« Effets physiologiques de l’étirement sur le muscle »
Muriel Bourdin, Laboratoire de Biomécanique et Mécanique des Chocs (UMR_T 9406), Université
Lyon 1, IFSTTAR
Les étirements sont pratiqués dans l’objectif d’améliorer la flexibilité c’est à dire l’amplitude de
mouvement d’un segment autour d’une articulation ou d’un groupe d’articulations. La flexibilité
dépend de la structure anatomique des articulations et des propriétés mécaniques des muscles
responsables du mouvement du segment. Une flexibilité adaptée permet la rigidité et la stabilité des
articulations tout en assurant une mobilité optimale des segments. La modification de la flexibilité
est liée à la nature plastique du muscle qui va s’adapter en permanence au type de sollicitation.
Le muscle est un organe essentiellement constitué de cellules musculaires contenant des myofibrilles
(filaments constitués de différentes protéines, actine et myosine, et permettant la contraction
musculaire) enveloppées dans différents types de tissu conjonctif et reliées aux os du squelette grâce
à une structure conjonctive : le tendon. Le muscle est un organe extensible et élastique, démontrant
un comportement viscoélastique. Un étirement sollicite chacune des structures du muscle : les
myofibrilles, les différentes enveloppes conjonctives et les tendons. Chacune de ces structures va
s’adapter en fonction de l’intensité et de la durée de l’étirement.
L’analyse de la littérature, concernant le sujet non pathologique, démontre que l’amélioration de la
flexibilité lors d’un étirement isolé est liée à une diminution de la viscosité du muscle. Cette
modification de la viscosité est transitoire.
Différentes hypothèses ont été proposées pour expliquer l’augmentation de l’amplitude articulaire
consécutive à des étirements chroniques. L’amélioration de l’amplitude articulaire pourrait être liée
soit à la relaxation musculaire (diminution de la stimulation par le système nerveux), soit à la
déformation plastique du tissu conjonctif musculaire. Enfin la dernière hypothèse, la plus plausible,
concerne l’allongement de la fibre musculaire. Comme le montre la figure 1, l’étirement chronique
permettrait l’allongement des myofibrilles par ajout de sarcomères en série. Cet allongement des
myofibrilles aura pour conséquence un allongement global du muscle qui se traduira par une
augmentation de l’amplitude articulaire. Ces différentes hypothèses ont été analysées dans une revue
de question [1]. L’analyse de la littérature par ces auteurs démontre que l’étirement chronique d’une
durée inférieure à 1 min à moyen terme (3 à 8 semaines) ne permet pas de valider ces hypothèses.
L’amélioration de l’amplitude articulaire observée serait liée à une augmentation du seuil de douleur
à l’étirement. Il a également été démontré que l’étirement chronique sur une durée de 6 à 24 mois
permettait d’améliorer l’élasticité des fascias [2].
A ce jour et à notre connaissance, une seule étude a démontré un allongement des fibres musculaires
consécutive à un programme d’étirement chez l’homme [3]. Dans cette étude, les fléchisseurs du
pied étaient étirés passivement pendant 10 min, 5 jours par semaine pendant 6 semaines. En
conclusion, l’adaptation du muscle est liée à sa fonction et cette adaptation est dose dépendante. Les
fibres musculaires possèdent la longueur nécessaire à leur activité habituelle. Si un muscle (ou un
groupe musculaire) est sollicité en étirement de façon chronique et sur une durée suffisante les fibres
musculaires seront allongées par ajout de sarcomères en série. Par contre, cette adaptation est
réversible. L’arrêt de la sollicitation, ou l’utilisation d’un segment ou d’une articulation dans une
amplitude réduite aura pour conséquence une diminution de longueur de la fibre musculaire et une
diminution de l’amplitude articulaire.