Réseau des Intervenants en Addictologie de la Mayenne Juin 2012, n° 7 Infos L’ADDICTOLOGIE EN MAYENNE Le continuum de la prévention aux soins en alcoologie RIAM… Infos, dans son n° 6 de décembre 2011, ouvrait un dossier sur « les conduites d’alcoolisation, sans dépendance mais pas sans risque », et plus précisément sur des outils à l’usage des professionnels de premier recours, tels que le repérage précoce et l’intervention brève (RPIB) en alcoologie, complété par la découverte de la posture de l’entretien motivationnel (EM) : des outils d’intervention adaptés pour repérer, questionner les consommations d’alcool à problème et accompagner le patient ou l’usager vers une conduite de changement. À cet effet, le RIAM a réalisé une campagne d’information avec des supports tels qu’une affiche, une conduite à tenir et des questionnaires d’auto-évaluation (AUDIT) diffusés dans les cabinets médicaux, paramédicaux et les pharmacies du département. Le soutien aux professionnels se concrétise dans les territoires en proposant des soirées d’information pluridisciplinaire (Ernée, Craon, Mayenne…). Dans le prolongement des conduites d’alcoolisation à risque, RIAM… Infos n°7 aborde la question de l’alcoolodépendance, du sevrage et des modalités de suivi pluridisciplinaire en Mayenne. Ce dossier thématique permet d’introduire un projet du réseau pour 2013, où il s’agira d’élaborer un guide pour fournir des repères aux médecins généralistes, en particulier sur les traitements médicamenteux, dans le cas de la mise en place d’un sevrage alcoolique en ambulatoire. Parallèlement et pour soutenir les médecins prescripteurs, des temps de formation seront proposés aux infirmiers libéraux. En effet, la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande que « le sevrage du patient nécessite un accompagnement médicalisé et pluridisciplinaire dans un travail en réseau. » Les usages de consommation sont à distinguer USAGE À RISQUE Toute conduite d’alcoolisation où supérieure aux seuils proposés par associée à un quelconque dommage social, mais susceptible d’en induire à terme. la consommation est l’OMS et non encore médical, psychique ou court, moyen et/ou long USAGE NOCIF Toute conduite d’alcoolisation caractérisée par l’existence d’au moins un dommage d’ordre médical, psychique ou social induit par l’alcool, et de l’absence de dépendance à l’alcool. Pyramide des risques de Skinner USAGE AVEC DÉPENDANCE Toute conduite d’alcoolisation caractérisée par une perte de la maîtrise de sa consommation par le sujet. Cette catégorie ne se définit donc : - ni par rapport à un seuil ou une fréquence de consommation - ni par l'existence de dommages déjà induits qui sont néanmoins souvent associés Le sujet dont le comportement de consommation se situe dans ce cadre est dénommé "consommateur alcoolodépendant". Dossier thématique ALCOOLODÉPENDANCE, SEVRAGE ET MODALITÉS DE SUIVI PLURIDISCIPLINAIRE EN MAYENNE Objectifs d’intervention concernant l’usage avec dépendance > Objectif général Améliorer la qualité de vie et favoriser l’autonomie. > Objectifs spécifiques À l’égard du produit, de sa consommation et de ses risques - réduction et gestion de la consommation ; - sevrage = aide à l’arrêt et maintien de l’abstinence. À l’égard de la conduite addictive - aide au maintien de l’abstinence et à la résolution. À l’égard du sujet - favoriser l’équilibre personnel et la qualité de vie. Objectif d’un sevrage thérapeutique Le choix du sevrage pour une personne dépendante est avant tout fonction de ce qu’elle peut en attendre et de son désir ou besoin de changement. Pour obtenir un sevrage thérapeutique de bonne qualité, plusieurs conditions doivent être réunies : · réaliser les conditions de confort et de sécurité optimales, visant à prévenir ou à traiter le syndrome de sevrage ; · assurer, en ambulatoire ou en institution, un suivi thérapeutique prolongé ; · aider le patient à faire du processus de sevrage une expérience à long terme positive et valorisante sur les plans personnel, familial et professionnel. Le sevrage physique est une étape courte de 5 à 10 jours selon la sévérité de la dépendance. C’est une procédure contractuelle avec des entretiens réguliers permettant l’évaluation clinique et la réassurance du patient dans sa démarche. SEVRAGE AMBULATOIRE OU INSTITUTIONNEL ? Certains éléments de décision sont présentés ci-dessous : Le sevrage en ambulatoire ou de ville Le sevrage institutionnel ou hospitalier - Permet, éventuellement, la poursuite de l’activité professionnelle et le maintien des relations familiales et sociales - Souvent mieux accepté que l’hospitalisation car il n’oblige pas à assumer socialement le statut de malade - Compatible avec un syndrome de sevrage modéré - Favorise une participation active du patient et de son entourage - N’implique pas de moyens techniques importants. - Permet une surveillance continue, notamment pour les personnes isolées - Soustrait le malade de son environnement (alcool, situations à risque ou conflictuelles) - Garantit la réalité du sevrage et l’observance des prescriptions - Il est nécessaire en cas de pathologies intriquées ou de syndrome de sevrage sévère. Comme le rappelle la HAS, l’accompagnement social et psychothérapeutique a également des fonctions essentielles : l’information, le soutien et la réassurance de la personne sont très utiles. Par ailleurs, la participation des mouvements d’entraide, dès le sevrage, est aussi recommandée. À retenir Le but principal de l’accompagnement des patients dépendants à l’alcool est d’améliorer leur qualité de vie globale, c’est-àdire leur santé physique et psychique, ainsi que leur vie sociale. La prise en charge ne consiste pas à appliquer des procédures standardisées, mais à créer avec le patient un programme thérapeutique s’intégrant dans un contrat clair et prenant en compte l’ensemble des problèmes. Références utilisées : recommandations de la Société française d’alcoologie (SFA) et conférence de consensus « Objectifs, indications et modalités du sevrage du patient alcoolodépendant » de mars 1999. 2 Pour la suite, nous donnons la parole à des médecins mayennais pour illustrer des pratiques de sevrage alcoolique. Dr Le Boulanger et Dr Haraf : un sevrage au domicile sauf contre-indications Le Dr Danièle Haraf est médecin-chef de service au Centre de Cure Ambulatoire en Alcoologie et Toxicomanie (CCAAT), à Laval, et travaille en addictologie de liaison au Centre Hospitalier Général de Laval. Le Dr David Le Boulanger est médecin addictologue dans l’Équipe de Liaison et de Soins en Addictologie (ELSA) du Centre Hospitalier du Haut-Anjou, et au CCAAT, à Château-Gontier. La prise en charge d’un malade dépendant physiquement à l’alcool va s’effectuer en deux temps. Le premier temps, lorsque le patient est prêt, est de courte durée (environ sept jours) et va permettre le sevrage ; le second temps s’inscrit dans la durée : il s’agit d’un accompagnement avec une approche globale, impliquant divers professionnels, et visant à éviter pour la personne de reprendre ses consommations antérieures de boissons alcoolisées. Mais sans ce sevrage éthylique préalable, qui implique l’adhésion du malade dépendant, il ne sera pas possible d’« avancer »… Des personnes dépendantes essaient souvent de diminuer leur consommation par elles-mêmes, ce qui est difficile. Le sevrage peut s’effectuer à l’hôpital, mais majoritairement il se fait en ambulatoire, c’est-àdire au domicile. un assistant de service social hospitalier, la rencontre avec une association d'entraide et ainsi engager une approche globale pour tenter d’apporter des réponses aux divers problèmes auxquels la personne peut être confrontée. Cependant, le Dr Le Boulanger explique les bons résultats des sevrages ambulatoires par le fait que les patients soient chez eux, auprès de leurs proches. Ils ont accès à l’alcool : s’ils n’en prennent pas, c’est qu’ils sont motivés… À l’hôpital, pas d’alcool, mais à la sortie, il y a le risque d’une reprise de la consommation si les personnes ne sont pas réellement décidées… Le sevrage à l’hôpital, même s'il est plus coûteux sur le plan économique, est parfois indispensable En soins ambulatoires, un suivi est mis en place, téléphonique (toujours possible) et physique, avec le concours du médecin addictologue, du médecin traitant, d’un infirmier du service. Le Dr Le Boulanger souligne que si l'isolement géographique constitue une difficulté pour un sevrage ambulatoire, on pourrait imaginer des collaborations avec des infirmiers libéraux pour rendre la démarche possible. « Ce serait envisageable , explique le Dr Haraf, car les protocoles de soins sont bien établis. Cela rendrait service aux personnes seules, qui habitent assez loin, qui n’ont pas forcément de moyens de locomotion ( perte du permis de conduire, manque de moyens financiers, traitement par benzodiazépines rendant la conduite automobile dangereuse …) et qui n’ont pas envie pour cette raison d'être hospitalisées ». Ce recours aux infirmiers libéraux, qui n’est Dr Danièle Haraf encore qu’au stade de projet, impliquerait nécessairement information et formation pour, par exemple, accompagner le patient et évaluer un syndrome de sevrage à l'aide de scores validés (indice de Cushman ou Ciwa-r2) et réévaluer le traitement. Le sevrage s’effectuera à l’hôpital dans certains cas précis : en cas de dépendance physique sévère, de dépendance aux benzodiazépines, d’échecs répétés de sevrages ambulatoires, d’antécédents de crises convulsives, de syndrome dépressif grave, d’isolement social… La semaine de sevrage permet la réalisation d'un bilan somatique si nécessaire, un contact avec Finalement, on l’aura compris, le recours aux infirmiers libéraux apparaît indispensable pour un département rural comme la Mayenne où l'éloignement géographique peut constituer un frein pour les soins. C’est l’occasion de souligner le rôle des proches dans cette période de sevrage, durant laquelle une présence régulière est indispensable. Dr David Le Boulanger Une personne est dépendante physiquement à l’alcool, explique le Dr Le Boulanger, quand il lui est impossible de se passer d’alcool sans que des signes de manque n’apparaissent (sueurs importantes, tremblements, angoisses, insomnies… voire au pire une crise comitiale1 ou des hallucinations). En outre, pour calmer ce manque, la personne augmente progressivement ses consommations. C’est un engrenage. La thérapie consiste ainsi à prescrire des médicaments, durant cinq à dix jours, qui vont diminuer fortement les signes de manque évoqués ci-dessus et éviter les accidents de sevrage. Le but du traitement est donc de permettre l'arrêt de l'alcool le plus confortablement possible et sans risque pour le patient. Le sevrage éthylique et les benzodiazépines Outre des vitamines, le sevrage implique la prescription de benzodiazépines (Valium, Seresta…) pour atténuer les signes de manque. Autrefois – et parfois encore –, ces médicaments ont pu être prescrits dans la durée, ainsi les patients qui n'ont pas pu arrêter l'alcool prennent finalement les deux. « Le but du sevrage éthylique, insiste le Dr Le Boulanger, n’est pas d’apporter un nouveau produit en plus de l’alcool ». Le problème est d’autant plus préoccupant qu’un sevrage avec médicaments (benzodiazépines) et alcool est « trop compliqué à effectuer en ambulatoire » et implique, par conséquent, un sevrage à l’hôpital. 1 - Ou appelée crise épileptique 2 - Échelles d’évaluation du syndrome de sevrage 3 AGENDA Conférences « Addictions chez le sujet âgé. Mieux repérer pour mieux intervenir » avec le Dr Dorothée Lécallier, Mardi 11 octobre 2012 à LAVAL 20h30 - 22h30 « La demande du toxicomane » avec M. Jean-Marc Josson, Mardi 11 décembre 2012 à LAVAL 20h30 - 22h30 Journée départementale Aller vers… Un moyen d’accès aux soins en addictologie Jeudi 22 novembre 2012 à LAVAL 9h - 16h Matin : 3 ateliers au choix 1- « Un témoignage d’accompagnement vers les soins pour des personnes en situations précaires » 2- « Les hospitalisations programmées dans un service d’addictologie : une façon de redonner un mouvement au temps » 3- « L’équipe mobile, un moyen d’ouvrir des portes pour sortir de l’isolement » Après-midi : Conférence en plénière « Addictions et co-morbidités psychiatriques » Intervention du Dr Jean Harbonnier Ateliers de coordination pluridisciplinaire Rencontres de coordination pluriprofessionnelle, et bénévoles, afin de favoriser le décloisonnement des pratiques autour d’études de situations cliniques. > LAVAL Jeudi 20 septembre 2012 - Matin Mardi 27 novembre 2012 - Matin > MAYENNE Jeudi 20 septembre 2012 - Après-midi Mardi 27 novembre 2012 - Après-midi > CHÂTEAU-GONTIER Mardi 25 septembre 2012 - Matin Jeudi 4 décembre 2012 - Matin Plus de détails : www.riam53.fr Inscriptions auprès du RIAM. Dr Le Blévec (La Bréhonnière) : que les patients soient acteurs de leurs soins Au-delà de ses engagements militants, notamment au RIAM, le Dr Yannick Le Blévec est médecin alcoologue au Centre de soins de la Bréhonnière (Astillé). Avant d’arriver dans l’établissement, environ 35 % des patients ont déjà effectué leur sevrage éthylique, généralement à l’hôpital, mais 65 % viennent de leur domicile pour effectuer leur sevrage directement à la Bréhonnière. Pour un tiers des patients, explique le Dr Le Blévec, la dépendance est d’ordre psychologique et leur sevrage ne pose pas de Dr Yannick Le Blévec problème. Par contre, s’il y a dépendance physique, on retrouve la problématique évoquée par le Dr Haraf et le Dr Le Boulanger. À la Bréhonnière, depuis son arrivée il y a vingt-sept ans, environ 4 000 sevrages se sont effectués – et sans aucun accident ou même complication grave, en dehors de crises d’épilepsie. Le Dr Le Blévec reconnaît qu’il n’était pas forcément très serein, à son arrivée, du fait qu’il se retrouvait seul médecin dans le site - lui qui sortait d’une expérience hospitalière. Si rien n’est jamais acquis, il considère que la démarche mise en œuvre à la Bréhonnière concourt largement aux résultats obtenus. Une règle d’or : que les patients soient acteurs de leurs soins, en particulier dès l’arrivée on leur demande de bien s’hydrater au lieu de poser une perfusion… Tranquilliser… avec moins de tranquillisants Pour le Dr Le Blévec, la question centrale est de tranquilliser le patient… avec moins de tranquillisants. En d’autres termes, selon le médecin alcoologue : « Comment être efficace, sans être toxique »… Les patients, explique-t-il, ont peur de la coupure liée à l’arrêt de l’alcool ; ils ont une crainte très forte du sevrage… Une peur des tremblements, par exemple. Dès lors, comment les rassurer sans leur administrer une dose massive de tranquillisants ? À partir de là, toute une stratégie se développe : un accueil avant 15 h ; une priorité accordée aux entrants (disponibilité)… Tout vise à apaiser la personne, à la rassurer, à diminuer les tensions. Le nouveau patient est très vite pris en charge par un « accueillant » (patient volontaire), toujours avec cet objectif de faire baisser le niveau d’anxiété… et donc le niveau de tranquillisants à administrer… À la Bréhonnière, le patient est « comme les autres »… Tous sont là pour un problème d’alcool, ce qui réduit le sentiment d’être jugé. Pour un sevrage, le patient arrive avec son problème de dépendance physique, mais, très vite, il retrouve l’appétit, le sommeil ; il ne tremble plus… Cela en quelques jours, avec l’aide du traitement médicamenteux adapté. Mais le Dr Le Blévec le reconnaît, c’est alors que commence le plus difficile et même l’essentiel : le travail d’accompagnement pour consolider le sevrage. Ce travail, pluridisciplinaire, commence bien sûr à la Bréhonnière, mais se poursuit avec des passages de relais. Le site internet du RIAM : www.riam53.fr > Tests de repérage > Annuaire > Agenda > Actualités en addictologie > Recommandations Bulletin papier gratuit diffusé à 1100 exemplaires Téléchargeable sur le site internet du RIAM Directeur de la publication : Yannick Le Blévec Rédaction et mise en forme : RIAM / CÉAS de la Mayenne Avec le soutien de : RIAM - 10, rue de l’Aiglon - 53000 Laval - Tél. : 02 43 590 690 - [email protected] - www.riam53.fr