ADÉNOCARCINOME SUR ENDOBRACHYOESOPHAGE
JY. MABRUT, J. BAULIEUX : Hôpital de la Croix-Rousse Lyon
Définition
Il est désormais admis que seule une muqueuse d'endobrachyoesophage (EBO) en métaplasie intestinale (« spécialisée »)
peut dégénérer contrairement aux muqueuses d'EBO de type fundique ou cardiale. La dégénérescence d'une muqueuse
d'EBO en ADK est parfois difficile à affirmer en cas de lésion superficielle. L'origine oesophagienne ou cardiale d'un ADK du
bas œsophage peut également être difficile à distinguer en cas de tumeur évoluée. On considère actuellement que tout ADK
du bas œsophage, s'il comporte à son contact une zone de muqueuse en métaplasie intestinale est considéré comme un
ADK / EBO. Cependant, l'EBO peut ne pas être retrouvé en cas de cancer infiltrant avec remaniements locaux importants
(20%) si bien que la fréquence des ADK sur EBO est certainement sous-estimée.
Epidémiologie
Il existe une nette prédominance masculine avec un sexe ratio de 5,5 hommes pour 1 femme. L'augmentation de
l'incidence de l'ADK / EBO est remarquable, particulièrement en Amérique du nord et en Europe, si bien que la fréquence
de l'ADK de l'œsophage peut dépasser celle des cancers épidermoïdes dans certaines régions. Cette augmentation
d'incidence correspond à celle du développement de l'EBO sur reflux gastro-oesophagien (RGO) pathologique. L'obésité, le
reflux alcalin duodénogastrique, les médications relaxatrices du sphincter inférieur de l'œsophage (benzodiazepines,
anticholinergiques) le contrôle parfois incomplet du reflux acide par les IPP seraient des facteurs favorisants, la
susceptibilité individuelle de la muqueuse oesophagienne aux agressions chimiques restant le facteur principal de
transformation en EBO. On estime actuellement que le risque de développer un cancer de l'œsophage est 30 à 125 fois
supérieur à celui de la population générale en présence d'un EBO.
Clinique
- En présence d'un ADK / EBO, une symptomatologie de RGO est retrouvée chez 2/3 des patients. Il
s'agit généralement d'un RGO ancien et sévère, récidivant à l'arrêt du traitement anti-acide. L'EBO peut
être connu avant le développement du cancer. Une politique de surveillance rigoureuse permet de dépister
les formes débutantes au stade de dysplasie sévère ou de cancer superficiel infiltrant. Cependant, une
surveillance efficace n'est possible que si l'EBO a été diagnostiqué (il est asymptomatique dans 20 à 35%
des cas) et si des biopsies multiples et étagées sont réalisées avec une fréquence optimale qui reste à
déterminer. Si bien qu'actuellement un bénéfice de la surveillance des EBO à l'échelon d'une population
générale n'a pas été rapporté par toutes les études.
- Un 1/3 des patients n'ont jamais présenté de RGO au moment du diagnostic d'ADK / EBO ce qui
apparaît également une limite à l'efficacité d'une politique de surveillance à l'échelle d'une population.
Actuellement, on considère que seulement 5% des ADK / EBO sont découverts grâce à une politique de
surveillance.
- Les signes cliniques de transformation maligne de la muqueuse d'EBO ne sont pas spécifiques et
correspondent à des lésions sténosantes entraînant dysphagie et amaigrissement.
Traitement
A- Chirurgie à visée curative
En cas de carcinome infiltrant et résécable, le principe du traitement chirurgical est de réséquer la tumeur et l'ensemble de
la muqueuse d'endobrachyoesophage avec une marge si possible supérieure à 5 cm ; Le développement d'un 2ème cancer
sur muqueuse d'EBO laissée en place après exérèse initiale ayant déjà été rapporté.
Il n'existe pas dans la littérature de consensus sur la meilleure technique chirurgicale à employer.
L'intervention réalisée dépendra du bilan d'extension de la tumeur, de l'état général du patient mais aussi
et des habitudes des opérateurs.
Sur le plan carcinologique
- L'intervention de Lewis-Santy par double voie abdominale et thoracique droite avec anastomose
au sommet du thorax après oeso-gastrectomie polaire supérieure est fréquemment pratiquée.
- Une oesophagectomie sub-totale avec anastomose cervicale et curage ganglionnaire
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3 champs
»
extensif est défendue par certains auteurs (1). Aucune étude randomisée n'a comparé les résultats
carcinologiques des interventions de Lewis-Santy et de l'oesophagectomie 3 voies avec curage extensif
dans cette indication.
- Une oesophagectomie transhiatale sans thoracotomie peut également être réalisée (2). Cette
technique garde l'avantage de l'anastomose cervicale (elle expose moins le moignon oesophagien au reflux
acide limitant le risque d'EBO postopératoire sur l'œsophage restant), diminue la morbidité opératoire en
évitant la thoracotomie, mais ne permet pas de curage ganglionnaire médiastinal aussi complet que par
voie transthoracique. En cas de patient anatomiquement favorable, un curage ganglionnaire du médiastin
inférieur de bonne qualité pourra cependant être réalisé. Une large étude randomisée portant sur des ADK
du bas œsophage ou du cardia retrouvait une morbidité plus élevée mais une tendance à une meilleure
survie (non significative) après oesophagectomie par voie transthoracique (3).
- La faisabilité des oesophagectomies vidéo-assistées par thoracoscopie ou voie transhiatale pour
des tumeurs de petit volume a été rapportée par quelques équipes avec une diffusion qui reste encore
confidentielle.
Sur le plan fonctionnel
- L'anastomose cervicale protège mieux le moignon oesophagien cervical du reflux postopératoire
AFC
qui peut être le siège de nouvelles lésions d'EBO.
- Un transplant gastrique entier ou tubulisé est essentiellement utilisé. Un transplant colique expose
moins l'
œsophage restant au reflux acide et biliaire et donne un meilleur résultat fonctionnel chez les
patients à longue espérance de vie. Cependant la réalisation d'une coloplastie est plus difficile
techniquement et expose à une morbidité supérieure à celle de la gastroplastie.
En pratique : les 2 situations cliniques habituellement rencontrées
- Indication pour cancer infiltrant : le pronostic des formes infiltrantes dépend du stade tumoral
avec des résultats proche des formes épidermoïdes de l'oesophage. Il n'existe pas de technique
chirurgicale de référence. La prise en charge est semblable à celle du carcinome épidermoïde de
l'
œsophage quant à la radicalité de l'éxérèse et à l'importance du curage ganglionnaire d'ou l'importance de
l'expérience, des habitudes et des convictions des opérateurs.
- Indication pour dysplasie de haut grade : lorsqu'une indication d'oesophagectomie est retenue, un
carcinome infiltrant est retrouvé dans 40% des cas sur la pièce d'oesophagectomie (dont 75% de pT1 et
10% de N+). La survie est proche de 90% à 5 ans pour les pT1 et l'intérêt du curage ganglionnaire n'est
pas évident (4% des patients). L'oesophagectomie sans thoracotomie avec plastie colique anastomosée
au cou paraît offrir un bon compromis carcinologique et fonctionnel chez ces patients à longue espérance
de vie. Certains auteurs ont même proposé, en l'absence de curage ganglionnaire médiastinal extensif une
oesophagectomie avec préservation des nerfs vagues afin d'améliorer les résultats fonctionnels. Une
résection limitée du bas œsophage avec anse grêle interposée entre l'œsophage et l'estomac selon la
technique de Merendino a également été rapportée. La mucosectomie endoscopique représente une
alternative thérapeutique en cas de lésions de dysplasie de haut grade. Elle va permettre de réaliser de
véritables macrobiopsies permettant une étude précise du caractère infiltrant ou non des lésions. En
l'absence d'ADK infiltrant, une surveillance rapprochée sera nécessaire afin de dépister une récidive. En
cas de forme infiltrante (50%), une oesophagectomie doit être rediscutée en raison de
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l'impasse
ganglionnaire
»
imposée par cette technique même si les patients ont été initialement sélectionnés par
échoendoscopie pour staging tumoral pariétal et ganglionnaire.
B
- Traitement néo-adjuvant
Il ne se conçoit que dans les formes infiltrantes. Depuis les résultats prometteurs de l'étude de Walsh et
al. (4), de nombreuses équipes ont rapporté leur expérience de traitement néoadjuvant par radio-
chimiothérapie avant oesophagectomie pour carcinome épidermoïde ou adénocarcinome de l'œsophage
avec des résultats variables (5,6). Il n'existe pas de consensus sur l'intérêt du traitement néoadjuvant en
cas d'ADK sur EBO. Il est actuellement recommandé d'inclure les patients présentant un adénocarcinome
de l'
œsophage qu'il soit développé ou non sur EBO dans des études randomisées (chirurgie seule ou
précédée de radio-chimiothérapie). En France, l'étude de la FFCD 99-01 tente actuellement de répondre à
cette question chez les patients présentant un cancer du 1/3 inférieur de l'œsophage susceptible de
bénéficier d'une chirurgie à visée curative.
Pronostic
Dans les formes infiltrantes, le pronostic est proche des formes épidermoïdes. L'objectif est de sélectionner des patients
susceptibles de bénéficier d'une résection à visée curative permettant d'obtenir une survie à 5 ans de l'ordre de 40% (1,7).
Dans les formes infiltrantes mais superficielles (50% des oesophagectomies pour dysplasie de haut grade,
cancer découvert par surveillance d'EBO) la survie à 5 ans après chirurgie est supérieure à 80% (90% pour
les formes pT1). Ce pronostic favorable est en faveur d'une surveillance rapprochée des lésions d'EBO et
plaide pour une oesophagectomie en cas de lésion de dysplasie sévère chez les équipes entraînées avec
une mortalité opératoire inférieure à 5%.
Références
1 Collard JM. Exclusive radical surgery for esophageal adenocarcinoma. Cancer 2001; 91: 1098-1104.
2. Orringer MB, Marshall B, Iannettoni MD. Transhiatal esophagectomy: clinical experience and
refinements. Ann Surg 1999; 230: 392-403.
3 Hulscher JB, Van Sandick JW, De Boer AG, et al. Extended transthoracic resection compared with limited
transhiatal resection for adenocarcinoma of the esophagus. N Engl J Med 2002; 347: 1705-1709.
4 Walsh TN, Noonan N, Hollywood D, Kelly A, Keeling N, Hennessy TPJ. A comparison of multimodal
therapy and surgery for esophageal adenocarcinoma. N Engl J Med 1996; 335: 462-467.
5 Adham M, Baulieux J, Mornex F, De la Roche de Bransat E, Ducerf C, Souquet JC, Gerard JP. Combined
chemotherapy and radiotherapy followed by surgery in the treatment of patients with squamous cell
carcinoma of the esophagus. The Croix Rousse experiences. Cancer 2000 ; 89 : 946-954.
6 Bloom D, Peters JH, DeMeester TR. Controversies in the current therapy of carcinoma of the esophagus.
J Am Coll Surg 2002; 195: 241
-50.
7 Mariette C, Balon JM, Piessen G, Fabre Sylvain, Van seuningen I, Triboulet JP. Pattern of recurrence
following complete resection of esophageal carcinoma and factors predictive of recurrent disease. Cancer
2003 ; 97 :1616
-1623.
Résection et remplacement de l'oesophage
Carcinome épidermoïde superficiel de l'oesophage
Chimioradiothérapie du cancer de l'oesophage, à visée exclusive ou pré-opératoire
Siège social : 122, rue de Rennes
75006 Paris
tél : +33 (0) 1 45 44 96 77
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