Cours et exercices - LAMFA - Université de Picardie Jules Verne

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S4 Maths 2011-2012
Probabilités 1
Espaces probabilisés
Université de Picardie Jules Verne
UFR des Sciences
2011-2012
Licence mention Mathématiques - Semestre 4
Probabilités 1
Espaces Probabilisés
Le but de ce chapitre est de proposer un modèle mathématique permettant de décrire une expérience
aléatoire.
1 - La notion d’événement ; algèbre des événements.
1.1. La notion d’événement.
Pour construire un modèle probabiliste d’un phénomène aléatoire, il convient d’abord de se donner un
ensemble des éventualités adapté au problème. On adopte la définition suivante.
Définition.
Soit E une expérience aléatoire, i.e. une expérience susceptible d’être répétée dans les mêmes conditions
mais dont le résultat n’est pas prévisible (du ”au hasard”). On appelle ensemble fondamental ou univers
associé à E l’ensemble noté de tous les résultats possibles (a priori) ou éventualités de E. On désignera par
toute éventualité, c’est-à-dire tout élément de .
Remarque.
La notion de ”résultat” n’est pas clairement définie ; en fait, c’est l’expérimentateur qui fixe lui-même ce
qui mérite le nom de ”résultat” en fonction de ses préoccupations. C’est pourquoi il n’y a pas unicité dans le
choix de .
Exemple 1. E : ”lancer d’un dé cubique (faces numérotées de 1 à 6)”.
1, 2, 3, 4, 5, 6 si l’on s’intéresse au numéro obtenu, ou
0, 1 si l’on
On peut prendre
s’intéresse seulement à la parité du numéro obtenu.
Exemple 2. E : ”lancer deux dés cubiques discernables (faces numérotées de 1 à 6)”.
1, 2, 3, 4, 5, 6 2
arrangements avec répétition d’ordre 2 de 1, 2, 3, 4, 5, 6
si l’on s’intéresse
aux numéros obtenus, ou
2, 3, , 12 si l’on s’intéresse à la somme des deux numéros obtenus.
Exemple 3. E : ”tirer une main de 8 cartes dans un jeu de 32 cartes”.
combinaisons de 8 cartes prises parmi 32 .
Remarque. L’ensemble
n’est pas nécessairement un ensemble fini.
Exemple 4. E : ”on lance une pièce jusqu’à obtenir 1 fois Pile”.
Si l’on appelle ”résultat” le nombre de lancers nécessaires, alors
.
Exemple 5. E : ”on tire une balle sur une cible de diamètre 1m”.
Si l’on appelle ”résultat” :
2
- le point d’impact de la balle sur le plan de la cible :
x, y
/ x2
- la distance du point d’impact au centre de la cible :
0, 1 ;
2
- le gain éventuel, la cible étant divisée en 5 zones :
0, 5, 10, 20, 30 .
y2
1
4
;
Définition.
Soit E une expérience aléatoire et un univers associé. On appelle événement lié à E toute assertion ou
proposition logique dont on peut dire qu’elle est vraie ou non une fois l’expérience E réalisée (i.e. pour toute
éventualité
).
On dit qu’un événement est réalisé si l’assertion qui le définit est vraie.
pour lesquels il est réalisé :
On convient alors d’identifier un tel événement au sous-ensemble des
un événement lié à E est alors une partie de .
Ainsi, lorsque est le résultat d’une expérience aléatoire E et A est un événement, on a
A est réalisé
A
Stéphane Ducay
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Espaces probabilisés
Reprenons l’exemple 2.
E : ”lancer de deux dés ”.
1, 2, 3, 4, 5, 6 2
x, y / x, y
1, 2, 3, 4, 5, 6 .
Considérons l’événement A : ”la somme des points obtenus est supérieure ou égale à 10”. L’événement A
est identifié au sous-ensemble de suivant, noté encore A :
4, 6 , 5, 5 , 5, 6 , 6, 4 , 6, 5 , 6, 6 .
A
De même, les événements B : ”la somme des points obtenus est égale à 3” et C : ”le produit des points
obtenus est égal à 2” sont B
1, 2 , 2, 1 et C
1, 2 , 2, 1 . On remarque que ces événements B et
C, apparament différents, correspondent à la même partie de . On confondra donc B et C, et on écrira
B C.
Définitions.
Soit un univers associé à une expérience aléatoire E. Alors, pour tout
,
est un événement
appelé événement élémentaire. De plus, est appelé événement certain et est appelé événement impossible.
1.2. Algèbre des événements.
D’après ce qui précède, tout événement est une partie de . Réciproquement, toute partie de est-elle un
événement ? Pour aborder cette question, supposons que l’ensemble des événements est un ensemble A de
parties de (i.e. A P
), dont nous allons définir les propriétés en nous référant à des besoins usuels.
Si A et B sont deux événements liés à une expérience aléatoire E, il est naturel de considérer la
non-réalisation de A (ou événement contraire de A), la réalisation simultanée de A et B, ou encore la
réalisation de l’un au moins des événements A ou B. La définition d’événement comme partie de conduit à
:
- l’événement contraire de A est l’événement A C A ;
- la réalisation simultanée de A et B est l’événement A B ;
- la réalisation de l’un au moins des événements A ou B est l’événement A B.
Reprenons l’exemple 1.
E : ”lancer de un dé ”.
1, 2, 3, 4, 5, 6 .
Les événements A : ”on obtient un nombre pair” et B : ”on obtient un multiple de 3” sont A
2, 4, 6 et
B
3, 6 . Les événements A B : ”on obtient un multiple pair de 3” et A B : ”on obtient un nombre pair
ou un multiple de 3” sont alors A B
6 et A B
2, 3, 4, 6 .
Plus généralement, si A n n est une suite infinie d’événements, on peut également être amené à
A n (l’un au moins des
considérer les événements A n (tous les événements A n sont réalisés) et
n
n
événements A n est réalisé).
Exemple 6.
E : ”lancer une pièce de monnaie une infinité de fois”.
Considérons l’événement A : ”obtenir ”pile” à chaque lancer”.
Un choix naturel d’univers associé à E est celui de l’ensemble des suites infinies formées de P et de F.
On a donc
P, F
un n / un
P, F . Considérant la suite infinie d’événements
A n : ”obtenir ”pile” au n-ième lancer”, on a A
P, P, , P,
An.
n
Ces considérations nous amènent à la définition suivante.
Définition.
Soit un ensemble quelconque. On appelle tribu (ou -algèbre) sur toute partie A de P
i
A
ii A A, A A (stabilité par passage au complémentaire)
iii pour toute suite A n
n
d’éléments de A,
telle que :
A n est encore un élément de A
n
(stabilité par réunion dénombrable).
Stéphane Ducay
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Probabilités 1
Propriétés.
Soit A une tribu sur . Alors :
i
A
ii Pour toute suite A n n d’éléments de A,
A n est encore un élément de A
n
(stabilité par intersection dénombrable)
iii Si A 1 ,
, A n sont n éléments de A (n
Espaces probabilisés
n
2), alors
n
Ai
A et
i 1
iv
v
A, B
A, B
Ai
A
i 1
A A, A B A
A A, A B A (stabilité par différence symétrique)
Corollaire.
Soit un ensemble. Alors :
i
,
est une tribu sur , appelée tribu grossière sur .
ii P
est une tribu sur .
iii pour toute partie propre A de , , A, A,
est une tribu sur
.
Si est un univers associé à une expérience aléatoire E, les conditions imposées aux événements liés à E
font que ces derniers constituent une tribu A sur .
Il faut noter que la tribu A des événements liés à E contient tous les singletons de (événements
élémentaires).
Proposition
Soit E une expérience aléatoire dont l’univers considéré est fini ou infini dénombrable. Alors on
pour tribu des événements liés à E.
prendra A P
Remarque.
Si est infini non-dénombrable, alors on ne choisira pas pour tribu P
(cette question n’est pas
étudiée ici) mais la plus petite tribu A contenant une certaine classe de parties de . Par exemple, si
on prendra la tribu borélienne B (strictement incluse dans P ) qui contient tous les intervalles de .
,
1.3. Espaces probabilisables.
Définitions.
Un espace probabilisable est un couple , A où est un ensemble quelconque et A une tribu sur .
Si est un univers associé à une expérience aléatoire E, l’espace probabilisable , A est alors dit lié à
l’expérience aléatoire E.
Définitions.
Soit , A un espace probabilisable lié à une expérience aléatoire E..
i Les éléments de A sont appelés événements.
ii Soient A, B A. On dit que l’événement A entraine (ou implique) l’événement B si A B.
iii Soient A, B A. On dit que A et B sont incompatibles (ou disjoints) si A B
.
iv On appelle système complet d’événements toute partition finie ou dénombrable de formée
d’éléments de A, i.e. toute famille A i i I d’éléments de A deux à deux incompatibles (A i A j
pour
i j) et dont la réunion est (
A i ).
i I
Exemples.
a) Reprenons l’exemple 2. Considérons les événements suivants : A : la somme des deux dés est
supérieure ou égale à 10, B : l’un des deux dés est supérieur ou égal à 4, C : l’un des deux dés est inférieur à
2. Alors A B et A C
.
b) Soit A A. A, A est un système complet fini d’événements.
.
est un système complet dénombrable d’événements.
c) Soit
n, n
n , n
Pour conclure, voici un tableau comparatif des vocabulaires ensembliste et probabiliste.
Stéphane Ducay
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Notations
A
Vocabulaire ensembliste
Vocabulaire probabiliste
ensemble vide
événement impossible
ensemble plein
événement certain
singleton de
événement élémentaire
sous-ensemble de
événement
A
A
Espaces probabilisés
appartient à
complémentaire de A dans
le résultat
est une
réalisation possible de A
événement contraire de A
A
B
réunion de A et B
A ou B
A
B
intersection de A et B
A et B
A et B sont disjoints
A et B sont incompatibles
A est inclus dans B
A implique B
A
B
A
B
2 - La notion de probabilité.
2.1. Introduction - Approche par les fréquences.
On rencontre constamment dans la vie courante la notion de probabilité d’un événement. Elle est parfois
purement subjective, mais elle apparaît souvent sous une forme mathématique relativement précise.
Dans le jeu du pile ou face, il est naturel de dire que l’apparition de ”pile” a la probabilité 1/2. Cela
provient d’abord d’une intuition d’égalité de chance d’apparition des deux faces. Plus quantitativement, si
l’on répète un grand nombre de fois l’expérience qui consiste à jeter la pièce, on s’attend à trouver à peu près
autant de ”pile” que de ”face”, ce qui donne à la fréquence d’apparition de "pile" (fraction nombre de ”pile”
sur nombre d’expériences) une valeur voisine de 1/2.
On ne peut démontrer ce résultat expérimental mais le but de la théorie des probabilités est de construire
des modèles mathématiques qui traduisent ce genre de phénomènes sous une forme logique de telle sorte que,
si une expérience est en accord avec les hypothèses mathématiques, ses résultats puissent être prévus par la
théorie.
Généralisons l’exemple précédent. On effectue n expériences aléatoires identiques et ”indépendantes”.
On note n A le nombre de réalisations d’un événement A donné au cours de ces n expériences. On considère un
autre événement B.
n A la fréquence statistique de l’événement A, f celle de B. On a :
Soit f A
B
n
i fA
0, 1 et f B
0, 1 .
n
ii si A est l’événement certain, alors n A n, et donc f A
1.
n
nA B
nA nB
iii si A et B sont incompatibles, alors n A B n A n B , et donc f A B
fA fB.
n
n
n A se stabiliser autour d’une valeur
Lorsque n tend vers l’infini, on s’attend aussi à voir f A
limite,
qui
n
sera la probabilité de A. .
Cette approche de probabilité comme limite de fréquence conduit naturellement à la définition suivante.
Définition.
Soit , A un espace probabilisable fini. On appelle probabilité sur , A toute application P de A
dans 0, 1 telle que :
i P
1
ii Si A et B sont deux événements incompatibles, alors P A B
P A P B (additivité de P).
Le triplet , A, P est appelé espace probabilisé.
Pour des raisons déjà rencontrées (répétition infinie d’expériences aléatoires), on doit étendre la propriété
ii à une famille dénombrable d’événements deux à deux incompatibles. Cette propriété de -additivité fait
qu’une probabilité est une mesure à valeurs dans 0, 1 .
Stéphane Ducay
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Espaces probabilisés
2.2. Définition et propriétés d’une probabilité.
Définitions.
Soit , A un espace probabilisable. On appelle probabilité sur , A toute application P de A dans
0, 1 telle que :
i P
1
ii Pour toute suite A n n d’événements deux à deux incompatibles, on a
P
An
P An
n
( -additivité de P)
n
Le triplet , A, P est appelé espace probabilisé.
Si , A un espace probabilisable lié à une expérience aléatoire E, et si P est une probabilité sur
alors , A, P est appelé espace probabilisé associé à l’expérience aléatoire E.
,A ,
Remarques.
a) Une probabilité P sur un espace probabilisable n’est pas unique.
b) De façon générale, toute étude probabiliste d’une expérience aléatoire devrait commencer par la
recherche d’un espace probabilisé lié à cette expérience. Comme plusieurs espaces probabilisés peuvent
parfois la décrire, on peut obtenir des résultats numériques différents.
c) Il est parfois possible de résoudre certains problèmes sans connaître l’univers . Il sera quand même
nécessaire de connaître P, au moins pour un certains nombres d’événements.
Propriétés.
Soit P une probabilité sur un espace probabilisable
i P
0.
,A .
n
n
ii Si A 1 ,
, A n sont n (n
2) événements 2 à 2 incompatibles, alors P
An
P Ai .
i 1
iii
iv
v
vi
i 1
En particulier, si A et B sont deux événements incompatibles, alors P A
A A, P A
1 PA .
A, B A, P B A
PB PA B .
A, B A, A B
PB A
P B P A et P A
PB .
A, B A, P A B
PA PB PA B .
B
PA
PB .
Cas d’un espace probabilisable , A fini ou infini dénombrable.
Posons
I , avec I
et p i P
. On a A P
.
i, i
i
Pour tout événement A
,j j J
avec
J
I,
on a
j
j J
A
PA
P
P
j
j J
De plus, 1
P
P
P
i
pi
étant 2 à 2 incompatibles.
pi.
i
i I
i,
j
j J
i I
Une probabilité P sur
p j , les
j
j J
i
I
P
i I
est donc définie par la donnée des nombres
, avec p i 0 et p i 1.
i
i I
On parle aussi de distribution de probabilité.
Exemple fondamental de l’équiprobabilité.
Soit , A un espace probabilisable fini, i.e.
sur
1,
, A . Tout événement A peut s’écrire A
2,
,
n
et A
, et on a P A
P
A
Si l’on suppose qu’aucun événement élémentaire
dit qu’il y a équiprobabilité (les p i sont égaux) et on a :
i
1,
, n, p i
P
. Soit P une probabilité
n
. De plus,
A
pi
1.
i 1
n’a plus de chance de se réaliser que les autres, on
i
P
i
1.
n
1
cardA 1
n
n.
A
La probabilité P est alors définie de façon unique, comme l’indique le résultat suivant :
On a donc P A
Stéphane Ducay
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Théorème.
un espace probabilisable fini. L’hypothèse d’équiprobabilité définit sur cet espace une
Soit , P
unique probabilité P donnée par :
nombre de résultats favorables à A
cardA
A P
,P A
card
nombre de résultats possibles
Les calculs avec une telle probabilité se ramènent alors à des problèmes de dénombrement.
Remarque.
Il n’est pas possible de définir l’équiprobabilité si est infini dénombrable. Mais on peut choisir d’autres
k
distributions de probabilité. Par exemple pour
, la distribution de Poisson : k
, pk e
.
k!
2.3. D’autres propriétés d’une probabilité.
Formule de Poincaré (ou formule du crible).
Soit P une probabilité sur un espace probabilisable , A .
i Pour tous A 1 , A 2 , A 3 A,
P A1
P A2
P A3
P A1 A2
P A1
P A1 A2 A3
n
n
ii Pour tous A 1 ,
A, avec n
, An
2, P
Ai
1
i 1
k 1
A3
P A2
S k , avec S k
A3
P A1
P
k 1
A2
A3
Ai ,
i Ik n
Ik n
où I k n est une partie quelconque de cardinal k de 1, 2, . . . , n .
Preuve.
i On a A 1 A 2 A 3 A 1
A 2 A 3 , donc en appliquant la propriété vi précédente,
on a P A 1 A 2 A 3
P A1
P A2 A3
P A1
A2 A3 .
De plus, P A 2 A 3
P A2
P A3
P A2 A3 .
et P A 1
A2 A3
P A1 A2
A1 A3
P A1 A2
P A1 A3
P A1 A2 A3 .
D’où le résultat.
ii La démonstration se fait par récurrence sur n. La propriété est vraie au rang n 2 (et n 3 au i ).
Supposons qu’elle soit vraie à un rang n 2 fixé. Alors :
n 1
P
n
Ai
P
n
Ai
i 1
An
P
1
i 1
n
Ai
1
i 1
k 1
n
n
et P
Ai
i 1
n 1
An
k 1
n
k 1
P
Ai
P
k
k 2
Ai
1
Ai
i Ik
n
1
An
Ai
i 1
où I k n
An
1
n 1
ii Si A n
Ai
An
1
1
n
P Ai
i 1
1
k 1
P A1 . . . An
n
Stéphane Ducay
Ai
i Ik n
An
1
1
n 1
P A1 . . . An
k 1
1
k 1
k 2
S k , avec S k
P
1
.
1
.
i Ik n 1
Ik n 1
P
Ik n 1
1 nP A1 . . . An
Ai
Ai ,
i Ik n 1
1 est une partie quelconque de cardinal k de 1, 2, . . . , n
n
P
Ik n
i Ik n
Ik n
Théorème.
Soit P une probabilité sur un espace probabilisable
i Si A n
P
1
k 1
k 2
k 1
1
1
1
1
i 1
k 1
n 1
Ai
i 1
n 1
n 1
P Ai
i Ik n
n
An
n
n 1
On en déduit que P
Ainsi, P
Ai
i 1
n
i Ik n
P
Ik
1
Ai
Ik n
P
1
Ik n
1
P
n
k 1
i 1
1
P An
i 1
n
Par hypothèse, P
n
Ai
1 .
,A .
est une suite croissante d’événements ( n
, An
A n 1 ), alors P
An
lim P A n .
n
n
est une suite décroissante d’événements ( n
, An
1
A n ), alors P
An
n
lim P A n .
n
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Espaces probabilisés
Preuve.
i Supposons que n
, An
A n 1 . On a alors : n
, P An
P An 1
1. La suite P A n n
est ainsi croissante et majorée (par 1) donc convergente ; ce qui prouve l’existence de nlim P A n .
Posons B 0 A 0 , et pour n
, B n A n A n 1 . Ainsi, B n n est une suite d’événements deux à
n
n
deux incompatibles telle que A n
B i et
An
P
n
Bn
B n . Par conséquent, P A n
n
i 0
P
An
n
P B n . On a alors
n
n 0
ii Supposons que A n
n
P Bn
n 0
An
n
An
P
An
1
P
An
1
n
P An
n
n
est une suite
An
n
donc P
lim P A n , d’où le résultat.
n
lim P A n .
n
n
P Bi
i 0
soit une suite décroissante d’événements. Alors A n
n
croissante d’événements donc d’après i , P
Or P
lim
n
P B i et
i 0
n
lim P A n
lim 1
n
n
lim P A n .
Reprenons l’exemple 6 du paragraphe 1.2.
Posons A : ”obtenir ”pile” à chaque lancer” et A n : ”obtenir ”pile” aux n premiers lancers”. Remarquons
1 .
d’abord que A n n est une suite décroissante d’événements et que A
A n . D’autre part, P A n
n
2
n
P
An
lim P A n
lim 1n
0.
On en déduit que P A
n
n
2
n
L’événement A a donc une probabilité nulle, alors que A
. (Rappelons que P
0).
De façon analogue, on pourrait avoir P A
suivantes.
1 avec A
. Ceci conduit à adopter les définitions
Définitions.
i On dit qu’un événement A est quasi impossible si P A
0.
ii On dit qu’un événement A est quasi certain si P A
1.
iii On appelle système quasi complet d’événements toute famille dénombrable d’événements deux à
deux incompatibles et dont la réunion est un événement quasi-certain.
Pour terminer ce paragraphe, nous énonçons d’autres propriétés dont la démonstration est laissée au soin
du lecteur.
Proposition.
Soit P une probabilité sur un espace probabilisable
i Pour tous A, B, A, P A B
PA PB .
,A .
n
n
ii Pour tous A 1 ,
A, avec n
, An
2, P
Ai
P Ai .
i 1
iii Pour toute suite A n
n
i 1
d’éléments de A, P
An
P An .
n
n
Proposition. (Inégalité de Bonferroni)
Soit P une probabilité sur un espace probabilisable , A .
i Pour tous A, B, A, P A B
P A P B 1.
n
n
ii Pour tous A 1 ,
, An
A, avec n
2, P
Ai
i 1
P Ai
n
1 .
i 1
3 - Les schémas d’urne.
De nombreuses situations aléatoires peuvent s’interpréter par un ”schéma d’urne”, i.e. par des tirages dans
une urne contenant des boules de différentes couleurs en proportion connues. Par exemple, les boules
”représentent” les individus d’une population et les couleurs des caractéristiques des individus.
Stéphane Ducay
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Espaces probabilisés
3.1. Urne à 2 catégories.
Considérons une urne contenant N boules indiscernables au toucher, dont N 1 sont blanches et N 2 sont
N1
N2
noires ; il y a donc une proportion p 1
de boules blanches et p 2
1 p 1 de boules noires. On
N
N
considère l’expérience aléatoire E : ”extraire n boules de l’urne”. On cherche à calculer la probabilité
d’obtenir exactement k boules blanches. Pour se faire, il faut distinguer les différents modes de tirage
possibles.
3.1.1. Tirages successifs avec remise.
Pour ce mode de tirage, n peut prendre n’importe quelle valeur entière positive.
Si l’on suppose que les boules d’une même couleur sont numérotées, on peut associer à l’expérience
aléatoire E l’univers :
arrangements avec répétition d’ordre n de l’ensemble des N boules .
Comme card
N n est fini, la tribu des événements est A P
.
On considère naturellement sur , A l’équiprobabilité P.
Soit l’événement A k : ”obtenir exactement k boules blanches”, 0 k n.
Il y a C kn choix possibles pour les positions des k boules blanches ; les positions des n k boules noires
étant ainsi déterminées. Il y a alors N k1 choix des boules blanches et N n2 k choix des boules noires. On a donc
C kn N k1 N n2 k
cardA k C kn N k1 N n2 k et k P A k
.
Nn n k
k
N2
C kn p k1 1 p 1 n k , 0 k n.
On en déduit que k C kn N 1
N
N
Cette ”loi de probabilité” est appelée loi Binomiale de paramètres n, p 1 .
3.1.2. Tirages successifs sans remise.
Pour ce mode de tirage, on doit avoir 0 n N. On choisit alors :
arrangements (sans répétition) d’ordre n de l’ensemble des N boules ;
, car card
A nN est fini ;
-A P
- P l’équiprobabilité sur , A .
Le nombre k de boules blanches obtenues est compris entre max 0, n N 2 et min n, N 1 .
Il y a C kn choix possibles pour les positions des k boules blanches ; les positions des n k boules noires étant
ainsi déterminées. Il y a alors A kN 1 choix des boules blanches et A nN 2k A nN kN 1 choix des boules noires.
C kn A kN 1 A nN kN 1
On a donc k P A k
, max 0, n N 2
k min n, N 1 .
A nN
3.1.3. Tirages simultanés (ou par poignées).
Pour ce mode de tirage, on doit avoir 0 n N. On choisit alors :
combinaisons (sans répétition) d’ordre n de l’ensemble des N boules ;
-A P
, car card
C nN est fini ;
- P l’équiprobabilité sur , A .
Le nombre k de boules blanches obtenues est compris entre max 0, n N 2 et min n, N 1 .
Il y a C kN 1 choix des boules blanches et C nN 2k C nN kN 1 choix des boules noires.
C kN 1 C nN kN 1
On a donc k P A k
, max 0, n N 2
k min n, N 1 .
C nN
Remarque.
Pour tout k tel que 0 k n, on a :
A kN 1 A nN kN 1
C kn A kN 1 A nN kN 1
A kN 1 A nN kN 1
C kN 1 C nN kN 1
k! n k !
n!
k
k.
n
n
n
AN
AN
AN
C nN
k! n k !
n!
Il y a donc équivalence entre tirages successifs sans remise et tirages simultanés.
Cette ”loi de probabilité” est appelée loi Hypergéométrique de paramètres N, n, p 1
Stéphane Ducay
N1
N
.
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3.2. Urne à l catégories, l
Probabilités 1
Espaces probabilisés
2.
Considérons une urne contenant N boules indiscernables au toucher, dont N 1 sont de couleur 1, N 2 de
couleur 2, ... , N l de couleur l (on a donc N N 1 N 2
N l ). Pour tout i 1, . . . , l, la proportion de
Ni
boules de couleur i est p i
. On considère l’expérience aléatoire E : ”extraire n boules de l’urne”. On
N
cherche à calculer la probabilité d’obtenir exactement et en même temps k i boules de couleur i, 1 i l,
l
avec
ki
n.
i 1
3.2.1. Tirages successifs avec remise.
On considère le même espace probabilisé qu’au 1.1.
Soit l’événement A k 1 ,...,k l 1 ; ”obtenir exactement k i boules de couleur i, 1 i l”.
Choisir les positions pour les k i boules de couleur i, 1 i l, revient à choisir une permutation avec
répétition de la combinaison avec répétition C 1 , . . . C 1 , C 2 , . . . , C 2 , . . . , C l , . . . , C l , où chaque couleur C i est
répètée k i fois ; cette combinaison ayant n éléments. Le nombre de choix des positions est donc le nombre de
n!
ces permutations avec répétition, i.e.
.
k 1 !k 2 !. . . k l !
ki
Les positions étant déterminées, il y a N i choix des boules de couleur i, 1 i l.
n!
N k11 N k22 . . . N kl l
k
1 !k 2 !. . . k l !
n!
p k 1 p k 2 . . . p kl l .
On a donc k 1 ,...,k l 1 P A k 1 ,...,k l 1
Nn
k 1 !k 2 !. . . k l ! 1 2
Cette ”loi de probabilité” est appelée loi Multinomiale de paramètres
n, p 1 , p 2 , . . . , p l 1 .
3.2.2. Tirages successifs sans remise.
On considère le même espace probabilisé qu’au 1.2.
Pour simplifier, on suppose que k i N i pour tout i 1, . . . , l.
n!
Il y a toujours
choix des positions.
k 1 !k 2 !. . . k l !
ki
Il y a alors A N i choix des boules de couleur i, 1 i l.
A kN11 A kN22 . . . A kNll
n!
On a donc k 1 ,...,k l 1 P A k 1 ,...,k l 1
.
A nN
k 1 !k 2 !. . . k l !
3.2.3. Tirages simultanés (ou par poignées).
On considère le même espace probabilisé qu’au 1.3.
Pour simplifier, on suppose que k i N i pour tout i 1, . . . , l.
Il y a C kNii choix des boules de couleur i, 1 i l.
C kN11 C kN22 . . . C kNll
On a donc k 1 ,...,k l 1 P A k 1 ,...,k l 1
, 0 k n.
C nN
Remarque.
A kN11 A kN22
A kNll
...
C kN11 C kN22 . . . C kNll
k
k
1! k2!
l!
On a k 1 ,...,k l 1
k 1 ,...,k l 1 .
A nN
C nN
n!
Il y a encore équivalence entre tirages successifs sans remise et tirages simultanés. Cette ”loi de
N1
Nl 1
probabilité” est appelée loi Multi-hypergéométrique de paramètres N, n, p 1
, . . . , pl 1
.
N
N
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Probabilités 1
Espaces probabilisés
4 - Exercices.
Exercice 1.
On tire trois boules avec remise dans une urne contenant cinq boules numérotées de 1 à 5. Soient les
événements A i : ”la i-ème boule tirée porte le numéro 1”, pour i 1, 2, 3.
Exprimer en fonction des A i les événements suivants :
a) on obtient trois fois la boule numéro 1,
b) on obtient au moins une fois la boule numéro 1,
c) on obtient une seule fois la boule numéro 1,
d) la boule numéro 1 est obtenue pour la première fois au 2ème tirage,
e) la boule numéro 1 est obtenue pour la première fois au 3ème tirage,
f) la boule numéro 1 est obtenue au 1er tirage ou alors n’est pas obtenue.
g) on obtient deux fois ou plus la boule numéro 1,
h) on obtient deux fois exactement la boule numéro 1,
i) on n’obtient jamais la boule numéro 1.
Exercice 2.
On effectue une suite infinie de lancers d’un dé dont les six faces sont numérotées de 1 à 6.
Pour tout i IN , on considère l’événement A i : obtention de l’as au i ème lancer.
1) Définir par une phrase ne comportant aucun vocabulaire mathématique les événements suivants :
4
B
Ai, C
i 5
Ai
i 1
Ai , D
Ai.
i 5
i 4
2) Ecrire à l’aide des A i l’événement E : on obtient au moins une fois l’as au-delà du n ème lancer.
3) Montrer que la suite E n
Ai
est décroissante. Caractériser par une phrase ne comportant
i n
aucun vocabulaire mathématique l’événement E
En.
n 1
4) Ecrire à l’aide des A i les événements F n : on n’obtient plus que des as à partir du n ème lancer, et
F : on n’obtient plus que des as à partir d’un certain lancer.
Exercice 3.
On jette quatre dés discernables équilibrés dont les 6 faces sont numérotées de 1 à 6. On appelle résultat
la suite ordonnée des quatre faces obtenues. Proposer un espace probabilisé , A, P adapté à cette
expérience et calculer la probabilité des événements suivants :
a) A : ”on n’obtient pas d’as au cours des quatre lancers”,
b) B : ”on obtient exactement deux as”,
c) C : ”on obtient au moins un as”,
d) D : ”on obtient un as aux deuxième et troisième lancers”,
e) E : ”on obtient au moins une fois un numéro pair”.
f) F : ”on obtient un carré" (quatre faces identiques),
g) G : ”on obtient un brelan" (trois faces identiques et une autre différente),
h) H : ”on obtient une double paire" (deux couples différents de faces identiques),
i) I : ”on obtient une simple paire" (deux faces identiques et deux autres différentes),
j) J : ”on obtient un résultat banal" (quatre faces différentes).
Exercice 4.
On rappelle qu’un jeu de 52 cartes est constitué de 13 cartes de valeur 1, 2, ..., 9, 10, Valet, Dame, Roi
dans chacune des 4 couleurs Pique, Carreau, Coeur et Trèfle.
On titre simultanément 6 cartes d’un jeu de 52 cartes. Calculer la probabilité d’obtenir :
a) six cartes de valeurs différentes ;
b) deux brelans (brelan 3 cartes de même valeur) ;
c) une paire et un carré (paire 2 cartes de même valeur, carré 4 cartes de même valeur) ;
d) trois paires (différentes) ;
e) un brelan, une paire, un singleton
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Probabilités 1
Espaces probabilisés
Exercice 5.
Dans une loterie de 100 billets, deux billets sont gagnants.
1) Quelle est la probabilité de gagner au moins un lot si l’on prend 12 billets ?
2) Combien faut-il prendre de billets pour que la probabilité de gagner au moins un lot soit supérieure à
4/5 ?
Exercice 6.
Dans une assemblée de n personnes, quelle est la probabilité que deux d’entre elles au moins aient le
même jour d’anniversaire ?
Exercice 7.
On lance six fois de suite un dé équilibré à 6 faces numérotées de 1 à 6.
Quelle est la probabilité que le résultat du lancer et le numéro du lancer coïncident au moins une fois ?
Exercice 8.
On place au hasard sur une étagère les n tomes d’un encyclopédie, numérotés de 1 à n.
Pour i 1, . . . , n, on désigne par A i l’événement "le tome i retrouve sa place".
Calculer la probabilité des événements suivants :
a) le tome i retrouve sa place,
b) les tomes i et j retrouvent leur place,
c) les k tomes i 1 , i 2 , . . . , i k retrouvent leur place, avec 1 k n,
d) chacun des tomes retrouve sa place,
e) aucun des tomes ne retrouve sa place.
i 1 , i 2 , . . . , i n , c’est-à-dire de permutations de E telle
En déduire le nombre de dérangements de E
qu’aucun élément i k ne retrouve sa position.
Exercice 9.
On lance un dé à 6 faces numérotées de 1 à 6, et truqué de telle sorte que les faces paires sont
équiprobables, les faces impaires sont équiprobables, et la probabilité d’obtenir une face paire est égale au
double de celle d’obtenir une face impaire.
1) a) Proposer un espace probabilisé , A, P adapté à cette expérience.
On pourra considérer les probabilités p i d’obtenir la face i, i 1, . . . 6.
b) Calculer la probabilité d’obtenir une face inférieure ou égale à 3.
2) Comparer au cas d’un dé équilibré.
Exercice 10.
Soient
,
un réel et p k
k
soit une distribution de probabilité sur
la suite définie par p k
kk
1
. Déterminer
pour que p k
k
.
Exercice 11
Une urne contient 10 boules dont 6 blanches et 4 noires. On effectue successivement 5 tirages d’une boule
de l’urne.
1) Les tirages sont effectués avec remise. Calculer la probabilité d’obtenir :
a) aucune boule blanche ;
b) au moins une boule blanche ;
c) une boule blanche (exactement) ;
d) deux boules blanches (exactement) ;
e) deux boules blanches suivies de trois boules noires.
2) Reprendre les questions du 1) avec des tirages effectués sans remise.
Stéphane Ducay
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