » est un prédicat sur R à deux variables.
Soit p(x) un prédicat sur E. Tant qu’on n’a pas remplacé x par un élément particulier de E, l’énoncé n’est pas
une proposition au sens précédent : suivant la valeur qu’on donne à x, on obtient une proposition qui est soit
vraie, soit fausse.
Définition. On note ∀x ∈ E p(x) la proposition qui est vraie quand quelle que soit la valeur donnée à
x dans E, la proposition p(x) est vraie. ∀ s’appelle le quantificateur universel.
On note ∃x ∈ E p(x) la proposition qui est vraie quand il existe au moins une valeur donnée à x dans E
telle que la proposition p(x) est vraie. ∃ s’appelle le quantificateur existentiel.
Remarque. Dans une proposition ∀x ∈ E p(x) ou ∃x ∈ E p(x), le nom formel de la variable n’a aucune
importance, on peut la remplacer par n’importe quelle autre lettre ou symbole, on dit que la variable est muette.
∃x ∈ E p(x) est équivalente à ∃u ∈ E p(u), ou à ∃b ∈ E p(b), . . .
Dans un énoncé, une variable est dite libre si l’énoncé dépend de cette variable, elle est dite liée si elle est
précédée d’un quantificateur, donc si l’énoncé ne dépend pas de cette variable, autrement dit si la variable est
muette.
On peut toujours remplacer une variable muette par une autre, à condition que cette variable ne soit pas
déjà utilisée dans un contexte plus général. Le mieux étant sans doute d’éviter les homonymies fâcheuses, on
privilégie plutôt l’utilisation de symboles non utilisés par ailleurs. Cette idée est à modérer par l’idée que les
mathématiques ont des habitudes et que certains symboles ont des significations sous-entendues partagées par
tous : n désigne un entier et jamais un réel, x désigne le plus souvent un réel, z un complexe, etc.
Proposition 3. Soit p(x) un énoncé dépendant de la variable x, x appartenant à un ensemble E.
non(∀x ∈ E
non(∃x ∈ E
p(x))
p(x))
≡
≡
Proposition 4. Soit p(x, y) un énoncé dépendant de deux variables, x appartenant à un ensemble E, y à
un ensemble F .
∀x ∈ E
∃x ∈ E
∃x ∈ E
∀y ∈ F
∀y ∈ F
∃y ∈ F
∀y ∈ F
∀y ∈ F
∃y ∈ F
p(x, y)
p(x, y)
p(x, y)
∀x ∈ E
∃x ∈ E
∃x ∈ E
p(x, y)
p(x, y)
p(x, y)
On peut ajouter au quantificateur existentiel une nuance d’unicité :
∃!x ∈ E
p(x) signifie qu’il existe une unique valeur de x dans E telle que p(x) soit vraie.
2
3
3.1
En pratique (1)
Démontrer une proposition
Pour montrer une proposition,
— on peut la déduire directement des hypothèses (explicites ou non) : c’est l’essentiel de l’activité mathématique.
— on peut la montrer par l’absurde ; on veut montrer qu’une proposition p est vraie, on la suppose fausse et
on en déduit une autre proposition q, alors qu’on sait par ailleurs que q est fausse. C’est une contradiction :
la supposition faite au début du raisonnement est donc fausse et donc p est vraie.
Cette idée s’appuie sur le principe du tiers-exclu : une proposition ne peut être que vraie ou fausse, donc
si elle ne peut pas être fausse, elle est donc vraie. Autrement dit, on démontre non(non p) pour en
déduire p.
Si p est fausse, alors
..
.
(les arguments sont développés)
..
.
Donc une certaine proposition q est vraie. Or on sait que q est
fausse : CONTRADICTION.
Donc p est vraie.
3.2
Prouver une propriété universelle
Pour démontrer une proposition du type : ∀x ∈ E
p(x), le schéma est le suivant :
Soit x ∈ E.
..
.
(les arguments sont développés)
..
.
Donc p(x) est vraie.
Il faut travailler en toute généralité, en particulier il est hors de question de donner une valeur particulière à la
variable x (ce ne serait qu’un exemple) ou de lui supposer d’autre propriété que d’appartenir à E (on démontre
autre chose).
3.3
Prouver une existence
Pour démontrer une proposition du type : ∃x ∈ E p(x), on exhibe une valeur de x telle que p(x) soit vraie
(celle qu’on veut ! un exemple suffit) ou on utilise un résultat de cours qui justifie l’existence d’une telle valeur
si on ne sait pas la calculer (théorème d’existence, en général ce sont des théorèmes difficiles à démontrer).
Par négation, pour prouver qu’une propriété universelle est fausse, on est ramené à prouver l’existence d’un
contre-exemple.
non(∀x ∈ E
p(x))
≡
∃a ∈ E
non p(a)
Remarque. Cas particulier de l’ensemble vide :
— toute proposition existentielle est fausse dans l’ensemble vide :
si p(x) est une proposition dépendant d’une variable x, alors ∃x ∈ ∅ p(x) est fausse.
— toute proposition universelle est vraie dans l’ensemble vide !
si p(x) est une proposition dépendant d’une variable x, alors ∀x ∈ ∅ p(x) est vraie !
ceci est pratique pour éviter de distinguer les cas « vide » et « non vide » : on suppose toujours implicitement
que l’ensemble est non vide quand on veut démontrer « ∀x ∈ E p(x) ».
3
3.4
Utiliser une propriété universelle ou existentielle
Si on dispose d’une propriété universelle ∀x ∈ E p(x), alors on peut faire ce qu’on veut de la variable x à
condition qu’elle continue à prendre des valeurs dans E.
Par exemple, on peut lui donner une valeur particulière (spéciale) choisie dans E : on dit qu’on spécialise la
variable x.
En revanche, si on dispose d’une propriété existentielle ∃x ∈ E p(x), alors on ne peut pas faire ce qu’on veut
de la variable x, on doit faire comme si elle nous était donnée par quelque puissance extérieure. En particulier,
il est hors de question de choisir une valeur de x qui nous intéresse plus qu’une autre
Résumons
On veut :
une prop. universelle
une prop. existentielle
prouver
pas de choix
libre choix
utiliser
libre choix
pas de choix
Exercices :
1) Soit a, b, c trois réels. Montrez que si la proposition ∀x ∈ R
ax2 + bx + c = 0 est vraie, alors a = b = c = 0.
2) Soit a, b deux réels. Montrez que si la proposition ∀(x, y) ∈ R2
ax + by > 0 est vraie, alors a = b = 0.
3) Soit a, b, c trois réels tels que b2 < ac, alors montrez que pour tout (x, y) ∈ R2 , ax2 + 2bxy + cy 2 > 0.
3.5
Conséquence de l’unicité : identifier
Soit a un objet défini par une propriété d’existence unique : a est donc l’unique élément d’un ensemble E tel
qu’une certaine propriété p(x) soit vraie.
Alors on peut identifier :
Si x ∈ E et p(x) est vraie, alors x = a
Si x ∈ E et y ∈ E et p(x), p(y) sont vraies, alors x = y
Identifier, c’est toujours utiliser une propriété d’unicité.
4
Équivalence logique et implication
4.1
Équivalence logique
Définition. On dit que deux propositions sont équivalentes quand elles ont la même valeur logique. Si p
et q sont deux propositions, on note p ⇔ q la proposition qui est vraie quand p et q ont la même valeur
logique, et fausse sinon.
p
F
F
V
V
p⇔q
q
F
V
F
V
Autrement dit, on peut définir le symbole ⇐⇒ à l’aide des symboles ’et’ et ’ou’ :
p ⇐⇒ q
4.2
≡
Implication
Définition. Soit p, q deux propositions, on appelle implication de q par p la proposition qui traduit
formellement l’énoncé « si p est vraie, alors q est vraie », notée p ⇒ q.
4
Pour remplir la table de vérité ci-dessous, on peut penser à la négation de « ∀x ∈ E
notion de contre-exemple :
« ∀x ∈ E p(x) ⇒ q(x) » est fausse signifie la même chose que
D’où la négation de p ⇒ q : non(p ⇒ q) ≡
puis :
p⇒q ≡
p
F
F
V
V
p(x) ⇒ q(x) » grâce à la
p⇒q
q
F
V
F
V
Dans une implication p ⇒ q, on dit que q est une condition nécessaire pour p et que p est une condition suffisante
pour q.
Autrement dit, étant donné une proposition p, chercher une condition nécessaire pour p, c’est déterminer une
« conséquence » de p, en général plus simple. Chercher une condition suffisante pour q, c’est chercher une
« cause » de q, en général la plus simple possible. Chercher une condition nécessaire et suffisante, c’est donc
chercher une proposition équivalente, en général plus simple.
Définition. Soit p ⇒ q une implication.
— On appelle contraposée la proposition (non q) ⇒ (non p), on montre qu’elle a la même valeur
logique :
p ⇒ q ≡ (non q) ⇒ (non p)
— On appelle réciproque la proposition q ⇒ p : elle n’a aucun rapport logique a priori avec l’implication p ⇒ q ! !
— Enfin, la négation de p ⇒ q est la proposition
, donc n’est pas une implication.
L’implication sert à traduire les phrases du genre « si ....., alors ...... ». En effet pour démontrer que l’implication
p ⇒ q est vraie, on suppose que p est vraie et on déduit que q est vraie : il est inutile de considérer le cas où p
est faux puisque, dans ce cas, quelle que soit la valeur de q, l’implication est vraie.
On constate un lien entre équivalence et implication :
(p ⇐⇒ q)
≡
(p ⇒ q) et (q ⇒ p)
Remarque. La notion d’implication mathématique est distincte de celle de déduction. Par exemple, l’énoncé
« 1 + 1 = 2 ⇒ N 6= R est une implication vraie, mais à ma connaissance, la proposition N 6= R ne se déduit pas
de la proposition 1 + 1 = 2.
La déduction est une règle de construction de preuves. Si une proposition q peut être déduite d’une proposition
p, alors l’implication p ⇒ q est vraie, mais la réciproque est fausse. On peut écrire de nombreuses implications
qui ne sont pas clairement des déductions. Une implication résume un état, une déduction exprime une action.
Par conséquent, l’activité mathématique étant essentiellement liée à la construction de preuves donc d’utilisation
de la règle de déduction, le symbole ⇒ n’a rien à faire dans une démonstration, car il ne signifie pas
« donc ».
J’insiste : l’utilisation du symbole ⇒ dans une preuve est interdite comme synonyme de « donc », « par conséquent ». . . La langue française regorge de mots et de locutions signifiant la déduction logique, vous avez l’embarras du choix. D’ailleurs, tout autre symbole de la logique comme abréviation est interdite : les preuves se
rédigent en langue française.
Les seules exceptions tolérées sont celle du symbole ⇔, qui sert à rédiger des preuves par équivalences (à
condition que ce soient bien des équivalences) et du symbole d’appartenance ∈.
5
5.1
En pratique (2)
Démontrer une implication
Pour démontrer une implication p ⇒ q, on peut :
— la montrer directement ; on suppose que p est vraie et on démontre que q est vraie selon le schéma
suivant :
5
Si p est vraie, alors
..
.
(les arguments sont développés)
..
.
Donc q est vraie.
— montrer la contraposée ; on suppose que q est fausse et on en déduit que p est fausse :
Si non q est vraie, alors
..
.
(les arguments sont développés)
..
.
Donc non p est vraie.
— faire une démonstration par l’absurde : on suppose que p est vraie et q est fausse, et on déduit une
contradiction
Si p est vraie et q est fausse, alors
..
.
(les arguments sont développés)
..
.
Donc une certaine proposition r est vraie. Or on sait que r est
fausse : CONTRADICTION.
Donc si p est vraie, alors q est vraie.
5.2
Démontrer une équivalence
Pour démontrer une équivalence, on peut :
— démontrer deux implications réciproques l’une de l’autre (i.e. en sens inverse)
— procéder par transformations ou reformulations successives élémentaires réversibles ( « par équivalences
successives ») — on veille à ce que les transformations soient bien réversibles, ce qui justifie les équivalences
—
On a : p ⇐⇒ p1
puis p1 ⇐⇒ p2
..
.
puis pn−1 ⇐⇒ pn
enfin pn ⇐⇒ q
5.3
Démontrer une proposition à l’aide d’équivalences
Pour montrer qu’une proposition p est vraie, on la transforme par équivalences en une autre proposition q : si
cette dernière est vraie, alors la proposition p est vraie.
6
Structures de théorèmes
Un théorème est une proposition vraie.
En général, les théorèmes sont des implications universelles, ils peuvent souvent s’écrire sous la forme suivante
∀x ∈ E
p(x) ⇒ q(x)
Dans ces notations, l’ensemble E est appelé le contexte et par extension, on désigne par contexte toute indication
qui donne une information sur la nature des objets apparaissant dans la suite de l’énoncé. La proposition p(x)
est l’hypothèse, la proposition q(x) est la conclusion. La distinction entre contexte et hypothèse est purement
pédagogique : d’un point de vue logique, les deux sont des hypothèses, mais concrètement, ils sont souvent de
nature différente, ce qui les distingue nettement.
6
Exemples.
— le théorème d’addition des fonctions dérivables est de cette forme :
soit f , g deux fonctions définies sur un intervalle I,
si f et g sont dérivables sur I, alors f + g est dérivable sur I et (f + g)0 = f 0 + g 0
— le théorème suivant : « toute équation du second degré à coefficients complexes a au moins une racine
complexe » peut être réécrit en
soit a, b, c trois complexes, si a non nul, alors il existe un complexe z tel que az 2 + bz + c = 0
Quelques théorèmes sont des équivalences universelles
∀x ∈ E
p(x) ⇐⇒ q(x)
ce qui n’est finalement que la conjonction de deux implications universelles en sens inverse, où p(x) et q(x) sont
successivement hypothèse et conclusion. Ils sont reconnaissables à l’usage de la locution « si et seulement si »
ou du mot « réciproquement ».
Exemples.
— le théorème de Pythagore est de cette forme :
soit A, B, C trois points du plan,
le triangle (A, B, C) est rectangle en A si et seulement si BC 2 = AB 2 + AC 2
— un théorème présenté plus tard :
soit E un K-espace vectoriel, u un endomorphisme de E,
si u est un projecteur, alors u ◦ u = u ;
réciproquement, si u ◦ u = u, alors u est le projecteur sur Ker u, parallèlement à Im u.
Démontrer un théorème, c’est donc presque toujours démontrer une implication ou une équivalence.
Tous les théorèmes ne sont pas de ces formes. Quelques-uns, rares et souvent difficiles à prouver, sont des
négations d’existence et quelques-uns sont des affirmations d’existence d’objet universel.
Exemples.
— il existe un unique ensemble noté ∅ tel que pour tout objet x, x ∈
/∅
— l’ensemble C ne peut pas être muni d’une relation d’ordre total compatible avec la multiplication
√
dans C qui soit compatible avec la multiplication,
— on ne peut pas définir un symbole de racine carrée
√
√
√
2
c’est-à-dire qui vérifie : ∀(a, b) ∈ C , ab = a b
7
De quoi alimenter la présentation :
.
par l’absurde : il n’existe pas de véritable triangle équilatéral dont les 3 sommets ont des coordonnées
entières
.
par contraposition : soit a un entier, si a2 est impair, alors a est impair
ou : soit a un réel, alors (∀ε > 0 |a| < ε) ⇒ a = 0
ou : soit n ∈ N, si n2 − 1 n’est pas divisible par 8, alors n est pair
ou : si f est une fonction affine de signe constant sur R, alors elle est constante
ou : soit a1 , . . . , an n réels positifs, si la somme a1 + · · · + an est nulle, alors tous les réels sont nuls.
r
1
1
3
par équivalence : soit n un entier naturel, alors on a 1 + 6 1 +
n
2n + 1
une équivalence par double implication : soit f une fonction de R dans R, définie sur R, alors on a
l’équivalence :
∀(x, y) ∈ R2 f (y − f (x)) = 2 − x − y ⇐⇒ (∀t ∈ R f (t) = 1 − t)
.
.
.
proposition universelle : pour tout x ∈ R, x4 + x + 1 > 0 (faire trois cas : x > 0, x 6 −1 et . . . )
8
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