critères de gravité. Il faut bien garder à l’esprit que la
présence d’ESV sur un ECG peut être le premier signe
d’une cardiopathie à risque de mort subite, plus
particulièrement une cardiomyopathie chez un sujet de
moins de 40 ans. Chez les militaires que leur entraînement
physique peut assimiler parfois à des sportifs de haut
niveau (chuteurs opérationnels, forces spéciales, pilotes
de chasse), cette question se double d’une interrogation
quant à la perspective d’une inaptitude à l’emploi. Ces
difficultés ont guidé la rédaction de recommandations
quant à l’aptitude à la compétition des athlètes porteurs
d’anomalies cardio-vasculaires. Elles reposent sur les
conclusions de la conférence de Bethesda (1). Dans les
armées, la découverte d’une pathologie modifie
également l’aptitude, pouvant restreindre l’activité de
l’intéressé à certains emplois.
Dans cette observation, le patient a développé une
CMH de découverte fortuite devant des ESV qui semblent
prendre naissance dans le VD et qui ne sont donc pas
obligatoirement liées à la maladie. Le diagnostic est donc
demeuré longtemps méconnu du fait des caractéristiques
électrocardiographiques des ESV, de l’absence de
symptomatologie clinique évocatrice mais surtout de la
quasi normalité du bilan para-clinique et de l’existence
concomitante d’une autre cause extracardiaque
d’hyperexcitabilité ventriculaire.
Chez le jeune, la CMH est la première cause de mort
subite (2), retrouvée lors de l'autopsie dans presque 30 %
des morts subites inexpliquées, sans qu'aucun symptôme
clinique ou anomalie électrocardiographique ne soit
apparu préalablement. L'hypertrophie asymétrique
septale, tranchant avec une paroi postéro-latérale du
ventricule gauche (VG) d’épaisseur normale ou
discrètement augmentée, est caractéristique de cette
pathologie, rencontrée chez 1 personne sur 500 dans la
population générale avec une expression clinique,
morphologique et génétique hétérogène (3). La
désorganisation structurelle myocardique et notamment
l’existence de plages de fibrose constituent un substrat
arythmogène. De découverte fréquente au cours de
l’adolescence après un épisode syncopal inaugural ou au
cours d’une enquête génétique familiale dans la fratrie
d’un patient porteur d’une CMH, la transmission se fait
sur un mode autosomique dominant. Néanmoins, très
évolutive dans le temps, cette pathologie se caractérise
par une pénétrance variable qui augmente avec l’âge et
conduit parfois à la découvrir seulement après 50 ans,
d'où l'importance du suivi des patients. Il peut aussi
exister des formes sporadiques et l’on a identifié
actuellement plus de 200 mutations (2, 3).
La recherche d’une symptomatologie d’effort
(palpitations, douleur thoracique, malaise, syncope…)
peut orienter vers le diagnostic, mais est rarement
présente dans les formes débutantes de la maladie.
L’examen physique recherche un souffle typiquement
systolique, maximal dans la région para-sternale gauche,
éjectionnel, irradiant peu, augmentant à l’orthostatisme,
au cours de la manœuvre de Valsalva et après une ESV.
Cependant il peut être strictement normal comme c’était
le cas dans cette observation.
L'ECG est perturbé dans 85 % à 90 % des cas, ce qui
explique la fréquence des formes asymptomatiques
découvertes à l'occasion d'un ECG systématique (2). Les
signes d’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) sont
les plus constants (82 % des cas), souvent associés à une
déviation axiale gauche. Des troubles de la repolarisation,
de la conduction, des ondes Q de pseudo-nécrose, des
ondes R anormalement élevées en DI (hypertrophie
septale) sont également souvent retrouvés (tab. I) (4).
L’absence d’anomalies ECG ne permet pas d’éliminer
pour autant le diagnostic de CMH, puisque près d’un
patient sur dix a un ECG normal, comme c’était le cas
dans cette observation (5).
L’ECG précise aussi les caractéristiques des ESV. Un
aspect de retard droit évoque des ESV provenant du VG
avec un caractère plus péjoratif. Un retard gauche est plus
en faveur d’ESV naissant dans le VD. De façon
surprenante dans cette observation, le patient présentait
des ESV type retard gauche avec un axe normal plutôt en
faveur d’ESV de type Rosenbaum et ayant un caractère
plutôt rassurant mais également compatibles avec
l’expression rythmique d’une dysplasie arythmogène du
VD (DAVD). La réalisation d’un Holter ECG et d’une
épreuve d’effort apporte des renseignements
complémentaires. L’existence d’un couplage court
(phénomène R/T) ou variable, un polymorphisme des
ESV et la majoration des ESV à l’effort participent à
définir des ESV complexes (6). L’existence d’un
bigéminisme ou d’un trigéminisme n’est pas un critère de
malignité. Même si les critères de Lown ont perdu de leur
intérêt dans la pratique courante, la survenue de doublets
ou de triplets revêt un caractère péjoratif qui doit faire
redouter la survenue d’un trouble du rythme ventriculaire.
Par opposition, des ESV monomorphes, sans forme
répétitive, à couplage long et disparaissant à l’effort sont
plutôt de bon pronostic. La fréquence des ESV ne
constitue pas un critère de caractérisation unanimement
admis : le nombre d’ESV par heure comporterait une
valeur pronostique seulement quand une cardiopathie
a été identifiée. La recherche de PTV contribue à évaluer
le risque de troubles du rythme ventriculaire et donc de
mort subite dans différentes affections telle que la
cardiopathie ischémique mais la prévalence des PTV est
faible dans la CMH. Dans cette observation, les ESV
avaient un profil rassurant hormis l’existence de formes
extrasystoles ventriculaires révélant une cardiomyopathie hypertrophique de présentation inhabituelle associée à une hyperthyroïdie 455
Ondes Q de pseudo-nécrose en inférieur
ou latéral (30 %), fines et profondes
(25 % de l’onde R)
Signes d’HVG (55 %): score de Romhilt-Estes
(SV1 ou V2 > 30 mm, RV5 ou V6 > 30 mm avec
troubles de repolarisation associés)
Ondes R anormalement amples en DI liées à
l’hypertrophie septale (40 %).
Troubles de la repolarisation (70 %): sous-
décalage du segment ST englobant l’onde T,
ondes T aplaties ou négatives
Tableau I. Principales anomalies ECG de la CMH (4).