Revue Médicale Suisse
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12 septembre 2012 1743
Une femme de 49 ans se plaint de-
puis son adolescence de palpitations
cardiaques survenant de manière
abrupte, accompagnées d’un sentiment
d’oppression avec malaise, sans perte
de connaissance.
En 1980, l’ECG (figure 1) avait mis en évi-
dence des épisodes d’extrasystoles ventri-
culaires (ESV) bénignes (isolées, peu fré-
quentes) et le Holter écarté l’hypothèse de
tachycardie supraventriculaire. A l’époque, un
diagnostic de syndrome de Barlow a (pro-
lapsus de la valve mitrale) avait été posé sur
la base d’une échographie en mode M. Un
traitement de métoprolol (25-50 mg/jour)
avait atténué les symptômes.
La patiente est par ailleurs en bonne santé.
Elle est mariée et mère d’une fille née en
1983 après une grossesse sans histoires.
Elle fait un peu de sport et travaille à plein
temps dans un laboratoire. Son poids est
de 68 kg pour 152 cm (IMC : 29,4 kg/m2).
A l’auscultation cardiaque, présence d’un
clic mésosystolique sans souffle de régur-
gitation mitrale. Le reste de l’examen clini-
que est sans particularité. L’ECG est normal
avec quelques ESV.
Au printemps 2008, elle se déclare gênée
par ses extrasystoles, se plaint de vertiges,
dit être fatiguée et avoir de la peine à rester
debout, immobile, devant son plan de travail.
Un enregistrement ambulatoire de la TA per-
met alors d’exclure une hypotension ortho-
statique (TA moyenne diurne : 131/76 mmHg,
pouls : 85/min ; TA nocturne : 111/65 mmHg,
pouls : 81/min) et les examens sanguins
(TSH, T4, Na, K) sont dans les normes. Le
bilan effectué par le cardiologue n’apporte
pas d’éléments nouveaux (tableau 1).
Rassurée, la patiente poursuit son traite-
ment de métoprolol (50 mg 2 x/jour), asso-
cié à un tranquillisant déjà prescrit par le
passé (Deanxit, 1 cp matin et midi).
Quelques semaines plus tard, elle con-
sulte en fin de journée, très angoissée, à la
suite de plusieurs malaises sans perte de
connaissance. Elle est accompagnée de
son conjoint qui doit la soutenir. La situation
semble dramatique mais l’examen clinique
est rassurant : TA : 120/80 mmHg, pouls :
100/min (attribué à l’angoisse de la patien-
te), irrégulier avec 4 à 6 ESV/min. Face à
l’angoisse de la patiente qui tient à peine
debout, une hospitalisation d’urgence est
programmée à l’hôpital régional.
L’examen médical à l’admission est normal
(TA : 150/90 mmHg, pouls : 90/min) à l’ex-
ception d’une température à 38°C. La pa-
tiente est mise sous surveillance télémétri-
que et, le lendemain matin, elle présente un
Arythmie sur cœur sain
court-circuit
G. Abetel
A. Forclaz
A. Jaussi
Dr Gilbert Abetel
FMH médecine interne
Place du Marché 6
1350 Orbe
Drs Andrei Forclaz et Andres Jaussi
FMH cardiologie
Rue de Neuchâtel 16
1400 Yverdon-les-Bains
Coordination rédactionnelle
Dr Pierre-Alain Plan
Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 1743-5
a Ce diagnostic de «bombement du feuillet mitral postérieur»
doit être apprécié dans le contexte historique. En 1980,
cette particularité était une entité jeune et «surestimée»,
aujourd’hui elle ne serait, dans le présent cas, plus du tout
considérée comme un prolapsus mitral et encore moins
comme un «syndrome de Barlow».
Figure 1. Morphologie des extrasystoles ventriculaires (janvier 1980) : bloc de branche gauche atypique avec axe QRS
vertical ; à noter aussi l’absence d’onde epsilon des complexes sinusaux
•ECG:normalàpartquelquesESVisolées
àmorphologiedeblocdebranchegauche
avecunaxeverticalà80°dansleplan
frontal
•Holtersur24heures:12279extrasys-
tolesventriculaires(ESV)monomorphes
•Echographietransthoracique:bombement
du feuillet mitral postérieur
•IRM:suspiciondedysplasieventriculaire
droite
Tableau 1. Résultats du bilan car-
diologique
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