E D I T O R I A L Le donépézil maintenant couvert par des régimes d’assurance-médicaments provinciaux par Peter N. McCracken, M.D., FRCPC La communauté médicale canadienne est heureuse d’apprendre que des gouvernements provinciaux ont décidé d’inclure le donépézil sur la liste des médicaments couverts par leur régime d’assurance-médicaments. C’est une étape marquante dans la bataille que nous livrons présentement contre la maladie d’Alzheimer, la maladie neurodégénérative évolutive qui motive la publication de notre revue. Au cours de la dernière décennie, les progrès scientifiques ont permis d’améliorer beaucoup les méthodes d’évaluation de l’innocuité et de l’efficacité des médicaments aptes à soulager les symptômes ou à ralentir le déclin cognitif dans la maladie d’Alzheimer (MA). La communauté médicale canadienne se réjouit de la décision récente de certains gouvernements provinciaux d’ajouter le donépézil à la liste des médicaments couverts par leur régime d’assurance-médicaments. L’Alberta vient tout juste d’adopter cette mesure, rejoignant ainsi l’Ontario (la première à le faire) et le Manitoba dans cette démarche. C’est une étape mar- Les aspects de la fonction cognitive les plus susceptibles de réagir au traitement sont la vigilance, l’attention ou l’activation ainsi que les troubles de la parole et du langage et l’autonomie fonctionnelle. quante de la bataille que les médecins livrent chaque jour contre la MA, cette maladie neurodégénérative évolutive qui motive la publication de notre revue. Lors du lancement du donépézil il y a deux ans, patients, aidants et médecins entretenaient de grands espoirs à son sujet. Bien sûr, dans certains milieux, ces attentes étaient irréalistes, ce qui n’a pas manqué d’entraîner des déceptions. Les réactions initiales ont toutefois été favorables. L’expérience clinique accumulée à ce jour permet de croire qu’environ 80 % des patients traités par ce médicament présentent des effets bénéfiques. Dans 30 % des cas, environ, les aidants remarquent des bienfaits immédiats, souvent dans les quatre à six semaines suivant le début du traitement. Les aspects de la fonction cognitive les plus susceptibles de réagir aux médicaments sont la vigilance, l’attention ou l’activation ainsi que les troubles de la parole et du langage et l’autonomie fonctionnelle. Ces bienfaits thérapeutiques devront certainement être évalués de façon plus approfondie. Les autres patients qui présentent des effets bénéfiques du traitement sont ceux dont la détérioration de la fonction cognitive est ralentie par le traitement. Néanmoins, le donépézil n’est pas une panacée puisque près de 20 % des patients atteints de la maladie d’Alzheimer présentent des effets indésirables ou ne répondent pas au traitement. Les principaux avantages du donépézil demeurent sa posologie simple (pas de titrage des doses) et le degré élevé de tolérance des patients. Soulignons aussi que le donépézil a produit d’autres effets thérapeutiques inattendus. L’étude de Cummings et coll. a montré que le donépézil avait produit des effets favorables sur certaines caractéristiques du comportement, particulièrement les hallucinations visuelles, l’apathie et l’errance chez les patients des établissements de soins de longue durée. Nous attendons avec impatience la divulgation des résultats d’une étude canadienne qui vient de prendre fin et qui a été menée auprès de patients atteints de la MA à un stade plus avancé. Des études de phase III sont en cours pour évaluer les effets du médicament sur la démence vasculaire, et les recherches se poursuivent sur de nombreux agents destinés à traiter la démence vasculaire. Dans le passé, les chercheurs admettaient probablement dans les études 2 • La revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Février 2000 cliniques descallout patients dont la démence présentait une allout callout composante cérébrovasculaire. On considérait, en effet, les lésions lacunaires ou lésions ischémiques comme des lésions dites « silencieuses » ou asymptomatiques. Parce que, dans la MA et dans la démence vasculaire, le dernier stade de l’évolution de la pathologie du cortex cérébral se ressemble sur certains points, les agents cholinergiques pourraient être utiles pour améliorer la fonction cognitive dans ces deux maladies, car ils stimuleraient les neurones sains et les neurones partiellement atteints. On espère, en effet, que les altérations de la matière blanche profonde attribuables à la démence vasculaire et entraînant une aboulie, une faible motivation, l’absence de spontanéité ou un affect émoussé pourraient être corrigés par les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase, par exemple, le donépézil. En Amérique du Nord, les chercheurs de l’Alzheimer’s Disease Cooperative Group et de l’Université de la Californie, à San Diego, mènent une étude de grande envergure pour évaluer les effets d’un placebo, de la vitamine E et du donépézil sur l’évolution des infarctus cérébraux multiples vers une démence de type Alzheimer pouvant être diagnostiquée. Qui aurait pu penser à des applications thérapeutiques aussi diverses? En attendant, les médecins doivent résister à la tentation de prescrire le donépézil pour traiter la démence vasculaire ou les troubles cognitifs bénins tant que les résultats n’auront pas démontré son utilité dans ces indications. De même, les anti-inflammatoires non stéroïdiens ne devraient pas être prescrits pour traiter la MA. Des études cliniques sont en cours pour évaluer l’innocuité et l’efficacité des inhibiteurs de la COX 2. D’autres études devraient nous renseigner sur la valeur d’un traitement combinant le donépézil et les œstrogènes C chez des femmes postménopausées atteintes de la MA. Un jour, d’autres inhibiteurs de la cholinestérase s’ajouteront à la gamme des options de traitement. Nos espoirs sont modestes quant au retour des modulateurs des cellules gliales comme traitement stabilisateur. Des études cliniques de phase II sur les analogues de la neurotropine sont une autre source d’espoir. Les spécialistes et les médecins de famille reprennent Nous demandons instamment aux autres gouvernements provinciaux d’imiter le Manitoba, l’Alberta et l’Ontario. La MA est trop fréquente et trop dévastatrice pour restreindre l’accès au traitement aux seules personnes qui en ont les moyens financiers. courage lorsqu’ils pensent aux progrès remarquables de la thérapeutique. Nous demandons instamment aux autres gouvernements provinciaux d’imiter le Manitoba, l’Alberta et l’Ontario. La MA est trop fréquente et trop dévastatrice pour que l’accès au traitement soit restreint aux seules personnes qui en ont les moyens financiers. Peter N. McCracken. La revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Février 2000 • 3