S4 Maths 2011-2012 Probabilités 1 Espaces probabilisés
Université de Picardie Jules Verne 2011-2012
UFR des Sciences
Licence mention Mathématiques -Semestre 4
Probabilités 1
Espaces Probabilisés
Le but de ce chapitre est de proposer un modèle mathématique permettant de décrire une expérience
aléatoire.
1-La notion dévénement ;algèbre des événements.
1.1.La notion dévénement.
Pour construire un modèle probabiliste d’un phénomène aléatoire, il convient d’abord de se donner un
ensemble des éventualités adapté au problème. On adopte la définition suivante.
Définition.
Soit Eune expérience aléatoire, i.e. une expérience susceptible d’être répétée dans les mêmes conditions
mais dont le résultat n’est pas prévisible (du ”au hasard”). On appelle ensemble fondamental ou univers
associé à El’ensemble noté de tous les résultats possibles (a priori) ou éventualités de E. On désignera par
toute éventualité, c’est-à-dire tout élément de .
Remarque.
La notion de ”résultat” n’est pas clairement définie ; en fait, c’est l’expérimentateur qui fixe lui-même ce
qui mérite le nom de ”résultat” en fonction de ses préoccupations. C’est pourquoi il n’y a pas unicité dans le
choix de .
Exemple 1. E: ”lancer d’un dé cubique (faces numérotées de 1 à 6)”.
On peut prendre   1,2,3,4,5,6si l’on s’intéresse au numéro obtenu, ou   0,1si l’on
s’intéresse seulement à la parité du numéro obtenu.
Exemple 2. E: ”lancer deux dés cubiques discernables (faces numérotées de 1 à 6)”.
  1,2,3,4,5,6
2
arrangements avec répétition d’ordre 2 de 1,2,3,4,5,6si l’on s’intéresse
aux numéros obtenus, ou 2,3,,12si l’on s’intéresse à la somme des deux numéros obtenus.
Exemple 3. E: ”tirer une main de 8 cartes dans un jeu de 32 cartes”.
  combinaisons de 8 cartes prises parmi 32 .
Remarque. L’ensemble n’est pas nécessairement un ensemble fini.
Exemple 4. E: ”on lance une pièce jusqu’à obtenir 1 fois Pile”.
Si l’on appelle ”résultat” le nombre de lancers nécessaires, alors  
.
Exemple 5. E: ”on tire une balle sur une cible de diamètre 1m”.
Si l’on appelle ”résultat” :
- le point d’impact de la balle sur le plan de la cible :   x,y
2
/x
2
y
2
1
4;
- la distance du point d’impact au centre de la cible :   0, 1
2;
- le gain éventuel, la cible étant divisée en 5 zones :   0,5,10,20,30.
Définition.
Soit Eune expérience aléatoire et un univers associé. On appelle événement lié à Etoute assertion ou
proposition logique dont on peut dire qu’elle est vraie ou non une fois l’expérience Ealisée (i.e. pour toute
éventualité ).
On dit qu’un événement est réalisé si l’assertion qui le définit est vraie.
On convient alors d’identifier un tel événement au sous-ensemble des pour lesquels il est réalisé :
un événement lié à Eest alors une partie de .
Ainsi, lorsque est le résultat d’une expérience aléatoire Eet Aest un événement, on a
Aest réalisé A
Stéphane Ducay
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Reprenons l’exemple 2.
E: ”lancer de deux dés ”.   1,2,3,4,5,6
2
x,y/x,y1,2,3,4,5,6.
Considérons l’événement A: ”la somme des points obtenus est supérieure ou égale à 10”. L’événement A
est identifié au sous-ensemble de suivant, noté encore A:
A4,6,5,5,5,6,6,4,6,5,6,6.
De même, les événements B: ”la somme des points obtenus est égale à 3” et C: ”le produit des points
obtenus est égal à 2” sont B1,2,2,1et C1,2,2,1. On remarque que ces événements Bet
C, apparament différents, correspondent à la même partie de . On confondra donc Bet C, et on écrira
BC.
Définitions.
Soit un univers associé à une expérience aléatoire E. Alors, pour tout ,est un événement
appelé événement élémentaire. De plus, est appelé événement certain et est appeévénement impossible.
1.2.Algèbre des événements.
D’après ce qui précède, tout événement est une partie de . Réciproquement, toute partie de est-elle un
événement ? Pour aborder cette question, supposons que l’ensemble des événements est un ensemble Ade
parties de (i.e. AP), dont nous allons définir les propriétés en nous référant à des besoins usuels.
Si Aet Bsont deux événements liés à une expérience aléatoire E, il est naturel de considérer la
non-réalisation de A(ou événement contraire de A), la réalisation simultanée de Aet B, ou encore la
réalisation de l’un au moins des événements Aou B. La définition d’événement comme partie de conduit à
:- l’événement contraire de Aest l’événement AC
A;
- la réalisation simultanée de Aet Best l’événement AB;
- la réalisation de l’un au moins des événements Aou Best l’événement AB.
Reprenons l’exemple 1.
E: ”lancer de un dé ”.   1,2,3,4,5,6.
Les événements A: ”on obtient un nombre pair” et B: ”on obtient un multiple de 3” sont A2,4,6et
B3,6. Les événements AB: ”on obtient un multiple pair de 3” et AB: ”on obtient un nombre pair
ou un multiple de 3” sont alors AB6et AB2,3,4,6.
Plus généralement, si A
n
n
est une suite infinie d’événements, on peut également être amené à
considérer les événements
n
A
n
(tous les événements A
n
sont réalisés) et
n
A
n
(l’un au moins des
événements A
n
est réalisé).
Exemple 6.
E: ”lancer une pièce de monnaie une infinité de fois”.
Considérons l’événement A: ”obtenir ”pile” à chaque lancer”.
Un choix naturel d’univers associé à Eest celui de l’ensemble des suites infinies formées de P et de F.
On a donc   P,F
u
n
n
/u
n
P,F. Considérant la suite infinie d’événements
A
n
: ”obtenir ”pile” au n-ième lancer”, on a AP,P,,P,
n
A
n
.
Ces considérations nous amènent à la définition suivante.
Définition.
Soit un ensemble quelconque. On appelle tribu (ou -algèbre) sur toute partie Ade Ptelle que :
iAiiAA,AA(stabilité par passage au complémentaire)
iiipour toute suite A
n
n
d’éléments de A,
n
A
n
est encore un élément de A
(stabilité par réunion dénombrable).
Stéphane Ducay
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Propriétés.
Soit Aune tribu sur . Alors :
i  A
iiPour toute suite A
n
n
d’éléments de A,
n
A
n
est encore un élément de A
(stabilité par intersection dénombrable)
iiiSi A
1
,,A
n
sont néléments de A(n2), alors
i1
n
A
i
Aet
i1
n
A
i
A
ivA,BAA,ABA
vA,BAA,ABA(stabilité par différence symétrique)
Corollaire.
Soit un ensemble. Alors :
i ,est une tribu sur , appelée tribu grossière sur .
iiPest une tribu sur .
iiipour toute partie propre Ade ,,A,A,est une tribu sur .
Si est un univers associé à une expérience aléatoire E, les conditions imposées aux événements liés à E
font que ces derniers constituent une tribu Asur .
Il faut noter que la tribu Ades événements liés à Econtient tous les singletons de (événements
élémentaires).
Proposition
Soit Eune expérience aléatoire dont l’univers considéré est fini ou infini dénombrable. Alors on
prendra APpour tribu des événements liés à E.
Remarque.
Si est infini non-dénombrable, alors on ne choisira pas pour tribu P(cette question n’est pas
étudiée ici) mais la plus petite tribu Acontenant une certaine classe de parties de . Par exemple, si ,
on prendra la tribu borélienne B
(strictement incluse dans P) qui contient tous les intervalles de .
1.3.Espaces probabilisables.
Définitions.
Un espace probabilisable est un couple ,Aest un ensemble quelconque et Aune tribu sur .
Si est un univers associé à une expérience aléatoire E, l’espace probabilisable ,Aest alors dit lié à
l’expérience aléatoire E.
Définitions.
Soit ,Aun espace probabilisable lié à une expérience aléatoire E..
iLes éléments de Asont appelés événements.
iiSoient A,BA. On dit que l’événement A entraine (ou implique) l’événement Bsi AB.
iiiSoient A,BA. On dit que Aet Bsont incompatibles (ou disjoints) si AB.
ivOn appelle système complet d’événements toute partition finie ou dénombrable de formée
d’éléments de A, i.e. toute famille A
i
iI
d’éléments de Adeux à deux incompatibles (A
i
A
j
pour
ij) et dont la réunion est ( 
iI
A
i
).
Exemples.
a) Reprenons l’exemple 2. Considérons les événements suivants : A: la somme des deux dés est
supérieure ou égale à 10, B: l’un des deux dés est supérieur ou égal à 4, C: l’un des deux dés est inférieur à
2. Alors ABet AC.
b) Soit AA.A,Aest un système complet fini d’événements.
c) Soit  
n
,n.
n
,nest un système complet dénombrable d’événements.
Pour conclure, voici un tableau comparatif des vocabulaires ensembliste et probabiliste.
Stéphane Ducay
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Notations Vocabulaire ensembliste Vocabulaire probabiliste
ensemble vide événement impossible
ensemble plein événement certain
singleton de événement élémentaire
Asous-ensemble de événement
Aappartient à le résultat est une
réalisation possible de A
Acomplémentaire de Adans événement contraire de A
ABréunion de Aet B A ou B
ABintersection de Aet B A et B
ABAet Bsont disjoints Aet Bsont incompatibles
AB A est inclus dans B A implique B
2-La notion de probabilité.
2.1.Introduction -Approche par les fréquences.
On rencontre constamment dans la vie courante la notion de probabilité d’un événement. Elle est parfois
purement subjective, mais elle apparaît souvent sous une forme mathématique relativement précise.
Dans le jeu du pile ou face, il est naturel de dire que l’apparition de ”pile” a la probabilité 1/2. Cela
provient d’abord d’une intuition d’égalité de chance d’apparition des deux faces. Plus quantitativement, si
l’on répète un grand nombre de fois l’expérience qui consiste à jeter la pièce, on s’attend à trouver à peu près
autant de ”pile” que de ”face”, ce qui donne à la fréquence d’apparition de "pile" (fraction nombre de ”pile”
sur nombre d’expériences) une valeur voisine de 1/2.
On ne peut démontrer ce résultat expérimental mais le but de la théorie des probabilités est de construire
des modèles mathématiques qui traduisent ce genre de phénomènes sous une forme logique de telle sorte que,
si une expérience est en accord avec les hypothèses mathématiques, ses résultats puissent être prévus par la
théorie.
Généralisons l’exemple précédent. On effectue nexpériences aléatoires identiques et ”indépendantes”.
On note n
A
le nombre de réalisations d’un événement Adonné au cours de ces nexpériences. On considère un
autre événement B.
Soit f
A
n
A
nla fréquence statistique de l’événement A,f
B
celle de B. On a :
if
A
0,1et f
B
0,1.
iisi Aest l’événement certain, alors n
A
n, et donc f
A
n
n1.
iiisi Aet Bsont incompatibles, alors n
AB
n
A
n
B
, et donc f
AB
n
AB
nn
A
n
B
nf
A
f
B
.
Lorsque ntend vers l’infini, on s’attend aussi à voir f
A
n
A
nse stabiliser autour d’une valeur limite, qui
sera la probabilité de A. .
Cette approche de probabilité comme limite de fréquence conduit naturellement à la définition suivante.
Définition.
Soit ,Aun espace probabilisable fini. On appelle probabilité sur ,Atoute application Pde A
dans 0,1telle que :
iP1
iiSi Aet Bsont deux événements incompatibles, alors PABPAPB(additivité de P).
Le triplet ,A,Pest appelé espace probabilisé.
Pour des raisons déjà rencontrées (répétition infinie d’expériences aléatoires), on doit étendre la propriété
iià une famille dénombrable d’événements deux à deux incompatibles. Cette propriété de -additivité fait
qu’une probabilité est une mesure à valeurs dans 0,1.
Stéphane Ducay
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2.2.Définition et propriétés dune probabilité.
Définitions.
Soit ,Aun espace probabilisable. On appelle probabilisur ,Atoute application Pde Adans
0,1telle que :
iP1iiPour toute suite A
n
n
d’événements deux à deux incompatibles, on a
P
n
A
n
n
PA
n
(-additivité de P)
Le triplet ,A,Pest appelé espace probabilisé.
Si ,Aun espace probabilisable lié à une expérience aléatoire E, et si Pest une probabilité sur ,A,
alors ,A,Pest appelé espace probabilisé associé à l’expérience aléatoire E.
Remarques.
a) Une probabilité Psur un espace probabilisable n’est pas unique.
b) De façon générale, toute étude probabiliste d’une expérience aléatoire devrait commencer par la
recherche d’un espace probabilisé lié à cette expérience. Comme plusieurs espaces probabilisés peuvent
parfois la décrire, on peut obtenir des résultats numériques différents.
c) Il est parfois possible de résoudre certains problèmes sans connaître l’univers . Il sera quand même
nécessaire de connaître P, au moins pour un certains nombres d’événements.
Propriétés.
Soit Pune probabilité sur un espace probabilisable ,A.
iP0.
iiSi A
1
,,A
n
sont n(n2) événements 2 à 2 incompatibles, alors P
i1
n
A
n
i1
n
PA
i
.
En particulier, si Aet Bsont deux événements incompatibles, alors PABPAPB.
iiiAA,PA1PA.
ivA,BA,PBAPBPAB.
vA,BA,ABPBAPBPAet PAPB.
viA,BA,PABPAPBPAB.
Cas dun espace probabilisable ,Afini ou infini dénombrable.
Posons  
i
,iI, avec Iet p
i
P
i
. On a AP.
Pour tout événement A
A
j
,jJ
jJ
j
avec JI, on a
PAP
jJ
j
jJ
P
j
jJ
p
j
, les
j
étant 2 à 2 incompatibles.
De plus, 1 PP
iI
i
iI
P
i
iI
p
i
.
Une probabilité Psur  
i
,iIest donc définie par la donnée des nombres
p
i
P
i
, avec p
i
0 et
iI
p
i
1.
On parle aussi de distribution de probabilité.
Exemple fondamental de léquiprobabilité.
Soit ,Aun espace probabilisable fini, i.e.  
1
,
2
,,
n
et AP. Soit Pune probabilité
sur ,A. Tout événement Apeut s’écrire A
A
, et on a PA
A
P. De plus,
i1
n
p
i
1.
Si l’on suppose qu’aucun événement élémentaire
i
n’a plus de chance de se réaliser que les autres, on
dit qu’il y a équiprobabilité (les p
i
sont égaux) et on a :
i1,,n,p
i
P
i
1
n.
On a donc PA
A
1
ncardA 1
n.
La probabilité Pest alors définie de façon unique, comme l’indique le résultat suivant :
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