Le donépézil maintenant couvert par des régimes d`assurance

2• La revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Février 2000
Au cours de la dernière décennie, les progrès scien-
tifiques ont permis d’améliorer beaucoup les méthodes
d’évaluation de l’innocuité et de l’efficacité des médica-
ments aptes à soulager les symptômes ou à ralentir le
déclin cognitif dans la maladie d’Alzheimer (MA).
La communauté médicale canadienne se réjouit de la
décision récente de certains gouvernements provinciaux
d’ajouter le donépézil à la liste des médicaments cou-
verts par leur régime d’assurance-médicaments.
L’Alberta vient tout juste d’adopter cette mesure,
rejoignant ainsi l’Ontario (la première à le faire) et le
Manitoba dans cette démarche. C’est une étape mar-
quante de la bataille que les médecins livrent chaque jour
contre la MA, cette maladie neurodégénérative évolutive
qui motive la publication de notre revue.
Lors du lancement du donépézil il y a deux ans,
patients, aidants et médecins entretenaient de grands
espoirs à son sujet. Bien sûr, dans certains milieux, ces
attentes étaient irréalistes, ce qui n’a pas manqué d’en-
traîner des déceptions. Les réactions initiales ont toute-
fois été favorables. L’expérience clinique accumulée à ce
jour permet de croire qu’environ 80 % des patients
traités par ce médicament présentent des effets béné-
fiques. Dans 30 % des cas, environ, les aidants remar-
quent des bienfaits immédiats, souvent dans les quatre à
six semaines suivant le début du traitement. Les aspects
de la fonction cognitive les plus susceptibles de réagir
aux médicaments sont la vigilance, l’attention ou l’acti-
vation ainsi que les troubles de la parole et du langage et
l’autonomie fonctionnelle. Ces bienfaits thérapeutiques
devront certainement être évalués de façon plus appro-
fondie. Les autres patients qui présentent des effets béné-
fiques du traitement sont ceux dont la détérioration de la
fonction cognitive est ralentie par le traitement.
Néanmoins, le donépézil n’est pas une panacée puisque
près de 20 % des patients atteints de la maladie
d’Alzheimer présentent des effets indésirables ou ne
répondent pas au traitement. Les principaux avantages
du donépézil demeurent sa posologie simple (pas de
titrage des doses) et le degré élevé de tolérance des
patients.
Soulignons aussi que le donépézil a produit d’autres
effets thérapeutiques inattendus. L’étude de Cummings
et coll. a montré que le donépézil avait produit des effets
favorables sur certaines caractéristiques du comporte-
ment, particulièrement les hallucinations visuelles,
l’apathie et l’errance chez les patients des établissements
de soins de longue durée. Nous attendons avec impa-
tience la divulgation des résultats d’une étude cana-
dienne qui vient de prendre fin et qui a été menée auprès
de patients atteints de la MA à un stade plus avancé. Des
études de phase III sont en cours pour évaluer les effets
du médicament sur la démence vasculaire, et les
recherches se poursuivent sur de nombreux agents des-
tinés à traiter la démence vasculaire. Dans le passé, les
chercheurs admettaient probablement dans les études
EDITORIAL
Le donépézil maintenant
couvert par des régimes
d’assurance-médicaments
provinciaux
par Peter N. McCracken, M.D., FRCPC
Les aspects de la fonction cognitive les
plus susceptibles de réagir au traite-
ment sont la vigilance, l’attention ou
l’activation ainsi que les troubles de la
parole et du langage et l’autonomie
fonctionnelle.
La communauté médicale canadienne est heureuse d’apprendre que des gouvernements provin-
ciaux ont décidé d’inclure le donépézil sur la liste des médicaments couverts par leur régime d’as-
surance-médicaments. C’est une étape marquante dans la bataille que nous livrons présentement
contre la maladie d’Alzheimer, la maladie neurodégénérative évolutive qui motive la publication
de notre revue.
La revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Février 2000 • 3
Callout callout callout
cliniques des patients dont la démence présentait une
composante cérébrovasculaire. On considérait, en effet,
les lésions lacunaires ou lésions ischémiques comme des
lésions dites « silencieuses » ou asymptomatiques. Parce
que, dans la MA et dans la démence vasculaire, le
dernier stade de l’évolution de la pathologie du cortex
cérébral se ressemble sur certains points, les agents
cholinergiques pourraient être utiles pour améliorer la
fonction cognitive dans ces deux maladies, car ils sti-
muleraient les neurones sains et les neurones partielle-
ment atteints. On espère, en effet, que les altérations de
la matière blanche profonde attribuables à la démence
vasculaire et entraînant une aboulie, une faible motiva-
tion, l’absence de spontanéité ou un affect émoussé
pourraient être corrigés par les inhibiteurs de l’acétyl-
cholinestérase, par exemple, le donépézil. En Amérique
du Nord, les chercheurs de l’Alzheimer’s Disease
Cooperative Group et de l’Université de la Californie, à
San Diego, mènent une étude de grande envergure pour
évaluer les effets d’un placebo, de la vitamine E et du
donépézil sur l’évolution des infarctus cérébraux multi-
ples vers une démence de type Alzheimer pouvant être
diagnostiquée. Qui aurait pu penser à des applications
thérapeutiques aussi diverses?
En attendant, les médecins doivent résister à la tenta-
tion de prescrire le donépézil pour traiter la démence
vasculaire ou les troubles cognitifs bénins tant que les
résultats n’auront pas démontré son utilité dans ces indi-
cations. De même, les anti-inflammatoires non stéroï-
diens ne devraient pas être prescrits pour traiter la MA.
Des études cliniques sont en cours pour évaluer l’in-
nocuité et l’efficacité des inhibiteurs de la COX 2.
D’autres études devraient nous renseigner sur la valeur
d’un traitement combinant le donépézil et les œstrogènes
chez des femmes postménopausées atteintes de la MA.
Un jour, d’autres inhibiteurs de la cholinestérase
s’ajouteront à la gamme des options de traitement.
Nos espoirs sont modestes quant au retour des modu-
lateurs des cellules gliales comme traitement stabilisa-
teur. Des études cliniques de phase II sur les analogues
de la neurotropine sont une autre source d’espoir. Les
spécialistes et les médecins de famille reprennent
courage lorsqu’ils pensent aux progrès remarquables de
la thérapeutique. Nous demandons instamment aux
autres gouvernements provinciaux d’imiter le Manitoba,
l’Alberta et l’Ontario. La MA est trop fréquente et trop
dévastatrice pour que l’accès au traitement soit restreint
aux seules personnes qui en ont les moyens financiers.
Peter N. McCracken.
Nous demandons instamment aux
autres gouvernements provinciaux
d’imiter le Manitoba, l’Alberta et
l’Ontario. La MA est trop fréquente et
trop dévastatrice pour restreindre l’ac-
cès au traitement aux seules personnes
qui en ont les moyens financiers.
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