Ann. Kinésithér., 1985, t. 12, nO 7-8, pp. 343-347
©Masson, Paris, 1985
,
Etirements musculaires globaux *
Notions d'étirement
y. CHATRENET (1), J.-P. SAGNIEZ (2), F. NOCERA (2)
(1) MCMK, (2) MK, Centre de Rééducation Fonctionnelle, F74790 Sancellemoz.
MÉMOIRE
t
Introduction
La rééducation musculaire gymnique connaît
depuis quelques années un nouveau courant de
pensée basé sur la prise en considération globale
du corps et sur la nécessité de lutter contre le
raccourcissement de certaines chaînes
musculaires.
F. Mezières, P.E. Souchard, G. Struyff Denis
en particulier sont àl'origine de techniques
ayant fait preuve de leur efficacité.
Ces techniques revêtent l'humilité de leurs
indications et laissent place dans l'arsenal
gymnique aux techniques antérieurement utili-
sées, mais toujours avec la même rigueur
d'indication.
Globalité anatomique - Raccourcissement
La globalité anatomique musculaire du rachis
déborde largement du cadre habituel qui lui est
attribué.
En effet,les muscles polyarticulaires engrenés
les uns aux autres constituent dans le plan
frontal une chaîne musculaire postérieure aux
limites extrêmes.
Cette globalité ne se limite pas au plan frontal,
puisque une vue antéro-postérieure fait apparaî-
tre la liaison avec le plan antérieur (fig. 1).
Ces chaînes musculaires, sur le plan physiolo-
gique, sont àdominante statique.
*2e journée de Rééducation-Sancellemoz, plateau d'Assy.
Tirés à part: Y. CHATRENET, à J'adresse ci-dessus.
Sur le plan histologique, le plan postérieur du
dos, malgré une couche superficielle charnue,
présente des couches profondes très fibreuses
témoins de cette adaptation àla physiologie (5).
Sans cesse sollicitées lors de la station érigée,
certaines chaînes musculaires évoluent vers un
raccourcissement.
Ce raccourcissement, primaire ou secondaire
àune affection ostéo-articulaire, peut être à
l'origine d'algies diverses.
Étirement
L'étirement d'un système que nous pourrions
appeler neuro-fibro-musculaire fait intervenir
deux aspects :
AI Aspect neuro-physiologique.
BI Aspect mécanique.
ASPECT NEURO-PHYSIOLOGIQUE
(relâchement tonique)
Il s'agit du premier temps absolument indis-
pensable pour pouvoir envisager le second.
Il est évident que le placement en position
longue d'une chaîne musculaire nécessite la
décharge tonique (hyper-tonique) caractéristi-
que de l'adaptation en raccourcissement de
l'unité contractile de la chaîne musculaire à
étirer.
Les postures étant actives, maintenues par
l'activité des chaînes musculaires antagonistes,
l'innervation réciproque ou inhibition récipro-
que participe au relâchement recherché. La
344 Ann. Kinésithér., 1985, t. 12, n° 7-8
FIG. 1. - (modifié d'après Kapandji).
complexité du fonctionnement neuro-anatomo-
physiologique du tonus nous oblige à limiter ce
chapitre pour n'en retenir que l'aspect pragma-
tique.
Le relâchement tonique est une étape indis-
pensable au passage à la seconde qu'est l'aspect
mécanique.
La transition èt l'interaction de ces deux
aspects sont d'autant plus évidentes si l'on
envisage la loi d'étirement hypertrophique du
tendon telle qu'elle est décrite par Frost (2).
Les forces musculaires répétitives produisent
des étirements répétitifs des tendons, stimulant
les fibroblastes qui produisent du collagène
nouveau. Celui-ci augmente la section tendi-
neuse et diminue l'étirement tendineux pour
aboutir àune augmentation de la raideur
tendineuse.
ASPECT MÉCANIQUE
Face àce raccourcissement, nécessité est donc
d'obtenir une déformation.
La courbe contrainte - déformation qUI
Contrainte
Déf'ormatioa
FIG. 2. - 1 - Phase élastique; 2 - Phase plastique; 3 - Phase
de rupture.
exprime la réponse d'un matériau à des sollicita-
tions dont l'intensité est croissante fait apparaî-
tre trois phases de déformation (fig. 2).
Il est évident, dans la problématique qui est
la nôtre, que la phase élastique ne présente aucun
intérêt et seule la phase de déformation plastique
est àretenir.
Cette déformation plastique peut prendre
deux aspects. En effet, si la contrainte est
maintenue constamment, nous pouvons obtenir
une déformation constante ou une déformation
variable dans le temps, qui prend le nom de
fluage (fluage : déformation plastique varia-
ble) (1) (10).
La déformation du système musculo-tendi-
neux est relative àcette notion de fluage. Tout
le monde sait qu'il est possible d'obtenir par
diverses méthodes d'étirement un allongement
des ischio-jambiers (donc déformation plasti-
que) ; par contre, ce gain d'extensibilité n'est pas
durable (déformation plastique variable).
L'expression de la déformation de type fluage
est proportionnelle àla force appliquée, au
temps d'application et inversement proportion-
nelle au module de Young.
Fluage au sein d'une chaîne musculaire
Imaginons un modèle de chaîne musculaire
représenté par trois muscles de raideur diffé-
rente, dont le muscle central est inaccessible.
1
1
1
MODELE DE HILL
FIG. 3. - C - Composante contractile •.ES -Éléments Élasti-
ques Séries •. EP -Éléments Élastiques Parallèles.
La sollicitation en étirement ne peut se faire
qu'aux extrémités de la chaîne. Il est possible
de tirer deux conclusions :
- Pour faire fluer les muscles les plus raides
situés au milieu de la chaîne, il est nécessaire
de solliciter chaque muscle au niveau de son
étirement maximal. Ceci implique que les pos-
tures devront être exercées avec une tension
suffisante et souvent importante.
- Par application de la loi du fluage, les
muscles les plus raides flueront les premiers
(Souchard).
Fluage au sein du muscle rétracté
Rappel du modèle de Hill (fig. 3).
1) Éléments Élastiques Parallèles (E.E.P.)
La compliance ou extensibilité (variation de
longueur proportionnellement àla variation de
la charge: L/P) beaucoup plus élevéedes E.E.P.
les rend plus adaptés àun étirement passif (4)
(pour le rachis : auto-étirements passifs réalisés
par le poids du corps ou un membre).
Les E.E.P. seront donc les premiers sollicités
lorsque la rétraction concerne les fascias.
2) Composante contractile
a) Étude expérimentale animale :L'étude
expérimentale animale montre clairement que
la mise en position de raccourcissement du
muscle entraîne un ajustement dans le sens de
la diminution du nombre de sarcomères (3) (12).
parallèle avec la courbe passive due aux
éléments élastiques montre qu'il y a également
diminution de longueur du tissu conjonctif
parallèle soit dans une modification de l'épais-
seur, soit dans la nature de celui-ci.
En ce qui concerne l'allongement, une aug-
mentation des sarcomères est possible à partir
Ann. Kinésithér., 1985, t. 12, nO 7-8 345
de 4 semaines d'immobilisation stricte ou 12
heures par jour.
b) Étude histologique humaine: L'étude chez
des humains (enfants présentant des rétractions
dues àdes attitudes vicieuses avec une régulation
trophique normale) montre également une ré-
ponse en diminution du nombre de sarcomères
sans doute témoin d'une brièveté anormale des
E.E.P., les muscles adaptant leur longueur aux
contractions permanentes (12).
Face à cette diminution du nombre de
sarcomères due à cette mise en raccourcissement
du plan musculaire postérieur, le phénomène de
réversibilité est àconsidérer avec une profonde
hésitation. Les phénomènes de réversibilité
rencontrés dans la littérature font suite unique-
ment à des immobilisations en position de
raccourcissement de courte durée.
Une autre donnée corroborant la raideur de
ce plan musculaire est apportée par Wells qui
a montré que les muscles riches en fibres S.T.
avaient un coefficient de raideur beaucoup plus
élevé que les muscles riches en fibres F.T. (4).
On ne peut avoir qu'une attitude circonspecte
concernant le gain de récupération de longueur
àpartir de la composante contractile sur des
postures gymniques.
3) Les Éléments Élastiques Séries (E.E.S.)
Représentés par les interactions actine-myo-
sine, les filaments unitifs des myofibrilles, les
jonctions myotendineuses et les tendons, ces
éléments constituent donc, sur les raccourcisse-
ments de faible degré ne concernant que très peu
les E.E.P., la principale source d'allongement
espéré.
Le principal espoir de fluage du muscle
rétracté réside en fait dans la réorganisation des
fibres tendineuses.
ORGANISATION DU TENDON (9)
Le tendon est formé par un gel polypeptidique
dans lequel baignent certains éléments dont le
plus important est le collagène (75 %) (l'élastine
ne représentant que 2 %).
Chaque unité de collagène est formée par une
tresse de 3brins d'acides aminés disposés de
façon hélicoïdale.
Les mollécules de collagène se regroupent
346 Ann. Kinésith ér., 1985, t. 12, nO 7-8
E.E.S.
E.E.S E.E.S.
c.c c.c
c,c
BAc
FIG. 4. - A-Modèle musculaire au repos; B -Étirement du modèle musculaire sans contraction;
C - Étirement du modèle musculaire avec contraction de la composante contractile (CC) :étirement des éléments élastiques séries.
pour former des micro-fibrilles, sub-fibrilles,
fibrilles, faisceaux de fibrilles et enfin tendons.
Le faible taux d'élastine rencontré (2 %) laisse
àpenser que l'organisation spiralée est àla base
des phénomènes de rétraction-déformation.
La déformation du tendon sous forme de
réorganisation des fibres permet un étirement de
l'ordre de 8 à9%avec une déformation
résiduelle de 3 % environ.
Trois hypothèses sont avancées quant à
l'étirement obtenu:
1 Rectitudes des ondulations de surface des
fibrilles (Elliot 1975).
2 Glissement des molécules de collagène dans
le gel proteo-glycane de la matrice sous le
contrôle des fibres d'élastine réparties entre les
fibres de collagène (Lanir 1978).
3 Mise en rectitude des chaînes alpha consti-
tutives des molécules de collagène correspon-
dant àun serrage de la tresse.
Nous pensons donc que le gain obtenu par
les postures se situe essentiellement au niveau
de la réorganisation des fibres tendineuses et au
niveau de la récupération du raccourcissement
des E.E.P. lorsque la rétraction est importante.
Étirement actif
Le terme étirement actif a une double significa-
tion; en effet, cette activité est celle des anta-
gonistes et des agonistes.
Activité antagoniste
Le kinésithérapeute intervient physiquement
a minima lors des postures musculaires globales.
La posture est donc maintenue par la stimula-
tion musculaire antagoniste; le patient réalise
lui-même la mise en tension àl'aide de sa propre
activité motrice.
Il faut voir dans cette activité, par rapport
à une force passive extérieure, la réalisation d'un
autre but concomittant àl'étirement qui est
l'éducation proprioceptive. En effet, le patient
doit conjointement àson étirement prendre
conscience de celui-ci et établir un nouveau
référentiel postural sur lequel s'élabore le
schéma corporel. Seule, l'activité motrice est
capable de réorganiser le schéma corporel (7).
La notion de posture active constitue un
élément important quant àla justification de
l'étirement actif.
Activité agoniste
Sur un-modèle mécanique schématique consti-
tué par deux leviers osseux articulés sur lesquels
s'insère un modèle musculaire en série, il
apparaît clairement que l'ouverture des leviers
osseux sans contraction de la composante
contractile n'entraîne aucune sollicitation des
E.E.S. Seule, la contraction de cette composante
contractile permettra de solliciter les E.E.S.
.(fig. 4).
Une contraction agoniste de la chaîne mus-
culaire à étirer en position d'allongement permet
la sollicitation des E.E.S.
La co-contraction nécessite fréquemment une
opposition àla contraction agoniste en position
d'étirement.
Références
1. BORG! R. - La notion de «fluage » : notion mécanique
et application aux tissus biologiques. Ann. Kinésither., 1981,
8, 195-200
2. FROST H.M. - Orthopaedic Biomechanics, Vol. V - Charles
C. Thomas, Springfield, 1973.
Ann. Kinésithér., 1985, t. 12, 7-8 347
3. GOSMAN M.R., SAHRMANN S.A., RosE S.J. - Review of
length-associated changes in muscle. Phys Ther, 1982, 62,
1799-1807.
4. GOUBEL F., VAN HOECKE J. - Biomécanique et geste
sportif. Cinésiologie, 1982, 41-51
5. LABORATOIRESSANDOZ. - Planches anatomiques. Muscles
du dos, couche superficielle, couches profondes.
6. LE DERFF H. - Contribution àl'étude de la méthode de
kinésithérapie de Mlle Mézières et comparaison avec la
thérapie bio-énergétique du Dr A. Lowen. A.MLK., 1980.
7. PIEULHET G. - Une approche du concept de schéma
corporel àtravers la littérature neuro-psycho-physiologique.
Mémoire MCMK, Bois Larris, 1983.
8. PIRET S., BEZIERS M.M. - La coordination motrice. Aspect
mécanique de l'organisation psycho-motrice de l'homme.
Masson, Paris, 1971.
9. SEYRES Ph. - Biomécanique et physiologie tendineuse au
service de la fonction. ln 7ejournée de rééducation -Tendons
et rééducation, Bordeaux, 1984, 6-18.
10. SOUCHARDP.E. - Méthode Mézières, Maloine, Paris, 1979.
11. SOUCHARD P.E. - Le Champ Clos, Maloine, Paris, 1981.
12. TARDIEU G., TABARY J.C., TARDIEU C., TABARY C.,
GAGNARD L., LOMBARD M. - L'ajustement du nombre de
sarcomères de la fibre musculaire àla longueur qui lui est
imposée. Rev. Neurol., 1973, 129, 21-42.
PROMO PLASTIQUES
Département D. SCHAFFNER
FOURNITURES ORTHOPÉDIQUES ET PARAMÉDICALES
VELCRO - VERPLEX - POLYSAR - ORFIT
et toutes matières plastiques et accessoires permettant la réalisation aisée
d'appareils ou d'immobilisations légères
Documentation complète et échantillons sur demande à :
PROMOPLASTIQUES, Département D. Schaffner, 15, cité Voltaire, 75011 Paris
Tél. : (1) 371.71.80 +
1 / 5 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !