LIBÉRALE Alcool Des objectifs contradictoires Pétrie dans des habitudes dites culturelles, la France a du mal à faire la part des choses dans la lutte contre l’alcoolisme. Pourtant, davantage que des supposées épidémies spectaculaires, l’alcool tue de façon directe et indirecte des milliers de personnes chaque année. E n France, sur environ 5 millions de personnes ayant des difficultés avec l’alcool, 2 millions sont alcoolodépendantes, et 35 000 décès sont directement imputables à l’alcool. Le coût social de la consommation d’alcool est supérieur à celui de toutes les substances addictives (tabac, produits illicites). Une bonne cohésion des réseaux d’addictions s’avère nécessaire car, par exemple, tabac et alcool sont des addictions soignées séparément alors qu’elles sont très liées. La personne alcoolique est un malade et tout projet d’accompagnement renvoie au regard que la société pose sur elle. Comment soigner Les associations de lutte contre l’alcoolisme sont très efficaces et doivent toujours être proposées aux patients qui ont, un moment donné, exprimé le désir de s’en sortir. La famille, notamment le conjoint, joue un rôle important. A leur endroit, une vigilance particulière doit s’exercer quant aux éventuelles violences et maltraitances sur les enfants. La prise en charge psychosociale est essentielle. Il faut rappeler que la population carcérale, avec un taux d’environ 25 %, est des plus atteintes, de même que les personnes en grande exclusion. Une hospitalisation à temps plein dans un service d’addiction est parfois nécessaire, mais l’hospitalisation partielle permet de soigner tout en laissant au malade une certaine autonomie qui l’engage aussi à se responsabiliser. Il faut savoir qu’il existe une co-morbidité alcool-tabac. Il est donc recommandé de proposer un sevrage tabagique dans les suites immédiates ou à distance du sevrage éthylique. Car, a contrario, la prescription systématique de psychotropes, notamment les benzodiazépines qui ont un fort potentiel addictif, est déconseillée lors du sevrage tabagique. D’après certaines études, l’essentiel des phénomènes de transfert de dépendance concerne les 40 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 26 - mai 2001 héroïnomanes car la prise en charge par la méthadone complique le processus de sevrage. Il faut savoir avertir le patient désireux de rompre avec l’alcool du risque de troubles du comportement alimentaire généré par un déficit sérotoninergique compensé par une appétence marquée pour les produits sucrés. Si le sevrage a un effet bénéfique sur les troubles de l’humeur, le risque suicidaire est élevé. L’anxiété disparaît la plupart du temps avec la poursuite de l’abstinence mais les psychoses perdurent quand elles ont été associées à l’alcoolodépendance. Il ne faut pas nier les troubles de la sexualité que l’arrêt de l’alcool n’améliore pas toujours. Sans évoquer les troubles somatiques tels que la cirrhose (améliorée), l’hépatite C, les cancers des voies aérodigestives et de l’œsophage et le syndrome de Korsakoff, sousévalué dans sa prévalence, et qui demandent des soins appropriés. Si le maintien de l’abstinence est un élément incontournable, il ne peut être considéré comme une fin en soi. Car l’objectif demeure le mieux-être du sujet dans une meilleure insertion familiale, professionnelle et sociale. La prise en charge d’une personne alcoolodépendante passe par son évaluation par le médecin mais aussi par le patient lui-même. Cette pratique addictive est spécifique et son abord thérapeutique se complique du fait de la présence d’autres dépendances. Au mois de mars, la conférence de consensus (méthode servant à faire la synthèse des connaissances médicales) de l’ANAES avait réuni à la Cité des sciences de la Villette 600 participants concernés dans l’accompagnement des personnes alcoolodépendantes. Parmi les conclusions : la validation d’outils d’information, d’évaluation de suivi et de prise en charge se révèle nécessaire ainsi que la mise en place de réseaux d’intervenants centrés sur le désir du sujet. A.-L.P.