LES FORCES FICTIVES OLIVIER CASTÉRA Résumé. Les forces d’inertie d’entraı̂nement et de Coriolis sont des forces fictives, elles n’apparaissent que dans des référentiels non inertiels. Table des matières 1. Vitesse dans un référentiel non inertiel 2. Accélération dans un référentiel non inertiel 3. Forces dans un référentiel non inertiel 4. Exemple de force fictive : la force centrifuge 4.1. Dans le référentiel inertiel 4.2. Dans le référentiel non inertiel 5. Annexe 1 6 8 9 10 10 10 1. Vitesse dans un référentiel non inertiel Définition 1.1. Référentiel d’inertie R est un référentiel (une référence dans l’espace et le temps) d’inertie, si et seulement si ce référentiel se déplace d’un mouvement de translation (il n’a aucun mouvement de rotation par rapport au reste de l’univers) rectiligne (il ne subit pas de force normale) et uniforme (il ne subit pas de force tangentielle). Soit donc R(O, i, j) un référentiel d’inertie, et soit R′ (O ′, i′ , j ′ ) un référentiel non inertiel se déplaçant par rapport à R à la vitesse non constante V (t) et tournant autour de son axe O ′z ′ à la vitesse angulaire non constante ω(t). Définition 1.2. Rayons vecteurs Les rayons vecteurs OM et O′ M du corps (M) dans chacun des référentiels R et R′ ont pour expressions respectives : OM = xi + yj + zk O′ M = x′ i′ + y ′j ′ + z ′ k′ On se place dans le domaine non relativiste : Date: 2 avril 2017. 1 2 OLIVIER CASTÉRA Définition 1.3. Temps Le temps absolu, vrai et mathématique, sans relation à rien d’extérieur, s’écoule uniformément et s’appelle durée. Par conséquent, le temps s’écoule de la même façon dans les référentiels R et R′ , t = t′ de sorte que les dérivations par rapport à t et à t′ soient équivalentes. Notation. La dérivée par rapport au temps d’un vecteur sera notée dR t ′ pour un observateur fixe dans le référentiel R, et dR pour un observat teur fixe dans le référentiel R′ . Théorème 1.1. Par changement de référentiel, les vecteurs vitesses du corps (M) sont liés par la relation suivante, v = V + v ′ + ω × O′ M (1) appelée loi de composition des vitesses, dans laquelle v est la vitesse absolue, V est la vitesse relative des référentiels, v ′ est la vitesse relative, et ω est la vitesse angulaire relative de R′ par rapport à R. Démonstration. Dérivons dans R par rapport à t l’égalité vectorielle : OM = OO′ + O′ M R ′ R ′ dR t OM = dt OO + dt O M Définition 1.4. Vitesse absolue La vitesse absolue v du corps (M) dans le référentiel R a pour expression : ∆ v = dR t OM = dR t (xi + yj + zk) = ẋi + ẏj + żk Définition 1.5. Vitesse relative des référentiels La vitesse relative du référentiel R′ vu de R a pour expression : ∆ ′ V = dR t OO = dR t (xO ′ i + yO ′ j + zO ′ k) = ẋO′ i + ẏO′ j + żO′ k La vitesse relative du référentiel R vu de R′ a pour expression : ∆ ′ ′ V ′ = dR t O O ′ ′ ′ ′ ′ ′ ′ = dR t (xO i + yO j + zO k ) = ẋ′O i′ + ẏO′ j ′ + żO′ k′ LES FORCES FICTIVES 3 En général, V 6= V ′ . En effet, supposons que vu de R, le référentiel R′ ne fasse que tourner sur lui-même. Alors, vu de R′ , le référentiel R décrit un cercle autour de R′ . Leurs vitesses relatives respectives sont donc différentes. En se servant de ces définitions, nous avons : ′ v = V + dR t O M (2) Vu du référentiel R, les vecteurs de base du référentiel R′ varient dans le temps. Le dernier terme du membre de droite a pour expression : ′ R ′ ′ ′ ′ ′ ′ dR t O M = dt (x i + y j + z k ) ′ ′ R ′ ′ R ′ = ẋ′ i′ + ẏ ′ j ′ + ż ′ k′ + x′ dR t i + y dt j + z dt k Définition 1.6. Vitesse relative La vitesse relative v ′ du corps (M) dans le référentiel R′ a pour expression : ∆ ′ ′ v ′ = dR t O M ′ ′ ′ ′ ′ ′ ′ = dR t (x i + y j + z k ) = ẋ′ i′ + ẏ ′j ′ + ż ′ k′ Avec cette définition : ′ ′ ′ R ′ ′ R ′ ′ R ′ dR t O M = v + x dt i + y dt j + z dt k (3) On suppose que les axes Oz et O ′z ′ ont même direction et même sens, de sorte que k et k′ soient équipollents. Appelons α(t) l’angle orienté de R vers R′ , qui est l’angle de rotation de R′ dans R à l’instant t. α ~j ′ ~j ~i′ ~k α b ~k ′ ~i Nous avons les relations : ′ i = cos αi + sin αj j ′ = − sin αi + cos αj ′ k =k (4) 4 OLIVIER CASTÉRA R ′ dt i = −α̇ sin αi + α̇ cos αj = α̇j ′ dR j ′ = −α̇ cos αi − α̇ sin αj t = −α̇i′ dR k ′ = dR k t t =0 (5) par conséquent, la relation (3) s’écrit : ′ ′ ′ ′ ′ ′ dR t O M = v + x α̇j − y α̇i = v ′ + α̇(x′ j ′ − y ′i′ ) (6) Définition 1.7. Vecteur vitesse angulaire relative Le vecteur vitesse angulaire de R′ par rapport à R a pour expression : ∆ ω = dR t αk = α̇k Appelons α′ (t) l’angle orienté de R′ vers R, qui est l’angle de rotation de R dans R′ à l’instant t, et tel que α′ = −α. Le vecteur vitesse angulaire de R par rapport à R′ a pour expression : ∆ ′ ′ ′ ω ′ = dR t αk = α̇′ k′ = −α̇k Le dernier terme du membre de droite de (6) est le produit vectoriel ω × O′ M . En effet, ′ 0 x ′ ω × O M = 0 × y′ z′ α̇ 0 × z ′ − α̇y ′ = α̇x′ − 0 × z ′ 0 × y ′ − 0 × x′ −α̇y ′ = α̇x′ 0 = α̇(x′ j ′ − y ′i′ ) si bien que la relation (3) s’écrit : ′ ′ R ′ ′ dR t O M = dt O M + ω × O M = v ′ + ω × O′ M (7) (8) LES FORCES FICTIVES 5 Avec ce résultat, la loi de composition des vitesses (2) s’écrit : v = V + v ′ + ω × O′ M Remarque. On peut obtenir ce résultat en utilisant une démonstration purement algébrique : i′ · i′ = 1 ′ ′ dR t (i · i ) = 0 ′ ′ R ′ i′ · dR t i + dt i · i = 0 ′ 2 i′ · dR t i = 0 ′ ′ dR t i ⊥i ′ ′ dR t i = ω ×i où ω est un vecteur pour l’instant indéterminé. i′ · j ′ = 0 ′ ′ dR t (i · j ) = 0 ′ ′ R ′ i′ · dR t j + j · dt i = 0 ′ ′ ′ i′ · dR t j = −j · (ω × i ) En utilisant le théorème 5.1 donné en annexe : ′ ′ ′ i ′ · dR t j = −i · (j × ω) = i′ · (ω × j ′ ) ′ ′ dR t j = ω×j De même pour le vecteur k : i′ · k′ = 0 ′ ′ dR t k = ω ×k En posant k′ comme axe de rotation, ′ dR t k = 0 ω × k′ = 0 soit, ω = ωk′ En appliquant ces résultats à la relation (3), puis à la relation (2), nous obtenons la loi de composition des vitesses : v = V + v ′ + x′ (ω × i′ ) + y ′ (ω × j ′ ) = v ′ + V + ω × O′ M 6 OLIVIER CASTÉRA Définition 1.8. Vitesse d’entraı̂nement La vitesse d’entraı̂nement est la vitesse du point P fixe dans le référentiel mobile R′ , coı̈ncidant avec le point M à un instant t0 : ∆ v e = V + ω × O′ P A l’instant t0 , les points P et M étant superposés, nous avons : V (t0 ) + ω(t0 ) × O′ P (t0 ) = V (t0 ) + ω(t0 ) × O′ M (t0 ) si bien qu’à l’instant t0 uniquement : v(t0 ) = v ′ (t0 ) + v e (t0 ) Les trajectoires des points P et M étant différentes, sauf si le corps (M) est fixe dans R′ , nous aurons en général, ′ R ′ dR t (V + ω × O P ) 6= dt (V + ω × O M ) si bien qu’en général, R ′ dR t v 6= dt (v + v e ) 2. Accélération dans un référentiel non inertiel Théorème 2.1. Par changement de référentiels, les vecteurs accélération du corps (M) sont liés par la relation suivante : a = a′ + ae + ac (9) appelée loi de composition des accélérations, dans laquelle a est l’accélération du corps (M) dans R, a′ est l’accélération du corps (M) dans R′ , ae est l’accélération d’entraı̂nement et ac l’accélération de Coriolis. Démonstration. Dérivons dans R par rapport au temps, la loi de composition des vitesses (1) : R R ′ R ′ dR t v = dt V + dt v + dt (ω × O M ) R ′ R ′ R ′ = dR t V + dt v + dt ω × O M + ω × dt O M Définition 2.1. Accélération absolue L’accélération absolue a du corps (M) dans le référentiel R a pour expression : ∆ R a = dR d OM t t = dR t v Définition 2.2. Accélération relative des référentiels L’accélération relative de R′ vu de R a pour expression : ∆ A = dR t V LES FORCES FICTIVES 7 Avec ces définitions : ′ ′ R ′ a = A + dR t v + ω̇ × O M + ω × dt O M En utilisant la relation (8), nous avons : ′ ′ ′ ′ a = A + dR t v + ω̇ × O M + ω × (v + ω × O M ) (10) La relation (7) s’applique à tout vecteur exprimé dans R′ et dérivé dans R. Appliquée au vecteur v ′ , elle donne : ′ ′ R ′ ′ dR t v = dt v + ω × v Définition 2.3. Accélération relative L’accélération relative est l’accélération du point M dans le référentiel R′ : ∆ ′ ′ a′ = d R t v La relation (10) devient : ′ ′ ′ ′ ′ ′ a = A + dR t v + ω × v + ω̇ × O M + ω × (v + ω × O M ) = A + a′ + ω̇ × O′ M + ω × (ω × O′ M ) + 2ω × v ′ (11) Soit H la projection orthogonale du point M sur l’axe de rotation O ′ z ′ du repère R′ par rapport au repère R : z′ H M O′ ω En utilisant le théorème 5.2 donné en annexe, le dernier terme s’écrit : ω × (ω × O′ M ) = ω(ω · O′ M ) − O′ M (ω · ω) = ω(ω O ′H) − O′ M ω 2 = O′ H ω 2 − O′ M ω 2 = M H ω2 Ce terme, toujours dirigée vers le centre de rotation instantané, s’appelle accélération centripète. La relation (11) s’écrit : a = a′ + A + ω̇ × O′ M + M Hω 2 + 2ω × v ′ (12) 8 OLIVIER CASTÉRA Définition 2.4. Accélération d’entraı̂nement L’accélération d’entraı̂nement est l’accélération du point P fixe dans le référentiel R′ , coı̈ncidant avec le point M à l’instant t0 : ∆ ae = A + ω̇ × O′ P + P H ω 2 A l’instant t0 , les points P et M étant superposés, nous avons : ae = A + ω̇ × O′ M + M H ω 2 Définition 2.5. Accélération de Coriolis L’accélération de Coriolis a pour expression, ∆ ac = 2ω × v ′ Avec les définitions 2.4 et 2.5, la relation (12) s’écrit : a = a′ + ae + ac (13) Remarque. La dérivée dans R de la vitesse d’entraı̂nement donne l’accélération d’entraı̂nement : R R ′ dR t v e = dt V + dt (ω × O P ) ′ = A + ω̇ × O′ P + ω × dR t O P En utilisant (7) puis le théorème 5.2 : ′ ′ dR t v e = A + ω̇ × O P + ω × (ω × O P ) = ae 3. Forces dans un référentiel non inertiel P ext Théorème 3.1. Soient F la somme des modèles des forces extérieures s’exerçant sur un système. La relation fondamentale de la dynamique 1 dans le référentiel non inertiel R′ s’écrit : X dp′ F ext + F e + F c = dt et, lorsque la masse du système est constante : X F ext + F e + F c = ma′ Démonstration. Soit m la masse du corps (M), supposée constante. La relation fondamentale de la dynamique dans le référentiel inertiel R s’écrit : X dp F ext = dt = ma 1. Voir Mécanique classique.pdf. LES FORCES FICTIVES 9 Avec la relation (13) nous avons : X F ext = m(a′ + ae + ac ) = ma′ + mae + mac Définition 3.1. Force d’inertie d’entraı̂nement La force d’inertie d’entraı̂nement a pour expression : ∆ F e = −mae Définition 3.2. Force de Coriolis La force de Coriolis a pour expression : ∆ F c = −mac Par conséquent, on a bien : X F ext + F e + F c = ma′ Dans le référentiel non inertiel R′ , il faut ajouter aux forces extérieures réelles F ext s’exerçant sur le système, les forces fictives d’entraı̂nement F e et de Coriolis F c . Ces forces sont dite fictives car elles ne créent pas le mouvement. Elles ne sont dues qu’au mouvement de l’observateur. 4. Exemple de force fictive : la force centrifuge Soit un corps (M) de masse m, tenu par un fil et tournant avec la vitesse angulaire constante ω autour de l’axe Oz d’un référentiel d’inertie R. On considère le référentiel R′ de même centre O que R, dont l’axe Oz ′ est confondu avec l’axe Oz. Ce référentiel tourne autour de cet axe à la même vitesse angulaire ω que le corps (M), de sorte que celui-ci soit immobile dans R′ et soit toujours sur l’axe Ox′ : OM = x′ i′ ~j ′ ~ω ~j M T~ ~i′ b O ~i Figure 1. Rotation du corps M (vue de dessus) 10 OLIVIER CASTÉRA 4.1. Dans le référentiel inertiel. La vitesse v ′ du corps (M) dans R′ étant nulle, l’accélération a′ du corps (M) dans R′ est nulle elle aussi, ainsi que l’accélération de Coriolis ac . L’accélération relative A des deux référentiels est nulle par hypothèse, ainsi que la variation de la vitesse angulaire ω̇. Dans la relation (12) il ne reste que l’accélération centripète : a = M O ω2 = −ω 2 rer où rer est le rayon vecteur OM en coordonnées polaires. La relation fondamentale de la dynamique nous donne l’expression de la tension du fil : X F dp dt T = ma ext = = −mω 2 rer 4.2. Dans le référentiel non inertiel. Ecrivons la relation fondamentale de la dynamique pour un observateur dans le référentiel R′ : X F ext + F e + F c = ma′ X F ext + mω 2 rer = ma′ Définition 4.1. Force centrifuge La force centrifuge a pour expression : ∆ F n = mω 2 rer Le corps (M) étant immobile dans R′ , son accélération est nulle : T + Fn = 0 Dans R′ , la force centrifuge F n s’exerce sur tous les corps, en plus des forces réelles F . La seule force réelle F est ici la tension T du fil. 5. Annexe Théorème 5.1. A · (B × C) = C · (A × B) LES FORCES FICTIVES 11 Démonstration. Ax By Cz − Bz Cy A · (B × C) = Ay · Bz Cx − Bx Cz Az Bx Cy − By Cx = Ax (By Cz − Bz Cy ) + Ay (Bz Cx − Bx Cz ) + Az (Bx Cy − By Cx ) = Cx (Ay Bz − Az By ) + Cy (Az Bx − Ax Bz ) + Cz (Ax By − Ay Bx ) Cx Ay Bz − Az By = Cy · Az Bx − Ax Bz Cz Ax By − Ay Bx = C · (A × B) Théorème 5.2. A × (B × C) = B(A · C) − C(A · B) Démonstration. Ax By Cz − Bz Cy A × (B × C) = Ay × Bz Cx − Bx Cz Az Bx Cy − By Cx Ay (Bx Cy − By Cx ) − Az (Bz Cx − Bx Cz ) = Az (By Cz − Bz Cy ) − Ax (Bx Cy − By Cx ) Ax (Bz Cx − Bx Cz ) − Ay (By Cz − Bz Cy ) Ay Bx Cy − Ay By Cx − Az Bz Cx + Az Bx Cz = Az By Cz − Az Bz Cy − Ax (Bx Cy + Ax By Cx ) Ax Bz Cx − Ax Bx Cz − Ay (By Cz + Ay Bz Cy ) et, B(A · C) − C(A · B) = B(Ax Cx + Ay Cy + Az Cz ) − C(Ax Bx + Ay By + Az Bz ) Bx (Ax Cx + Ay Cy + Az Cz ) − Cx (Ax Bx + Ay By + Az Bz ) = By (Ax Cx + Ay Cy + Az Cz ) − Cy (Ax Bx + Ay By + Az Bz ) Bz (Ax Cx + Ay Cy + Az Cz ) − Cz (Ax Bx + Ay By + Az Bz ) Bx Ay Cy + Bx Az Cz − Cx Ay By − Cx Az Bz ) = By Ax Cx + By Az Cz − Cy Ax Bx − Cy Az Bz Bz Ax Cx + Bz Ay Cy − Cz Ax Bx − Cz Ay By 12 OLIVIER CASTÉRA E-mail address: [email protected] URL: http://o.castera.free.fr/