Traitement chirurgical curatif de l’adénocarcinome sur endobrachyœsophage D

DOSSIER THÉMATIQUE
La lettre du l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. IV - novembre-décembre 2001 309
Traitement chirurgical curatif de l’adénocarcinome
sur endobrachyœsophage
T. P erniceni*
adénocarcinome sur EBO, dont la fréquence est en
augmentation, représente la très grande majorité des
adénocarcinomes de l’œsophage (1). Il se développe
à partir de lésions de dysplasie de haut grade sur un épithélium
de type intestinal. Son incidence est de 1/50 à 1/440 patients-
années de surveillance.
La fréquence de son extension sous-muqueuse dans la paroi de
l’œsophage thoracique et son extension ganglionnaire, médiasti-
nale et abdominale expliquent les controverses quant à son trai-
tement chirurgical. La confusion dans la plupart des publications
des carcinomes épidermoïdes, des adénocarcinomes sur EBO et
des adénocarcinomes du cardia, d’une part, la variété des inter-
ventions utilisées notamment en termes de voie d’abord, d’autre
part, rendent difficile l’interprétation des résultats rapportés.
Cependant, pour certains auteurs, l’adénocarcinome de l’œso-
phage, avec ou sans EBO, et l’adénocarcinome du cardia sont une
même entité clinique (2).
Les circonstances de prise en charge chirurgicale sont variées :
dysphagie révélatrice, surveillance endoscopique d’un patient
avec une dysplasie de haut grade, mucosectomie endoscopique
non réalisable techniquement ou insuffisante du fait de l’exten-
sion pariétale de l’adénocarcinome, surveillance endoscopique
après destruction d’un EBO par thérapie photodynamique, laser
ou plasma argon.
BILAN PRÉTHÉRAPEUTIQUE
Son but est double : définir l’extension loco-régionale et méta-
statique et évaluer l’opérabilité du patient particulièrement sur
les plans respiratoire et cardiaque, l’exérèse chirurgicale néces-
sitant une dissection médiastinale et une voie d’abord combinée,
avec ou sans thoracotomie. Il est peu différent de celui qui est uti-
lisé pour les carcinomes épidermoïdes de l’œsophage thoracique,
la recherche d’une seconde localisation ORL ou bronchique
n’étant pas ici systématique.
La définition du stade TNM permet de sélectionner :
– les patients chez qui une résection chirurgicale curative (type
R0) est envisageable ;
– ceux chez qui un traitement néoadjuvant peut se discuter ;
– les patients avec une lésion superficielle, probablement T1, stric-
tement limitée à la muqueuse, pour qui la mucosectomie endo-
scopique peut être le traitement curatif, le très faible risque d’adé-
nopathie métastatique autorisant alors ce traitement local.
La recherche d’une contre-indication à l’exérèse chirurgicale, liée
à une extension métastatique (hépatique ou pulmonaire) ou
d’ordre général, doit être le premier temps de ce bilan. Les prin-
cipales explorations sont l’examen tomodensitométrique thoraco-
abdominal et l’échoendoscopie, avec sonde à haute fréquence en
cas de lésion superficielle, ou de minisonde en cas de tumeur très
* Département médico-chirurgical de pathologie digestive,
Institut mutualiste Montsouris, université Paris-VI, Paris.
Le bilan opératoire de l’adénocarcinome sur endobra-
chyœsophage (EBO) nécessite une échoendoscopie œso-
phagienne et une tomodensitométrie thoraco-abdominale.
Les fonctions cardiaques et ventilatoires doivent être
appréciées car l’exérèse nécessite une dissection médiasti-
nale.
La résection de la lésion doit emporter 10 cm de
muqueuse sus-jacente et la totalité de muqueuse métapla-
sique pour éviter des récidives à moyen ou long terme.
L’envahissement ganglionnaire, qui est présent dans
60 % des cas, peut se faire dans les aires proches du cardia
et des courbures gastriques.
L’intervention consiste en une œsogastrectomie polaire
supérieure associant une œsophagectomie thoracique et
une résection gastrique partielle qui emporte la grosse
tubérosité et la petite courbure verticale.
Parmi les interventions proposées, la voie d’abord tho-
racique n’est pas systématique, mais son absence limite
l’étendue du curage lymphatique.
En l’absence d’adénopathies métastatiques, la survie
peut atteindre 60 % à 5 ans.
L’
POINTS FORTS
POINTS FORTS
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sténosante. L’intérêt de l’imagerie par résonance magnétique et
de la tomographie à émission de positons dans ce bilan préthéra-
peutique n’est pas documenté.
Les points particuliers en cas d’adénocarcinome sur EBO sont
les suivants :
Le niveau supérieur de l’EBO. Il est défini en endoscopie par
rapport aux arcades dentaires ou à la bouche œsophagienne. En
effet, la résection de la muqueuse métaplasique doit être com-
plète pour ne pas laisser de lésion dysplasique ou un deuxième
foyer adénocarcinomateux (3). La section œsophagienne doit
impérativement passer en territoire malpighien, faute de quoi la
récidive de l’adénocarcinome est quasi constante dans l’EBO
laissé en place, même en l’absence de dysplasie initialement.
Le niveau supérieur de la tumeur. Il est défini de la même
façon. L’extension tumorale se fait dans la sous-muqueuse œso-
phagienne, la paroi située entre la tumeur et ces emboles sous-
muqueux pouvant être saine. La section œsophagienne doit donc
passer à 10 cm de ce pôle supérieur pour éviter le risque de sec-
tion en zone tumorale, la survie à 5 ans étant nulle en cas de
recoupe envahie (4). L’échoendoscopie permet la détection de cet
envahissement sous-muqueux. En peropératoire, la réalisation
d’un examen extemporané de la section œsophagienne est systé-
matique.
L’extension ganglionnaire. Elle se fait aussi bien dans le
médiastin que dans l’abdomen où les relais ganglionnaires les
plus souvent métastatiques sont satellites du cardia, de la petite
courbure gastrique et de l’artère gastrique gauche (5). L’exten-
sion ganglionnaire en cas d’adénocarcinome sur EBO est obser-
vée dans 60 % des cas et serait plus fréquente que pour un carci-
nome épidermoïde de même localisation.
L’extension gastrique. Le cardia est habituellement intact, ce
que montre l’endoscopie en rétrovision, et le risque d’envahisse-
ment de la section gastrique est inférieur à 5 %.
Carcinose péritonéale et micrométastases hépatiques. Une
lame d’ascite peut être détectée par l’échoendoscopie. La lapa-
roscopie permet de visualiser des métastases hépatiques milli-
métriques sous-capsulaires qu’aucun examen morphologique pré-
opératoire ne peut détecter.
TRAITEMENT CHIRURGICAL CURATIF
Le choix de l’intervention doit tenir compte :
– d’impératifs carcinologiques : étendue de l’exérèse œsopha-
gienne (suffisante pour emporter tout l’EBO et passant à 12 cm
du pôle supérieur de l’adénocarcinome) et de la lymphadénecto-
mie thoracique et abdominale ;
– d’impératifs techniques : quelle plastie de remplacement de
l’œsophage et quelle voie d’abord ?
L’intervention est une œsogastrectomie polaire supérieure asso-
ciant une œsophagectomie et une résection gastrique partielle
emportant la grosse tubérosité et la petite courbure verticale. Cette
résection gastrique permet, d’une part, la lymphadénectomie
abdominale et, d’autre part, la mobilisation et la tubulisation de
l’estomac utilisé comme plastie de remplacement de l’œsophage.
L’anastomose œsophagogastrique est médiastinale supérieure ou
cervicale en fonction de la longueur d’œsophage qu’il est néces-
saire de réséquer.
Trois interventions répondent à ce cahier des charges :
L’intervention de Lewis. Elle est menée par double voie
d’abord, abdominale et thoracique droite, avec anastomose œso-
phagogastrique au sommet du médiastin.
L’intervention de MacKeown. Elle est menée par triple voie
d’abord, abdominale, thoracique droite et cervicale, cette dernière
permettant une plus longue résection œsophagienne et la réalisa-
tion de l’anastomose œsophagogastrique.
L’œsophagectomie sans thoracotomie. Elle est menée par
double voie d’abord, abdominale et cervicale, avec abord trans-
hiatal de l’œsophage et du médiastin et anastomose œsophago-
gastrique cervicale (6). La limite de cette intervention est le carac-
tère incomplet de la lymphadénectomie thoracique.
Pour chacune de ces interventions, le temps abdominal est fai-
sable par laparoscopie, laparoscopie qui permet a minima la
découverte d’une carcinose ou de métastases hépatiques superfi-
cielles. En pratique, en cas d’EBO dont le sommet est à moins de
22 cm des arcades dentaires, ou en cas d’adénocarcinome dont
le pôle supérieur est plus haut que la veine pulmonaire supérieure,
un abord cervical est nécessaire.
Il n’existe pas de supériorité démontrée, ni en termes de compli-
cations postopératoires, ni en termes oncologiques, pour l’une de
ces trois interventions. L’utilisation de la thoracoscopie ne per-
met pas de réduire l’incidence des complications respiratoires
postopératoires. La survie globale à 5 ans n’excède pas 30 %, elle
est meilleure en l’absence d’adénopathie métastatique, pouvant
atteindre 60 % (7). Il est suggéré que cette survie est meilleure
pour les adénocarcinomes survenant sur des EBO surveillés endo-
scopiquement (8). Si pour les adénocarcinomes du cardia, l’effi-
cacité de la radiochimiothérapie néoadjuvante en termes de sur-
vie est suggérée dans des études récentes, cet avantage n’est pas
documenté en cas d’adénocarcinome sur EBO. Mais s’agit-il de
situations si différentes ?
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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