Traitement chirurgical curatif de l’adénocarcinome sur endobrachyœsophage D

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Traitement chirurgical curatif de l’adénocarcinome
sur endobrachyœsophage
● T. Perniceni*
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■ Le bilan opératoire de l’adénocarcinome sur endobrachyœsophage (EBO) nécessite une échoendoscopie œsophagienne et une tomodensitométrie thoraco-abdominale.
Les fonctions cardiaques et ventilatoires doivent être
appréciées car l’exérèse nécessite une dissection médiastinale.
■ La résection de la lésion doit emporter 10 cm de
muqueuse sus-jacente et la totalité de muqueuse métaplasique pour éviter des récidives à moyen ou long terme.
■ L’envahissement ganglionnaire, qui est présent dans
60 % des cas, peut se faire dans les aires proches du cardia
et des courbures gastriques.
■ L’intervention consiste en une œsogastrectomie polaire
supérieure associant une œsophagectomie thoracique et
une résection gastrique partielle qui emporte la grosse
tubérosité et la petite courbure verticale.
■ Parmi les interventions proposées, la voie d’abord thoracique n’est pas systématique, mais son absence limite
l’étendue du curage lymphatique.
■ En l’absence d’adénopathies métastatiques, la survie
peut atteindre 60 % à 5 ans.
adénocarcinome sur EBO, dont la fréquence est en
augmentation, représente la très grande majorité des
adénocarcinomes de l’œsophage (1). Il se développe
à partir de lésions de dysplasie de haut grade sur un épithélium
de type intestinal. Son incidence est de 1/50 à 1/440 patientsannées de surveillance.
La fréquence de son extension sous-muqueuse dans la paroi de
l’œsophage thoracique et son extension ganglionnaire, médiastinale et abdominale expliquent les controverses quant à son trai-
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* Département médico-chirurgical de pathologie digestive,
Institut mutualiste Montsouris, université Paris-VI, Paris.
tement chirurgical. La confusion dans la plupart des publications
des carcinomes épidermoïdes, des adénocarcinomes sur EBO et
des adénocarcinomes du cardia, d’une part, la variété des interventions utilisées notamment en termes de voie d’abord, d’autre
part, rendent difficile l’interprétation des résultats rapportés.
Cependant, pour certains auteurs, l’adénocarcinome de l’œsophage, avec ou sans EBO, et l’adénocarcinome du cardia sont une
même entité clinique (2).
Les circonstances de prise en charge chirurgicale sont variées :
dysphagie révélatrice, surveillance endoscopique d’un patient
avec une dysplasie de haut grade, mucosectomie endoscopique
non réalisable techniquement ou insuffisante du fait de l’extension pariétale de l’adénocarcinome, surveillance endoscopique
après destruction d’un EBO par thérapie photodynamique, laser
ou plasma argon.
BILAN PRÉTHÉRAPEUTIQUE
Son but est double : définir l’extension loco-régionale et métastatique et évaluer l’opérabilité du patient particulièrement sur
les plans respiratoire et cardiaque, l’exérèse chirurgicale nécessitant une dissection médiastinale et une voie d’abord combinée,
avec ou sans thoracotomie. Il est peu différent de celui qui est utilisé pour les carcinomes épidermoïdes de l’œsophage thoracique,
la recherche d’une seconde localisation ORL ou bronchique
n’étant pas ici systématique.
La définition du stade TNM permet de sélectionner :
– les patients chez qui une résection chirurgicale curative (type
R0) est envisageable ;
– ceux chez qui un traitement néoadjuvant peut se discuter ;
– les patients avec une lésion superficielle, probablement T1, strictement limitée à la muqueuse, pour qui la mucosectomie endoscopique peut être le traitement curatif, le très faible risque d’adénopathie métastatique autorisant alors ce traitement local.
La recherche d’une contre-indication à l’exérèse chirurgicale, liée
à une extension métastatique (hépatique ou pulmonaire) ou
d’ordre général, doit être le premier temps de ce bilan. Les principales explorations sont l’examen tomodensitométrique thoracoabdominal et l’échoendoscopie, avec sonde à haute fréquence en
cas de lésion superficielle, ou de minisonde en cas de tumeur très
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sténosante. L’intérêt de l’imagerie par résonance magnétique et
de la tomographie à émission de positons dans ce bilan préthérapeutique n’est pas documenté.
Les points particuliers en cas d’adénocarcinome sur EBO sont
les suivants :
● Le niveau supérieur de l’EBO. Il est défini en endoscopie par
rapport aux arcades dentaires ou à la bouche œsophagienne. En
effet, la résection de la muqueuse métaplasique doit être complète pour ne pas laisser de lésion dysplasique ou un deuxième
foyer adénocarcinomateux (3). La section œsophagienne doit
impérativement passer en territoire malpighien, faute de quoi la
récidive de l’adénocarcinome est quasi constante dans l’EBO
laissé en place, même en l’absence de dysplasie initialement.
● Le niveau supérieur de la tumeur. Il est défini de la même
façon. L’extension tumorale se fait dans la sous-muqueuse œsophagienne, la paroi située entre la tumeur et ces emboles sousmuqueux pouvant être saine. La section œsophagienne doit donc
passer à 10 cm de ce pôle supérieur pour éviter le risque de section en zone tumorale, la survie à 5 ans étant nulle en cas de
recoupe envahie (4). L’échoendoscopie permet la détection de cet
envahissement sous-muqueux. En peropératoire, la réalisation
d’un examen extemporané de la section œsophagienne est systématique.
● L’extension ganglionnaire. Elle se fait aussi bien dans le
médiastin que dans l’abdomen où les relais ganglionnaires les
plus souvent métastatiques sont satellites du cardia, de la petite
courbure gastrique et de l’artère gastrique gauche (5). L’extension ganglionnaire en cas d’adénocarcinome sur EBO est observée dans 60 % des cas et serait plus fréquente que pour un carcinome épidermoïde de même localisation.
● L’extension gastrique. Le cardia est habituellement intact, ce
que montre l’endoscopie en rétrovision, et le risque d’envahissement de la section gastrique est inférieur à 5 %.
● Carcinose péritonéale et micrométastases hépatiques. Une
lame d’ascite peut être détectée par l’échoendoscopie. La laparoscopie permet de visualiser des métastases hépatiques millimétriques sous-capsulaires qu’aucun examen morphologique préopératoire ne peut détecter.
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résection gastrique permet, d’une part, la lymphadénectomie
abdominale et, d’autre part, la mobilisation et la tubulisation de
l’estomac utilisé comme plastie de remplacement de l’œsophage.
L’anastomose œsophagogastrique est médiastinale supérieure ou
cervicale en fonction de la longueur d’œsophage qu’il est nécessaire de réséquer.
Trois interventions répondent à ce cahier des charges :
● L’intervention de Lewis. Elle est menée par double voie
d’abord, abdominale et thoracique droite, avec anastomose œsophagogastrique au sommet du médiastin.
● L’intervention de MacKeown. Elle est menée par triple voie
d’abord, abdominale, thoracique droite et cervicale, cette dernière
permettant une plus longue résection œsophagienne et la réalisation de l’anastomose œsophagogastrique.
● L’œsophagectomie sans thoracotomie. Elle est menée par
double voie d’abord, abdominale et cervicale, avec abord transhiatal de l’œsophage et du médiastin et anastomose œsophagogastrique cervicale (6). La limite de cette intervention est le caractère incomplet de la lymphadénectomie thoracique.
Pour chacune de ces interventions, le temps abdominal est faisable par laparoscopie, laparoscopie qui permet a minima la
découverte d’une carcinose ou de métastases hépatiques superficielles. En pratique, en cas d’EBO dont le sommet est à moins de
22 cm des arcades dentaires, ou en cas d’adénocarcinome dont
le pôle supérieur est plus haut que la veine pulmonaire supérieure,
un abord cervical est nécessaire.
Il n’existe pas de supériorité démontrée, ni en termes de complications postopératoires, ni en termes oncologiques, pour l’une de
ces trois interventions. L’utilisation de la thoracoscopie ne permet pas de réduire l’incidence des complications respiratoires
postopératoires. La survie globale à 5 ans n’excède pas 30 %, elle
est meilleure en l’absence d’adénopathie métastatique, pouvant
atteindre 60 % (7). Il est suggéré que cette survie est meilleure
pour les adénocarcinomes survenant sur des EBO surveillés endoscopiquement (8). Si pour les adénocarcinomes du cardia, l’efficacité de la radiochimiothérapie néoadjuvante en termes de survie est suggérée dans des études récentes, cet avantage n’est pas
documenté en cas d’adénocarcinome sur EBO. Mais s’agit-il de
situations si différentes ?
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TRAITEMENT CHIRURGICAL CURATIF
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Le choix de l’intervention doit tenir compte :
– d’impératifs carcinologiques : étendue de l’exérèse œsophagienne (suffisante pour emporter tout l’EBO et passant à 12 cm
du pôle supérieur de l’adénocarcinome) et de la lymphadénectomie thoracique et abdominale ;
– d’impératifs techniques : quelle plastie de remplacement de
l’œsophage et quelle voie d’abord ?
L’intervention est une œsogastrectomie polaire supérieure associant une œsophagectomie et une résection gastrique partielle
emportant la grosse tubérosité et la petite courbure verticale. Cette
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