Extrasystoles ventriculaires : savoir dépister les situations à risque 7 DÉCEMBRE 2010 | Aude Lecrubier Marseille, France — Lors d'une session du congrès ELECTRA 2010 entièrement consacrée aux extrasystoles ventriculaires, les docteurs Philippe Maury (Toulouse) et Fabrice Extramiana (Paris) ont fait le point sur ce trouble du rythme particulièrement préoccupant pour les cardiologues. [1] Les deux experts ont insisté sur l'importance de ne pas passer à côté des extrasystoles ventriculaires graves, potentiellement mortelles, et sur les modalités de prise en charge. La problématique des ESV bénignes Par définition, les ESV bénignes surviennent sur un cœur sain, sont monomorphes (< 2 morphologies), de grande amplitude, non répétitives, à couplage long, peu larges (durée < 120-140 ms) et diminuent ou disparaissent à l'effort, même si ce dernier item n'est pas un critère absolu de bénignité. Une syncope inexpliquée ou une mort subite familiale excluent d'emblée le caractère de bénignité. La grande question est de savoir jusqu'où aller pour juger du caractère « sain » du cœur. « En théorie, une ESV bénigne devrait présenter un risque d'arythmie et d'évolution vers une cardiomyopathie rythmique nul. Malheureusement, il existe des exceptions à tous ces items », rappelle le Dr Philippe Maury (CHU Toulouse). La grande question est de savoir jusqu'où aller pour juger du caractère « sain » du cœur. Les explorations complémentaires type Holter-ECG, épreuve d'effort, imagerie, voire parfois recherche de potentiels tardifs, sont souvent indispensables pour conclure à la bénignité des ESV. Dr Maury Faut-il traiter une ESV bénigne ? Faut-il traiter une ESV bénigne ? • Oui si elle est symptomatique, après avoir éliminé les excitants et la présence éventuelle d'une anomalie ionique ou endocrinienne, mais aussi s'il existe une suspicion de cardiomyopathie rythmique. • Non dans l'immense majorité des cas. Dans les deux conditions citées ci-dessus, il existe des indications au traitement médicamenteux ou à l'ablation. Les traitements médicamenteux sont les inhibiteurs calciques et les bêtabloquants surtout s'il existe un déterminisme adrénergique, mais leur utilisation est peu documentée. L'utilisation de médicaments antiarythmiques ne sera envisagée qu'avec une très grande prudence en raison du risque « pro-arythmique ». L'ablation est réservée à des tableaux cliniques particuliers. Les recommandations ACC, AHA, ESC 2006 préconisent l'ablation en présence d'ESV symptomatiques (palpitations) malgré le traitement médicamenteux s'il existe un risque de mort subite faible (classe 2a) et en présence de cardiomyopathie rythmique (classe 2b). « Le traitement par ablation des ESV bénignes est plus intéressant dans le cas de l'insuffisance cardiaque », précise le Dr Maury. EVS maligne : traiter le risque de mort subite « Devant une extrasystole extraventriculaire maligne, il faut interroger le patient minutieusement, bien analyser toutes les ESV et multiplier les ECG. Il faut interpréter les ESV en fonction de l'état cardiaque sous-jacent. Et surtout évaluer et prendre en charge le risque de mort subite plus que les ESV en elles-mêmes. Enfin, il ne faut pas rassurer le patient trop vite après ablation », résume le Dr Fabrice Extramiana. Dans le cas d'ESV graves, le problème à traiter est le risque de mort subite et donc la cause de l'ESV que ce soit une cardiopathie sous-jacente, ou un facteur déclenchant ou favorisant (hypokaliémie, arrêt d'un traitement dont on suspecte l'effet arythmogène). La pose d'un défibrillateur est recommandée en cas d'ESV accompagnant une maladie électrique primaire comme le syndrome de Brugada mais aussi dans le cas de cardiomyopathies avec une FEVG < 30 %. Une ablation du foyer des extrasystoles est envisageable en cas de cardiomyopathie avec récupération de la fraction d'éjection. Il ne faut pas rassurer le patient trop vite après ablation — Dr Extramiana (Paris) Dr Extramiana En ce qui concerne le traitement médicamenteux, l'amiodarone mais aussi les bêtabloquants ont donné la preuve de leur efficacité notamment dans les tachycardies ventriculaires polymorphes catécholergiques (TVPC) et le syndrome du QT long. De façon plus atypique, l'Isuprel est utilisé dans le syndrome de Brugada et le syndrome de repolarisation précoce (ERS), l'isoptine dans les torsades de pointes à couplage court (TdPcc) et le magnésium dans les torsades de pointes et le syndrome du QT long. Dans le cas des ESV bénignes comme malignes, un suivi cardio/rythmologique doit être organisé. Il permet de ne pas passer à côté d'une cardiopathie débutante ou d'évaluer l'effet d'un traitement. Si la vigilance est requise dès la découverte d'ESV, elle doit rester de mise quelle que soit la stratégie thérapeutique adoptée et même en absence de traitement. Référence 1. Que faire devant une extrasystole ventriculaire — Congrès ELECTRA 2010. Liens • Syncope à l'effort : pensez aux TV polymorphes catécholergiques [heartwire > Actualités ; 1er juillet 2009] • Les tachycardies ventriculaires polymorphes peuvent aussi bénéficier de l'ablation [heartwire > ESC Actualités ; 24 octobre 2007] • Quand demander une enquête génétique en cardiologie ? [Rendez-vous éditoriaux > En pratique ; 5 février 2008] Tous droits réservés ® 1999-2011 theheart.org par WebMD Politique de confidentialité [email protected]