Conduite à tenir face à la découverte d`extrasystoles ventriculaires

publicité
n° 6
si :
fiche
pratique
J.M. Darondel*, C. Bars*, A. Lepilier*, J. Sebbah*
Sous la responsabilité de ses auteurs
Conduite à tenir face à la découverte
d’extrasystoles ventriculaires
L
es extrasystoles ventriculaires (ESV) sont un problème
fréquent qui, pourtant, reste souvent une source d’interrogation pour le praticien, en particulier quant à
leur signification et leur éventuel impact thérapeutique.
Plusieurs points doivent être précisés, qui vont conditionner
un éventuel traitement.
Évaluation des symptômes (palpitations, malaises, vertiges ou syncopes)
L'évaluation des symptômes est fondamentale, car elle
guide le bilan étiologique et rythmique ainsi que la thérapeutique, en particulier en cas d’ESV bénignes. L’interrogatoire, également, recherchera d’éventuels signes de
cardiopathie associée (angor, dyspnée, asthénie).
Recherche d’une cardiopathie
sous-jacente
Stratification du risque rythmique
Holter ECG des 24 heures
Le holter ECG évalue plusieurs paramètres fondamentaux
pour la stratification du risque et peut, par la suite, guider
le traitement à proposer.
➤➤Quantifications des ESV : le nombre brut n’a que peu
d’intérêt en valeur absolue, mais c'est un élément important
pour la surveillance et l’impact d’un éventuel traitement.
Épreuve d’effort
L'épreuve d'effort est souvent pertinente à plusieurs égards :
➤➤évaluation rythmique pure : les ESV bénignes disparaissent à
l’acmé de l’effort, même si elles réapparaissent en récupération ;
l’aggravation d’une hyperexcitabilité ventriculaire à l’effort
(ESV plus fréquentes, voire salves) signe souvent l’existence
d’une cardiopathie volontiers ischémique ou d'une DVDA) ;
➤➤évaluation étiologique, en particulier en cas d’ESV retard
droit orientant vers une possible cardiopathie gauche, pour
laquelle il faudra rechercher par l’épreuve d’effort une origine
ischémique.
Stimulation ventriculaire programmée
Du fait d’une sensibilité et d’une spécificité non optimales, les
indications de la stimulation ventriculaire programmée sont
finalement assez restreintes :
➤➤bilan de syncope inexpliquée ;
* Institut mutualiste Montsouris et hôpital Bichat, Paris.
F
I
C
H
E
À
D
É
T
A
C
H
E
R
L’électrocardiogramme (ECG) va préciser la morphologie
des ESV et recherchera par ailleurs des signes de cardiopathie associée (ischémique, dysplasie ventriculaire droite
arythmogène [DVDA], repolarisation précoce et autres).
L’échodoppler cardiaque, lui, doit être systématiquement
à la recherche d’une cardiopathie gauche (ischémique,
dilatée ou hypertrophique).
➤➤Polymorphisme des ESV : c’est un critère de gravité qui
signe en général l’existence d’une cardiopathie sous-jacente ;
les ESV bénignes sont toujours monomorphes. En cas d’ESV
à couplage long ou variable, on se méfiera sur le holter des
possibles phénomènes de fusion pouvant en imposer à tort
pour une deuxième morphologie.
➤➤Caractère répétitif des ESV : on définit par tachycardies ventriculaires non soutenues (TVNS) des salves d’ESV composées de
plus de 3 complexes et entraînant des troubles du rythme qui
peuvent durer jusqu’à 30 secondes ; l’existence de ces TVNS et,
a fortiori, de TV soutenues, fait sortir les ESV de la bénignité,
d’autant plus si ces accès sont rapides.
➤➤Couplage des ESV : dans les ESV bénignes, les couplages
sont généralement fixes (phénomène de réentrée) et peu
précoces ; des couplages variables orientent vers des mécanismes d’arythmie autres que la réentrée, et des couplages
courts vers une origine non bénigne (ces derniers peuvent être
très péjoratifs quand ils sont très courts, inférieurs à 250 ms).
➤➤Modulation par le système neurovégétatif : le caractère
adrénergique des ESV est plutôt en faveur d’une cardiopathie
sous-jacente, les ESV bénignes disparaissant ou diminuant
habituellement à l’effort.
La Lettre du Cardiologue • n° 449 - novembre 2011 | I
ESV infundibulaire
Les ESV infundibulaires bénignes
(retard gauche axe droit)
Les ESV infundibulaires bénignes sont caractérisées par des ESV de
type retard gauche axe droit (toujours positives en DII, DIII et AvF,
mais isoélectriques ou négatives en DI) [figure 1], souvent amples
et fines, à couplage fixe, avec des formes répétitives n’excédant
pas les triplets ou les quadruplets, et disparaissant à l’effort. Le
bilan morphologique (ECG et échographie) doit être normal.
En cas de TVNS, de TV, d'aggravation à l’effort ou de syncope, il
conviendra d'éliminer une DVDA en réalisant un bilan morpho­
logique (angioscintigraphie, IRM cardiaque et/ou angiographie du VD) ainsi qu'un bilan rythmique avec un ECG de haute
amplification à la recherche d'un potentiel tardif ventriculaire
(PTV) [le PTV étant très fréquent en cas de cardiopathie, son
absence présente une excellente valeur prédictive négative] et
une stimulation ventriculaire programmée (figure 2).
Le traitement est essentiellement fondé sur les symptômes
du patient. L’abstention thérapeutique est de rigueur chez les
patients asymptomatiques, mais elle nécessite une surveillance
holter et échographique pour vérifier l’absence d’évolutivité
rythmique et l’absence de cardiopathie rythmique en cas d’ESV
très fréquentes. Chez les patients symptomatiques, le traitement
de choix est constitué par la prescription d'antiarythmiques de
classe IC à dose croissante selon l’efficacité, associés ou non
au traitement bêtabloquant. Les indications d’ablation sont
exceptionnelles : elles interviennent uniquement après l'échec
des antiarythmiques et chez des patients très symptomatiques.
La surveillance rythmique sous traitement est fondamentale.
En cas de persistance de TV cliniques ou déclenchables sous
traitement, des indications d’ablation ou de défibrillateurs
implantables sont alors possibles.
C
Traitement antiarythmique
(bêtabloquant, Classe Ic, voire classe III)
Surveillance et, selon résultat,
ablation, voire DAI
ETT = échographie transthoracique ; SVP = stimulation ventriculaire programmée.
R
H
E
En cas de cardiopathie, le traitement de première intention
est le plus souvent constitué par les bêtabloquants.
I
C
H
E
Figure 1. Arbre décisionnel devant la découverte d’une ESV infundibulaire.
Le traitement de ces ESV passe avant tout par le traitement spécifique de la cardiopathie sous-jacente et par une
réévaluation rythmique sous traitement.
C
DVDA
confirmée
A
Éliminer DVDA par :
- bilan morphologique : angioscintigraphie, ou IRM ou angio-VD
- bilan rythmique : PTV ± SVP
Le bilan morphologique comprendra au minimum un échodoppler cardiaque et une épreuve d’effort, et sera complété
selon les résultats par des examens plus spécifiques.
T
Signes de gravité
Même si certaines formes peuvent être bénignes, leur
découverte doit faire rechercher en première intention
une cardiopathie gauche.
É
Bilan étiologique de la cardiopathie
et traitement spécifique si ESV persistantes
Patient asymptomatique Patient symptomatique
Abstention thérapeutique Traitement antiarythmique
et surveillance
(Classe Ic, bêtabloquant voire classe III)
En cas de DVDA, le traitement médical est fondé sur les
bêtabloquants (associés ou non aux antiarythmiques de
classe IC en l’absence de dysfonction VG), voire sur le
sotalol puis sur l’amiodarone.
D
Cardiopathie à l’ETT
DVDA
éliminée
Elles évoquent une origine ventriculaire droite et peuvent se
voir sur un cœur sain. Toutefois, le bilan devra rapidement
éliminer une DVDA, en particulier si ces ESV sont larges,
polymorphes, avec des phénomènes répétitifs, aggravées
à l’effort ou associées à des malaises, des syncopes ou des
antécédents familiaux de mort subite.
À
Cœur sain à l’ETT
Aucun signe de gravité
Les autres ESV retard gauche
Les ESV retard droit
ESV infundibulaire
Holter + épreuve d’effort
Figure 2. ECG 12 dérivations d’une ESV infundibulaire bénigne.
F
n ° 6
p ra t i q u e
f i c h e
➤➤TV ou TVNS survenant sur cardiopathie (surtout ischémique
et DVDA) ;
➤➤TV ou TVNS symptomatique, y compris après traitement, en
l’absence de cardiopathie ;
➤➤avant un traitement ablatif.
II | La Lettre du Cardiologue • n° 449 - novembre 2011
Téléchargement