13
La Croix -mardi 16 mai 2017
Sciences&éthique
Lart de
la mémoire
Comédiens, musiciens,
danseurs surprennent
par leur capacité
à apprendre des rôles.
Comment travaillent-ils
dans le secret
de leur «atelier»?
I
l existe bien des témoi-
gnages de la prodigieuse mémoire
de Mozart. De la manière, par
exemple, dont, à 14ans, il enten-
dit une fois le Miserere d’Allegri à
la chapelle Sixtine et fut capable,
sans avoir pris aucune note, d’en
retranscrire l’intégralité «de tête»,
comme le rapporta son père(1).
Si tous les artistes ne sont pas Mo-
zart, force est de constater que, bien
souvent, leur mémoire nous émer-
veille. Qui eut la chance de voir Di-
dier Sandre incarner Rodrigue, le
héros du Soulier de satin de Paul
Claudel, dans la mise en scène d’An-
toine Vitez –onze heures de spec-
tacle !(2)–, se souvient de lautorité
de son interprétation. Mais tout au-
tant de la performance inouïe que
représentait la mémorisation d’un
texte fleuve à la prose originale et
complexe. Quand on linterroge
aujourd’hui, le comédien associe
d’emblée le travail de la mémoire
à l’eort de compréhension : «Issu
d’une génération élevée au par cœur
des tables de multiplication, j’ai dû
me défaire de ce bagage pour inven-
ter une mémoire liée à la compré-
hension, au sens. Un rôle que l’on ne
comprend pas est un rôle que lon ne
retient pas.» Voilà typiquement ce
que la science cognitive appelle «la
profondeur de l’encodage, explique
Francis Eustache, chercheur spé-
cialisé dans l’étude de la mémoire
et de ses troubles. Lorsque l’on en-
registre une information, plus on va
loin dans le sens et mieux on saura
la restituer.»
Didier Sandre a toujours remar-
qué que l’apprentissage d’un texte
était largement conditionné par son
environnement scénographique.
«Tant que je ne connais ni le cor, ni
les mouvements de mes partenaires,
je peine à mémoriser mon rôle. C’est
le parcours scénique qui aide le texte
à s’imprimer en moi. C’est ainsi que
l’on peut interpréter plusieurs per-
sonnages en alternance. Une fois
dans le bon costume, impossible de
dérailler d’un texte à l’autre !» Fran-
cis Eustache confirme l’importance
du «contexte, béquille de la moire.
C’est par la reconstitution du premier
que la seconde se met en marche»
Pour Karl Paquette, étoile de
l’Opéra de Paris, ce «contexte» est
structuré par la musique des grands
ballets classiques qui constituent le
répertoire. «La musique coïncide
avec les pas et les enchaînements.
Lorsque je reprends un ouvrage bien
après l’avoir dansé, elle joue le rôle
de déclencheur. Une seule répéti-
tion sut pour que tout se remette
en place.» Le corps du danseur
possède une mémoire quasi auto-
nome, réactivée à la demande. Une
mémoire «procédurale» dont le dé-
tenteur aura bien du mal à expliciter
le fonctionnement.
Le phénomène est connu sous
le nom, peu claudélien, d’«écono-
mie au réapprentissage». «À la fin
du XIX
e
siècle, les premiers travaux
sur la mémoire ont mis en lumière
ce mécanisme, précise Francis Eus-
tache. On enfouit ce que l’on a su,
mais si on le réapprend, on va alors
beaucoup plus vite. Une réali dont
Baudelaire donne une subtile défi-
nition dans ses Paradis artificiels :
«Mon cerveau est un palimpseste et
le vôtre aussi, lecteur. Des couches
innombrables d’idées, dimages, de
sentiments sont tombées successive-
ment sur votre cerveau, aussi douce-
ment que la lumière. Il a semblé que
chacune ensevelissait la précédente.
Mais aucune en réalité na péri.»
S’il est une discipline où la mé-
moire est capitale, c’est bien la
musique. Dès l’enfance, les vir-
tuoses sont entraînés à mémori-
ser les partitions qu’ils travaillent
inlassablement pour en apprivoi-
ser les dicultés. Flûtiste et péda-
gogue, Christel Rayneau observe
divers visages de la mémoire:
«Certains suivent la partition
mentalement, sans l’avoir sous les
yeux, comme s’ils la lisaient dans
leur tête. D’autres récitent intérieu-
rement le nom des notes, se racon-
tant une histoire. D’autres ont la
mémoire des gestes, des doigtés sur
la flûte. Dautres encore fonction-
nent avec leur mémoire auditive et
jouent naturellement ce qu’ils veu-
lent entendre.»
Fascinante, la mémoire demeure
«bien mystérieuse, notamment la
mémoire musicale, concède Francis
«Lorsque
lon enregistre
une information,
plus on va loin dans
le sens et mieux on
saura la restituer.»
PPPSuite page 14.
Pour apprendre une partition, des musiciens sappuient sur leur mémoire des gestes. Fernando Da Cunha/BSIP
La Croix -mardi 16 mai 2017
Sciences&éthique
14
Suite de la page 13.
Lart de la mémoire
Eustache. Voyez ces personnes at-
teintes d’Alzheimer qui ont perdu
le langage mais se souviennent
de chansons. Sans doute en par-
tie parce que la musique repose
sur des apprentissages très an-
ciens,archaïques” même. Ce qui
est plus ancré s’avère plus résis-
tant.» Jean-Jacques Rousseau
n’écrivait-il pas dans son Essai sur
l’origine des langues que «les pre-
miers discours furent les premières
chansons» ?
Christel Rayneau évoque ainsi
avec affection le compositeur
Antoine Duhamel qui, «à la fin
de sa vie, sourait d’une maladie
dégénérative du cerveau. Mais
il jouait par cœur au piano des
œuvres et vous expliquait leur
structure. La musique demeu-
rait sa seule zone de clarté, alors
que le reste était désormais plon
dans l’ombre» Sa mémoire ex-
perte, intacte, se distinguait de
sa mémoire courante, dégrae.
C’est pour cela que, sur un mode
beaucoup plus badin, Didier
Sandre déplore «être comme tout
le monde dans la vie quotidienne.
Avec les années, j’oublie les noms
propres… toutes ces petites faillites
de la mémoire ordinaire. Ma mé-
moire professionnelle et ma mé-
moire personnelle font deux.»
Retient-on mieux ce qui vous
intéresse ou vous émeut ? Si Chris-
tel Rayneau assure que «l’on re-
tient d’autant mieux une pièce mu-
sicale que l’on a plaisir à la jouer»,
Karl Paquette soutient, lui, que sa
mémoire «nest pas sélective» et
qu’il se rappelle une chorégra-
phie «indépendamment de l’at-
tachement» qu’il lui porte. Quant
à Didier Sandre, il décrypte avec
une finesse toute paradoxale le
lien entre texte et sentiment. «Les
rôles qui me touchent le plus sont
ceux que je censure en dehors de
la scène, tissant une sorte de cor-
don sanitaire pour ne pas men-
combrer de cette charge aective,
une fois quitté le plateau. À l’in-
verse, les ondes des rôles plus -
gers seront plus longues car il est
inutile de mettre en place des mé-
canismes d’autodéfense.» Loubli –
ou du moins l’illusion de l’oubli –
est nécessaire, commente Francis
Eustache. «Confronté sur scène à
des situationsdangereuses” dont
il ne peut assumer la propriété
dans la vie normale, le comédien
doit sortir de leur monde, dès que
sachève le temps de la représenta-
tion.» Dans son Journal (3), Ju-
lien Green notait d’une plume lu-
cide et mélancolique : «Loubli est
une grâce, ni plus ni moins.»
Emmanuelle Giuliani
(1) Dans une lettre à sa femme
le 14avril1770.
(2) En 1987 au Festival d’Avignon
puis au Théâtre de Chaillot.
(3) 5janvier 1937.
Les apprentissages les plus ancrés seront les plus résistants. Agathe Poupeney/Divergence
Dans le cerveau,
les zones encore
floues de la mémoire
tNotre cerveau a-t-il
une case pour se souvenir
de l’endroit où sont les clés
et une autre pour se rappeler
comment manger
avec des baguettes?
Q
uel est le point commun entre
taper son digicode et faire du
vélo ? Entre appeler sa grand-
mère pour son anniversaire et faire
une multiplication ? Aucun ? Et bien
si : les types de mémoires impliqués.
Dans le premier cas, la mémoire
procédurale et dans le second, la
mémoire de travail.
«Lune des premières classifica-
tions de la mémoire a été proposée
en 1890 par le philosophe améri-
cain William James, raconte Jean-
Christophe Cassel, responsable de
recherche au laboratoire de neuros-
ciences cognitives et adaptatives à
Strasbourg. Elle était basée sur la
“durée de l a trace”, avec une distinc-
tion entre mémoire à court terme et
mémoire à long terme.» Mais di-
cile de dire précisément quand s’ar-
te le court terme entre un numéro
de téléphone que l’on retient le
temps de le composer et l’emplace-
ment de sa voiture à l’aéroport que
l’on retrouve deux semaines plus
tard pour l’oublier dès le lendemain.
De fait, la mémoire peut être clas-
sée en des dizaines de catégories,
plus ou moins débattues (voir re-
pères). «Tous les souvenirs sont au
départ des apprentissages, qui vont
se transformer en mémoire à court
terme et dans certains cas en mé-
moire à long terme, sume Claire
Rampon, responsable du laboratoire
mécanismes neurobiologiques de la
mémoire à Toulouse. Ces trois proces-
sus reposent sur des mécanismes bio-
logiques diérents dans le cerveau.»
Par exemple, la mémoire person-
nelle dépend plutôt des lobes tem-
poraux, se trouve l’hippocampe,
la mémoire de travail va engager
le cortex préfrontal, la mémoire
procédurale des structures plus
profondes, qu’on appelle les gan-
glions de la base. Et ainsi de suite !
«Plus la recherche en neurosciences
avance, plus on comprend que de
nombreux centres cérébraux sont
impliqués dans la mémoire, sourit
Ingrid Bethus, chercheuse en plas-
ticité neuronale. On suppose que les
multiples aspects dun souvenir sont
stockés à diérents endroits. À un
endroit, il va y avoir la composante
émotionnelle, à un autre la compo-
sante sensorielle, à un troisième las-
pect factuel…»
Une construction que confirme
Jean-Christophe Cassel, chez les
souris tout du moins. «Lorsquelles
vivent une expérience traumati-
sante, le contexte de lexpérience est
stocké dans lhippocampe, alors que
la coloration émotionnelle est sto-
ckée dans l’amygdale, explique-t-il.
En cas de dommage à lhippocampe,
le contexte ne sera pas reconnu et
la réaction émotionnelle naura pas
lieu. À l’inverse, si l’amygdale est en-
dommagée, la réponse émotionnelle
qui devrait être associée au contexte
ne pourra pas être activée.»
Et plus la charge émotionnelle as-
sociée au souvenir est forte, mieux
on s’en souvient. «À Toulouse, la
plupart des gens savent ce qu’ils fai-
saient lors de l’explosion de l’usine
AZF, même sils nétaient pas en train
de faire attention à leurs activités»,
rappelle Claire Rampon. Cette «-
composition» d’un même souvenir
dans plusieurs zones diérentes du
cerveau explique ainsi sa perma-
nence, même en cas de lésions.
Audrey Dufour
«Lorsque je reprends un ouvrage bien après lavoir dansé,
la musique joue le rôle de déclencheur. Une seule répétition
sut pour que tout se remette en place.»
«Tous les souvenirs
sont au part des
apprentissages, qui
vont se transformer
en moire
à court terme
et dans certains cas
en moire
à long terme.»
repères
Les diérents types
de mémoire
On distingue deux grandes
catégories de mémoires,
à court terme et à long terme.
Dans la mémoire à court
terme, on retrouve, entre
autres, les mémoires senso-
rielles (la persistance pendant
une fraction de seconde d’un
bruit ou d’une image) et la mé-
moire de travail (qui permet de
faire des opérations mentales
sur les informations).
La mémoire à long terme
se divise en mémoire explicite
et mémoire implicite, comme
les automatismes. La mémoire
explicite peut être épisodique
(celle des événements person-
nels) ou sémantique (celle
des connaissances générales).
PPP
La Croix -mardi 16 mai 2017
Sciences&éthique
15
T
out a commencé en 2010,
lorsque après son explosion
la plateforme Deepwater
Horizon déversa plus de 700mil-
lions de litres de pétrole brut
dans le golfe du Mexique, entraî-
nant une catastrophe écologique.
Günter Hufschmid, chimiste, di-
rigeait alors l’entreprise Deurex
qu’il avait créée en Saxe-Anhalt
(nord-est de l’Allemagne), il
fabriquait des cires, peintures et
autres plastiques. Un jour, l’un de
ses employés, qui avait mal réglé
la température et la pression de sa
machine durant la nuit, découvrit
avec stupeur au matin 10tonnes
de cire d’aspect cotonneux.
Plutôt que de mettre ce produit
au rebut, pourquoi ne pas vérifier
si cette mystérieuse substance,
semblable à une éponge, était
capable d’absorber un déchet li-
quide comme du pétrole répandu
à terre ou en mer ? Faisant preuve
d’une exceptionnelle présence
d’esprit, Günther Hufschmid
constata que ce produit inat-
tendu absorbait le pétrole beau-
coup plus efficacement que toute
autre substance. Jusqu’à sept
fois son poids en liquides hydro-
phobes au lieu de quatre pour le
meilleur agent connu. Peu coû-
teux –1g de cire brute peut don-
ner un film de coton de 3m
2
de
surface –, il peut être essoré et
réutilisé ! Son nom : «Pure».
Brevetée, l’invention a déjà
montré son efficacité dans des
stations de lavage de voitures, des
usines de retraitement des eaux
usées, ou lors des inondations de
caves en Allemagne en 2013. En
outre, ce coton pourrait être uti-
lisé pour nettoyer rapidement les
éoliennes qui consomment de
grandes quantités de lubrifiants.
De plus, Deurex coopère avec une
ONG pour assainir des rivières et
des lacs dans le delta du Niger (Ni-
geria), où il a été démontré que le
pétrole brut déversé était à lori-
gine d’une augmentation d’infer-
tilité et de cancers humains.
Forte d’une centaine d’em-
ployés, la société Deurex est ac-
tuellement en négociation avec
des entreprises de l’industrie -
trolière. «Notre idée est très simple,
explique aujourd’hui Günter
Hufschmid. Des usines de fabrica-
tion pourraient être installées de fa-
çon décentralisée, sur terre comme
sur mer. Mon ambition et mon
rêve seraient de voir naviguer un
bateau-usine sur les océans, pour
participer aux décontaminations.»
«Cette invention pourrait révolu-
tionner notre manière de faire
face aux pollutions causées par
des hydrocarbures et des produits
chimiques», a déclaré pour sa part
Benoît Battistelli, président de l’Of-
fice européen des brevets (OEB).
Denis Sergent
Prochain dossier :
L’Égypte antique
L’i n v e n t io n e s t u til i s é e d a ns de s sta t ion s de lava g e de vo itu r e s . Deurex
Des mondes
oubliés.
Carnets
d’Afrique
livre
Géographe tropical, comme
il se présente, ou bien
agronome, sociologue,
anthropologue, économiste, «dé-
veloppementiste»… Au travers
de cet ouvrage, Christian Seigno-
bos est un peu tout cela. Fort de
ses cinquante ans passés dans la
région du lac Tchad, elle-même
point de rencontre du Tchad, du
Niger, du Nigeria, du Cameroun
et de la République centrafri-
caine, il nous emmène, à l’instar
des grands voyageurs, à la décou-
verte d’une zone à la fois histo-
rique, culturelle, pluriethnique,
et vitale pour l’économie de
la population.
Ce livre très original s’appuie
autant sur le dessin que sur les
textes (dont des articles qu’il a
publiés dans des revues scien-
tifiques), comme ont pu le faire
Théodore Monod, Paul-Émile
Victor ou même Titouan Lama-
zou. Des dessins très détaillés,
parfois accompagnés de petites
indications, à la fois beaux et
hyperréalistes, ressemblant aux
bandes dessinées, scientifiques et
humoristiques. Une compétence
rare aujourd’hui qu’il a eu du mal
à faire passer en tant que
chercheur.
Les thèmes traités ? Les
paysages agraires, les architec-
tures, l’agriculture, l’élevage, les
métiers de l’eau, les traditions
(chasse, simulacre de guerre, ce
que l’auteur appelle «les mondes
oubliés»), la faune sauvage et en-
fin l’actualité avec le terrorisme
de Boko Haram (venu du Nige-
ria) ainsi qu’une réflexion sur le
rôle et l’ecacité de l’aide au dé-
veloppement, notamment fran-
çaise, aujourd’hui en Afrique.
Éclectique, curieux de tout, bou-
limique même, le chercheur-des-
sinateur, adepte d’un langage
châtié, nous invite à un agréable
voyage, à la fois esthétique
et érudit, sans succomber à la
nostalgie ou au paternalisme.
Denis Sergent
Débat. Faut-il apprendre
par cœur?
Sciences. Un chimiste
allemand a é lectionné pour
le prix de l’inventeur euroen
2017 pour la mise au point
d’un «coton magique».
de Christian Seignobos, IRD/
Parenthèses, 310pages, 38€.
Le «par ur», une aide
pour les enfants en diculté Une superponge
pour lutter contre
les marées noires
Comprendre ce que l’on apprend
permet de mieux s’en souvenir
Élisabeth
Morard
Professeur des écoles
E
n vingt-septans de pra-
tique, j’ai connu le règne
du «par cœur» puis la -
fiance croissante à son endroit
on entendait dire : «Le”par
cœur”, c’est bête…»avant une
sorte de retour en grâce, plus
équilibré. Pour ma part, je suis
persuadée que l’apprentissage
par cœur reste très utile. Notam-
ment à l’âge de 10-12ans où les
enfants sont au zénith de leur
mémoire, qui ensuite commen-
cera imperceptiblement à -
cliner. Bien entendu, apprendre
c’est comprendre, mais la mémo-
risation de structures de phrases,
de schémas d’expression, est une
aide précieuse pour, par la suite,
pouvoir s’en servir de manière
plus personnelle, sans même s’en
rendre compte.
Je constate que faculté de
concentration et mémoire sont
intimement liées. Et que bien
souvent, les élèves en dicul
sourent d’un manque de l’une
et de l’autre. Pour ces enfants,
le «par cœur» est rassurant,
parce qu’il leur permet de me-
surer concrètement et objective-
ment leurs progrès, pas à pas. Je
leur demande ainsi d’apprendre
une petite phrase ou une série
de nombres tous les jours, de
la relire avant d’éteindre la lu-
mière et de s’endormirPour
que la mémoire fasse son silen-
cieux travail nocturne… Et ils
me disent qu’ils aiment bien ce
type d’exercice, un peu comme
un jeu. C’est pourquoi je ne suis
pas du tout opposée à l’appren-
tissage par cœur d’une poésie,
même un peu complexe : sa mé-
lodie se grave dans la mémoire
et, plus tard, son sens se dévoi-
lera pleinement.
Recueilli par
Emmanuelle Giuliani
Sophie Portrat
Maître de conférences
au LPNC (laboratoire
de psychologie
et neurocognition)
P
our mémoriser, on peut
soit apprendre par cœur
en répétant, soit créer des
liens à partir d’informations déjà
connues. Mais ces deux formes
de mémoires ne sont pas si dif-
férentes : dans les deux cas, il
s’agit d’un encodage d’informa-
tion directe. Effectivement, à
long terme, l’information peut
être stockée dans une mémoire
sémantique, qui correspondrait
aux connaissances «par cœur»,
ou dans une mémoire procédu-
rale, qui correspondrait aux «re-
cettes». Toutefois, faire une dis-
tinction complète entre les deux
n’a pas beaucoup de sens : l’une
alimente l’autre et vice versa. Le
passage d’un stockage de court
au long terme est une question
de répétition, d’attention portée,
de but poursuivi et de type d’in-
formation. Dans tous les cas, l’éla-
boration de l’information, c’est-
à-dire comprendre ce que l’on
apprend, permet une meilleure
mémorisation. Lespacement
entre deux rappels du souvenir
est aussi important. Si on ap-
prend intensivement par cœur la
veille d’un examen par exemple,
ces informations seront vite ou-
bliées. Mieux vaut s’y prendre
avant pour pouvoir réviser plu-
sieurs fois de façon espacée dans
le temps. Cela est vrai lors d’ap-
prentissages de connaissances
et d’apprentissages moteurs. Ces
derniers peuvent être mieux re-
tenus sur le long terme car ils bé-
néficient d’un double codage : on
peut retenir la gestuelle et la des-
cription du mouvement.
Recueilli par
Audrey Dufour
1 / 3 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !