
La Croix -mardi 16 mai 2017
Sciences&éthique
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T
out a commencé en 2010, 
lorsque après son explosion 
la plateforme Deepwater 
Horizon déversa plus de 700mil-
lions de litres de pétrole brut 
dans le golfe du Mexique, entraî-
nant une catastrophe écologique. 
Günter Hufschmid, chimiste, di-
rigeait alors l’entreprise Deurex 
qu’il avait créée en Saxe-Anhalt 
(nord-est de l’Allemagne), où il 
fabriquait des cires, peintures et 
autres plastiques. Un jour, l’un de 
ses employés, qui avait mal réglé 
la température et la pression de sa 
machine durant la nuit, découvrit 
avec stupeur au matin 10tonnes 
de cire d’aspect cotonneux.
Plutôt que de mettre ce produit 
au rebut, pourquoi ne pas vérifier 
si cette mystérieuse substance, 
semblable à une éponge, était 
capable d’absorber un déchet li-
quide comme du pétrole répandu 
à terre ou en mer ? Faisant preuve 
d’une exceptionnelle présence 
d’esprit, Günther Hufschmid 
constata que ce produit inat-
tendu absorbait le pétrole beau-
coup plus efficacement que toute 
autre substance. Jusqu’à sept 
fois son poids en liquides hydro-
phobes au lieu de quatre pour le 
meilleur agent connu. Peu coû-
teux –1g de cire brute peut don-
ner un film de coton de 3m
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de 
surface –, il peut être  essoré et 
réutilisé ! Son nom : «Pure».
Brevetée, l’invention a déjà 
montré son efficacité dans des 
stations de lavage de voitures, des 
usines de retraitement des eaux 
usées, ou lors des inondations de 
caves en Allemagne en 2013. En 
outre, ce coton pourrait être uti-
lisé pour nettoyer rapidement les 
éoliennes qui consomment de 
grandes quantités de lubrifiants. 
De plus, Deurex coopère avec une 
ONG pour assainir des rivières et 
des lacs dans le delta du Niger (Ni-
geria), où il a été démontré que le 
pétrole brut déversé était à l’ori-
gine d’une augmentation d’infer-
tilité et de cancers humains.
Forte d’une centaine d’em-
ployés, la société Deurex est ac-
tuellement en négociation avec 
des entreprises de l’industrie pé-
trolière. «Notre idée est très simple, 
explique aujourd’hui Günter 
Hufschmid. Des usines de fabrica-
tion pourraient être installées de fa-
çon décentralisée, sur terre comme 
sur mer. Mon ambition et mon 
rêve seraient de voir naviguer un 
bateau-usine sur les océans, pour 
participer aux décontaminations.» 
«Cette invention pourrait révolu-
tionner notre manière de  faire 
face aux pollutions causées par 
des hydrocarbures et des produits 
chimiques», a déclaré pour sa part 
Benoît Battistelli, président de l’Of-
fice européen des brevets (OEB).
Denis Sergent
Prochain dossier : 
L’Égypte antique
L’i n v e n t io n  e s t   u til i s é e d a ns  de s  sta t ion s  de   lava g e  de   vo itu r e s .   Deurex
Des mondes 
oubliés. 
Carnets 
d’Afrique
livre
Géographe tropical, comme 
il se présente, ou bien 
agronome, sociologue, 
anthropologue, économiste, «dé-
veloppementiste»… Au travers 
de cet ouvrage, Christian Seigno-
bos est un peu tout cela. Fort de 
ses cinquante ans passés dans la 
région du lac Tchad, elle-même 
point de rencontre du Tchad, du 
Niger, du Nigeria, du Cameroun 
et de la République centrafri-
caine, il nous emmène, à l’instar 
des grands voyageurs, à la décou-
verte d’une zone à la fois histo-
rique, culturelle, pluriethnique, 
et vitale pour l’économie de  
la population.
Ce livre très original s’appuie 
autant sur le dessin que sur les 
textes (dont des articles qu’il a 
publiés dans des revues scien-
tifiques), comme ont pu le faire 
Théodore Monod, Paul-Émile 
Victor ou même Titouan Lama-
zou. Des dessins très détaillés, 
parfois accompagnés de petites 
indications, à la fois beaux et 
hyperréalistes, ressemblant aux 
bandes dessinées, scientifiques et 
humoristiques. Une compétence 
rare aujourd’hui qu’il a eu du mal 
à faire passer en tant que  
chercheur.
Les thèmes traités ? Les  
paysages agraires, les architec-
tures, l’agriculture, l’élevage, les 
métiers de l’eau, les traditions 
(chasse, simulacre de guerre, ce 
que l’auteur appelle «les mondes 
oubliés»), la faune sauvage et en-
fin l’actualité avec le terrorisme 
de Boko Haram (venu du Nige-
ria) ainsi qu’une réflexion sur le 
rôle et l’efficacité de l’aide au dé-
veloppement, notamment fran-
çaise, aujourd’hui en Afrique. 
Éclectique, curieux de tout, bou-
limique même, le chercheur-des-
sinateur, adepte d’un langage 
châtié, nous invite à un agréable 
voyage, à la fois esthétique  
et érudit, sans succomber à la 
nostalgie ou au paternalisme.
Denis Sergent
Débat. Faut-il apprendre 
par cœur ?
Sciences. Un chimiste 
allemand a été sélectionné pour 
le prix de l’inventeur européen 
2017 pour la mise au point  
d’un «coton magique».
de Christian Seignobos, IRD/
Parenthèses, 310pages, 38€.
Le «par cœur», une aide  
pour les enfants en difficulté Une super-éponge 
pour lutter contre  
les marées noires
Comprendre ce que l’on apprend 
permet de mieux s’en souvenir
Élisabeth  
Morard
Professeur des écoles
E
n vingt-septans de pra-
tique, j’ai connu le règne 
du «par cœur» puis la mé-
fiance croissante à son endroit 
–on entendait dire : «Le”par 
cœur”, c’est bête…»– avant une 
sorte de retour en grâce, plus 
équilibré. Pour ma part, je suis 
persuadée que l’apprentissage 
par cœur reste très utile. Notam-
ment à l’âge de 10-12ans où les 
enfants sont au zénith de leur 
mémoire, qui ensuite commen-
cera imperceptiblement à dé-
cliner. Bien entendu, apprendre 
c’est comprendre, mais la mémo-
risation de structures de phrases, 
de schémas d’expression, est une 
aide précieuse pour, par la suite, 
pouvoir s’en servir de manière 
plus personnelle, sans même s’en 
rendre compte.
Je constate que faculté de 
concentration et mémoire sont 
intimement liées. Et que bien 
souvent, les élèves en difficulté 
souffrent d’un manque de l’une 
et de l’autre. Pour ces enfants, 
le «par cœur» est rassurant, 
parce qu’il leur permet de me-
surer concrètement et objective-
ment leurs progrès, pas à pas. Je 
leur demande ainsi d’apprendre 
une petite phrase ou une série 
de nombres tous les jours, de 
la relire avant d’éteindre la lu-
mière et de s’endormir… Pour 
que la mémoire fasse son silen-
cieux travail nocturne… Et ils 
me disent qu’ils aiment bien ce 
type d’exercice, un peu comme 
un jeu. C’est pourquoi je ne suis 
pas du tout opposée à l’appren-
tissage par cœur d’une poésie, 
même un peu complexe : sa mé-
lodie se grave dans la mémoire 
et, plus tard, son sens se dévoi-
lera pleinement.
Recueilli par 
 Emmanuelle Giuliani
Sophie Portrat
Maître de conférences  
au LPNC (laboratoire  
de psychologie  
et neurocognition)
P
our mémoriser, on peut 
soit apprendre par cœur 
en répétant, soit créer des 
liens à partir d’informations déjà 
connues. Mais ces deux formes 
de mémoires ne sont pas si dif-
férentes : dans les deux cas, il 
s’agit d’un encodage d’informa-
tion directe. Effectivement, à 
long terme, l’information peut 
être stockée dans une mémoire 
sémantique, qui correspondrait 
aux connaissances «par cœur», 
ou dans une mémoire procédu-
rale, qui correspondrait aux «re-
cettes». Toutefois, faire une dis-
tinction complète entre les deux 
n’a pas beaucoup de sens : l’une 
alimente l’autre et vice versa. Le 
passage d’un stockage de court 
au long terme est une question 
de répétition, d’attention portée, 
de but poursuivi et de type d’in-
formation. Dans tous les cas, l’éla-
boration de l’information, c’est-
à-dire comprendre ce que l’on 
apprend, permet une meilleure 
mémorisation. L’espacement 
entre deux rappels du souvenir 
est aussi important. Si on ap-
prend intensivement par cœur la 
veille d’un examen par exemple, 
ces informations seront vite ou-
bliées. Mieux vaut s’y prendre 
avant pour pouvoir réviser plu-
sieurs fois de façon espacée dans 
le temps. Cela est vrai lors d’ap-
prentissages de connaissances 
et d’apprentissages moteurs. Ces 
derniers peuvent être mieux re-
tenus sur le long terme car ils bé-
néficient d’un double codage : on 
peut retenir la gestuelle et la des-
cription du mouvement.
Recueilli par 
Audrey Dufour